Le Temps des Valeurs

4.34 Management Post Moderne : Les nouveaux leviers motivationnels de la performance


Introduction

Les 4 Temps du Management
Le monde économique et l’entreprise changent. Une atmosphère post moderne semble irréversiblement et irrésistiblement émerger sous nos yeux et bouscule le paradigme managérial... Visibilité réduite, changements de cap incessants, une réunion suivie d’une autre, voilà le menu quotidien du manager avec à la clé déstabilisation, démobilisation et saturation des équipes et des individus. Il devient salutaire, dans un tel contexte, pour le moins paradoxal, de sinterroger sur les nouveaux leviers de motivation qui peuvent redonner du souffle aux collaborateurs.

Pour tenter de répondre à cette question, je propose la formalisation de 3 convictions pour redéfinir la place et le rôle du management dans le monde post moderne, l’analyse de 6 ruptures entre le monde moderne et le monde post moderne et 6 nouveaux leviers de motivation pour recréer au quotidien du sens, de la mobilisation et de l’action à l’intérieure des équipes.

3 convictions pour un management post moderne

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Les 3 convictions du manager post moderne sont :

Conviction 1 : Un management performant n’obéit pas au contexte ou à la conjoncture. Quel que soit le contexte ou la conjoncture, le besoin de management existe. Ce qui change, en revanche, ce sont les registres sur lesquels le management doit se caler pour que ce management soit perçu comme pertinent, cohérent et consistant.

Conviction 2 : L’engagement des collaborateurs est une affaire d’époque et de circonstance . En 2012, un collaborateur ne s’investit pas dans son travail pour les mêmes raisons et dans les mêmes circonstances qu’il y a quelques années. Comprendre et s’adapter aux leviers de motivation actuels est clé pour mettre en place un management porteur de sens.

Conviction 3 : Le manager post moderne doit devenir une force d’interposition entre des contextes d’entreprise toujours plus complexes et des équipes toujours plus déroutées et ébranlées par ces contextes. C’est même cette capacité d’interposition en situation complexe qui fera la légitimité et la crédibilité du manager post moderne.

Ces 3 convictions plantent le décor de l’hypothèse du management post moderne. Reste à trouver les failles pour s’interposer avec légitimité et crédibilité. C’est justement pour trouver ces failles que nous allons essayer de renifler 6 grandes ruptures entre le monde moderne et le monde post moderne en sachant que c’est très probablement dans ces ruptures-là, que se cache quelque chose de potentiellement très perturbant pour notre management actuel et de potentiellement très excitant pour notre management futur.

Les 6 ruptures qui séparent le management moderne du management postmoderne

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La 1ère rupture entre le monde moderne et le monde post moderne, c’est le passage progressif de la raison à la passion.
Dans le monde moderne, on voulait tout expliquer, tout rationaliser, tout standardiser, tout homogénéiser : les comportements, les techniques, les processus. Dans le monde post moderne qui est en train d'émerger, la raison arrive à saturation et la passion pointe le bout de son nez ! Bonne nouvelle pour tous les managers que le tout raisonnable ennuie ou agace. La demande de passion est à la hausse. Aujourd’hui, on est plus " fan de ", que " froidement pour " ou " froidement contre "… On a " plus envie de " que " besoin de "…On préfère " avoir le sentiment que ", plutôt que " d’avoir l’argument pour ". Ce retour de flamme pour le passionnel, même s'il est difficile à canaliser, va nous ouvrir et nous offrir des opportunités pour notre management de demain.

La 2ème grande rupture entre le monde moderne et le monde post moderne, c’est le passage de la durée à l'intensité
Dans le monde moderne, ce qui comptait c'était durer car le futur et l'avenir étaient synonymes de progrès et d'espoir. Dans le monde post moderne qui émerge, ce qui compte le plus, c'est l'intensité de ce que je vis ici et maintenant. Ce rapport différent au temps est lié au sentiment naissant que le futur et l'avenir ne sont plus forcément synonymes de jours meilleurs. Le futur et l’avenir sont même parfois synonymes de précarité et d'incertitude. C’est cette sensation de " potentielle précarité " qui donne envie aux gens de vivre le moment présent avec intensité sans tout miser sur des lendemains très incertains. Comment manager des équipes qui ne préparent pas forcément leur avenir ? Manager la durée et manager l’intensité requièrent des leviers tout à fait différents, voire opposés et, pour des managers modernes, c’est parfois très déroutant ! Et pourtant, l’envie d’intensité qui est en train de monter à l’intérieur de nos équipes devrait, si on arrive à la renifler, faire naître de nouveaux leviers de motivation.

