Résumé
Les 4 Temps du Management
Les gestionnaires prétendent garantir la " sincérité " et la " régularité " des comptes. Ils sont chargés par les parties prenantes de donner une image fidèle de " l’exactitude " de la situation économique de l’entreprise.
Pourtant l’actualité de ces dernières années a montré à plusieurs reprises et de façon souvent spectaculaire que les falsifications étaient toujours possibles tant au niveau de la gestion des entreprises, des institutions que des nations.
L’exploration que nous proposons ne relèvera ni du droit ni de l’éthique. Notre effort portera avant tout sur les processus psychiques, intrapsychiques et sociaux qui sont mis en jeu dans ces comportements. La fraude et la tromperie ne sont pas une fin en soi, ce sont des moyens pour leurrer l’autre, le placer dans une illusion à laquelle pour un temps il va adhérer. Elles reposent sur une séduction qui semble capter l’Idéal du Moi des victimes. Elles procèdent par suggestion hypnotique en laissant espérer des gains rapides et plus importants que les solutions classiques. Elles affaiblissent la vigilance du Moi et la méfiance du Surmoi, en réveillant le désir de toute puissance qui hante chacun d’entre nous. Comme la mère idéale, le mensonge rassure. Il permet de retarder le contact avec le réel, vécu comme la mort d’un rêve. Les fraudes d’entreprise, on le voit, ne se limitent pas à la manipulation de données comptables. Elles passent également par le détournement de l’imaginaire d’autrui. Elles procèdent donc d’opérations symboliques complexes qui restent à déchiffrer.
Les fraudes d’entreprises ont sans doute de nombreuses fonctions qui ne sont pas sans bénéfices pour les sujets qui s’y adonnent, qu’ils soient bourreaux ou victimes. L’enjeu de cet article consistera à tenter de mettre à jour les forces obscures et profondes qui originent ce type de transgression. Cet effort devrait permettre de rendre les choix plus conscients si d’aventure un jour ou un autre selon les circonstances, nous étions confrontés à cette tentation.
La méthode utilisée s’appuiera sur l’analyse clinique des récits de mensonges et de tromperies d’entreprises fortement médiatisées. Elle commencera par une synthèse détaillée de chaque imposture en tentant à chaque fois de considérer les faits (le réel), comme des signes signifiants (le symbolique) quelque chose de l’inconscient (l’imaginaire). L’entreprise sera évidemment imparfaite dans la mesure où elle ne mobilisera pas la participation réelle des acteurs mais conduira à formuler un certain nombre d’hypothèses qui devrait contribuer à une meilleure compréhension de ces phénomènes de plus en plus répandus dans les pratiques de gestion des entreprises libérales.
Mots clés : tromperie, fraude, clinique, signifiant, réel – symbolique, imaginaire
Pourtant l’actualité de ces dernières années a montré à plusieurs reprises et de façon souvent spectaculaire que les falsifications étaient toujours possibles tant au niveau de la gestion des entreprises, des institutions que des nations.
L’exploration que nous proposons ne relèvera ni du droit ni de l’éthique. Notre effort portera avant tout sur les processus psychiques, intrapsychiques et sociaux qui sont mis en jeu dans ces comportements. La fraude et la tromperie ne sont pas une fin en soi, ce sont des moyens pour leurrer l’autre, le placer dans une illusion à laquelle pour un temps il va adhérer. Elles reposent sur une séduction qui semble capter l’Idéal du Moi des victimes. Elles procèdent par suggestion hypnotique en laissant espérer des gains rapides et plus importants que les solutions classiques. Elles affaiblissent la vigilance du Moi et la méfiance du Surmoi, en réveillant le désir de toute puissance qui hante chacun d’entre nous. Comme la mère idéale, le mensonge rassure. Il permet de retarder le contact avec le réel, vécu comme la mort d’un rêve. Les fraudes d’entreprise, on le voit, ne se limitent pas à la manipulation de données comptables. Elles passent également par le détournement de l’imaginaire d’autrui. Elles procèdent donc d’opérations symboliques complexes qui restent à déchiffrer.
Les fraudes d’entreprises ont sans doute de nombreuses fonctions qui ne sont pas sans bénéfices pour les sujets qui s’y adonnent, qu’ils soient bourreaux ou victimes. L’enjeu de cet article consistera à tenter de mettre à jour les forces obscures et profondes qui originent ce type de transgression. Cet effort devrait permettre de rendre les choix plus conscients si d’aventure un jour ou un autre selon les circonstances, nous étions confrontés à cette tentation.
La méthode utilisée s’appuiera sur l’analyse clinique des récits de mensonges et de tromperies d’entreprises fortement médiatisées. Elle commencera par une synthèse détaillée de chaque imposture en tentant à chaque fois de considérer les faits (le réel), comme des signes signifiants (le symbolique) quelque chose de l’inconscient (l’imaginaire). L’entreprise sera évidemment imparfaite dans la mesure où elle ne mobilisera pas la participation réelle des acteurs mais conduira à formuler un certain nombre d’hypothèses qui devrait contribuer à une meilleure compréhension de ces phénomènes de plus en plus répandus dans les pratiques de gestion des entreprises libérales.
Mots clés : tromperie, fraude, clinique, signifiant, réel – symbolique, imaginaire
Introduction
L’actualité de ces dernières années a montré à plusieurs reprises et de façon souvent spectaculaire que les falsifications, impostures ou escroqueries étaient toujours possibles tant au niveau de la gestion des entreprises, des institutions que des nations.
Parmi les nombreuses " affaires " qui ont frappé les imaginations, nous ne retiendrons que celles qui mettent en scène des acteurs bien identifiés et qui ont fait l’objet de nombreuses publications faciles d’accès. C’est ainsi que nous explorerons les mésaventures de de Bernard Tapie, de Jean-Marie Messier, de Jérôme Kerviel, de Bernard Madoff. D’autres faits divers comme ceux initiés par Jean-Claude Mas ou l’extraordinaire illusionniste Philippe Berre avait également retenu notre attention. Nous nous proposons de reprendre cette exploration à leur sujet un peu plus tard tant les sources d’informations sont abondantes concernant les premières citées.
L’analyse que nous mènerons s’appuie sur des données secondaires facilement accessibles et très abondantes, provenant de livres biographiques, d’articles de presse ou de reportages télévisuels. Elle s’organisera en deux temps. Chaque imposture sera d’abord présentée sous la forme d’un récit présentant les grands moments de l’affaire et les principaux acteurs concernés. Dans ces descriptions, nous nous efforcerons de mettre en évidence les comportements mis en scène et d’identifier les facteurs extrinsèques et intrinsèques qui les conditionnent. Les facteurs extrinsèques relèvent d’enjeux institutionnels, économiques, organisationnels et politiques, d’une certaine façon, ils renvoient à l’histoire tandis que les facteurs intrinsèques renvoient à la sphère intime du sujet. C’est sans doute dans cette interaction que se trouve la vérité de l’imposture.
Nous tenterons ensuite de mettre en évidence les processus émotionnels, cognitifs et imaginaires communs ou présentant des analogies suffisantes à toutes les histoires. Nous espérons, à partir de là, faire émerger des régularités susceptibles de contribuer à une meilleure compréhension du vécu émotionnel des acteurs impliqués dans des situations que nous qualifierons pour l’instant de transgressions organisationnelles.
Notre propos ne sera évidemment pas de porter un jugement de valeur sur les situations et les comportements des individus mais simplement de tenter, à la lumière de la psychologie clinique et de la psychanalyse, de comprendre les ressorts cachés que manipule avec tant d’intelligence l’imposteur et les origines du consentement que pour un temps, les victimes lui accordent.
Parmi les nombreuses " affaires " qui ont frappé les imaginations, nous ne retiendrons que celles qui mettent en scène des acteurs bien identifiés et qui ont fait l’objet de nombreuses publications faciles d’accès. C’est ainsi que nous explorerons les mésaventures de de Bernard Tapie, de Jean-Marie Messier, de Jérôme Kerviel, de Bernard Madoff. D’autres faits divers comme ceux initiés par Jean-Claude Mas ou l’extraordinaire illusionniste Philippe Berre avait également retenu notre attention. Nous nous proposons de reprendre cette exploration à leur sujet un peu plus tard tant les sources d’informations sont abondantes concernant les premières citées.
L’analyse que nous mènerons s’appuie sur des données secondaires facilement accessibles et très abondantes, provenant de livres biographiques, d’articles de presse ou de reportages télévisuels. Elle s’organisera en deux temps. Chaque imposture sera d’abord présentée sous la forme d’un récit présentant les grands moments de l’affaire et les principaux acteurs concernés. Dans ces descriptions, nous nous efforcerons de mettre en évidence les comportements mis en scène et d’identifier les facteurs extrinsèques et intrinsèques qui les conditionnent. Les facteurs extrinsèques relèvent d’enjeux institutionnels, économiques, organisationnels et politiques, d’une certaine façon, ils renvoient à l’histoire tandis que les facteurs intrinsèques renvoient à la sphère intime du sujet. C’est sans doute dans cette interaction que se trouve la vérité de l’imposture.
