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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)


Introduction

Nous nous efforcerons dans cet article de décrire les 3 instances qui ont constitué la deuxieme topique proposée par Freud pour expliquer la complexité du psychisme humain. Cette typologie présente un double intérêt : celui de permettre non seulement de comprendre le fonctionnement des individus mais aussi celui des organisations. Toute organisation comme tout individu est traversé par le Désir, le Réel (Le Moi), et les Règles (Surmoi). Pour faciliter l'appropriation par le lecteur de ces concepts, l'auteur s'appuyera dans la deuxième partie de l'article, sur les concepts et les outils de l'Analyse transactionnelle fondée par Eric Berne.

Freud a décrit le psychisme comme la dynamique en jeu entre trois " parties " de la personnalité : Le ça (id)), le moi (ego) et le surmoi.

1. Le " Ca " (id)

Le " ça ") représente les besoins et pulsion humaine fondamentale) (libido et agressivité domination). Le " ça " ne connaît pas la logique et raison. Il ne connaît ni le temps ni les valeurs. Il ne recherche que la détente. Le " ça " fonctionne d'après le principe du plaisir (éviter la douleur et atteindre le plaisir). C'est le processus primaire de la pensée : rêve, hallucinations, satisfaction d'un désir, l'objet désiré apparaîssant sous forme onirique ou hallucinatoire. Ainsi on peut rêver, lorsque l'on a soif, que l'on boit à une fontaine. Les hallucinations au sujet de l'eau et de la nourriture que l'on retrouve dans les récits de naufragés sont un autre exemple de ce phénomène. Paradoxalement, on peut dire que la satisfaction du désir est la seule réalité que le " ça " reconnaisse.

Cependant, pour véritablement résoudre le problème de l'approvisionnement en eau et en nourriture, des processus de pensée plus sophistiqués fondés sur le test de la réalité (processus secondaire de pensée) sont nécessaires.
Le cerveau " reptilien " à l'arrière du crâne (le plus archaïque) ne suffit plus. Le néo-cortex frontal, l'hippocampe) (mémoire, représentations etc...) doivent être utilisés

2. Le Moi (ego)

C'est le moi qui entretient des rapports avec la réalité. Le moi agit comme médiateur entre le monde intérieur et le monde extérieur. Il fonctionne selon le principe de réalité et utilise les processus secondaires de la pensée. La gratification immédiate est retardée, recanalisée et ne survient que si certaines conditions de l'environnement sont réunies.

Prenons un exemple très simple, dans une situation de travail : combien de fois un contremaître ayant à faire face à des exigences contradictoires réprimera-t-il son impulsion à exprimer sa colère à l'égard des supérieurs parce qu'il est conscient des conséquences d'un tel emportement ?
Le principe de réalité qui oblige au contrôle de soi ne va pas sans inconvénients.

Si l'on peut plus ou moins maîtriser son comportement, on ne contrôle pas l'émotion et ses répercussions physiologiques (accélération de la fréquence cardiaque, sécrétions hormonales : adrénaline, cortisol, tensions musculaires, etc...)
Ce gestionnaire, typiquement pris entre deux feux, enfermé dans des conflits de rôles et de valeurs, est souvent décrit dans la littérature psychosomatique comme enclin à faire des ulcères ou à souffrir plus tard de problèmes cardio-vasculaires, etc...)

Les processus du Moi englobent des fonctions telles le contrôle moteur, la cognition et la perception sensorielle.

Le Moi a une tâche exécutive car il sert de médiateur entre les demandes du " Ca " et celles du monde extérieur. Les impulsions qui sont issues du " Ca " sont contrôlées et utilisées de façon constructive.

Pour citer Freud (1932) :

" La relation du Moi avec le " Ca " peut être comparée à celle du cavalier sur sa monture. Le cheval fournit l'énergie nécessaire à la locomotion, le cavalier a le privilège de désigner le but à atteindre et de guider les mouvements du puissant animal. Toutefois en ce qui concerne le Moi et le " Ca ", le rapport est loin d'être toujours idéal et il arrive trop souvent que le cavalier soit obligé de se rendre là où il plaît à son cheval de le mener ". (p.77 v.a) (p.103 v.f).

A mesure qu'on s'est rallié davantage à la psychologie du Moi, laquelle met l'accent sur l'ampleur du fonctionnement autonome du Moi (Hartmann, 1958), ce dernier est apparu comme étant plus fort qu'on l'avait supposé à l'origine.

3. Le Surmoi (superego)

Le troisième système de la personnalité est le Surmoi. Le Surmoi résulte de la socialisation dans la famille puis dans l'école et la société. Les parents et les enseignants transmettent valeurs, interdits et croyance à l'enfant, un sens du bien et du mal qui déterminera ses comportements dans la vie. Il n'est pas surprenant que le surmoi joue un rôle important dans la genèse des religions et soit renforcé par elles. Des sentiments de culpabilité inexplicables tirent leur origine du surmoi, indiquant que des standards passés inchangés continuent d'exister au cours de la vie adulte alors que les standards actuels sont très différents. Cette socialisation se fait par identification avec les figures parentales et autres éducateurs, c'est ainsi que se développe le Surmoi. On peut facilement observer l'imitation et l'identification dans les jeux de l'enfant.

