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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.14.B Découvrez la puissance de l'approche systémique (Solutions du cas)


1. La tentation psychologisante

La première réaction qui vient à l'esprit, la plupart du temps, à propos de cas, est de faire intervenir un psychologue du travail, pour mener des entretiens entre les deux ouvrières concernées. Cette approche relève d'une vision simpliste du problème.

Dans ce scénario, il s'agit d'écouter séparément les protagonistes puis, de les inviter à un entretien de conciliation en commençant à mettre en évidence les points positifs qui ont structurés leur relation jusqu'à présent et enfin d'essayer de trouver des points d'accords. Cette approche ne devrait pas donner sur la durée des résultats satisfaisants. Elle risque de relever d'une sorte de moralisation de type " aimez-vous les uns, les autres ".

L'approche système, développée par l'Ecole de Palo Alto, en particuliers (Watzlawick) considère que les acteurs en souffrance sont les " patients désignés " par le système. Si une intervention à leur niveau est nécessaire, elle ne serait pas suffisante. Tout au plus constituerait elle un changement de niveau 1 ; c'est-à-dire une sorte de réaménagement ponctuel de leur relation sans changer le cadre de référence.

Or, selon l'approche système, c'est précisément lui qui est en question dans les symptômes " joués " par les acteurs. A leur insu, les acteurs ne parlent pas seulement d'eux mêmes mais du déséquilibre du système.

Selon Wtazlawick, le changement de niveau 1 consiste à aménager l'existant sans vraiment remettre en cause le cadre de référence. C'est parfois suffisant mais dans ce cas, le problème est trop profond et le conflit entre les 2 protagonistes trop aigu.

2. S'appuyer sur la pensée systémique

Parmi les nombreux auteurs qui ont contribué à la conception de l'approche systémique, on peut citer Joël de Rosnay et Edgar Morin.

Joël de Rosnay nous propose de ne pas en rester à l'approche analytique qui, sépare les éléments les uns des autres, comme le fait la pensée analytique classique, qu'il représente par un microscope. Il nous invite à situer les éléments étudiés dans un ensemble panoramique et à adopter " un macroscope ". Plutôt que de regarder le problème, il est plus judicieux de voir, selon lui, l'environnement du problème. Appliqué à la thérapie systémique familiale, on estimera, aussi important, d'explorer les compétences organisationnelles de la famille que la problématique du sujet porteur du symptôme, qui parle au nom du groupe.

Edgar Morin, autant philosophe que sociologue, confirme cette hypothèse en affirmant " que l'intelligibilité du système doit être trouvée non seulement dans le système lui-même mais dans sa relation avec l'environnement ". (Morin, 2005 : 31). Pour lui un système ne peut être compris qu'en le situant dans un environnement.

Dans les deux volumes de " La méthode ", il définit assez clairement le système de représentations que nous avons, jusqu'à présent privilégié : il s'agit du paradigme analytique qui repose sur au moins 3 principes :
- La disjonction (séparer les éléments entre eux et les séparer de l'ensemble qui les contient).
- La réduction en cherchant à simplifier.
- L'unidimensionnalité.

Ce paradigme est à l'évidence inadapté pour comprendre la complexité du monde et les incertitudes liées à l'imprévisibilité des événements. Au lieu d'un paradigme qui disjoint et réduit, il faut au contraire s'appuyer sur un paradigme qui permet de " distinguer sans disjoindre, d'associer sans identifier ou réduire " (Morin, 2005:23).

Edgar Morin nous donne une définition éclairante de la notion de paradigme. " Un paradigme est un type de relation logique (inclusion, conjonction, disjonction, exclusion) entre un certain nombre de catégories maîtresses. Un paradigme privilégie certaines relations logiques au détriment d'autres et, c'est pour cela, qu'un paradigme contrôle la logique du discours. Le paradigme est une façon de contrôler à la fois la logique et la sémantique ". (Morin, 2005 :147). Dans un autre ouvrage il a une formule encore plus percutante en disant : " Un paradigme prescrit et proscrit ".

3. Les comportements des acteurs sont des signes signifiants

L'agressivité des ouvrières peut être interprétée comme un signe d'obsolescence du système. Si on se réfère à la nouvelle réalité de l'environnement, que se passe-t-il ? Le marché évolue vers la personnalisation et les petites séries. Les clients finaux, et par conséquent, les prescripteurs, veulent des parapluies adaptés à leur goût. L'un veut un parapluie vert, l'autre un parapluie jaune, enfin un autre un parapluie rouge. L'un le veut avec une anse en bois, l'autre en métal, etc... Or, que constatons-nous ? L'atelier est encore organisé pour les grandes séries et pire les ouvrières concernées sont payées au rendement. Il y a, à l'évidence, discordance entre la réalité du marché et l'organisation actuelle de la production.

Le fait de payer les ouvrières au rendement constitue une " injonction contradictoire ". C'est l'exemple typique de ce que les psychiatres appellent un " double bind " qui consiste à demander quelque chose et son contraire. Comment, en effet, maintenir un rendement quand il s'agit de fabriquer des petites séries de qualité ? Non seulement avec ce type de rémunération, les ouvrières ne parviendront jamais à maintenir leur rémunération, puisque nous ne sommes plus dans des stratégies de volume, mais en plus, elles sont placées dans l'impossible. Or, c'est précisément ce qui rend fou, ce qui fait perdre la raison.