Nous tenterons ensuite de mettre en évidence les processus émotionnels, cognitifs et imaginaires communs ou présentant des analogies suffisantes à toutes les histoires. Nous espérons, à partir de là, faire émerger des régularités susceptibles de contribuer à une meilleure compréhension du vécu émotionnel des acteurs impliqués dans des situations que nous qualifierons pour l’instant de transgressions organisationnelles.
Notre propos ne sera évidemment pas de porter un jugement de valeur sur les situations et les comportements des individus mais simplement de tenter, à la lumière de la psychologie clinique et de la psychanalyse, de comprendre les ressorts cachés que manipule avec tant d’intelligence l’imposteur et les origines du consentement que pour un temps, les victimes lui accordent.
1. Bernard Tapie : Les tribulations d’un entrepreneur " romanesque "
Bernard Tapie ne laisse personne indifférent ; il suscite soit l’enthousiasme, soit la réprobation. Il faut dire que sa trajectoire n’est pas banale car il témoigne du meilleur comme du pire. Né en 1943, il a occupé successivement les métiers de pilote de course, chanteur, commercial, hommes d’affaires, dirigeant d'entreprises, patron d'un club de football, animateur de télévision, auteur, homme politique, ministre, détenu et acteur. Il est actuellement de nouveau homme d'affaires, gérant du Groupe Bernard Tapie.
Il ne faudrait pas croire que la réussite de Bernard Tapie a été facile. Contrairement à la légende que lui-même à contribuer à diffuser, le début de sa vie professionnelle a été particulièrement difficile. Il a rencontré plusieurs échecs cuisants : Une de ses premières aventures " Le Grand dépôt " se conclue en 1974 par un dépôt de bilan avec une mise en faillite personnelle le condamnant à 3 mois de prison avec sursis et une interdiction de gérer une entreprise. Cette condamnation sera annulée quelques années plus tard, Tapie ayant réussi à rembourser ces dettes. Interdit bancaire entre 1967 et 1977, cela ne l’empêche pas de se relancer dans une nouvelle entreprise qu’il crée avec un ami médecin " Cœur Assistance " qui propose des services d’urgence à des personnes atteintes de maladies cardiaques. En 1978, l’entreprise est obligée de déposer le bilan et 3 ans plus tard Bernard Tapie est condamné une nouvelle fois à 12 mois de prison avec sursis pour " publicité mensongère et infraction à la loi sur les sociétés ". Une amnistie lui permet de remettre les comptes à zéro.
Mais toutes ces expériences ne sont pas entièrement négatives. Durant, cette période, il a beaucoup appris. Il a surtout appris son métier d’entrepreneur repreneur. C’est en effet à partir des années 1977, qu’il va bâtir sa fortune et sa gloire en rachetant des entreprises en difficultés sur laquelle il applique toujours la même méthode, celle qu’il a utilisée pour surmonter ses propres difficultés : négocier avec les fournisseurs une réduction significative du montant des dettes, optimiser la productivité et revendre l’entreprise dès que celle–ci a retrouvé une santé financière suffisante. Entre les années 1980 et 1990 c’est plus de 40 sociétés au moins si ce n’est pas plus qui subiront ou bénéficieront de ce traitement. Parmi celles–ci quelques-unes sont plus médiatiques que d’autres : La Vie Claire, Terraillon, Testut), le Club méditerranée, Toshiba France, Wonder, Adidas, etc…Désormais la fortune va lui sortir ; du moins pour un temps….
En rachetant des entreprises à forte notoriété, Bernard Tapie attire l’attention des médias. Galvanisé, voire " hystérisé " par ses succès, il surjoue sa réussite. Au fur et à mesure de ces apparitions médiatiques, il construit une légende : celle d’un héros de roman capable d’affronter toutes les adversités. Cette position est " un leurre " dans lequel lui-même se mire réparant son narcissisme blessé de ses premières expériences moins glorieuses. Il déploie toute son énergie libidinale pour maintenir cette posture " actantielle " qui lui permet de se nourrir de la reconnaissance des autres.
Saturé narcissiquement, il séduit ceux qui l’approchent, trouvant en lui une image positive à laquelle ils peuvent s’identifier et s’imaginer aussi Autre. En fait dans cette dynamique BT s’illusionne et illusionne. Illusion lui donne une force qui se renforce d’autant plus qu’elle suscite chez l’autre le désir de lui ressembler. Mais dans cette histoire, Bernard Tapie se perd. Totalement aspiré par son Idéal du Moi, son Moi se dissout et tout lui semble possible, tout lui parait permis.
Mais à vrai dire, ce n’est pas seulement les circonstances particulièrement favorables de cette période qui suffisent à expliquer cette dynamique qu’il faut bien qualifier de narcissique. Elle prend sans doute sa source dans l’histoire affective du sujet. Ses autobiographies présentent un père peu présent, très occupé par sa vie professionnelle tandis qu’il était l’objet d’une réelle idéalisation de la part de la mère. Dans cette relation imaginaire, où selon Winnicott le visage de la mère est un miroir, l’enfant peut fantasmer qu’il à la puissance de combler le manque de la mère. En restant coincé dans cette jouissive illusion, la sublimation des pulsions est rendue plus difficile, mais elle procure à l’enfant un sentiment de toute-puissance qui pet créer chez lui un sentiment de grandiosité.
Objet favori du désir de la Mère, l’enfant est installé dans une position " fabuleuse ". Ce faisant, il accède au monde enchanté du désir de la mère. Dans ce monde, la mort n’existe pas. Comme Siegfried), héros de la chanson des Nibelungen, il est doté d’une force (narcissique) supérieure qui lui permet d’accomplir de nombreux exploits et de vaincre le dragon Fàfnir. C’est en se baignant dans son sang, qu’il devient invulnérable sauf à un endroit bien précis de son dos à cause d’une feuille d’arbre tombée à ce moment-là. Si le regard " océanique " de la mère permet de construire des bases narcissiques solides, l’invulnérabilité totale du sujet ne peut être assurée.
C’est sans doute pour maintenir (inconsciemment ?) cette position merveilleuse que Bernard Tapie sera souvent dans la fabulation et sera d’ailleurs parfois traité comme tel. Nous utilisons le terme " fabuler " non dans son sens psychopathologique mais dans son sens étymologique c’est-à-dire " raconter des histoires auquel le sujet croit plus ou moins ", " présenter des faits comme des faits réel ", " Imaginer des histoires fictives et les présenter comme réelles ". La fabulation n’est pas toujours pathologique. Elle fait partie de l’art de la parole et du conte. En fait tout se passe comme si BT voulait " enchanter " son auditoire et s’enchanter lui-même. N’est-ce pas ce qu’il fait quand il propose à un vendeur de télévision en porte à porte de changer son scénario de vente en se présentant comme un journaliste missionné pour réaliser une enquête sur l’impact de la TV dans les foyers. Ainsi déguisé, il propose aux clients potentiels de mettre à leur disposition gratuitement pendant 1 semaine ce téléviseur s’ils acceptent de répondre à cette enquête. Il repasse une semaine après pour réaliser le sondage et offre la possibilité aux personnes d’acheter l’appareil avec une réduction de 25% ; quand il promet aux ouvriers des entreprises qu’il rachète des lendemains meilleurs ; quand il séduit François Mitterrand qui le nommera ministre de la ville ; quand il consolide " de façon avantageuse " le capital de sa société BT Finances dans la perspective de la placer en bourse ; quand il rachète, contre toute attente, avec Francis Bouygues près de 1,7% du capital de TF1 ; quand il lance son émission Ambitions, quand il rachète l’OM, quand il crée son école de vente garantissant un accès à l’emploi des plus rapides pour les participants, … ; bref quand il met en scène une certaine toute puissance…
Mais parfois dans ce numéro de séducteur prestidigitateur, Bernard Tapie ne se contente pas de belles promesses. Il n’hésite pas pour atteindre ses buts à pratiquer (sadiquement) le mensonge. Par exemple, en racontant à l’ex empereur auto-proclamé Jean-Bedel Bokassa que l’état français va saisir ses biens et qu’il aurait tout intérêt à lui vendre, au plus vite, ses châteaux. Après avoir signé un accord de vente Bokassa apprendra par sa femme que le président de l’époque Giscard d’Estaing n’avait aucunement l’intention de saisir ses biens mais peine perdu Bernard Tapie était bien devenu propriétaire…Il promet ensuite de vendre les châteaux et de verser le montant de la vente à l’Unicef qui attend toujours …Finalement, Bernard Tapie a été condamné par la justice ivoirienne à rendre les châteaux et à verser 100000 francs de dommages et intérêts à Bokassa qui a retrouvé ses châteaux vidés de ses meubles, tableaux et voitures…Il fera à nouveau appel au mensonge avec Georges Tranchant, député RPR des Haut de Seine , également propriétaire d’une société d’importation de produits Toshiba en France. Lors de la revente de cette société à Toshiba, Tapie s’est arrangé pour toucher directement du constructeur une somme de 13 millions de francs en lui faisant croire que la vente ne s’élevait qu’à 1, 8 millions de francs… ; quand il dissimule à Pierre Botton, alors acheteur de La Vie Claire un passif de 65 millions de francs entrainant ainsi l’annulation de la vente de cette société et un accord à l’amiable qui rapportera à Pierre Botton près de 5 millions de francs à la condition qu’il renonce à porter plainte ; lorsqu’il promet aux salariés de l’usine Wonder de Lisieux que jamais il ne fermera l’usine et que les personnes les plus désespérés peuvent contacter directement sa directrice du personnel qui leur réservera une attention toute particulière …….puisqu’ils seront en fait les premiers sur la liste…