3.1 Les deux facettes du Surmoi

On distingue dans le Surmoi deux facettes :
1- Les interdits / Les impératifs (" divers " dans la littérature anglo-saxone) : " Tu dois être fort, indépendant "
2- Le Moi idéal : les modèles parentaux que nous avons intériorisés par identification et auxquels nous essayons de ressembler.

Il n'y a pas que le Surmoi qui fait naître la culpabilité chez l'individu. Le Moi idéal peut avoir le même effet. [Le Moi idéal url:http://www.aidepsy.be/moi_ideal explique le lien mystérieux qui existe entre le leader et celui ou ceux qu'il influence

3.2 Les situations de groupe

Dans les situations de groupe, le leader devient le Moi idéal de ceux qui le suivent, remplaçant ainsi leur propre Moi idéal. A partir de ce moment, les membres du groupe s'identifient au leader et s'identifient les uns aux autres, ce processus les amenant à créer des liens entre-eux. Malheureusement, il arrive dans de telles situations qu'il y ait abdication de la responsabilité individuelle et que le processus devienne alors régressif et entraîne une fusion de la conscience du leader et de la conscience de ceux qu'il influence. Cela eut créer une ambiance où le monde se partage en " bons " et en " mauvais " et conduire à la recherche d'un ennemi, d'un bouc-émissaire ou autres phénomènes semblables. Viennent à l'esprit parmi de l'histoire récente des leaders comme Khomeini, Khadafi et Amin.

4. L'Analyse Transactionnelle

Dans les années 70-80, importée des USA, l'analyse transactionnelle a popularisé une version simplifiée et très pédagogique de ces concepts. Inventée aux USA par Eric Berne, elle est une simplification pédagogique de ce que nous venons de voir.

Les 3 principaux états du Moi

Dans ce schéma, Eric Berne montre que le Moi de l'individu est structuré autour de 3 formes principales. L'état du Moi " Parent ", appelé " exteropsyché " , correspondant à l'intégration des normes sociales à l'intérieur du psychisme tandis que l'état du Moi Adulte, ou " néopsyché " est associé à la capacité d'analyser avec objectivité le réel et l'état du Moi " Enfant " (" archeopsyche ") renvoie à la vie émotionelle de l'individu. Le Moi adulte qui est normalement " aux commandes " peut être " contaminé ", temporairement remplacé par " les parents " (Surmoi) ou " l'enfant " (" Ca "). Nous avons périodiquement besoin de nous " lâcher ", de faire les fous et " laisser la main " à notre enfant. Une description détaillée des Etats du Moi a déjà été réalisée dans l'article " Le Moi dans tous ses états "
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Les deux facettes du Parent

Le Parent Critique ou Normatif correspond au Surmoi ; le Parent Nourricier renvoie au Surmoi.
2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)

Le Parent Nourricier exclusif

Il arrive parfois que les personnes pour des raisons liées à leur histoire personnelle privilégient un état du Moi au détriment d'un autre. Le Parent Nourricier exclusif explique la tendance à tout pardonner ; le Parent Normatif exclusif alimentera en permanence la tendance à émettre des jugements de valeur sur autrui.
2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)

L'Adulte exclusif

L'Adulte exclusif donnera une personne hyperrationnelle analysant sans état d'âme les situations ; l'Enfant exclusif enfermera l'individu dans une certaine immaturité.
2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)

Les 3 facettes de l'Enfant

Eric Berne met en évidence 3 manières de vivre " l'Enfant qui souterrainement n'a jamais cessé d'exister au fond de nous " (D. Vasse) :

- L'Enfant Spontané ou Enfant libre qui permet une expression libre des émotions
- L'Enfant Adapté rend possible l'acceptation des contraintes et des règles
- L'Enfant Rebelle autorise la contestation des systèmes
2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)

La grille des transactions interpersonnelles : un outil pour mieux comprendre l'ambigüité de la relation managériale

L'Analyse Transactionnelle va plus loin en se centrant sur le relationnel entre la personne et les autres. Elle est particulièrement intéressante pour explorer les relations de travail, surtout si celles-ci sont difficiles. Si on prend l'exemple de la relation managériale, les échanges transactionnels devraient être d'adulte à adulte comme l'indique la figure 1.

Mais les choses ne sont pas si simples car selon le vécu du manager ou du collaborateur vis-à-vis de l'autorité, la relation peut-être troublée par la réactivation du transfert. Le transfert est la reproduction dans une situation présente d'émotions et de représentations anciennes ressenties face aux figures parentales. Chaque fois que que nous sommes confrontés à l'autorité, celui est réactivé et peut venir selon son intensité perturber la relation actuelle.

