Le Temps de la Strategie

3.10 La Création de Valeur pour les Clients, un atout concurrentiel pour les PME


Présentations des auteurs : Michel Montebello et Guillaume Montebello

Michel Montebello, Docteur (PhD.) de l’Université du Texas, Professeur des Universités et consultant international en stratégie, est un précurseur des stratégies de Création de Valeur pour le Client qu’il enseigne depuis une vingtaine d’années.
Il a permis à de nombreuses entreprises en France et à l’étranger, de mettre en œuvre ces stratégies avec grand succès. Il a opérationnalisé les concepts dans Capso sas dont il est le co-fondateur et ses deux ouvrages les plus récents ont été publiés en France chez Economica, Stratégie de création de valeur pour le client, en 2003 et Création d’entreprises, connaissances et analyses stratégiques, en 2004. montebello@wanadoo.fr

Guillaume Montebello, co-fondateur et président de CAPSO SAS, a modélisé et informatisé le concept de création de valeur pour le client, dans une plate-forme de collecte et de traitement d’information distante, dans le cadre d’un cabinet conseil en stratégie, Capso sas.
Il a ensuite franchisé le concept et les outils développés, pour les rendre accessibles à toutes les entreprises, par l’intermédiaire d’un réseau de proximité disposant d’un accès illimité à toutes les ressources du réseau. Le réseau Perval a aujourd’hui 12 consultants en France et prévoit un doublement annuel de leur nombre dans les deux prochaines années. gm@capso.com

1. Toux ceux qui ont réussi avaient la passion du Client

Si vous voulez réussir face à des concurrents solidement implantés, avec des moyens inférieurs aux leurs et tous les handicaps d’une taille réduite et d’une implantation forcément plus locale, oubliez simplement vos concurrents et concentrez votre attention sur vos clients ; le seul qui sache ce que le client veut, c’est votre client !.

Lorsqu’on donne en exemple la réussite d’IKEA, de Décathlon, de DELL ou d’Amazon à des dirigeants de PME, ils répondent qu’on ne peut les comparer à ces monstres qui disposent de moyens énormes et qui dominent le marché mondial et ils ont raison car on ne peut comparer nos PMI à ces entreprises puissantes… qui dominent leurs marchés… aujourd’hui !

Avant d’être aussi grandes, ces entreprises ont été des TPE dont le créateur avait des moyens financiers ridicules par rapport à ceux dont dispose n’importe lequel de nos lecteurs ! Pensez donc, 1 000 euros pour le créateur d’ IKEA, Ingvar Kamprad, qui avait 17 ans à l’époque où il décide de rendre le beau meuble suédois accessible au plus grand nombre… et pour cela de… créer un pont entre les besoins des clients et les possibilités des fournisseurs, 20 000 dollars pour Michael Dell, ce qui, au cours actuel doit faire un peu plus de 13 000 euros, lorsqu’il crée DELL pour offrir aux clients (et d’abord à ses amis étudiants) les ordinateurs de haute qualité qu’ils souhaitent, à un prix concurrentiel, dans les délais les plus brefs, et avec un excellent service, un seul magasin pour que Michel Leclerc arrive à démocratiser l’offre de sport avec Décathlon, et enfin pas un sous pour Jeff Bezos qui crée Amazon pour se procurer un livre qu’il n’arrive pas à trouver chez les libraires et décide de faciliter l’accès et le choix du livre puis d’autres produits, à une clientèle mondiale.

Ces entreprises dominent aujourd’hui leur marché mais elles ne sont pas nées grandes, elles n’ont pas bénéficié non plus d’aides particulières, et elles ne se sont pas créées dans un environnement concurrentiel qui leur était favorable. Bien au contraire, elles ont été confrontées dès leur création à des géants mondiaux tel IBM et d’un point de vue concurrentiel, elles n’avaient strictement aucune chance de réussir. Elles n’avaient aucun avantage concurrentiel qui aurait pu le leur permettre, ni des ressources supérieures, qu’elles soient financières ou autres, ni un accès privilégié aux composantes de leur valeur ajoutée, une main d’œuvre moins chère, des matières premières avantageuses ou une technologie innovante, ni évidemment une taille qui leur aurait permis des économies d’échelle. Elles n’avaient aucune chance, mais leurs puissants concurrents n’ont pu les empêcher de réussir, ni même les imiter. Qu’y a-t-il d’ailleurs de plus étonnant, leur succès ou bien l’incapacité totale de leurs puissants concurrents à réagir alors qu’ils avaient tous les atouts pour cela, ressources, clients, expérience, sans oublier notoriété et taille ? Ce qui devrait nous étonner le plus, nous interpeller comme on dit aujourd’hui, est-ce le succès de cet étudiant Texan " bidouillant " des ordinateurs et faisant de DELL le numéro un mondial ou bien l’incapacité du monstre IBM, incontestable leader mondial de l’époque et aussi un des plus gros fournisseurs de DELL (!), de réagir à son inexorable conquête du marché vers la première place mondiale atteinte en moins de 15 ans ?

Leurs grands concurrents n’ont pas pu réagir, et les votre ne le pourront pas non plus si vous évitez de vous battre sur leur terrain. Mais, comme la plupart de vos grands concurrents aujourd’hui, ils ne l’auraient pas pu même s’ils l’avaient voulu, car ils s’étaient trop éloignés de leurs clients et, au mieux, ils n’avaient que des clients et pas d’amis. Bien sûr, comme vos concurrents, ils parlaient tous de leurs clients et évidemment leurs entreprises étaient toutes " orientées clients ", une véritable obsession que ce " client Roi ", sans que personne ne sache bien de quoi, d’ailleurs. En fait, ils parlaient avec assurance d’un client qu’ils avaient imaginé, d’une fiction née de la réunion de quelques cadres supérieurs avec un consultant, un week-end dans un grand hôtel, qui les avait conduits le samedi à décider ce que le client voulait pour ensuite le dimanche orienter l’entreprise vers ces " besoins " imaginés. Exagération ? Sans doute un peu, mais comment expliquer autrement cette impression que donnent beaucoup d’entreprises se proclamant " orientées clients " qui semblent littéralement encerclées de clients complètement stupides ? Comment en effet expliquer autrement que, bien qu’elles produisent les meilleurs produits du monde, ce client stupide s’obstine à acheter ceux de la concurrence ?