BT pratique aussi des petits mensonges moins couteux en diminuant systématiquement son âge de 2 ans. Il s’invente des vies, prétendant par exemple être né d’une famille très pauvre d’un milieu rural… Dans son livre autobiographique " Gagner ", il explique qu’il a été " ingénieur " au bureau d’études de Panhard alors qu’il n’a été que vendeur dans une succursale… ; il prétend également lors de son rapide passage dans la chanson avoir vendu plus d’un million de disques alors qu’il n’a vendu qu’à peine 10 000… Sur la pochette de ses disques il a été joueur international de handball…
Cette capacité à travestir le réel lui permet parfois de se sortir de situation difficile, notamment en affaires. Elle lui permet de convaincre en présentant les objectifs à atteindre comme s’ils étaient déjà atteints. C’est de cette façon qu’il finit par convaincre l’Ordre des médecins que son projet " Cœur assistance " non seulement ne découragerait pas les patients de consulter les cardiologues mais au contraire les inciteraient à davantage les fréquenter et qu’il était de toute façon difficile de revenir en arrière puisque l’association avait déjà rassemblé près de 5000 abonnés alors qu’elle n’en avait à peine une centaine ; ou encore lorsqu’ il rachète l’entreprise ManuFrance. La CGT pour faire monter les enchères a fait intervenir dans la négociation un faux repreneur, un dénommé Jean-Claude Dumas. Celui-ci prétendait être adossé à deux banques suisses et proposait potentiellement une reprise plus profitable aux salariés. Très vite BT a perçu l’arnaque et a fait intervenir un de ses collaborateurs qui s’est fait passer pour un éminent représentant d’un groupe financier Qatar. Durant l’entretien avec ce faux émissaire, Dumas se laisse aller à des confidences avouant qu’il n’a pas l’intention de redévelopper l’entreprise mais de faire une opération immobilière. Mais l’entretien est enregistré et BT le menace de diffuser cet enregistrement devant un juge ; ce qui tribunal sera du plus mauvais effet. Il lui a été facile alors de demander au faux repreneur de retirer sa candidature à la reprise.
Son talent de magicien lui sera également fort utile pour l’achat d’une entreprise concurrente de Wonder qui risque de disparaître si on laisse faire un autre concurrent. Tapie n’a plus de trésorerie mais il parvient à convaincre Georges Pebereau, le flamboyant président de la Compagnie Générale des Eaux et Yvette Chassagne, alors présidente directeur générale de l’UAP d’investir massivement dans cette reprise.
A l’évidence ces nombreux mensonges petits ou grands montrent qu’il ne s’agit pas d’un stratagème véritablement calculé. C’est la force du désir qui travaille au fond de lui, le poussant à constamment à transformer le réel pour imposer son désir. Un désir comme le désir de fusion avec la mère qui ne connait pas de limite, que rien ne saurait médiatiser. En fait dans les années 80 – 90, Tapie pour réaliser son désir est prêt à toutes les transgressions : " rien de l’arrête, rien de l’effraie, rien ne lui fait peur il croit que l’univers est à lui. Aucun but ne lui parait hors de portée. Il peut décrocher la lune et surtout il arrive à le faire croire aux autres et surtout cette capacité d’embarquer ses interlocuteurs dans un monde irréel lui donne un pouvoir dont il ne cessera d’user et d’abuser " (Routier, 2006).
Mais c’est dans le monde du football que Bernard rencontrera douloureusement le réel. " Le réel dit Lacan c’est ce qui fait mal ". Et c’est bien là qu’il fera l’expérience de la castration en rencontrant " le tiers " en la personne d’un juge très surmoïque Eric de Montgolfier qui ne se laissera pas séduire par celui qu’il considère comme l’instigateur de la corruption opérée sur 3 joueurs de l’équipe de football de Valenciennes. C’est à travers lui que Bernard rencontrera la loi au sens propre comme au sens juridique. ". Le juge sera la figure du destin chargée de lui montrer que le désir n’est pas la loi. Celui-ci aura d’ailleurs des propos qui résumeront bien la problématique narcissique de Bernard Tapie : " Certains ont tellement envie de gagner qu’ils sont prêts à s’affranchir de toutes les limites ".
Le 26 Mai 1993, les joueurs de l’OM doivent rencontrer les italiens pour un match décisif dont ils sortiront vainqueur, permettant ainsi pour la première fois à une équipe française de devenir champion d’Europe. 4 jours avant, l’OM doit affronter l’équipe de Valenciennes dans le cadre du championnat de France. Pour préserver ses joueurs et surtout éviter des blessures, Bernard Tapie demande à son directeur général de corrompre 3 joueurs du club. Le gardien de l’équipe de Valenciennes, d’origine alsacienne, sans doute équipé d’un surmoi relativement structuré se confie scandalisé à son entraineur qui n’était pas informé de cette " combine " ; la négociation s’étant faite directement entre un joueur de l’OM et les 3 autres joueurs concernés. Quand le président de la ligue nationale de football apprend cette fraude, il porte plainte contre X et c’est Eric de Montgolfier qui est chargé d’instruire cette affaire. C’est d’abord le Directeur général Jean-Pierre Bernès qui est mis en accusation, ce qui entraine son incarcération pour une période d’emprisonnement de 1 mois. Au cours des interrogatoires, Bernès explique que l’ordre lui était venu de Bernard Tapie, lui-même.
Avec cette affaire, le destin de BT va basculer. Il va être mis en examen dans l’affaire Testut et subir un nouveau contrôle fiscal. Le 28 Juin 1994, l’assemblée parlementaire demande la levée de son immunité parlementaire. Le lendemain la police vient le chercher à domicile le matin à 6 h. Le 29 Juillet de la même année, ce sont ces meubles qui sont saisis. Le 13 Décembre son hôtel particulier est mis en vente. Début Janvier 95, Le Crédit Lyonnais demande le remboursement de ces emprunts soit 1 milliards de francs. Le 15 Mai 1995, le tribunal conclura l’affaire OM VA et le condamne à un an de prison pour corruption et surtout subordination de témoin. La condamnation qu’il a reçue est lourde. Elle est en partie liée à l’attitude arrogante que Bernard Tapie a eue au cours de l’enquête. Persuadé qu’il n’y a pas de preuve, il nie en bloc les faits qui lui sont reprochés alors que ses complices ont déjà avoué.
Le 3 février 1997, il devra affronter " la pire épreuve de sa vie " (Routier, 2006) quand il part en direction de la prison dans le coffre de la voiture de son fils. En rentrant dans sa cellule, Bernard Tapie rencontrera une fois de plus le " Réel ". Il confiera plus tard ce qu’il a ressenti alors : " Tu te dis, c’est pas un cauchemar c’est pire qu’un cauchemar ". Cette expérience sera très douloureuse pour Bernard Tapie car c’est son image se brise, cette image de toute puissance qui s’écroule. " En croyant perdre son image, le sujet croit perdre la vie " (Denis Vasse, 1983). Ses proches sont très inquiets : il parle de se suicider. 8 mois plus tard il sera libéré, déterminé comme le Comte de Monte Christo à obtenir réparation de la part de son ancienne banque des sommes qu’elle a détourné à son profit dans la vente de l’entreprise Adidas. Pendant 15 ans il s’ ‘acharnera pour obtenir gain de cause finalement en 2008 en recevant de la part du Crédit Lyonnais un chèque de 285 millions d’euros dont 45 millions de préjudice moral. L’histoire de Bernard Tapie est difficile comprendre car se mêle en permanence dans son récit des mensonges romantiques et des vérités romanesques…
Il ne faudrait pas croire que la réussite de Bernard Tapie a été facile. Contrairement à la légende que lui-même à contribuer à diffuser, le début de sa vie professionnelle a été particulièrement difficile. Il a rencontré plusieurs échecs cuisants : Une de ses premières aventures " Le Grand dépôt " se conclue en 1974 par un dépôt de bilan avec une mise en faillite personnelle le condamnant à 3 mois de prison avec sursis et une interdiction de gérer une entreprise. Cette condamnation sera annulée quelques années plus tard, Tapie ayant réussi à rembourser ces dettes. Interdit bancaire entre 1967 et 1977, cela ne l’empêche pas de se relancer dans une nouvelle entreprise qu’il crée avec un ami médecin " Cœur Assistance " qui propose des services d’urgence à des personnes atteintes de maladies cardiaques. En 1978, l’entreprise est obligée de déposer le bilan et 3 ans plus tard Bernard Tapie est condamné une nouvelle fois à 12 mois de prison avec sursis pour " publicité mensongère et infraction à la loi sur les sociétés ". Une amnistie lui permet de remettre les comptes à zéro.
