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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.34 La psychanalyse expliquée concrètement aux managers : (Leçon 3 : L'anxiété et les mécanismes de défense du " Moi ")


1. Les 3 formes principales de l'anxiété

La motivation et le comportement humain dépendent de très nombreuses causes. Lorsque le " Moi ") remplit son rôle de médiateur) entre le monde intérieur et le monde extérieur, l'anxiété lui sert de mécanisme d'alarme. L'anxiété est un sentiment diffus d'inconfort, de danger qui a une signification.

On peut distinguer 3 formes d'anxiété : devant le danger, la peur l'anxiété névrotique et l'anxiété morale. Dans chaque cas, il y a 3 réactions possibles : le combat (fight), la fuite) (flight) ou l'immobilisation, la paralysie

- Le cas le plus fréquent est la peur devant un danger externe (un soldat au front en temps de guerre)

- L'anxiété provoquée par le " Ca ") est dite névrotique et se déclenche devant le danger de perdre le contrôle de ses deux pulsions de se retrouver à la merci de ses besoins et désirs archaïques et de se voir enclin à des comportements pathologiques. Les conséquences d'une telle situation sont graves : on ne peut ignorer la réalité. Dans le cas de la perte de contrôle de ses pulsions, on doit s'attendre à des représailles des autres ou des sanctions de la société.

- L'anxiété morale ou du " Surmoi " est reliée à la conscience de l'individu. Les désirs, fantasmes et impulsions défendus perturbent la conscience (au sens de la moralité) et entraînent de la culpabilité). Là encore, comme pour l'anxiété névrotique, il existe un fondement réel, car l'expérience passée a appris à l'individu que les violations des règles intériorisées entraînent éventuellement une sanction.

2. L'anxiété : un signal avertisseur

Le combat, la fuite ou l'immobilisation peuvent être considérés comme trois réactions réalistes, après évaluation du danger existant. La fatigue du combat ou la névrose de guerre correspond souvent à une combinaison des trois formes d'anxiété. Il y a indéniablement, dans de telles circonstances, un danger réel. Cependant, des signaux avertisseurs supplémentaires peuvent agir, dérivant des conflits internes, et cette tension, cette anxiété peut submerger le " Moi ".

Ainsi, ce qui avait pu être, à un moment donné, un mécanisme efficace, peut devenir dysfonctionnel. La raison d'être de l'anxiété est de servir de signal avertisseur pour inciter l'individu à agir face au danger perçu et à faire appel à ses défenses. Le " Moi ") fait face à l'anxiété, en ayant recours à des mécanismes de défense afin de réduire la tension intrapsychique. Comme nous allons le voir, ces défenses vont fausser l'appréhension correcte de la situation.

3. Les mécanismes de défense

Les mécanismes de défense sont utilisés par le " Moi " pour protéger la personnalité contre le danger perçu, qu'il soit de nature interne ou externe. Bien sûr cette distinction est schématique dans la mesure où la réalité externe de chaque individu lui est en partie spécifique via des représentations personnelles qui donnent sens aux stimuli sensoriels. Bien que schématique, ell est utile et pédagogique. Voilà pourquoi nous l'utilisons. Nous allons présenter les mécanismes de défenses mais ils ne se manifestent habituellement pas seuls mais sont associés à d'autres.

3.1 L'identification :

On a déjà mentionné le rôle de l'identification) comme moyen de réduire la tension en adoptant le comportement de quelqu'un d'autre. Les enfants, dans leur processus de développement, intériorisent des caractéristiques des individus qu'ils admirent et qu'ils prennent comme modèles (Moi idéal). Les représentations de soi qui se forment ainsi vont conduire à un sentiment d'unité avec la personne admirée.
Lorsque le développement est " raisonnablement bon ", l'identification devient de plus en plus réaliste et perd son caractère archaïque. On peut énumérer plusieurs sortes d'identification, soit avec des individus, des institutions, des personnages imaginaires et des idéologies.

La personne qui traverse une période difficile pourra puiser dans l'identification une force importante susceptible de l'aider. Par exemple, dans le cas d'un deuil, on observe souvent ce phénomène lorsque l'individu adopte les caractéristiques de l'être disparu comme les veuves qui adoptent les manies de l'époux défunt. On peut fréquemment retrouver des processus d'identification dans les carrières, inspirés par les parents (Moi Idéal).