Le client n’est pas stupide, pas plus qu’il a toujours raison. Il peut avoir tort ou ne pas percevoir la valeur que vous créez pour lui. Cependant, s’il ne perçoit pas votre qualité, qu’il ait tort ou raison n’a aucune importance, car vous, vous avez toujours tort : soit vous ne produisez pas ce qu’il demande, soit vous le lui expliquez mal, mais dans tous les cas vous ne comprenez pas ce qu’il faut faire pour répondre à ses besoins et à ses attentes… mais au fait, quand avez-vous demandé à vos clients ce qu’ils attendaient de vous (voir exemple en annexe 1) ?

La taille, la complexité et même la réussite éloignent inexorablement l’entreprise de ses clients. La taille, et la spécialisation fonctionnelle indispensable qui en résulte ou les niveaux hiérarchiques qu’elle engendre, ainsi que la multiplication des marchés et des produits, éloignent du client, en particulier ceux qui occupent des fonctions de direction générale, R&D, finances, comptabilité, contrôle, production, mais aussi ressources humaines et quelquefois même marketing. La complexité devient telle que l’information collectée par le personnel en contact avec les clients, soit ne remonte pas, soit n’atteint pas ceux qui pourraient l’utiliser, soit n’a plus aucune utilité tellement elle a été altérée ou différée dans le temps, soit elle n’est simplement pas utilisée. Enfin, même la réussite, qui en théorie ne devrait pas éloigner du client car elle résulte d’une adaptation au client, engendre souvent un comportement " impérialiste " qui déplace le client dans les priorités de l’entreprise et y diffuse un sentiment de supériorité et de domination du producteur sur le consommateur qui le conduit à la certitude qu’il sait mieux que lui ce que le client veut !

Alors, utilisez les avantages stratégiques dont vous disposez sur vos grands concurrents. Souvenez-vous que toutes les recherches conduisent à la même conclusion qu’il n’existe que quatre types d’avantages concurrentiels durables, la taille, un accès privilégié aux ressources ou aux clients, et enfin la capacité à freiner l’action de ses concurrents. Vous n’avez pas vraiment le choix car vous n’aurez pas les deux premiers avant d’avoir réussi et vous devez donc absolument avoir les deux autres. Vous devez d’une part, avoir une relation privilégiée avec vos clients et d’autre part, pouvoir freiner l’action de vos concurrents par une stratégie contre laquelle ils ne peuvent se battre.

Le premier avantage concurrentiel, la connaissance du client est vitale pour votre entreprise car le seul qui sache vraiment ce que le client veut, c’est votre client. Il n’est pas besoin de vous persuader qu’une entreprise apprend énormément de ses clients, c’est une évidence, mais alors que cette connaissance était jusqu’ici réservée à des entreprises qui disposaient de moyens financiers beaucoup plus importants et hors de portée des PME, elle leur est facilement accessible aujourd’hui. Quant au second avantage concurrentiel, une stratégie qui freinera celle de vos gros concurrents, elle a pour nom Création de Valeur pour le Client. Vous serez convaincu à la fin de la lecture de cet article qu’elle est beaucoup plus facile à mettre en œuvre par les PME que par leurs gros concurrents dont on peut même dire que leur réussite passée constitue un réel handicap.(Une partie des développements de cet article repose sur l’ouvrage de Michel Montebello, Stratégie de Création de Valeur pour le Client, Economica 2003).

2. Que vous apprendra votre client sur le client ?

Il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de clients pour s’intéresser à chaque client, et nous dirions presque, au contraire. Moins vous avez de client et moins vous pouvez vous permettre d’en perdre un et donc plus vous devez comprendre chacun ! Qu’une grande surface perde un client ou dix ou cent clients, elle survivra quand même, mais que, sous traitant ou simplement orienté B to B, vous perdiez l’un de vos dix clients ou un grand compte, et vous disparaîtrez avec lui.

Bien sûr, ayant peu de clients, vous les connaissez, et comme vous travaillez depuis longtemps avec eux vous les avez satisfaits en répondant à leurs attentes d’hier. Malheureusement, même satisfaits, une partie d’entre eux ne vous sera pas fidèle et il vous faut faire plus encore pour les " très satisfaire " ; il vous sera difficile de le faire si vous ne connaissez pas leurs priorités d’aujourd’hui.

1. Votre client vous apprendra d’abord que le client a considérablement changé.

Les plus âgés de nos lecteurs se souviendront, sans doute avec nostalgie, de ce client des années 1980 qui se contentait de la qualité OU du prix et ils regretteront qu’il soit maintenant remplacé par un autre qui ne cesse de parler de l’un que pour commencer à parler de l’autre. On avait convaincu ce client de la fin du siècle que la qualité coûtait cher et soit, il n’avait pas les moyens de la payer et il acceptait de ne pas y accéder, soit, il voulait une bonne qualité et il acceptait alors d’en payer le prix. Votre client a aujourd’hui un comportement étrange : de plus en plus éduqué et informé, il exige toujours une meilleure qualité qu’il définit de plus en plus largement en intégrant toujours plus de contraintes nouvelles et coûteuses - non-pollution, respect de l’environnement, production biologique, partage équitable, recyclabilité, protection des enfants… MAIS il n’est plus disposé du tout à payer n’importe quel prix pour y accéder !

Si vous le préférez, le client du passé se contentait de soldes deux semaines par an, alors que celui d’aujourd’hui exige des soldes permanentes !

Ne vous en offusquez pas et surtout ne vous y opposez pas car il s’agit d’une tendance lourde. Il ne fait pas cela pour le plaisir, il n’est pas soudain devenu incohérent et il ne souhaite pas non plus votre ruine ; il ne peut simplement plus faire autrement et il n’y a aucune raison d’espérer que ça change. Les pressions qu’il subit, qu’elles résultent des incertitudes globales, du contexte économique national, de ses inquiétudes sur les salaires et l’emploi, de la communication systématique des entreprises sur le prix (sur le Web en particulier), et même du discours politique actuel sur le pouvoir d’achat, contribuent toutes à augmenter sa sensibilité au prix. Que vous vous adressiez à un client intermédiaire au lieu du client final ne vous protège pas non plus car le client intermédiaire est lui-même sous la pression de son propre client final qui a précisément les mêmes attentes que le vôtre ? Rendez-vous à l’évidence et trouvez le moyen d’en tirer partie. Le client insouciant des années 1980 est une espèce en voie de disparition qui laisse la place à un client plus intelligent, mais aussi beaucoup plus inquiet, plus exigeant, plus sélectif, mais qu’il faut quand même satisfaire.