Mais toutes ces expériences ne sont pas entièrement négatives. Durant, cette période, il a beaucoup appris. Il a surtout appris son métier d’entrepreneur repreneur. C’est en effet à partir des années 1977, qu’il va bâtir sa fortune et sa gloire en rachetant des entreprises en difficultés sur laquelle il applique toujours la même méthode, celle qu’il a utilisée pour surmonter ses propres difficultés : négocier avec les fournisseurs une réduction significative du montant des dettes, optimiser la productivité et revendre l’entreprise dès que celle–ci a retrouvé une santé financière suffisante. Entre les années 1980 et 1990 c’est plus de 40 sociétés au moins si ce n’est pas plus qui subiront ou bénéficieront de ce traitement. Parmi celles–ci quelques-unes sont plus médiatiques que d’autres : La Vie Claire, Terraillon, Testut), le Club méditerranée, Toshiba France, Wonder, Adidas, etc…Désormais la fortune va lui sortir ; du moins pour un temps….
En rachetant des entreprises à forte notoriété, Bernard Tapie attire l’attention des médias. Galvanisé, voire " hystérisé " par ses succès, il surjoue sa réussite. Au fur et à mesure de ces apparitions médiatiques, il construit une légende : celle d’un héros de roman capable d’affronter toutes les adversités. Cette position est " un leurre " dans lequel lui-même se mire réparant son narcissisme blessé de ses premières expériences moins glorieuses. Il déploie toute son énergie libidinale pour maintenir cette posture " actantielle " qui lui permet de se nourrir de la reconnaissance des autres.
Saturé narcissiquement, il séduit ceux qui l’approchent, trouvant en lui une image positive à laquelle ils peuvent s’identifier et s’imaginer aussi Autre. En fait dans cette dynamique BT s’illusionne et illusionne. Illusion lui donne une force qui se renforce d’autant plus qu’elle suscite chez l’autre le désir de lui ressembler. Mais dans cette histoire, Bernard Tapie se perd. Totalement aspiré par son Idéal du Moi, son Moi se dissout et tout lui semble possible, tout lui parait permis.
Mais à vrai dire, ce n’est pas seulement les circonstances particulièrement favorables de cette période qui suffisent à expliquer cette dynamique qu’il faut bien qualifier de narcissique. Elle prend sans doute sa source dans l’histoire affective du sujet. Ses autobiographies présentent un père peu présent, très occupé par sa vie professionnelle tandis qu’il était l’objet d’une réelle idéalisation de la part de la mère. Dans cette relation imaginaire, où selon Winnicott le visage de la mère est un miroir, l’enfant peut fantasmer qu’il à la puissance de combler le manque de la mère. En restant coincé dans cette jouissive illusion, la sublimation des pulsions est rendue plus difficile, mais elle procure à l’enfant un sentiment de toute-puissance qui pet créer chez lui un sentiment de grandiosité.
Objet favori du désir de la Mère, l’enfant est installé dans une position " fabuleuse ". Ce faisant, il accède au monde enchanté du désir de la mère. Dans ce monde, la mort n’existe pas. Comme Siegfried), héros de la chanson des Nibelungen, il est doté d’une force (narcissique) supérieure qui lui permet d’accomplir de nombreux exploits et de vaincre le dragon Fàfnir. C’est en se baignant dans son sang, qu’il devient invulnérable sauf à un endroit bien précis de son dos à cause d’une feuille d’arbre tombée à ce moment-là. Si le regard " océanique " de la mère permet de construire des bases narcissiques solides, l’invulnérabilité totale du sujet ne peut être assurée.
C’est sans doute pour maintenir (inconsciemment ?) cette position merveilleuse que Bernard Tapie sera souvent dans la fabulation et sera d’ailleurs parfois traité comme tel. Nous utilisons le terme " fabuler " non dans son sens psychopathologique mais dans son sens étymologique c’est-à-dire " raconter des histoires auquel le sujet croit plus ou moins ", " présenter des faits comme des faits réel ", " Imaginer des histoires fictives et les présenter comme réelles ". La fabulation n’est pas toujours pathologique. Elle fait partie de l’art de la parole et du conte. En fait tout se passe comme si BT voulait " enchanter " son auditoire et s’enchanter lui-même. N’est-ce pas ce qu’il fait quand il propose à un vendeur de télévision en porte à porte de changer son scénario de vente en se présentant comme un journaliste missionné pour réaliser une enquête sur l’impact de la TV dans les foyers. Ainsi déguisé, il propose aux clients potentiels de mettre à leur disposition gratuitement pendant 1 semaine ce téléviseur s’ils acceptent de répondre à cette enquête. Il repasse une semaine après pour réaliser le sondage et offre la possibilité aux personnes d’acheter l’appareil avec une réduction de 25% ; quand il promet aux ouvriers des entreprises qu’il rachète des lendemains meilleurs ; quand il séduit François Mitterrand qui le nommera ministre de la ville ; quand il consolide " de façon avantageuse " le capital de sa société BT Finances dans la perspective de la placer en bourse ; quand il rachète, contre toute attente, avec Francis Bouygues près de 1,7% du capital de TF1 ; quand il lance son émission Ambitions, quand il rachète l’OM, quand il crée son école de vente garantissant un accès à l’emploi des plus rapides pour les participants, … ; bref quand il met en scène une certaine toute puissance…
Mais parfois dans ce numéro de séducteur prestidigitateur, Bernard Tapie ne se contente pas de belles promesses. Il n’hésite pas pour atteindre ses buts à pratiquer (sadiquement) le mensonge. Par exemple, en racontant à l’ex empereur auto-proclamé Jean-Bedel Bokassa que l’état français va saisir ses biens et qu’il aurait tout intérêt à lui vendre, au plus vite, ses châteaux. Après avoir signé un accord de vente Bokassa apprendra par sa femme que le président de l’époque Giscard d’Estaing n’avait aucunement l’intention de saisir ses biens mais peine perdu Bernard Tapie était bien devenu propriétaire…Il promet ensuite de vendre les châteaux et de verser le montant de la vente à l’Unicef qui attend toujours …Finalement, Bernard Tapie a été condamné par la justice ivoirienne à rendre les châteaux et à verser 100000 francs de dommages et intérêts à Bokassa qui a retrouvé ses châteaux vidés de ses meubles, tableaux et voitures…Il fera à nouveau appel au mensonge avec Georges Tranchant, député RPR des Haut de Seine , également propriétaire d’une société d’importation de produits Toshiba en France. Lors de la revente de cette société à Toshiba, Tapie s’est arrangé pour toucher directement du constructeur une somme de 13 millions de francs en lui faisant croire que la vente ne s’élevait qu’à 1, 8 millions de francs… ; quand il dissimule à Pierre Botton, alors acheteur de La Vie Claire un passif de 65 millions de francs entrainant ainsi l’annulation de la vente de cette société et un accord à l’amiable qui rapportera à Pierre Botton près de 5 millions de francs à la condition qu’il renonce à porter plainte ; lorsqu’il promet aux salariés de l’usine Wonder de Lisieux que jamais il ne fermera l’usine et que les personnes les plus désespérés peuvent contacter directement sa directrice du personnel qui leur réservera une attention toute particulière …….puisqu’ils seront en fait les premiers sur la liste…
BT pratique aussi des petits mensonges moins couteux en diminuant systématiquement son âge de 2 ans. Il s’invente des vies, prétendant par exemple être né d’une famille très pauvre d’un milieu rural… Dans son livre autobiographique " Gagner ", il explique qu’il a été " ingénieur " au bureau d’études de Panhard alors qu’il n’a été que vendeur dans une succursale… ; il prétend également lors de son rapide passage dans la chanson avoir vendu plus d’un million de disques alors qu’il n’a vendu qu’à peine 10 000… Sur la pochette de ses disques il a été joueur international de handball…
Cette capacité à travestir le réel lui permet parfois de se sortir de situation difficile, notamment en affaires. Elle lui permet de convaincre en présentant les objectifs à atteindre comme s’ils étaient déjà atteints. C’est de cette façon qu’il finit par convaincre l’Ordre des médecins que son projet " Cœur assistance " non seulement ne découragerait pas les patients de consulter les cardiologues mais au contraire les inciteraient à davantage les fréquenter et qu’il était de toute façon difficile de revenir en arrière puisque l’association avait déjà rassemblé près de 5000 abonnés alors qu’elle n’en avait à peine une centaine ; ou encore lorsqu’ il rachète l’entreprise ManuFrance. La CGT pour faire monter les enchères a fait intervenir dans la négociation un faux repreneur, un dénommé Jean-Claude Dumas. Celui-ci prétendait être adossé à deux banques suisses et proposait potentiellement une reprise plus profitable aux salariés. Très vite BT a perçu l’arnaque et a fait intervenir un de ses collaborateurs qui s’est fait passer pour un éminent représentant d’un groupe financier Qatar. Durant l’entretien avec ce faux émissaire, Dumas se laisse aller à des confidences avouant qu’il n’a pas l’intention de redévelopper l’entreprise mais de faire une opération immobilière. Mais l’entretien est enregistré et BT le menace de diffuser cet enregistrement devant un juge ; ce qui tribunal sera du plus mauvais effet. Il lui a été facile alors de demander au faux repreneur de retirer sa candidature à la reprise.