Habituellement, il y a identification avec un objet aimé, bien que le contraire puisse se produire comme lorsqu'un individu s'identifie à quelqu'un dont il a peur. Par ce processus d'identification avec l'agresseur, l'individu espère (en tout cas s'imagine) acquérir les caractéristiques de la personne qui est source d'anxiété. Ce processus allie l'acquisition du pouvoir de l'agresseur à une façon de diminuer et de maîtriser l'anxiété émergente. Ce processus comporte une propriété sado-masochiste importante. On y retrouve à la fois le désir d'être soumis au mauvais traitement d'autrui et le désir de se maltraiter soi-même. On rencontre souvent ce type de comportement chez des individus placés en situation de stress extrême comme des détenus de camps de concentration ou des prisonniers. De même, dans les organisations, il n'est pas rare de voir des collaborateurs qui s'identifient, dans leur maniérisme et leur habillement à des supérieurs tyranniques (- ex : Fabius à Miterrand avec F.Mitterand -).

3.2 Le déplacement :

Avec le déplacement), il y a substitution d'une personne, d'une idée ou d'une image. L'objet originel peut être inaccessible à cause de contraintes intrapsychiques (" ce n'est pas correct ") ou de contraintes externes. Par exemple, un dirigeant, à qui son supérieur reproche sa lenteur, se décharge de son hostilité en se mettant en colère contre son épouse. La substitution cependant, ne réduit pas nécessairement la tension. Elle est hélas particulièrement fréquente avec une grande variété de cibles.

3.3 La sublimation :

Alors que le déplacement est par essence défensif, l'énergie des pulsions agressives et libidinales peut se déplacer d'objets interdits vers des activités artistiques ou productives grâce à la sublimation). La sublimation permet un fonctionnement idéal du " Moi ", les besoins intrapsychiques étant satisfaits en accord avec les contraintes de l'environnement. On considère souvent que les activités de jeu de création artistique et même le travail permettent cette sublimation.

3.4 La régression :

La régression) implique en retour en arrière dans les stades de développement de la personnalité. Au cours du processus de maturation, frustration et conflit sont inévitables et créent une oscillation entre mouvements progressifs et régressifs dans le développement. Dans le cas de la frustration sévère, l'individu a tendance à rechercher un " paradis perdu ", à avoir la nostalgie) d'une période antérieure supposément plus heureuse de sa vie et à y régresser.

Dans les cas extrêmes, le processus de croissance et de développement peut être intérrompu et une personne peut demeurer fixée à un stade antérieur. On rencontre couramment des individus présentant des traits de caractère qui sont des vestiges de tels comportements antérieurs. Par exemple, un gestionnaire muté dans un environnement très peu familier peut régresser substituant la dépendance et la passivité au besoin d'agir et de réaliser.

3.5 La répression et le déni :

La répression et le déni sont les mécanismes de défense les plus fréquents avec la projection. Les désirs, impulsions et fantasmes inacceptables, les épisodes douloureux ou très anxiogènes sont barrés de la conscience parce qu'ils sont perçus comme potentiellement dangereux. L'oubli est l'exemple le plus simple que l'on puisse donner du fonctionnement de ce mécanisme. Des sentiments hostiles à l'égard d'un supérieur peuvent être réprimés et sont déplacés vers les subalternes. On peut souvent expliquer des comportements inadéquats par réactivation d'une situation passée (acting out), ex : L'enfant " maltraité " qui devient un chef tyrannique.

Le déni survient quand un individu désavoue ou refuse de reconnaître un aspect non désiré de la réalité extérieure. Dans le milieu des affaires, le dirigeant vieillissant qui refuse d'admettre que ses capacités diminuent, ce qui l'obligerait à planifier sa retraite, est un exemple classique. Ce refus se manifeste par sa répugnance à engager et à former un successeur. Le déni joue un rôle très important chez le menteur invétéré. Bien que le menteur essaie de persuader quelqu'un d'autre de quelque chose qui n'est pas vrai, il peut inconsciemment essayer de se convaincre lui-même parce qu'il ne peut faire face à la réalité qui lui est trop pénible. Le déni des signes avant-coureurs (baisse des ventes et parts des marchés) marquent souvent le début du déclin des affaires. Le déni est la défense N°1 dans les organisations et en particulier pour les cas les plus dramatiques (accident mortel, suicide lié au travail). Si le problème est nié à court terme, il reste souterrain et sa nocivité est bien plus grande que s'il avait été reconnu et confronté.