Un test : Pour vérifier si vous êtes protégé de ce nouveau client, il vous suffit de vous poser les deux questions suivantes :
- Vos clients, ceux qui vous achètent vos produits, ceux à qui vous voulez les vendre, qu’il s’agisse de clients finaux ou intermédiaires, sont-ils de plus en plus sensibles à la qualité (tout ce qui n’est pas le prix) ?
- Ces mêmes clients deviennent-ils aussi plus sensibles au prix ?

Si vous avez la chance d’avoir pu répondre non à l’une de ces deux questions, vous avez une alternative à la stratégie dont nous allons vous parler, encore que nous vous la recommanderons quand même, mais dans tous les autres cas, dans la très grande majorité des cas où vous aurez répondu " oui/oui ", il vous faut absolument en comprendre les conséquences et en tirer partie… Ce client insupportable qui exige à la fois la qualité et le prix présente beaucoup plus d’avantages pour les PME que pour leurs gros concurrents ; il leur permet en particulier de réussir presque sans devoir les affronter.

2. Ensuite, le client vous apprendra où la croissance sera localisée demain.

Il n’est pas question de dire que les deux segments du passé, le premium, un client presque uniquement sensible à la qualité et très peu au prix ou le volume, un client beaucoup plus sensible au prix qu’à la qualité (voir figure1) appartiennent…au passé, mais d’affirmer avec force que l’essentiel de la croissance sera engendré par la réponse à une demande de valeur, celle de clients devenus plus sensibles au prix tout en restant très sensibles à la qualité, qui en veulent plus pour leur argent !

Si vous en doutez, pourquoi depuis trois ou quatre ans, les marques automobiles de haut de gamme, allemandes en particulier, nous parlent-elles de plus en plus de prix alors qu’il était jusque la tellement absent de leur communication qu’en fait personne ne le connaissait vraiment car il n’était que le résultat de l’empilement du coût des nombreuses options qu’ils proposaient. Lorsqu’une marque de très haut de gamme communique sur le prix, c’est qu’elle ne s’adresse plus uniquement à la demande de premium d’acheteurs presque insensibles au prix et qu’elle tente de capter celle de clients sensibles à la qualité, certes, mais devenus beaucoup plus sensibles au prix aussi, la demande de Valeur.

Figure1 : Votre client aujourd’hui : une demande de Valeur ou les attentes de la classe moyenne!

Si vous cherchez un exemple dans un autre secteur, pensez aux grands couturiers forcés d’évoluer de l’objet unique qui " n’a pas de prix " à un prêt à porter qui met leur qualité à portée d’un plus grand nombre de clients, et si vous préférez quitter le haut de gamme référez-vous au succès, stupéfiant pour certains mais parfaitement logique pourtant, de la Logan et bientôt de la nouvelle Tata, non pas dans les pays pour lesquelles elle a été conçue, mais dans tous ceux ou existe une classe moyenne inquiète; à titre indicatif, 33 000 Logan ont été vendues en France en 2007 ! Enfin, si vous doutez encore, appliquez les deux questions précédentes à votre propre cas, mais comme consommateur cette fois : vous-même, ne devenez-vous pas plus sensible à la fois à la qualité ET au prix… et qu’en est-il de vos amis ?

En fait, vous connaissez bien la population concernée par la Valeur : elle est composée de clients plus éduqués et plus informés mais ne disposant pas des ressources des privilégiés de la classe supérieure et donc forcément plus sensible au prix. Ces clients sont tout simplement issus de la Classe Moyenne, en croissance dans tous les pays et particulièrement importante dans les pays les plus développés ! C’est d’elle que viendra votre croissance à condition que vous puissiez répondre au vrai défi qu’ils vous posent : produire cette qualité perçue à laquelle ils tiennent à un coût inférieur, ce qui vous force à gérer à la fois la qualité et le coût. Il ne s’agit plus pour vous de produire la meilleure qualité OU le prix le plus bas mais les deux à la fois (Faisant une conférence sur ces thèmes en Espagne il y a quelques mois, nous avons eu le plaisir de rencontrer à la pause un groupe de managers nous adressant un amical reproche : Mais la stratégie que vous venez de décrire, c’est la notre, c’est celle des PME espagnoles, et c’est bien la seule que nous pouvons mettre en œuvre, bloqués que nous sommes par vos entreprises (Françaises) sur le haut de gamme, en raison de leur notoriété et de leur antériorité, et par les Asiatiques sur le bas de gamme ; d’ailleurs vous auriez du faire de Zara l’un de vos meilleurs exemples, non…?). Ceci suppose une meilleure connaissance de votre client car il vous faudra obligatoirement investir sur ce qui important pour lui et moins sur le reste, et donc avoir identifié au préalable ce qu’il valorise et ce qui lui importe moins ; c’est heureusement à votre portée aujourd’hui.

3. La meilleure connaissance de leur client est maintenant à la portée des PME.

Les PME sont dans une situation paradoxale, d’une part, et plus encore que les grandes entreprises, cette information sur leurs clients est vitale pour elles, et d’autre part elles disposent rarement des ressources qui leur permettent de le faire. C’est en en particulier le cas des ressources financières et plus encore des ressources humaines et techniques nécessaires pour réaliser ces études. Elles doivent donc faire appel à des intervenants extérieurs mais elles y renoncent souvent du fait de leur coût excessif ou de résultats décevants.

En pratique deux solutions s’offrent à elles, faire appel à de grands cabinets de consultants ou faire appel à des consultants locaux. Qu’ils soient Américains ou nationaux, les grands cabinets de consultants sont des réservoirs de gens extrêmement compétents, et d’autres en formation qui seront très compétents dans un futur proche. Vous rencontrerez quelques fois les uns à la négociation du contrat et les autres ensuite. Ils feront sans doute un bon travail car ils disposent souvent d’un excellent outil de travail, (logiciel, techniques…), ils investissent régulièrement en formation pour se tenir au fait de l’état de l’art et ils utilisent des modèles puissants, quoique pas forcément conçus pour votre situation ni adaptés à votre taille ou à votre problème. Mais ils feront un excellent travail à l’issu duquel ils repartiront, vous laissant un rapport d’une taille souvent impressionnante qu’il vous faudra probablement digérer et interpréter pour mettre en œuvre une partie de leurs recommandations. Bien évidemment, ils ne pourront faire autrement que vous facturer une partie des frais de leur siège et des salaires de leurs dirigeants, ainsi que leurs frais de déplacement, et quoi de plus normal, ils sont si loin de vous.