Son talent de magicien lui sera également fort utile pour l’achat d’une entreprise concurrente de Wonder qui risque de disparaître si on laisse faire un autre concurrent. Tapie n’a plus de trésorerie mais il parvient à convaincre Georges Pebereau, le flamboyant président de la Compagnie Générale des Eaux et Yvette Chassagne, alors présidente directeur générale de l’UAP d’investir massivement dans cette reprise.
A l’évidence ces nombreux mensonges petits ou grands montrent qu’il ne s’agit pas d’un stratagème véritablement calculé. C’est la force du désir qui travaille au fond de lui, le poussant à constamment à transformer le réel pour imposer son désir. Un désir comme le désir de fusion avec la mère qui ne connait pas de limite, que rien ne saurait médiatiser. En fait dans les années 80 – 90, Tapie pour réaliser son désir est prêt à toutes les transgressions : " rien de l’arrête, rien de l’effraie, rien ne lui fait peur il croit que l’univers est à lui. Aucun but ne lui parait hors de portée. Il peut décrocher la lune et surtout il arrive à le faire croire aux autres et surtout cette capacité d’embarquer ses interlocuteurs dans un monde irréel lui donne un pouvoir dont il ne cessera d’user et d’abuser " (Routier, 2006).
Mais c’est dans le monde du football que Bernard rencontrera douloureusement le réel. " Le réel dit Lacan c’est ce qui fait mal ". Et c’est bien là qu’il fera l’expérience de la castration en rencontrant " le tiers " en la personne d’un juge très surmoïque Eric de Montgolfier qui ne se laissera pas séduire par celui qu’il considère comme l’instigateur de la corruption opérée sur 3 joueurs de l’équipe de football de Valenciennes. C’est à travers lui que Bernard rencontrera la loi au sens propre comme au sens juridique. ". Le juge sera la figure du destin chargée de lui montrer que le désir n’est pas la loi. Celui-ci aura d’ailleurs des propos qui résumeront bien la problématique narcissique de Bernard Tapie : " Certains ont tellement envie de gagner qu’ils sont prêts à s’affranchir de toutes les limites ".
Le 26 Mai 1993, les joueurs de l’OM doivent rencontrer les italiens pour un match décisif dont ils sortiront vainqueur, permettant ainsi pour la première fois à une équipe française de devenir champion d’Europe. 4 jours avant, l’OM doit affronter l’équipe de Valenciennes dans le cadre du championnat de France. Pour préserver ses joueurs et surtout éviter des blessures, Bernard Tapie demande à son directeur général de corrompre 3 joueurs du club. Le gardien de l’équipe de Valenciennes, d’origine alsacienne, sans doute équipé d’un surmoi relativement structuré se confie scandalisé à son entraineur qui n’était pas informé de cette " combine " ; la négociation s’étant faite directement entre un joueur de l’OM et les 3 autres joueurs concernés. Quand le président de la ligue nationale de football apprend cette fraude, il porte plainte contre X et c’est Eric de Montgolfier qui est chargé d’instruire cette affaire. C’est d’abord le Directeur général Jean-Pierre Bernès qui est mis en accusation, ce qui entraine son incarcération pour une période d’emprisonnement de 1 mois. Au cours des interrogatoires, Bernès explique que l’ordre lui était venu de Bernard Tapie, lui-même.
Avec cette affaire, le destin de BT va basculer. Il va être mis en examen dans l’affaire Testut et subir un nouveau contrôle fiscal. Le 28 Juin 1994, l’assemblée parlementaire demande la levée de son immunité parlementaire. Le lendemain la police vient le chercher à domicile le matin à 6 h. Le 29 Juillet de la même année, ce sont ces meubles qui sont saisis. Le 13 Décembre son hôtel particulier est mis en vente. Début Janvier 95, Le Crédit Lyonnais demande le remboursement de ces emprunts soit 1 milliards de francs. Le 15 Mai 1995, le tribunal conclura l’affaire OM VA et le condamne à un an de prison pour corruption et surtout subordination de témoin. La condamnation qu’il a reçue est lourde. Elle est en partie liée à l’attitude arrogante que Bernard Tapie a eue au cours de l’enquête. Persuadé qu’il n’y a pas de preuve, il nie en bloc les faits qui lui sont reprochés alors que ses complices ont déjà avoué.
Le 3 février 1997, il devra affronter " la pire épreuve de sa vie " (Routier, 2006) quand il part en direction de la prison dans le coffre de la voiture de son fils. En rentrant dans sa cellule, Bernard Tapie rencontrera une fois de plus le " Réel ". Il confiera plus tard ce qu’il a ressenti alors : " Tu te dis, c’est pas un cauchemar c’est pire qu’un cauchemar ". Cette expérience sera très douloureuse pour Bernard Tapie car c’est son image se brise, cette image de toute puissance qui s’écroule. " En croyant perdre son image, le sujet croit perdre la vie " (Denis Vasse, 1983). Ses proches sont très inquiets : il parle de se suicider. 8 mois plus tard il sera libéré, déterminé comme le Comte de Monte Christo à obtenir réparation de la part de son ancienne banque des sommes qu’elle a détourné à son profit dans la vente de l’entreprise Adidas. Pendant 15 ans il s’ ‘acharnera pour obtenir gain de cause finalement en 2008 en recevant de la part du Crédit Lyonnais un chèque de 285 millions d’euros dont 45 millions de préjudice moral. L’histoire de Bernard Tapie est difficile comprendre car se mêle en permanence dans son récit des mensonges romantiques et des vérités romanesques…
OM -VA : L'histoire secrète d'un match truqué (Secrets d'actualité)
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2 Jean-Marie Messier : de J6M " ex Maître du Monde " à J2M ; lui-même…… enfin presque …
Jean-Marie Messier est né à Grenoble en 1956. Sa famille appartient à la petite bourgeoisie : son père est expert - comptable tandis que sa mère s’occupe du foyer. Selon ses professeurs, c’est un étudiant " brillant, sérieux et accrocheur " qui obtient à 16 ans son baccalauréat scientifique avec une mention très bien. Devenu polytechnicien à 19 ans, il entre à l’ENA) pour en sortir Inspecteur des finances en 1982. 4 ans plus tard, il devient directeur du cabinet du secrétaire d’état aux privatisations (1986 – 1988). Remarqué par Edouard Balladur le nomme conseiller technique de son cabinet chargé d’identifier et d’accompagner les entreprises publiques privatisables. En 1988, après les présidentielles, il préfère revenir au secteur privé en devenant le plus jeune associé gérant de la banque Lazard Frères. Il a alors 32 ans. Cette activité lui permettra de tisser des liens avec de nombreux dirigeants français, en s’occupant notamment de sociétés comme IBM, Schneider, La Compagnie Générale des Eaux.
En 1994, le PDG de cette dernière, Guy Dejouany, appréciant son efficacité, le recrutera pour le nommer directeur général du conglomérat. Le 27 Juin 1996, Jean-Marie Messier devient le PDG de la " Compagnie Générale des Eaux ", fondée par Napoléon en 1854. A 40 ans, il dirige une société qui compte 220 000 salariés et réalise un chiffre d’affaire de 200 millions de francs.
Pendant 24 ans, entre 16 ans à 40 ans, Jean-Marie Messier a été de succès en succès sans connaitre un seul instant l’échec. Cette réussite est certes le résultat d’un travail acharné mais elle n’est pas sans conséquence sur l’estime que le sujet se portera à lui-même. Il est encensé par ses professeurs, ses collaborateurs, ses clients et même ses concurrents dont l’un d’entre eux ira jusqu’à dire : " En 20 ans, j’ai connu peu de banquier qui avait autant dans le ciboulot ". Cette confiance en lui-même à toute épreuve qu’il a acquis au fil de ses réussites se conjugue avec une réelle ambition qui le pousse " vouloir faire partie de l’establishment français ". Juste avant son embauche, n’a-t-il pas fondé d’ailleurs, le club des 40 qui réunit les esprits les plus prometteurs de sa génération.