La 3ème grande rupture entre le monde moderne et le monde post moderne, c’est un passage des injonctions aux interactions
Dans le monde moderne, les relations hiérarchiques étaient guidées par les injonctions qui sont encore souvent la base d'un contrat entre un employé et un employeur. Le problème est que ce contrat est de moins en moins respecté par les 2 parties d’ailleurs et par conséquent les injonctions deviennent de plus en plus stériles. Dans le monde post moderne qui émerge, les relations hiérarchiques, quand elles ne sont pas déjà remplacées par des fonctionnements en réseaux, se construisent de plus en plus sur des interactions réelles, ce qui, au passage, transforme " le contrat " (relation très mécanique entre un employeur et un employé) en " pacte " (relation beaucoup plus biologique entre 2 personnes). Evidemment, un pacte ne se manage pas comme un contrat et évidemment la capacité de transformer un " contrat " en " pacte " peut créer de nouveaux leviers de motivation tout à fait intéressants.

La 4ème rupture entre le monde moderne et le monde post moderne est peut-être la plus fun. En effet la notion d’ " enjeu " est en train de se transformer en notion de " jeu ".
Dans le monde moderne, tout était une question d’enjeu. Il y avait les enjeux commerciaux, les enjeux stratégiques, les enjeux professionnels, les enjeux personnels. Ces enjeux répétés et multiples, tous flanqués du culte de la performance, ont fini par émousser et lasser même les soldats les plus dévoués. En réaction à ces enjeux multiples et variés, la notion de " jeu " pointe le bout de son nez. Malgré la crise ou à cause de la crise, l’individu n’a jamais autant joué aux jeux de hasard et jamais autant parié sur des sujets divers et variés. La France et les salariés sont en crise, mais la France et les salariés s’amusent, jouent et parient. Le jeu est-il un nouveau levier de motivation pour nos équipes et nos collaborateurs ? Et si c’était vrai, comment jouer avec les objectifs commerciaux, les plans d’actions et les systèmes de rémunération variables ?

La 5ème rupture entre le monde moderne et le monde post moderne est une rupture qui nous amène progressivement de la dispersion à la focalisation
Dans le monde moderne, tout était une priorité d’où une certaine dispersion en énergie et en ressources vitales. Pour conserver notre santé physique et mentale, nous avons appris à nous protéger et surtout à nous retrancher dans ce qui était vraiment important pour nous. Est-il possible de faire de ce repli, de ce relativisme ou de ce lâcher-prise, un levier de motivation ? Comment mettre en place un management post moderne focalisé sur ce qui est essentiel et sacré aux yeux de nos équipes et aux yeux de nos collaborateurs ? C’est ce que nous essayerons de voir ou de déceler dans la suite de ce texte.

La 6ème et dernière rupture entre le monde moderne et le monde post moderne est peut être la rupture la plus subtile des 6 et pourtant elle est bien réelle. Cette rupture, c’est la transformation de l’individu en personne
Dans le monde moderne, on aimait modéliser les gens pour les séparer par type ou profil d’individus et les manager de façon très rationnelle et très mécanique. Le problème, c’est qu’un individu n’est pas que " rationnel ", il a même tendance à l’être de moins en moins, saturé de raison qu’il est. Un collaborateur aujourd’hui n’est plus un individu homogène aux réactions stéréotypées et parfaitement prévisibles. Un collaborateur aujourd’hui est singulier-pluriel et porte différents masques en fonction des situations et des circonstances. Ces différents masques expliquent que chez un même individu vous pouvez avoir des réactions et des comportements très différents, voire contradictoires en fonction des situations et des circonstances. Alors que nous avions plutôt appris à gérer des individus très rationnels qui mettaient des barrières très étanches entre leurs différentes vies, nous sommes de plus en plus confrontés à des personnes post modernes beaucoup plus insaisissables et beaucoup plus imprévisibles car vivants plusieurs vies à la fois y compris dans leur job. On le sent bien, du moins instinctivement, notre management devra évoluer pour s’adapter aux différentes facettes de la personne qui est en face de nous et passer des pactes gagnants-gagnants avec les différentes facettes de cette personne.

6 leviers de motivation pour le management post moderne

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Les 6 ruptures décrites et peut-être d’autres se déroulent chaque jour devant nos yeux et rendent les managers, soit de moins en moins efficaces s’ils continuent de les ignorer, ou de les snober, soit au contraire de plus en plus efficaces s’ils ont le courage, l’audace et le talent) de les transformer en nouveaux leviers de motivation. Si on veut être ce manager post moderne force d’interposition entre des contextes et des collaborateurs ou des équipes nous sommes condamnés à surfer sur ces ruptures pour s’adapter aux nouveaux leviers de motivation de nos équipes et de nos collaborateurs. Alors, quels pourraient être ces nouveaux leviers de motivation et surtout comment peut-on faire pour les actionner ?