La seconde solution qui s’offre à vous est de faire appel à des consultants locaux. Ils présentent des avantages certains par rapport aux précédents. Implantés localement, ils connaissent votre environnement et vous les connaissez peut être déjà. De plus, ils ne devront pas vous faire supporter de frais de siège ou de déplacement qu’ils n’auront pas, et surtout, ils vous assisteront du début à la fin du contrat. Ils feront incontestablement tout leur possible pour vous satisfaire car ils ont peu de clients et ne peuvent se permettre d’en perdre un. Si vous en avez déjà un en qui vous avez confiance, surtout gardez le en lui demandant de vous orienter vers la Valeur. Cependant, ils présentent aussi des inconvénients ; ils sont quelquefois très jeunes ou alors un peu " obsolète " et surtout, ils disposent rarement des ressources techniques qu’on peut utiliser aujourd’hui. La jeunesse n’est pas en elle-même un défaut, et ce serait même une qualité pour ceux qui l’ont perdue, mais la jeunesse dont nous parlons indique une connaissance livresque de vos problèmes, un manque de vécu qui conduit à un excès d’enthousiasme et surtout à une difficulté de compréhension et de communication, que vous avez peut être déjà vécue. Vous connaissez bien le second problème dont vous êtes souvent vous-même victime, et qu’on résume par on ne peut être à la fois au four et au moulin… et pour un consultant isolé : on ne peut à la fois commercialiser, vendre, produire et entretenir ses connaissances. Même s’ils ne le veulent pas, il leur aura fallu dégager du temps et ils ne pouvaient le faire que sur le dernier point, de sorte que leurs connaissances datent un peu… souvent de leur sortie des écoles. Enfin, et c’est le plus gênant pour vous, ils n’ont pas accès aux capacités analytiques dont on peut disposer aujourd’hui; elles sont, pour eux comme pour vous, simplement trop couteuses. Ce dernier point est le plus gênant car ce dont vous avez le plus besoin pour compléter votre expérience et votre intuition, ce sont des informations quantifiées, précises et objectives, et pas simplement des conseils.

Alors, devez-vous pour autant renoncer ou existe-t-il des solutions qui permettraient de combiner les ressources des uns et la proximité des autres, pour vous offrir ce dont vous avez vraiment besoin à un prix raisonnable, un consultant local accédant à des ressources centralisées ? La solution est apparue depuis peu, deux ans environ, avec l’arrivée sur le marché de franchises de conseil (Vous pouvez voir par exemple Capso ou Perval) qui consistent, par l’intermédiaire d’un réseau de consultants franchisés ayant déjà une grande expérience professionnelle en raison des responsabilités qui ont été les leurs dans le passé, et qui, implantés localement, régulièrement formés et informés de l’avancée des connaissances, et disposant d’un accès illimité à des ressources centralisées par leur franchiseur, peuvent garantir une performance de haut niveau à un " prix de proximité ". Ne supportant aucune charge inutile pour délivrer une performance de haut niveau, ils créent évidemment une grande Valeur pour leurs clients. Ces réseaux se développent rapidement, ils sont réellement la solution que les PME attendaient et ils mettent les stratégies de Création de Valeur pour les Clients à leur portée.

4. Quelles informations pour quelle stratégie ?

Nous l’avons vu, votre plus grande chance de succès est de vous positionner sur la Valeur; la demande est là, alors que vos principaux concurrents sont ailleurs, en haut de gamme ou en volume. Pour réussir, vous devez disposer d’une information sur la prochaine décision de votre client. En effet, savoir que vos clients sont globalement satisfaits est intéressant et réconfortant, mais ce qui vous aidera à plus les satisfaire, c’est une information sur les raisons de leur satisfaction, sur les causes bien plus que sur les effets. Ce sont les leviers de la décision de vos clients, les raisons pour lesquelles ils vous perçoivent bien ou mal, ils sont plus ou moins satisfaits ou plus ou moins fidèles…, qu’il vous faut comprendre si vous voulez être le partenaire de vos clients et bénéficier de leur prochaine décision d’achat.

1. Mieux prévoir et orienter vers vous la prochaine décision de votre client

Vous pouvez toujours faire des prévisions et des paris sur le comportement de vos clients mais si vous devez faire du client le cœur de votre stratégie, il est plus raisonnable de l’interroger directement car vous devez au moins disposer de deux informations sur le client auquel vous souhaitez vous adresser et qu’il vous fournira d’ailleurs volontiers : comment il décide, et comment il perçoit votre offre.

Comment il décide ? Deux variables interviennent dans toute décision d’achat, le prix et la qualité perçue. Leur importance relative varie considérablement d’un acheteur à l’autre et pour un produit ou un autre, mais ce qui est plus gênant en apparence, c’est que l’une de ces dimensions est simple, le prix, alors que l’autre est composite et résulte d’un choix de critères qui varie selon les clients et les produits. C’est probablement la raison pour laquelle il semble généralement plus simple d’agir sur le prix, d’autant que la fixation du prix dépend uniquement de l’entreprise et que la décision est donc beaucoup plus facile à prendre. Cette solution de facilité cache pourtant trois difficultés qu’il faut surmonter, (1) réduire les coûts sans détériorer la qualité perçue par le client, (2) ne pas entrer dans une guerre de prix qui dégradera forcément les marges de l’industrie et donc aussi les vôtres, et surtout (3) ne pas créer ainsi un consommateur encore plus sensible au prix, ce qui ne devrait pas être l’objectif de ses fournisseurs !

Agir sur la qualité perçue par le client semble plus difficile a priori car elle a l’inconvénient, mais c’est aussi son avantage, d’être composite et spécifique. Tout le monde perçoit la qualité d’un produit, souvent même l’avoir jamais utilisé (que pensez-vous de la qualité d’une Ferrari ou d’une Rolls ?), mais tout le monde n’évalue pas la qualité de la même manière. La qualité est perçue par un choix de critères spécifiques que chacun pondère de manière différente, de sorte que, bien que tout le monde parle de qualité, elle n’a pas la même définition pour tout le monde. C’est un inconvénient, car cela force à comprendre chaque client, mais c’est aussi un énorme avantage pour une PME, car cela lui permet de s’adresser aux clients sensibles à la qualité de bien des manières différentes, et de s’adresser ainsi aux clients visés en fonction de leur définition de la qualité et de sa capacité à la produire (figure2).