De 1996 à 2001, il n’a de cesse de transformer la CGE en entreprise de communication qui prendra le nom de Vivendi. Le pari est audacieux puisqu’il s’agit de passer d’une entreprise spécialisée dans la gestion de contenus physiques (eau, câbles de communication) à une entreprise leader dans la distribution de contenus multimédias (Images, sons, écrits) et multicanaux (Télévision, Téléphonie, Presse, Internet, etc..).
Déjà très présent dans la communication avec des participations dans Havas, Canal + (1994) et SFR (crée par la CGE en 1987), J2M procède pour concrétiser cette stratégie à une succession ininterrompue de coûteux rachats d’entreprises dans ce domaine qui dégagent plus de rentabilité que la vétuste activité de distribution d’eau qui au contraire commencerait à en perdre.
Exalté par la fièvre d’internet qui saisit les entrepreneurs comme les investisseurs à cette époque, comme ont pu l’être les citoyens lors de la révolution français en 1989 (Murat, 2011), Jean-Marie Messier est convaincu que c’est bien dans la convergence des contenus et des contenants numériques qu’il faut aller. Il décide alors d’acheter une compagnie américaine Seagram qui fabrique des alcools et qui possède également une société qui présenterait des complémentarités avec le groupe Vivendi : Studios Universal.
J2M rencontre Edgar Bronfman, le nouveau PDG de Seagram, lui aussi, passionné par les activités artistiques et ferventes partisan de la convergence multimédias. Les deux hommes se fascinent mutuellement comme si l’un était le reflet de l’autre et vice et versa. Edgar, malgré les réticences de son oncle Charles, accepte de vendre la société Seagram pour le prix de 7,2 milliards de dollars. Cette fusion est d’autant plus bienvenue que les concurrents Time Warner et AOL sont également en train de se rapprocher. Désormais Vivendi aura la taille critique pour attaquer le marché mondial de la distribution multicanal de contenus multimédias. Jean-Marie Messier, une fois de plus suscite l’admiration de ces interlocuteurs. Le père d’Edgar Bronfman ne tarit pas d’éloges à son sujet : " Jean-Marie, si vous étiez citoyen américain, je vous dirai de vous présenter à la présidentielle " !!! Pour le moins, J2M sait réveiller l’Idéal du Moi de ces interlocuteurs qu’il entraine dans son rêve que certains cependant jugent mégalomaniaque. La bourse tout aussi délirante semble confirmer la valeur si prometteuse de cette stratégie puisque l’action vaut près de 150 Euros.
Grisé par ce succès Jean-Marie Messier va mettre en scène sa réussite : il apparaitra dans tous les médias tant français qu’américain. Il est devenu le nouveau héros de l’Eldorado Internet. Il est même élu dans une émission de télévision à forte audience " l’homme de l’année ".
Mais le succès, s’il est trop prolongé n’est pas sans risque pour l’intégrité du Moi du sujet (Casalegno, 2007), anesthésie le Surmoi et trouble le discernement du Moi. Pour acheter Seagram, J2M a dû emprunter. Même s’il a revendu un bon prix l’activité alcool à Pernod Ricard et l’activité boisson à Coca Cola, son haut de bilan est peu adapté à cette frénésie insatiable d’acquisitions qui se poursuit encore avec plus d’intensité en 2001, puisqu’il a ajouté, cette année-là, près de 10 filiales impliquées dans le secteur des médias dépensant près de 1 milliard de dollars chaque mois. Cette " monomanie orgueilleuse " (Murat, 2011), alimenté par " un désir exagéré de puissance et de domination " n’est arrêtée par personne. " A cette époque, personne ne le freine ou n’ose s’opposer à lui ". Concrètement en moins de 2 ans, entre 2000 et 2002, J2M a dépensé près de 60 milliards de dollars dans cette fièvre d’acquisition.
En fait il semble bien qu’à cet instant celui qu’on commence à appeler " le petit empereur " " qui se pavane sur Madison Avenue, avec son manteau posé en cape " se laisse prendre par les rets de l’imaginaire collectif médiatique. Il est tombé " amoureux de lui-même ". Son Moi finalement paradoxalement beaucoup plus fragile qu’il n’y parait se confond avec l’image de toute puissance, que les médias ont construit de lui. Bianco, journaliste du Business Week Magazine, dira de lui : " Ils l’ont flatté, il (son Moi) a fondu ".
Dans cette quête éperdue de course à la taille, " le Napoléon de l’Internet " tout occupé à prendre ses rêves pour des réalités, ne s’aperçoit pas qu’il commence à inquiéter son entourage en particulier Edgar Bronfman, ex PDG de Seagram et vice-président trop discret à ses yeux de Vivendi Universal. Cette inquiétude va virer à la paranoïa quand ils découvriront que le fameux projet Internet Vizavi qui devait constituer la pièce maîtresse de leur association était en fait , selon Pierre Lescure, " une coquille vide ". C’est Edgar qui découvre lors d’un conseil d’administration le réel des choses. Ce n’est pas seulement son visage se décompose… mais c’est tout l’espérance qu’il avait mis dans ce projet qui s’effondre ". Les actionnaires américains découvrent alors que " Messier soutenait une vision imaginaire non viable " (Bianco). Ils avaient misé leur fortune sur " le sourire et le charme d’un étranger ".
On peut s’étonner de ce qui peut apparaître après coup comme une certaine naïveté de la part des actionnaires américains. Elle est d’autant plus étonnante qu’à part Edgar acquis aux nouvelles technologies et à l’industrie du divertissement, les autres avaient manifesté dans un premier temps une certaine réticence. Mais plusieurs facteurs peuvent expliquer cet engouement hystérique pour la proposition faite par Jean-Marie Messier : son charisme indiscutable lié à une conviction intime qu’il avait de prendre la bonne direction, encouragé par les premiers résultats, les actionnaires, les médias et ses collaborateurs les plus proches. Par son charisme, il avait su réveiller l’Idéal du Moi de ses interlocuteurs qui point d’exercer une emprise quasi " hallucinatoire " sur ceux-ci. Mais cette illusion " groupale " ne se serait pas autant développée sans " la folie générale et l’aveuglément général " selon Jean René Fourtou, l’actuel président du conseil d’administration de l’entreprise redevenue Vivendi.
En janvier 2001, alors que le groupe rencontre de réelles difficultés financières, Jean-Marie Messier, surnommé alors J6M, affirme lors d’une interview que " le groupe va mieux que bien ". La même année, au cours d’une assemblée d’actionnaires, il donne une présentation très flatteuse mais fausse de son groupe. Il explique notamment que la branche communication n’a aucune dette et qu’elle a même une trésorerie positive de 1,4 milliard d’Euros.
Mais en Avril 2001, les inquiétudes des Bronfman se confirment par une baisse des cours. Ils décident alors de vendre massivement ses actions dans l’espoir de récupérer une partie de leurs capital. Subjugués par l’enthousiasme qu’avait su susciter certainement sincèrement le dirigeant français, ils avaient acceptés de ne pas être payés en numéraire mais en échanges d’actions. Si celles-ci valaient 146, 60 au moment de la vente de Seagram, elles ne valaient plus que 24 euros à cet instant.
Pour colmater cette hémorragie qui se traduit par une baisse des cours encore plus forte, l’action VU ne valant plus à ce moment-là que 35 Euros, J2M fait racheter en masse les actions du groupe en faisant un emprunt auprès de la banque Goldman Sachs mais très vite cet apport de capital dépensé à reconsolider le haut de bilan de la société VU s’avèrera insuffisant et l’entreprise sera confronté au risque de manquer de liquidités.
Début 2002, la publication des comptes annuels de l’entreprise révèle une perte de 13, 6 milliards d’euros. Le 29 octobre, à la demande des actionnaires floués par la chute du cours de la Bourse, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X. 9 ans plus tard, Jean-Marie Messier est condamné par la justice française à 3 ans de prison avec sursis, à une amende de 150 000 euros et à verser avec l’ex-directeur financier des dommages et intérêts d’un montant de 1,2 millions euros " pour diffusion d’informations fausses, manipulation de cours et abus de biens sociaux ". Durant les 4 semaines d’audience, celui qui a été surnommé par l’avocat général " le prestidigitateur de la dette ", n’a eu de cesse de clamer son innocence, arguant de sa bonne foi niant avoir volontairement trompé les marchés et les actionnaires. Pour sa défense, ses avocats ont bien mis en évidence qu’il n’y a pas eu, dans cette affaire, d’enrichissement personnel. Jean-Marie Messier s’étant lui-même ruiné en achetant à tour de bras des actions Vivendi. Pendant tout le procès, l’ancien PDG du groupe a bien insisté " qu’il croyait sincèrement que sa stratégie devait faire grimper l’action Vivendi… ". Il a également rappelé qu’il avait renoncé aussi, au parachute doré de 20,6 millions d’Euro …Qu’il avait pourtant exigé à son départ…
En 1994, le PDG de cette dernière, Guy Dejouany, appréciant son efficacité, le recrutera pour le nommer directeur général du conglomérat. Le 27 Juin 1996, Jean-Marie Messier devient le PDG de la " Compagnie Générale des Eaux ", fondée par Napoléon en 1854. A 40 ans, il dirige une société qui compte 220 000 salariés et réalise un chiffre d’affaire de 200 millions de francs.