Un 1er levier de motivation post moderne pourrait être La Magification : La magification, c’est l’aptitude du manager à transmettre une vision sublimée du métier ou de la mission. Comment activer ce levier ? En réconciliant " mission " et " vocation " ! Avoir la capacité de faire converger la vocation et la mission de ses collaborateurs, voilà une capacité managériale très post moderne. Cette convergence entre mission et vocation offre au collaborateur une cohérence dans son action, une légitimité dans sa mission et une noblesse dans son travail qui lui donnent des ailes. La Magification au fond, c’est la capacité du manager à présenter la mission à son collaborateur, non pas comme un travail à réaliser, mais comme une œuvre à accomplir et plus l’œuvre demandée coïncide avec la vocation du collaborateur et plus le collaborateur se mobilise et s’énergise.

Un 2ème levier de motivation post moderne pourrait être La Ludification : La ludification, c’est l’art du Manager d’insuffler du jeu et du ludique dans les activités professionnelles. Comment actionner ce levier ? En simplifiant la mission de ses collaborateurs. Simplifier une mission, c’est augmenter le rendement et l’efficacité de la mission tout en rendant cette mission plus légère à porter et à exécuter. C'est, en effet, la lourdeur et l'inefficacité de ce qui est parfois demandé au quotidien qui décourage et accable les troupes. Face au besoin croissant de jeu et de ludique, qui existe dans nos équipes et chez nos collaborateurs, la question clé du manager post moderne devient donc : Quel est le degré d’efficacité et de légèreté de ce que je propose ou de ce que j’impose à mes équipes au quotidien ? Une autre question clé possible pourrait être : Ai-je la capacité de transformer mes propres enjeux en jeu pour mes collaborateurs, car au fond transformer mes enjeux en jeu pour les autres, c’est peut-être le meilleur moyen, dans un monde post moderne, de réussir mes enjeux !

Un 3ème levier de motivation post moderne pourrait être L’Initiation : L’initiation, c’est l’aptitude du manager à offrir à l’autre un apprentissage permanent. A l’ère moderne, l'intelligence était surtout quantitative. Dans ce modèle d’intelligence quantitative, la valeur ajoutée reposait essentiellement sur la force mécanique et robotique des salariés et des processus. Ce modèle, parce qu'il était très normalisé et très standardisé, favorisait et facilitait peu le développement de l'autonomie, de la créativité et de la responsabilité. Avec l’émergence du post moderne, l’intelligence qualitative est en train de remplacer l’intelligence quantitative. L’ère moderne nous imposait un défi quantitatif. L’ère post moderne nous impose un défi qualitatif et nous y sommes particulièrement mal préparés. C’est donc à nous managers post modernes apprentis de donner le " LA " avec un management qui initie et valorise la qualité plutôt que la quantité et la création plutôt que la répétition. C’est un vrai défi à nos neurones et c’est un vrai supplice pour nos reflexes et nos marqueurs de performance qui restent encore très quantitatifs.

Un 4ème levier de motivation post moderne pourrait être La Concentration. La concentration, c’est l’aptitude du manager à se focaliser sur ce qui est utile. Si l’on veut se concentrer sur ce qui est utile, en évitant le contre sens où la contre productivité, demandons-nous toujours avant d’agir si nous sommes :
 dans un temps accéléré, c’est-à-dire un temps dans lequel nous avons de la visibilité et un cap parfaitement fixé. Dans ce cas, concentrons-nous sur l’accélération des rythmes et des cadences.
 Dans un temps saturé, c'est-à-dire un temps dans lequel nous avons trop de choses à faire en même temps. Dans ce cas, concentrons-nous sur les choix à faire. L’ère post moderne, ce sera plus " fromage et dessert " mais plutôt " fromage ou dessert " ! Il va falloir réapprendre à choisir !!
 Dans un temps compressé, c'est-à-dire un temps dans lequel nous n’avons plus de passé et pas encore d’avenir. Dans ce cas, concentrons-nous sur la définition d’un nouveau cap, avec le choix d’une nouvelle destination et le choix d’un nouveau chemin pour arriver à cette destination.