Le transfert peut être réactivée par une attitude autoritaire du manager (Parent Normatif) qui peut-être amplifiée simultanément par une attitude régressive (Enfant adapté) du collaborateur. La transaction alors tissée est profondément immature puisqu'elle se situe sur le mode Parent - Enfant, Enfant - Parent comme l'indique la figure 2.

Nous avons évoqué ici des transactions simples et complémentaires. Mais dans ce cas, elles peuvent être plus compliquées. On parle alors de transactions croisées à double fond avec un niveau formel et un niveau informel (Figure 3). Dans ce modèle, les communiquants mettent en scène un niveau social apparent qui semble relever de la transaction Adulte - Adulte alors qu'en réalité, l'échange informel se fait sur le mode Parent - Enfant / Enfant - Parent.

Il faut une grande maturité personnelle pour maintenir la relation managériale sur le mode Adulte - adulte car elle est structurement ambigüe du fait des rôles sociaux attribués. Le lien hiérarchique réactive par nature les imagos parentaux.
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Les 4 positions de vie

Allant encore plus loin, l'Analyse Transactionnelle définit 4 façons de vivre selon l'estime de soi et le jugement que l'on porte sur les autres à tort ou à raison. Ces positions de vie sont liées à la manière dont on se perçoit et imagine les autres. Elles sont le résultat d'une constructions imaginaires qui se sont opérées généralement dans la petite enfance à partir des interactions qui se sont déroulées entre l'enfant et ses parents. Elles ne sont pas toujours le résultat de la réalité des interactions mais surtout de la façon dont celles-ci ont été percues. On distingue ainsi 4 positions imaginaires :

- Une position de coopération : J'ai une bonne image de moi et une bonne image de vous. Nous pouvons donc collaborer en toute confiance. Sans une bonne estime mutuelle, la confiance n'est pas possible.
- Une position de survalorisation personnelle : J'ai une bonne image de moi mais une mauvaise image de l'autre. Cette position névrotique est souvent une attitude défensive qui peut être en lien avec une carence narcissique. En dévalorisant l'autre, cela permet de maintenir de façon illusoire une bonne image de soi.
- Une position de dévalorisation personnelle : J'ai une mauvaise image de moi et je survalorise l'autre. Cela peut-être lié aussi à une carence narcissique et ou à une idéalisation d'autrui.
- Une position dépressive : J'ai une mauvaise image de moi et de l'autre. Il n'y a plus d'effet d'espérance possible. Cela indique souvent une atteinte dans l'Idéal du Moi.

Il est important de savoir que l'estime de soi ne dépend pas seulement des expériences réelles ou imaginaires de la petite enfance mais aussi de la gestion de sa vie émotionnelle actuelle. Tant que nous parvenons à poser des actes qui nous permettent de résourdre les problèmes auxquels nous sommes confrontés, les émotions se convertissent en actions. Il n'y donc pas de stase émotionnelle donc d'inhibition d'action, source, selon Henri Laborit de toutes les pathologies physiques, psychologiques et sociales. Les situations trop prolongées d'inhibition d'action peut considéralement affaiblir l'estime de soi.
2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)

Conclusion

Notre système psychique est le résultat de combinaisons complexes intégrant les éléments contradictoires qui constituent notre humanité individuelle et sociale : désirs, normes, émotions, rationalisation ; etc.... Ce processus s'opère de façon consciente et inconsciente pour donner naissance à des structures de personnalité qui conditionnent notre perception du monde. Nous explorerons à un autre moment ces différentes combinaisons appelées structure obsessionnelle, paranoïaque, schizoide, hystérique, mégalomaniaque que François Lelord et Christophe André ont contribué à vulgariser.

Présentation de l'auteur

Georges Trépo est Professeur à HEC, au Département Management et Ressources Humaines. Diplômé d'HEC, titulaire d'un MBA en finance de l'université de Chicago et d'un DBA de contrôle de gestion et de psychosociologie de la Harvard Business School, Georges Trepo étudie l'évolution des hommes et des structures ainsi que le développement des organisations et des ressources humaines. Très actif dans ses domaines de prédilection que sont le management et les ressources humaines, il réalise de nombreuses publications et recherches.

Georges Trepo a aussi co-écrit de nombreux ouvrages. Preuve de son expertise, il a été membre du Conseil d'Administration, secrétaire général puis Président de l'Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines (AGRH) entre 1994 et 1998. Il a été responsable de la division " Management Consulting " de l'Académie of management (USA) de 2003 à 2006. Il est aujourd'hui Membre du Comité Editorial de Sciences de Gestion, de la Revue de Gestion des Ressources Humaines et de la Revue Française de Gestion. George Trepo consacre aussi son talent et son expérience à l'organisation de manifestations. Il a entre autre été animateur au prix Manpower de la meilleure thèse de GRH.

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