Figure 2 : Perceptions de la qualité - Importance relative de critères de la qualité, perçue par les clients ayant un seul fournisseur - barre supérieure, et ceux ayant au moins deux fournisseurs - barre inférieure (données réelles, exemple déguisé)

Pour satisfaire et retenir les clients n’ayant qu’un seul fournisseur, dans le cadre d’une stratégie de fidélisation, proximité, logistique et disponibilité des produits, sont primordiaux.
Si on vise les clients qui ont plus d’un fournisseur, pour augmenter la part de leurs achats à l’enseigne dans le cadre d’une stratégie d’acquisition, suivi, conseil, et gamme large de produits de marque, deviennent essentiels. Il semble difficile de s’adresser aux deux segments avec le même message.

Comment vous perçoit-il ? Toute entreprise a des points forts et des points faibles qu’on apprécie généralement par rapport à ses concurrents et on parle généralement de diagnostic concurrentiel des forces et faiblesses dans lequel on est plus fort ou plus faible que le concurrent xxx. Ce diagnostic est nécessaire mais très insuffisant et conduit quelquefois à une coûteuse erreur de stratégie. Quelle est l’utilité en effet d’être meilleur que votre concurrent sur un point qui n’a presque aucune importance pour le client que vous vous disputez ? Vos forces ou faibles n’ont pas la même importance selon qu’elles portent sur des points perçus (à tort ou à raison, ce n’est pas le problème) comme importants ou non par le client auquel vous vous adressez, et puisque votre succès dépend essentiellement de votre capacité à mieux satisfaire ses attentes que vos concurrents, c’est d’abord par rapport à ses préférences que vous devez évaluer vos capacités.

Ce qui est important, vous l’avez compris, ce n’est pas simplement d’être meilleur que votre concurrent, c’est d’être meilleur que lui sur ce qui est perçu comme relativement plus important par votre client; c’est l’adéquation de vos forces aux attentes du client qui est le meilleur garant de votre performance.

C’est une représentation possible de cette adéquation que vous trouverez dans la figure 3 dans laquelle chaque point (horizontal : Préférence, importance du critère de qualité perçue pour le client vertical : performance de l’entreprise sur ce critère) représente l’adéquation de l’entreprise à son client sur chacun des critères de la qualité perçue, et le nuage de points, l’adéquation globale de l’entreprise à son client.

Figure 4 : évaluation de l’adéquation de l’entreprise aux attentes du client

Conclusions du Diagnostic : excellente adéquation globale de l’entreprise aux attentes de ce groupe de clients. L’entreprise est perçue par ces clients comme d’autant plus performante que le critère est important pour eux. Ses points forts (partie supérieure droite) portent sur des critères importants pour ces clients alors que ses faiblesses (partie inférieure gauche) portent sur des critères perçus comme relativement moins importants.
Un seul un critère fait exception. Il est perçu comme peu important par ces clients, alors que l’entreprise y excelle (encerclé).
Actions possibles : (1) Communiquer plus et mieux pour rendre le critère plus important aux yeux du client actuel ou (2) Trouver un groupe de clients plus sensibles à ce critère.

2. Quelle stratégie pour le " très satisfaire "

La stratégie qui a permis la réussite des entreprises citées précédemment est assez simple à comprendre. Elle consiste à systématiquement et simultanément prendre en compte les intérêts du client et ceux de l’entreprise et toujours rechercher les solutions qui optimisent la satisfaction des attentes du client - une meilleure qualité à un prix inférieur, et celle de l’entreprise, une croissance rentable.

Illusoire ? Certaines améliorations de qualité ne vous coûteront rien ! Quel est le coût d’un sourire, d’un accueil plus agréable, d’un horaire d’ouverture conçu pour rendre service au client plus qu’au fournisseur, et plus génériquement d’une mise en avant systématique du client dans l’entreprise ? D’autres vous permettront même de réduire vos coûts, ainsi utiliser des composants de meilleure qualité dans vos produits satisfait évidemment votre client mais réduit en même temps vos frais de maintenance. De même, si Ikea vous offre un restaurant et une garderie, ce n’est pas que ce soit son métier mais c’est pour vous récompenser d’être venus de si loin et vous garder plus longtemps… pour gagner plus d’argent avec vous! Pour utiliser une expression à la mode, jouez gagnant / gagnant en offrant plus de qualité perçue au prix actuel et placez-vous " au-dessus de la concurrence ", créant pour le client une plus forte valeur perçue.

Il en va de même pour votre prix. Vous pouvez le considérer comme résultant de votre efficacité (ou inefficacité) interne, et faire payer l’un ou l’autre à votre client et c’est bien ce que vous faites si le prix que vous demandez à votre client de payer résulte de l’empilement de vos coûts auxquels vous avez ajouté votre marge, dans une approche qualifiée de cost plus. Vous pouvez aussi faire de votre prix la base de la Création de Valeur pour le client et avoir comme votre objectif majeur la réduction de vos coûts (voir annexe 2), à qualité au moins constante et si possible croissante. En d’autres termes, sans une stratégie de création de valeur pour le client, votre prix ne peut plus être que le résultat de vos coûts, mais au contraire, votre coût doit être le résultat de votre prix.

Nous avons plusieurs fois parlé de Valeur dans cet article et vous avez certainement une idée plus ou moins précise de ce que représente ce vocable familier. Vous pouvez vous en tenir à cette idée déjà évoquée d’une combinaison de qualité et de prix mais une définition aussi vague ne vous permettra pas de gérer la valeur créée pour votre client, et une représentation graphique vous permettra de mieux comprendre le concept.

Pour la plupart des produits, les offres se répartissent dans l’esprit de chaque consommateur sur un continuum conduisant du volume au premium (partie supérieure du graphique 2). Si on positionne l’ensemble des offres concurrentes prises en compte par un client à l’occasion d’un achat, par leurs coordonnées (qualité perçue relative ; prix relatif), on obtient simplement la représentation du marché, votre vrai marché, tel qu’il est perçu par votre client. Oubliez les autres représentations de votre marché, ce qui importe c’est la représentation que votre client s’en fait, et si elle ne vous convient pas vous devez modifier non pas seulement votre performance mais la représentation qu’il en a.