3.6 La rationalisation :

La rationalisation est un mécanisme très commun visant à justifier ses actions, attitudes, opinions, par des raisons qui semblent logiques. Ce mécanisme de défense permet de donner une explication apparemment raisonnable à un comportement afin d'en déguiser la vraie motivation ou de ne pas voir et reconnaître ses erreurs. Il empêche d'apprendre et de changer.

3.7 La compensation :

L'individu qui se sent faible et/ou inférieur dans un domaine peut tenter de se surpasser dans ce domaine ou un autre. Bien que l'infériorité ressentie peut être réelle ou imaginaire.

3.8 L'évasion :

Lorsque les problèmes auquels l'individu est confronté lui semblent insurmontables, il se réfugie dans le rêve et les fantasmes), phénomène d'évasion. Le mode de pensée magique (les désirs deviennent des réalités pour l'enfant) comme dans les rêves ou l'hallucination est réutilisée dans les situations dramatiques (naufrages etc...) Il n'est pourtant pas étranger aux phénomènes de successions de modes en management. Nous avons aussi connu le " projet d'entreprise ", les " cercles de qualité ", la " qualité totale ", " l'excellence " etc...

On constate dans une entreprise, qu'après une phase de lancement bien médiatisée, la diffusion s'essouffle et, du fait des attentes excessives et irréalistes du départ, la déception est à la mesure des espoirs. L'outil est décrédibilisé (on ne parle plus en 2012 de " management participatif "). Pourquoi cette répétition " d'amourachements " et de " dépits " ? Sans doute des restes du mode de pensée magique du petit enfant, du besoin d'avoir la foi, de croire en quelque chose allant au-delà du commun, du banal et du rationnel.

3.9 La projection :

La projection) est un mécanisme de défense universel que l'on rencontre sans cesse partout. L'individu attribue au monde extérieur un désir inacceptable dont l'origine est en lui. Si on le simplifie, il semble que ce qui est agréable est fait sien et ce qui est pénible est extériorisé et attribué au monde extérieur. Le ressenti " je le déteste " est inversé et devient " il me déteste ". Les dirigeants enclins au mode de fonctionnement paranoïde, où prédominent les idées de persécution et de grandeur. C'est comme si l'absence, relative de limites de la scène sur laquelle de tels individus évoluent, favorisait la transformations des fantasmes en réalité et stimulait le potentiel paranoïde présent en chacun de nous. On peut se rendre compte que l'engagement dans une " cause " et les attaques véhémentes dirigées contre des adversaires ne sont rien d'autre qu'une projection déguisée des distorsions intrapsychiques d'une personne.

3.10 Les formations réactionnelles :

Le mécanisme de formation réactionnelle ou inversion des polarités + ou - des émotions, est étroitement associé au concept d'ambivalence. Les besoins de l'enfant ne peuvent pas être toujours satisfaits dans l'instant. Celui-ci fantasme alors une bonne et une mauvaise mère et il finit par se rendre compte que c'est la même. Comment aimer et haïr en même temps ? La colère est donc réprimée dans l'inconscient pour résoudre la tension de l'ambivalence. L'attitude première à l'égard de l'autre est repoussée dans l'inconscient et une attitude contraire est adoptée.

L'hostilité est inacceptable au " Surmoi " à cause de l'anxiété ressentie à l'égard de son potentiel destructeur et est transformée en affection. Il est ainsi souvent plus délicat de discerner les sentiments authentiques des sentiments réactionnels. Un processus similaire intervient souvent dans la sélection d'une carrière. On pourrait soutenir, par exemple, qu'une formation réactionnelle contre la cupidité constitue un aspect philantropique. On peut prendre comme autre exemple les pacifistes qui, paradoxalement, peuvent manifester une agressivité excessive lorsqu'ils défendent leur point de vue. Les organisations militant contre la violence comme le mouvement Satyagraha de Gandhi illustraient ces éléments contradictoires.
Pourquoi quand l'auteur entame une mise au point " musclée " commence-t-il par " cher ami " ?