Pendant 24 ans, entre 16 ans à 40 ans, Jean-Marie Messier a été de succès en succès sans connaitre un seul instant l’échec. Cette réussite est certes le résultat d’un travail acharné mais elle n’est pas sans conséquence sur l’estime que le sujet se portera à lui-même. Il est encensé par ses professeurs, ses collaborateurs, ses clients et même ses concurrents dont l’un d’entre eux ira jusqu’à dire : " En 20 ans, j’ai connu peu de banquier qui avait autant dans le ciboulot ". Cette confiance en lui-même à toute épreuve qu’il a acquis au fil de ses réussites se conjugue avec une réelle ambition qui le pousse " vouloir faire partie de l’establishment français ". Juste avant son embauche, n’a-t-il pas fondé d’ailleurs, le club des 40 qui réunit les esprits les plus prometteurs de sa génération.
De 1996 à 2001, il n’a de cesse de transformer la CGE en entreprise de communication qui prendra le nom de Vivendi. Le pari est audacieux puisqu’il s’agit de passer d’une entreprise spécialisée dans la gestion de contenus physiques (eau, câbles de communication) à une entreprise leader dans la distribution de contenus multimédias (Images, sons, écrits) et multicanaux (Télévision, Téléphonie, Presse, Internet, etc..).
Déjà très présent dans la communication avec des participations dans Havas, Canal + (1994) et SFR (crée par la CGE en 1987), J2M procède pour concrétiser cette stratégie à une succession ininterrompue de coûteux rachats d’entreprises dans ce domaine qui dégagent plus de rentabilité que la vétuste activité de distribution d’eau qui au contraire commencerait à en perdre.
Exalté par la fièvre d’internet qui saisit les entrepreneurs comme les investisseurs à cette époque, comme ont pu l’être les citoyens lors de la révolution français en 1989 (Murat, 2011), Jean-Marie Messier est convaincu que c’est bien dans la convergence des contenus et des contenants numériques qu’il faut aller. Il décide alors d’acheter une compagnie américaine Seagram qui fabrique des alcools et qui possède également une société qui présenterait des complémentarités avec le groupe Vivendi : Studios Universal.
J2M rencontre Edgar Bronfman, le nouveau PDG de Seagram, lui aussi, passionné par les activités artistiques et ferventes partisan de la convergence multimédias. Les deux hommes se fascinent mutuellement comme si l’un était le reflet de l’autre et vice et versa. Edgar, malgré les réticences de son oncle Charles, accepte de vendre la société Seagram pour le prix de 7,2 milliards de dollars. Cette fusion est d’autant plus bienvenue que les concurrents Time Warner et AOL sont également en train de se rapprocher. Désormais Vivendi aura la taille critique pour attaquer le marché mondial de la distribution multicanal de contenus multimédias. Jean-Marie Messier, une fois de plus suscite l’admiration de ces interlocuteurs. Le père d’Edgar Bronfman ne tarit pas d’éloges à son sujet : " Jean-Marie, si vous étiez citoyen américain, je vous dirai de vous présenter à la présidentielle " !!! Pour le moins, J2M sait réveiller l’Idéal du Moi de ces interlocuteurs qu’il entraine dans son rêve que certains cependant jugent mégalomaniaque. La bourse tout aussi délirante semble confirmer la valeur si prometteuse de cette stratégie puisque l’action vaut près de 150 Euros.
Grisé par ce succès Jean-Marie Messier va mettre en scène sa réussite : il apparaitra dans tous les médias tant français qu’américain. Il est devenu le nouveau héros de l’Eldorado Internet. Il est même élu dans une émission de télévision à forte audience " l’homme de l’année ".
Mais le succès, s’il est trop prolongé n’est pas sans risque pour l’intégrité du Moi du sujet (Casalegno, 2007), anesthésie le Surmoi et trouble le discernement du Moi. Pour acheter Seagram, J2M a dû emprunter. Même s’il a revendu un bon prix l’activité alcool à Pernod Ricard et l’activité boisson à Coca Cola, son haut de bilan est peu adapté à cette frénésie insatiable d’acquisitions qui se poursuit encore avec plus d’intensité en 2001, puisqu’il a ajouté, cette année-là, près de 10 filiales impliquées dans le secteur des médias dépensant près de 1 milliard de dollars chaque mois. Cette " monomanie orgueilleuse " (Murat, 2011), alimenté par " un désir exagéré de puissance et de domination " n’est arrêtée par personne. " A cette époque, personne ne le freine ou n’ose s’opposer à lui ". Concrètement en moins de 2 ans, entre 2000 et 2002, J2M a dépensé près de 60 milliards de dollars dans cette fièvre d’acquisition.
En fait il semble bien qu’à cet instant celui qu’on commence à appeler " le petit empereur " " qui se pavane sur Madison Avenue, avec son manteau posé en cape " se laisse prendre par les rets de l’imaginaire collectif médiatique. Il est tombé " amoureux de lui-même ". Son Moi finalement paradoxalement beaucoup plus fragile qu’il n’y parait se confond avec l’image de toute puissance, que les médias ont construit de lui. Bianco, journaliste du Business Week Magazine, dira de lui : " Ils l’ont flatté, il (son Moi) a fondu ".
Dans cette quête éperdue de course à la taille, " le Napoléon de l’Internet " tout occupé à prendre ses rêves pour des réalités, ne s’aperçoit pas qu’il commence à inquiéter son entourage en particulier Edgar Bronfman, ex PDG de Seagram et vice-président trop discret à ses yeux de Vivendi Universal. Cette inquiétude va virer à la paranoïa quand ils découvriront que le fameux projet Internet Vizavi qui devait constituer la pièce maîtresse de leur association était en fait , selon Pierre Lescure, " une coquille vide ". C’est Edgar qui découvre lors d’un conseil d’administration le réel des choses. Ce n’est pas seulement son visage se décompose… mais c’est tout l’espérance qu’il avait mis dans ce projet qui s’effondre ". Les actionnaires américains découvrent alors que " Messier soutenait une vision imaginaire non viable " (Bianco). Ils avaient misé leur fortune sur " le sourire et le charme d’un étranger ".
On peut s’étonner de ce qui peut apparaître après coup comme une certaine naïveté de la part des actionnaires américains. Elle est d’autant plus étonnante qu’à part Edgar acquis aux nouvelles technologies et à l’industrie du divertissement, les autres avaient manifesté dans un premier temps une certaine réticence. Mais plusieurs facteurs peuvent expliquer cet engouement hystérique pour la proposition faite par Jean-Marie Messier : son charisme indiscutable lié à une conviction intime qu’il avait de prendre la bonne direction, encouragé par les premiers résultats, les actionnaires, les médias et ses collaborateurs les plus proches. Par son charisme, il avait su réveiller l’Idéal du Moi de ses interlocuteurs qui point d’exercer une emprise quasi " hallucinatoire " sur ceux-ci. Mais cette illusion " groupale " ne se serait pas autant développée sans " la folie générale et l’aveuglément général " selon Jean René Fourtou, l’actuel président du conseil d’administration de l’entreprise redevenue Vivendi.
En janvier 2001, alors que le groupe rencontre de réelles difficultés financières, Jean-Marie Messier, surnommé alors J6M, affirme lors d’une interview que " le groupe va mieux que bien ". La même année, au cours d’une assemblée d’actionnaires, il donne une présentation très flatteuse mais fausse de son groupe. Il explique notamment que la branche communication n’a aucune dette et qu’elle a même une trésorerie positive de 1,4 milliard d’Euros.
Mais en Avril 2001, les inquiétudes des Bronfman se confirment par une baisse des cours. Ils décident alors de vendre massivement ses actions dans l’espoir de récupérer une partie de leurs capital. Subjugués par l’enthousiasme qu’avait su susciter certainement sincèrement le dirigeant français, ils avaient acceptés de ne pas être payés en numéraire mais en échanges d’actions. Si celles-ci valaient 146, 60 au moment de la vente de Seagram, elles ne valaient plus que 24 euros à cet instant.
Pour colmater cette hémorragie qui se traduit par une baisse des cours encore plus forte, l’action VU ne valant plus à ce moment-là que 35 Euros, J2M fait racheter en masse les actions du groupe en faisant un emprunt auprès de la banque Goldman Sachs mais très vite cet apport de capital dépensé à reconsolider le haut de bilan de la société VU s’avèrera insuffisant et l’entreprise sera confronté au risque de manquer de liquidités.