Un 5ème levier de motivation post moderne pourrait s’appeler La Singularisation : La singularisation c’est l’aptitude du manager à passer de l’individu à la personne. L'ère des salariés robotisés et standardisés est révolue. L’avenir est au sur-mesure, voire même, à la haute couture et c’est grâce à la singularisation du management que l’on parviendra à ce sur-mesure et à cette haute couture à l’intérieur des équipes. Pour singulariser notre management, nous devons apprendre à préférer l’engagement à l’obéissance et ce n’est pas un réflexe naturel après tant d’années durant lesquelles nous avons demandé à nos collaborateurs d’appliquer la stratégie de l’entreprise. Cette liberté de création, d’expression et d’action est possible contrairement à ce que l’on pense à condition d’accepter son corollaire. En l’occurrence, le corollaire de la liberté, c’est la responsabilité. Etre responsable, c’est avoir la liberté de faire des choix et ensuite d’assumer ses choix. Il n’y a pas de responsabilité sans liberté et il n’y a pas de liberté sans responsabilité. La liberté sans responsabilité c’est de l’irresponsabilité et de la responsabilité sans liberté c’est du harcèlement !!! Fais ce qu’il te plaît, mais engage-toi, voilà comment on pourrait résumer la force du couple " liberté-responsabilité " ! Pour un manager post moderne, rendre son collaborateur libre et responsable est une forme de Singularisation, qui finit toujours par être très appréciée, car la singularisation est souvent un excellent moyen de prendre en compte la personne dans son ensemble pour qu’elle exprime et qu’elle exploite ses différentes sensibilités. Un exemple concret de singularisation est à prendre chez GOOGLE où, tous les salariés ont le droit de consacrer 20 % de leur temps de travail à une initiative personnelle en lien avec le business de GOOGLE, sans accord hiérarchique. Résultats des courses : 80% des innovations de GOOGLE prennent leur origine dans ces 20%-là de temps de travail.

Un 6ème levier de motivation post moderne pourrait s’appeler La Sacralisation : La sacralisation c’est l’aptitude du manager à définir puis à protéger ce qui est essentiel et vital pour sa tribu ! Après une ère moderne caractérisée par l’abondance et le no limit, l’ère post moderne nous donnera l’occasion de nous recentrer sur ce qui est essentiel et vital pour nous, avec à la clé de vrais arbitrages et de vrais choix à faire. Au revoir l’Abondance, bonjour la Frugalité, voilà un des changements majeurs entre le monde moderne où toutes les ressources étaient facilement accessibles et le monde post moderne où toutes les ressources seront comptées ! Tout le monde devra augmenter son niveau d’autonomie (dans tous les sens du terme) et apprendre à faire mieux avec beaucoup moins. En pratique, les managers post modernes travailleront de en plus en plus en réseau et en tribu au service de projets très engagés et de valeurs fortes. Le vrai patron à l’ère moderne c’est le projet et les valeurs, tout le reste n’est que bavardage. Frugalité oblige, ce projet, ce sera fromage ou dessert, beurre ou argent du beurre mais pas les 2 !!! Cet art de la frugalité fera émerger à nouveau le sens du sacré et du vital et il n’a rien à voir avec l’art du sacrifice, car le sacrifice est souvent subi alors que la frugalité sera choisie. Pour passer un vrai pacte avec sa tribu, le manager post moderne posera la question suivante : Si on devait tout nous prendre, sauf un truc, quel serait ce truc et quel prix est-on prêt à payer pour conserver ce truc ?

Pour " faire vivre " le management post moderne dans vos organisations, dans votre entreprise ou dans vos équipes, un blog est à votre disposition accessible en cliquant ICI. Construire un nouvel art de vivre est en effet un projet commun. Ce blog est donc en perpétuel travaux et en perpétuel enrichissement. Si vous souhaitez, avec d’autres, participer à la construction du management post moderne, déposer, sur ce blog, votre pierre à l’édifice.

Présentation de l'auteur

Pierre Olivier Gros est docteur en pharmacie de formation et manager d’équipes (ventes et marketing) depuis une 20aine d’années dans l’industrie pharmaceutique. La pérennité de son engagement professionnel dans ce secteur d’activité s’explique par l’application de sa conviction : la performance de l’entreprise passe par la santé et le bien être des individus au sein de l’entreprise.

Manager avec cette conviction exige une curiosité tournée vers l’individu et une capacité d’adaptation à l’environnement dans lequel les collaborateurs évoluent. Aujourd’hui plus qu’avant, à l’aube de profonds changements de paradigme, cette appétence pour intégrer la nouvelle donne socio-économique s’illustre dans l’exercice d’un management post moderne ou les clivages frontaux (le Bien ou la Mal, la vie professionnelle ou la vie privée, il faut ou il ne faut pas…) se fondent et se confondent pour faire émerger une nouvelle façon de mobiliser les équipes enclines à créer de la richesse au sein des entreprises et organisations.


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Pierre Olivier GROS