Figure 4 - répartition normale des offres sur un marché (haut) - Valeur créée par une offre (bas)
Sur la droite de régression du prix à la qualité, le client est assuré d’en avoir pour son argent, quelle que soit l’offre qu’il choisisse, mais il est aussi assuré… de ne pas en avoir plus. Il est donc satisfait, et… il fait alors partie des très nombreux clients, qui quittent leur fournisseur tous les ans, satisfaits de sa performance (cette proportion est estimée à plus du tiers dans la plupart des études) et pourquoi en serait-il autrement ? Ce client ne doit rien à l’entreprise qui lui en donne juste pour son argent et, toujours à la recherche d’une meilleure offre, il quittera son fournisseur sans le moindre remord.

Il en va tout autrement du client qui obtient une qualité très supérieure à celle qu’il espérait obtenir à ce prix (plus pour son argent) ou qui obtient la qualité qu’il souhaitait à un prix inférieur à celui auquel il s’attendait (qualité moins cher, voir annexe 3), faisant dans les deux cas une bonne affaire (partie inférieure de la figure 4). Pourquoi donc quitterait-il donc un fournisseur aussi satisfaisant et sur quelle offre pourrait-il se reporter ? La relation qui s’établit entre ce client et son fournisseur va bien au-delà de la simple relation de client et la fidélité qui en résulte est forte, engendrant à la fois la croissance et la rentabilité de l’entreprise. Chacun de nos lecteurs a vécu cette expérience, la même qualité perçue mais beaucoup moins cher, avec les soldes ou l’achat d’un véhicule d’occasion ou bien une qualité supérieure pour un prix donné, tout simplement dans votre bar ou votre restaurant favori, et c’est d’ailleurs bien la raison pour laquelle il est devenu " favori ", lorsque votre arrivée est saluée par un jovial " bonjour " ou simplement un grand sourire ou que vous y trouvez de meilleurs croissants pour le même prix... Tout ceci ne coûte rien ou vraiment pas grand-chose et transforme pourtant ce client difficile et volage en ami ! D’ailleurs est-il utile d’insister ? Si votre boucher, votre épicier, votre boulanger existent encore dans votre quartier ou dans votre village, c’est qu’ils créent de la valeur pour ceux qui y vivent ; ceux qui ne le font pas ont disparu ou vont disparaître, ce n’est qu’une question de temps !

Ainsi, toute offre qui se situe au-dessus du marché, c'est-à-dire qui donne au client une combinaison de qualité perçue et de prix supérieurs à celle à laquelle il s’attend sur le marché, crée de la valeur pour ce client… mais pas forcément pour un autre. En effet, tous les clients n’accordent pas le même poids relatif à la qualité et au prix, ils ne retiennent pas les mêmes offres et ne définissent donc pas le marché de la même manière, ils n’évaluent pas non plus leur qualité par les mêmes critères, qu’en plus ils pondèrent différemment (voir annexe 4). Ceci est précisément la raison pour laquelle il vaut mieux appréhender comment ils comprennent la qualité de vos produits ou services.

3. Comprendre l’impact de la valeur perçue

Une étude récente de Lior Arussy (The Experience ! : How to Wow Your Customers and Create a Passionate Workplace, 2002), a clairement mis à l’évidence que près des deux tiers des clients qui quittaient leurs fournisseurs s’en déclaraient pourtant satisfaits. Qu’y a-t-il d’extraordinaire qui mériterait notre fidélité à en avoir pour son argent et pas plus ? La fidélité d’un client à son fournisseur se mérite; elle se gagne par une performance toujours supérieure à celle qu’il espère et contrairement aux idées reçues, un client satisfait n’est pas fidèle, il est satisfait, c’est tout !

Seul un client très satisfait reste fidèle et cette plus grande fidélité rapporte beaucoup plus que vous ne le pensez, que ce soit en termes de profit ou de croissance. Selon Reichheld (Reichheld F. F, The Loyalty Effect, The Free Press, 1996), l’un des meilleurs spécialistes dans ce domaine, un client fidèle peut rapporter jusqu’à 25 ou 26 fois plus qu’un client qui ne l’est pas. C’est un constat statistique et vous faites peut être exception à cette moyenne, mais même si un client plus fidèle ne vous rapportait " que " deux ou trois fois plus qu’un autre, il serait intéressant pour vous de le vérifier en suivant le lien ci-dessous.
Outil Perval

La fidélité rapporte plus car elle démultiplie le profit réalisé avec un client par un effet mécanique et un effet de levier. Mécaniquement, un client qui le reste pendant quatre ans au lieu de trois vous rapporte plus sur sa durée de vie, c’est évident, mais la fidélité accrue du client a aussi un quadruple effet de levier sur votre rentabilité. Un client plus fidèle, très satisfait donc, achète plus, pas seulement plus du produit lui-même, mais plus de produits de votre gamme. Il coûte beaucoup moins cher, n’entraînant aucun coût (fixe) d’acquisition, de formation ou de démonstration, très difficiles à supporter en période de faible croissance quand ils doivent être amortis sur un plus faible nombre de clients. Il vous recommande et vous permet de recruter des clients nouveaux à coût nul ! Ce champion de l’entreprise est vital pour toutes les PME qui n’ont pas les moyens d’investir en publicité ou en communication. Enfin il paye souvent plus cher vos produits car, sensible à votre qualité qu’il apprécie, il le sera moins au prix et vous n’aurez pas besoin de remises pour le convaincre. Ces quatre leviers augmentent donc fortement le chiffre d’affaires sans accroître les coûts et garantissent donc une plus forte rentabilité globale.

Ces clients très satisfaits, qui resteront donc plus longtemps avec vous, constituent aussi l’assise solide de votre croissance. Si un client sur trois vous quitte chaque année, comme dans beaucoup d’entreprises, d’ailleurs, vous perdez tous vos clients en trois ans… et il vous faut en recruter autant chaque année, juste pour " boucher le trou " et conserver leur nombre à son niveau actuel. Il vous suffirait de retenir 10% de plus de clients par an pour conserver vos clients actuels quatre ans au lieu de trois, et avec le même recrutement enregistrer une croissance annuelle du nombre de vos clients d’environ 10%. Cette croissance sera d’autant plus rentable qu’elle vous coûtera moins cher car en fait il est relativement facile de conserver plus longtemps des clients qui ne demandent que ça, mais encore faut-il le vouloir et ne pas s’intéresser exclusivement, comme la plupart des entreprises aujourd’hui sur l’acquisition d’un client qui se fait très rare (Pensez aux messages publicitaires presque uniquement dirigés vers le nouveau client et récompensant très rarement le client fidèle, un abonnement gratuit pendant les six premiers mois ou un abonnement moins cher pour les nouveaux abonnés, ce qui se traduit par moins cher que celui que les clients les plus fidèles ont souscrit dans le passé ; un comble quand même !). De plus, comme nous venons de le voir, un client très satisfait sera votre promoteur qui recrutera pour vous et il sera même le meilleur indicateur de la croissance potentielle de votre entreprise. Dites-moi combien vous avez de promoteurs et de détracteurs et je vous dirai votre avenir en matière de croissance à court et moyen terme !