L'organisation actuelle est donc pathologique et place les acteurs dans une situation incohérence, qui ne peut que générer colère et frustration. Le conflit des ouvrières parle en fait de l'obsolescence du système. Jouer les réducteurs de conflits, entre les personnes, ne changera pas grand chose. Il faut changer l'organisation du Travail. C'est pourquoi nous l’ avons classé dans le niveau 2.

4. Solution du cas

Au lieu de conserver une organisation du travail faite pour les grandes séries, il conviendrait de faire 2 ou 3 ateliers semi-autonomes pour fabriquer des petites séries.

Par ailleurs, au lieu de payer les ouvrières au rendement, il serait préférable de les payer à partir de critères-qualité bien définis. Nous ne sommes plus dans les volumes mais une demande qualitative de la part du marché.

De façon plus générale, ce cas interroge la stratégie du dirigeant. Il doit se demander aujourd'hui comment créer sa valeur ajoutée. Visiblement ce n'est plus avec le volume qu'il peut le faire.

On pourrait l'inviter à se recentrer sur une activité à plus forte Valeur Ajoutée comme fabriquer des parapluies publicitaires (dans le cas d'une diversification de marché). On pourrait aussi imaginer transférer les compétences) vers d'autres produits ou secteurs comme les cerfs-volants ou mieux, les montgolfières. Au pire, il pourrait, peut être, renoncer à fabriquer et devenir uniquement négociant en parapluie auprès des grandes surface comme l'envisage un de ses concurrents.

On s'aperçoit, à la lumière de ce cas, que la subjectivité des salariés est un paramètre à prendre en compte. Lorsque la souffrance est trop grande, elle a un sens. Elle indique qu'il est urgent de faire du changement.

5. Névrose organisationnelle et névrose managériale vont souvent ensemble

Pour la petite histoire, il faut savoir que cette entreprise existait depuis 120 ans. Le dirigeant actuel appartenait à la 3° génération. Elle était dirigée d'une main de fer par son père qui l'avait considérablement développée, puisque la société atteignait un chiffre d'affaires de plus de 5 millions d'Euros. Mais le marché n'était pas le même. Le parapluie, non seulement, était à la mode mais c'était un signe distinctif sur le plan social. L'entreprise fabriquait des grandes séries et les grandes surfaces étaient encore peu développées. Il semble que l'entreprise soit restée figée à cette époque glorieuse, comme si le fils n'osait pas remettre en cause ce que le père avait construit. Il fallait, en fait, faire une rupture radicale : changer le mode de production pour passer en petites séries, diversifier le portefeuille d'activités stratégiques et ouvrir de nouveaux marchés. Cela passait par " rompre avec le père ". Le dirigeant était dans cette intention au niveau du discours mais ne parvenait à prendre les décisions qui s'imposaient.

Ce n'est qu'avec le temps que cette analyse) a pu se faire. Si nous avions pu le faire avant, aujourd'hui l'entreprise serait encore en vie. Mais dans les années 1995, il n'était pas de bon ton de s'appuyer sur une approche clinique du management. Très vite l'entreprise s'est trouvée en difficulté, face à l'invasion non régulée des parapluies chinois, dont le coût de fabrication revenaient à 2 euros contre 11 Euros dans l'atelier de fabrication française. Un proche concurrent, qui avait renoncé à la fabrication de parapluies en France, a racheté une partie de l'entreprise pour accroître son capital client et acquérir un savoir faire qu'elle avait perdu. Mais, cette entreprise avait fait depuis déjà quelques années le virage. La décision avait été prise de cesser de faire de la fabrication pour devenir une entreprise de négoce, à part entière.

Changer de vocation (passer de la fabrication au négoce) est un changement selon Wtalawick de niveau 2 car on quitte l'ancien cadre de référence. Karl Popper parlerait à ce sujet d'une " rupture paradigmatique ". C'est sans doute une décision des plus audacieuses et donc des plus difficiles qu'un dirigeant puisse prendre dans la gestion stratégique de son entreprise. C'est pour cette raison qu'il est important de sécuriser cette décision en recherchant de l'information. Ce qui demande au dirigeant, une certaine distance. Cette distance, on l'acquiert en générale après coup..... Mais il est trop tard.

L'approche système peut constituer une aide conceptuelle et méthodologique précieuse pour les managers d'aujourd’hui, dans la mesure où, elle permet d'ouvrir la vision du dirigeant dans le temps et l'espace, autrement dit, d'être vigilant sur deux questions fondamentales : comment évoluent nos marchés ? Que voulons-nous devenir plus tard ?

L'approche systémique n'exclut pas l'approche analytique qui permet d'avoir une certaine conscience de ce qui se passe ici et maintenant. L'idéal est de pouvoir concilier les deux de façon simultanée : le microscope et le macroscope.

Un triste exemple de double bind


Bibliographie




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