3.11 L'isolation :

L'isolation) est un mécanisme de défense typique de la personnalité compulsive (se sentir obligé de faire et refaire). Il se produit un clivage entre une idée et l'émotion à laquelle elle était d'abord associée ; il y a comme une " déconnection de l'émotion ". Par exemple un membre de la Mafia peut discuter d'incidents les plus horribles sans manifester aucune émotion, mais au sujet d'une affaire comparativement insignifiante, une manifestation émotive inexplicable peut se produire.

Par exemple, en milieu hospitalier, les comportements ritualistes adoptés par les soignants à travers un comportement mécanique et distancié permettent aux individus de se défendre contre l'angoisse. L'adhésion à des statuts et des règles devient une façon de maîtriser l'anxiété en posant un cadre et des limites.

3.12 L'auto-agression :

Mentionnons enfin l'auto-agression. Au lieu que l'agressivité soit dirigée vers l'extérieur, elle est retournée contre l'individu lui-même, mépris de soi, sentiment d'infériorité. Le retour contre soi peut être aussi libidinale : préoccupation marquée pour le self, narcissisme (Narcisse tomba amoureux de sa propre image)). Les dirigeants sont les plus enclins au narcissisme, ayant souvent un sentiment très exagéré d'eux-mêmes. Dans ce repli vers soi, alternent mépris de soi suivi par un sentiment d'omnipotence. Manie des grandeurs et dépression se succèdent.

Fréquemment, un comportement narcissique excessif de la part de leaders politiques ou des milieux d'affaires peut n'être qu'une façade pour cacher des sentiments de faible estime de soi, d'insécurité et de dépendance).

Conclusion

En résumé si toutes ces défenses permettent de réduire notre inconfort et notre tension intra-psychique, elles déforment notre bonne appréhension de la réalité externe. L'analyse d'une réalité est une construction personnelle à partir de nos expériences qui ont forgé des représentations, interprétations du monde, altérée de surcroît par nos défenses.

La prise de recul, l'introspection, le regard des autres peuvent nous aider à en prendre conscience. Le même fait (" mon patron ne m'a pas dit bonjour ce matin ") peut-il être interprété autrement que (" Ca se dégrade encore avec lui "). Peut-être était-il préoccupé ? Rechercher des informations et des points de vue contredisant nos reflexes " cognitifs affectifs " habituels est un exercice salutaire pour le retablissement de la pertinence. C'est surtout celle-ci que les collaborateurs attendent le plus de leurs managers.

Bibliographie et sitographie


Présentation de l'auteur

Georges Trépo est Professeur à HEC, au Département Management et Ressources Humaines. Diplômé d'HEC, titulaire d'un MBA en finance de l'université de Chicago et d'un DBA de contrôle de gestion et de psychosociologie de la Harvard Business School, Georges Trepo étudie l'évolution des hommes et des structures ainsi que le développement des organisations et des ressources humaines. Très actif dans ses domaines de prédilection que sont le management et les ressources humaines, il réalise de nombreuses publications et recherches.

Georges Trepo a aussi co-écrit de nombreux ouvrages. Preuve de son expertise, il a été membre du Conseil d'Administration, secrétaire général puis Président de l'Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines (AGRH) entre 1994 et 1998. Il a été responsable de la division " Management Consulting " de l'Académie of management (USA) de 2003 à 2006. Il est aujourd'hui Membre du Comité Editorial de Sciences de Gestion, de la Revue de Gestion des Ressources Humaines et de la Revue Française de Gestion. George Trepo consacre aussi son talent et son expérience à l'organisation de manifestations. Il a entre autre été animateur au prix Manpower de la meilleure thèse de GRH.

De Freud à Lacan, Freud " Le moi et les mécanismes de défense ", par Mathilde Morisod ; Lacan " D’un discours qui ne serait pas du semblant " par François Leguil


Exercice de repérage des systèmes de défense à partir d'une note de R. Kellog


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