Enfin, soulignons à nouveau que si l’acquisition de clients est une excellente solution en période de forte croissance, lorsque par définition les clients se pressent à votre porte, elle devient extrêmement dangereuse en période de croissance ralentie, alors que vos frais de recrutement restent quasiment fixes mais que les nouveaux clients arrivant sur le marché sont beaucoup moins nombreux, et qu’il faut débaucher les autres chez un fournisseur qui fera tout pour les garder. Le coût unitaire d’un client gagné dans ces périodes peut facilement devenir tellement élevé qu’il efface totalement le profit réalisé avec lui, entraînant alors une croissance sans profit. Les stratégies d’acquisition de nouveaux clients et le marketing offensif qui va de pair sont parfaitement adaptés au passé de nos économies ; les stratégies de fidélisation sont aujourd’hui vitales, aussi bien parce que le nouveau client est rare et coûte cher, que parce que ce client fidèle sera votre meilleur allié face à la concurrence future.

5. Mise en oeuvre et limites

Même les plus convaincus de nos lecteurs ne pourront s’empêcher de s’interroger, d’une part sur l’impact d’une stratégie de Valeur sur la rentabilité de leur entreprise et d’autre part sur l’universalité implicite du concept. Après tout, réduire le prix de votre offre en augmentant sa qualité doit quand même réduire sa marge unitaire, et affirmer que cette stratégie est la seule option des PME, de presque toutes les PME, peut sembler un peu prétentieux.

1. Réduire la marge unitaire en augmentant le résultat d’exploitation.

Si on augmente la qualité à prix constant ou si on réduit le prix à qualité constante ou enfin si on augmente la qualité en réduisant le prix, on réduit forcément la marge unitaire ! C’est une remarque de bon sens car en effet, si on augmente les coûts sans augmenter le prix, on réduit forcément la marge unitaire, et donc satisfaire le client coûte très cher à l’entreprise.

Mais le bon sens peut se révéler aussi vrai que trompeur car, nous l’avons vu, la bonne qualité perçue ne coute pas forcément plus cher et elle peut contribuer à réduire les coûts, mais même si ce n’était pas le cas pour vous, ce n’est pas simplement la marge unitaire que vous cherchez à maximiser mais votre rentabilité globale et votre croissance que vous voulez optimiser. Allons même plus loin en affirmant qu’un objectif de maximisation de la marge unitaire d’un produit est toujours réalisé CONTRE le client à qui on demande de payer un prix excessif par rapport à son coût. D’ailleurs, ce raisonnement de maximisation, qu’il s’agisse de la marge unitaire ou du retour sur investissement généralement fait au nom de l’actionnaire, est le pire ennemi de votre entreprise et de votre actionnaire. Sauf dans une situation de premium, et encore…, cet objectif est certainement l’une des raisons pour laquelle vos puissants concurrents et les plus " traditionnels " d’entre vous, ceux qui croient encore à la dictature de " l’unitaire ", ne pourront mettre en œuvre une stratégie de création de Valeur.

Votre rentabilité, votre résultat d’exploitation global, consolidé sur l’ensemble de vos produits ou services dépendent incontestablement de la marge unitaire du produit ou service considéré et du nombre d’unités vendues de ce produit, auxquels il faut ajouter les résultats des autres produits de votre gamme, vendus grâce à ce client fidèle. On ne peut comprendre les bénéfices d’une stratégie de création de valeur en raisonnant au niveau de la marge unitaire, sans intégrer son impact sur la rentabilité globale de l’entreprise et passer de la marge unitaire au résultat global d’exploitation. La création de Valeur pour un client décuple ses propres achats du produit ou service lui-même ainsi que des autres produits ou services (maintenance, mises à jour…) de votre gamme, et les clients que recrute votre champion, même s’ils n’achèteront pas forcément le même produit que lui, augmenteront votre chiffre d’affaires sans augmenter vos coûts…

2. La mise en œuvre d’une stratégie de Création de Valeur pour le client est possible, quelle que soit la nature de l’offre - produit ou service, la propriété de l’entreprise - privée ou publique, et même le secteur.

Nos conclusions d’une vingtaine d’années de recherches et de consultations sur la Création de Valeur pour le client ne laissent aucune place au doute, mais si nous n’avons pas su vous convaincre, et quelle que soit l’exception que vous recherchez, faites simplement le test proposé au début de cet article, et si vous répondez que oui, le client est toujours sensible à la qualité et, oui de plus en plus au prix, vous saurez qu’une demande de valeur existe, qu’elle soit latente ou clairement exprimée, et qu’elle n’attend qu’une offre pour se développer.

- Il en va de même des produits et des services. Ainsi par exemple, comme tous nos collègues consultants ont pu le constater dans les dix dernières années, il leur a fallu réduire ou au moins bloquer le prix de leurs prestations de conseil, qui, il faut le reconnaître, n’avait cessé de grimper vertigineusement dans les années 1980 et 90. Certains, dont nous faisons partie facturent aujourd’hui des prix de journée au tarif de 1990 et quelquefois au dessous ! Quelle baisse du pouvoir d’achat, qui les rend plus sensibles au prix… mais ils doivent aujourd’hui offrir cette performance, et mieux si possible, à un prix qui la rende attractive à des clients eux-mêmes sous pression. Toujours dans les services, certains des meilleurs restaurants, pourtant distingués par " Le Guide " ont renoncé à leurs distinctions et ont rendu leurs étoiles pour pouvoir enfin offrir à leur client une qualité deux étoiles à un prix sans étoile, renonçant même aux grands vins pour introduire dans leur carte des vins contenant beaucoup de bonnes affaires dont leur nouveau client est très demandeur ; ils ont évidemment rencontré un grand succès. Il n’est pas question cependant de dire que la demande de premium de produits ou de services cessera d’exister, et nous souhaitons évidemment qu’elle reste suffisamment forte pour continuer à nourrir le luxe Français.
Notons simplement que la meilleure information du consommateur (On a longtemps estimé que produits et services différaient en particulier par le rôle joué par le prix, car dans les services, un prix élevé ne réduisait pas la demande mais au contraire augmentait la demande ou au moins que l’élasticité de la demande au prix était très faible. L’effet prix est réel dans les services mais l’interprétation de ses causes est mauvaise. La cause réelle n’était pas une différence de nature des services par rapport aux produits, mais l’incapacité du consommateur de juger de leur qualité autrement que par le prix du fait de leur très forte opacité et de la mauvaise information du consommateur soigneusement entretenues par les fournisseurs de services (banques, voyages, services de toute sorte…) faisant de leur mieux pour empêcher le client de juger de la qualité de leurs services. Incapable d’en évaluer la qualité, il ne restait au client que le prix pour l’évaluer (c’est cher, donc ça doit être meilleur) et le prix était alors un indicateur de la qualité espérée. La meilleure information du consommateur sur les variables de la qualité perçue aura au moins deux impacts, réduire ce rôle de signalisation de la qualité par le prix et produire un consommateur plus sensible au prix, amateur de Valeur.) et la multiplication des offres accessibles auront toujours pour conséquence d’augmenter la sensibilité relative du consommateur au prix, et espérons que nos PME ne laisseront pas le marché de Valeur à leurs concurrents Espagnols, Anglais ou Allemands, et très bientôt Chinois et Indiens, car alors il ne leur restera plus rien.

- Il en va de même du secteur public ou privé. La problématique de l’ensemble du secteur public, que l’on parle santé, impôts, police ou justice, est-elle si différente de celle du secteur privé ? (On peut en donner pour preuve l’obsession de nos gouvernants d’améliorer ou au moins de maintenir la qualité du service public à coût décroissant pour ses bénéficiaires, ce qui est précisément la définition d’une stratégie de création de valeur, et c’est dans le secteur public qu’on trouve l’exemple parfait d’un produit qui préserve la qualité à coût très inférieur : le médicament générique.). Nos gouvernants l’ont tellement compris qu’ils affichent tous l’objectif d’améliorer ou au moins de maintenir la qualité du service public, à coût décroissant pour ses bénéficiaires, ce qui est précisément la définition d’une stratégie de création de valeur. La problématique et les mots sont exactement les mêmes. Nous sommes tellement devenus les clients des services fiscaux, des transports publics ou des hôpitaux, en attendant de devenir vraiment leurs amis, que nous nous comportons de plus en plus comme tels et exigeons de ne plus être traités en usagers n’ayant que le droit de se taire… après tout, comme pour l’entreprise, ce sont bien leurs clients qui les financent. Le problème pour le secteur public est identique à celui du privé, produire une combinaison supérieure de qualité perçue et de prix (ici le coût pour la société), et permettre une meilleure santé, un meilleur enseignement, une meilleure sécurité… qui coûtent moins cher à la société ! D’ailleurs, le meilleur exemple qu’on puisse donner d’un produit énormément créateur de valeur, qui préserve la qualité à un coût très inférieur, est le médicament générique !

- Enfin, il en va de même quel que soit le secteur et votre client, final ou intermédiaire. Le client intermédiaire a lui-même un client final qui lui transmettra la pression sur le prix ET la qualité qu’il subit de ses propres clients. La répartition de la demande dans les trois segments, premium, valeur et volume, variera en pourcentage et on peut s’attendre à trouver un pourcentage plus élevé de la demande en premium dans l’habillement, par exemple ou au contraire un pourcentage plus élevé en volume dans les biens de première nécessité, mais la croissance se fera dans la Valeur car c’est ce que veut la majorité des clients.

6. Une conclusion sur vos atouts

Votre taille, votre solitude aux commandes de votre entreprise, la concurrence d’entreprises puissantes et la globalisation des marchés seront vos handicaps… si vous n’avez pas su en faire vos atouts.

Votre petite taille vous permet de ne pas trop vous éloigner de vos client à condition de toujours vraiment chercher à mieux le comprendre. Votre solitude vous permet de mettre en œuvre la stratégie que vous avez choisie sans vous heurter aux résistances du passé et votre pérennité à la tête de votre entreprise, l’existence d’un vrai patron, garantit votre cohérence dans le temps et c’est même l’une des conditions essentielle de votre réussite (En effet, l’une des caractéristiques communes des entreprises qui ont mis en œuvre avec un énorme succès ces stratégies est la longue présence à la tête de l’entreprise d’un leader charismatique, d’un vrai patron ! Le fondateur d’IKEA l’a dirigée pendant 60 ans et ceux de Dell, Décathlon ou Amazon la dirigent toujours, et c’est pour cela qu’ils ont pu mettre en œuvre une stratégie impossible à mettre en œuvre par leurs concurrents dont les dirigeants changent tous les trois ans. Remarquons enfin qu’une entreprise " jeune " aura beaucoup moins de difficulté qu’une autre plus ancienne, empêtrée dans le poids de son passé, les structures, les habitudes, et les stratégies inadaptées au client d’aujourd’hui.), à condition de garder votre cap (Annexe 5). Vos concurrents ne vous gêneront pas à condition d’éviter de les imiter et de ne pas vous positionner frontalement contre eux. Quant à l’inquiétante globalisation des marchés, elle indique aussi la globalisation de la demande de la classe moyenne, celle à laquelle vous devez vous adresser, à condition de ne pas oublier que votre problème n’est pas simplement de répondre aux impératifs de cette demande de valeur, mais de la rentabiliser.

Ne perdez pas de temps cependant, car certains l’ont déjà compris, en particulier vos concurrents Asiatiques qui, après nous avoir rendu visite en volume dans les années 1980, par des produits pas chers mais (perçus comme) pas bons, ont compris l’importance de la qualité perçue pour vos clients et utilisent maintenant leur base de coûts pour revenir vers nous, très dangereusement positionnés en valeur cette fois.

Dans toutes ces situations, le garant de votre croissance profitable est votre client, votre partenaire et presque votre ami, et c’est avec lui que vous avez le plus de chance de résister à la concurrence ; fidélisez le très vite par la VALEUR !

Annexes méthodologiques (réservées à nos abonnés en version PDF)

Annexe 1 : Entreprise " orientée client ", besoins imaginés et besoins réels.
Annexe 2 : Pensez le prix et le coût de votre offre différemment.

 


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Michel et Guillaume Montebello