Début 2002, la publication des comptes annuels de l’entreprise révèle une perte de 13, 6 milliards d’euros. Le 29 octobre, à la demande des actionnaires floués par la chute du cours de la Bourse, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X. 9 ans plus tard, Jean-Marie Messier est condamné par la justice française à 3 ans de prison avec sursis, à une amende de 150 000 euros et à verser avec l’ex-directeur financier des dommages et intérêts d’un montant de 1,2 millions euros " pour diffusion d’informations fausses, manipulation de cours et abus de biens sociaux ". Durant les 4 semaines d’audience, celui qui a été surnommé par l’avocat général " le prestidigitateur de la dette ", n’a eu de cesse de clamer son innocence, arguant de sa bonne foi niant avoir volontairement trompé les marchés et les actionnaires. Pour sa défense, ses avocats ont bien mis en évidence qu’il n’y a pas eu, dans cette affaire, d’enrichissement personnel. Jean-Marie Messier s’étant lui-même ruiné en achetant à tour de bras des actions Vivendi. Pendant tout le procès, l’ancien PDG du groupe a bien insisté " qu’il croyait sincèrement que sa stratégie devait faire grimper l’action Vivendi… ". Il a également rappelé qu’il avait renoncé aussi, au parachute doré de 20,6 millions d’Euro …Qu’il avait pourtant exigé à son départ…
Le parcours de Jean-Marie Messier
3 Jérôme Kerviel : Un " krack " de la finance
Jérôme Kerviel est un jeune trader âgé de 35 ans qui a défrayé la chronique en étant accusé par son employeur, la Société Générale de lui avoir fait perdre la somme de 4,96 milliards d’euros à la suite de prise de position hasardeuses sur des placements boursiers. C’est le 24 Janvier 2008 que Daniel Bouton, alors PDG de la banque annonce, presque en larmes, que sa société a été victime des agissements frauduleux d’un de ses employés trader.
La fraude mise en place par Jérôme Kerviel reposait sur des contrats dits à terme sur indice. Les contrats à terme sont des actions dont le prix est bloqué longtemps à l’avance ; ce qui permet de se protéger d’une éventuelle chute des cours. Ce type de placements financiers qui portent essentiellement sur le cours des matières premières (or, argent, gaz naturels, pétrole, etc…) et produits agricoles (blé, maïs, avoine, etc...) représentent aujourd’hui près de 40% des échanges. Ce type de d’achats et de ventes de produits financiers passent par une chambre de compensation qui joue le rôle d’intermédiation. Cette Chambre est là pour limiter les risques en cas de fluctuation des cours mais aussi en cas de défaillance du vendeur et garantir à l’acheteur qu’il pourra récupérer les sommes qu’il a bloquées pour cet achat. Si par exemple A à acheter 1000 contrats à termes à 100 Euros à un vendeur B et qu’à la fin de la journée le prix a baissé à 95, la chambre de compensation va prélever sur le compte de A 5 euros par action, soit 5000 pour les déposer sur le compte de B de façon à lui garantir le prix qu’il avait fixé au départ. Cette régulation s’opère chaque jour. Elle est couverte par un dépôt de garantie négocié au départ par contrat correspondant à la fluctuation quotidienne maximale autorisée.
Au cours de son parcours dans la banque, Jérôme Kerviel avait acquis une connaissance très fine de ces processus de compensation. Cet artifice lui a permis fin décembre 2007 de dégager un solde positif pour la banque de 1,4 milliard d’euros qu’il a dû dissimuler pour ne se faire repérer. Le 18 Janvier 2008, les positions litigieuses sont démasquées, obligeant la banque à vendre près de 60 milliards d’euros d’options à un moment où les places financières sont toutes en baisse, l’exposant alors à un risque considérable qui se traduira par une moins - value de 6,3 Milliards d’euros alors que ses bénéfices annuels annoncés de 2007 se situaient à environs 7 milliards d’euros. Pour couvrir l’effet de vente en masse de ces ventes d’actions " douteuses ", elle a dû investir 50 milliards d’euros…
Après 37 jours de détention et une instruction rigoureusement menée, son procès commence, Jérôme Kerviel est accusé par son employeur et une association de petits porteurs d’" abus de confiance ", pour " faux et usage de faux " en écriture privées et d’" introduction dans un système informatisé de traitement automatisé de données informatiques ". Il encourt 5 années de prison et 375 000 euros d'amende.
Le 5 octobre 2010, reconnu coupable par le Tribunal de grande instance de Paris de tous ces méfaits, il est condamné à cinq ans de prison dont deux ans avec sursis. Il doit par ailleurs payer la somme de 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à la Société générale. Le jugement dégage de toute responsabilité la banque bien que des carences graves du système de contrôle aient été constatées par les agents de la Direction du Trésor et par la commission bancaire. Le procès en appel du 24 Octobre 2012 confirme le jugement de 1° instance. Il est également confirmé lors du procès qu’il n’y eu pas eu d’enrichissement personnel de la part de celui que Daniel Bouton, a appelé " cet escroc, ce fraudeur, ce terroriste, je ne sais pas ". Daniel Bouton a été lui-même débarqué quelques mois après les faits après avoir réalisé une plus plus-value plus de 1, 3 millions au titre des stocks options qu’il possédait, malgré la chute du titre en bourse… à laquelle il devra renoncer sommé par le ministre des finances de l’époque d’y renoncer…
Cette affaire, par son extravagance, ne peut laisser indifférent le clinicien. Par sa démesure, elle fait symptôme. Jérôme Kerviel quelle que soit sa part de responsabilité a été pris dans un engrenage qu’il s’efforce de revisiter dans un livre autobiographique du même titre. " J'étais un peu comme un hamster dans une roue, mes chefs modulaient la vitesse et je pédalais de plus en plus vite ". Il s’agit à l’évidence d’un engrenage narcissique. Son moteur premier ne semble pas n’est pas le gain financier mais la reconnaissance de l’Autre.
Il faut commencer par chercher du côté de sa vie personnelle pour comprendre ce que sa DRH a présenté avec un certain sadisme comme une personne fragile, " sans génie particulier ". Jérôme est entré dans la profession de trader par la petite porte. Né dans un département rural dans la pointe du Finistère, sa mère tient un salon de coiffure et son père est artisan forgeron puis formateur chaudronnier. Il fait ses études à Quimper puis à Nantes qui se concluent par un Master en management de finances de marché. Il poursuit ses études à l’Université Lyon II dans le cadre un contrat en alternance chez BNP Arbitrage qui lui permet d’obtenir un DESS en finances de marché avec la mention Assez Bien. Cette formation sérieuse vise davantage à former des assistants de trader que des traders à proprement parler. Ses collègues de travail proviennent de formations plus prestigieuses distribuées généralement par de prestigieuses écoles de commerce ou d’ingénieurs. Peut-être Jérôme souffre-t-il du complexe de Monte Christo qui se retrouve chez beaucoup d’entrepreneurs autodidactes…Il fait ses classes dans différentes fonctions d’assistance où il apprend peu à peu au contact de collègues plus expérimentés les " ficelles du métier ". C’est sans doute cet apprentissage consciencieux qui conduisit ses managers à lui confier des missions de plus en plus importantes jusqu’à lui permettre d’occuper la fonction mythique de trader et de faire de lui un véritable " Golden Boy ".
On imagine la fierté qu’il a pu ressentir lors de cette promotion et le gain narcissique qu’il a pu en éprouver, lui " que 3 ans auparavant rien ne prédestinait à cette fonction ". A force d’efforts, il avait réussi à rejoindre " à sa grande surprise " le cercle très fermé des traders. Ainsi, malgré des origines académiques et sociales personnelles relativement modestes, il était parvenu à accéder à une position de pouvoir bien réelle.
Chaque jour, il était en capacité de prendre des décisions qui engageaient des gains ou des pertes importantes pour son employeur. Il en ressentait semble t-il une certaine jubilation qui n’est pas sans rappeler celle de l’enfant en phase phallique. Cette sensation pouvait également être amplifiée par le frisson que peut procurer une prise de risque importante. Prendre la décision d’investir ou de retirer des sommes importantes peut être assimilée à jouer symboliquement avec la vie et la mort. Cela permet de tester les limites de son pouvoir. C’est d’autant plus grisant qu’on peut gagner ou perdre la reconnaissance de ceux qui nous représentent l’autorité, (peut-être le père ?)…
C’est d’ailleurs cette joie narcissique que Jérôme ressent en décembre avant les terribles évènements qui allaient broyer sa vie " ou plutôt son image " quand il confie " Je n’ai pas le souvenir d’avoir connu des moments aussi sereins qui clôturèrent le mois de décembre de cette année ". " Cette période marquait un moment de réussite dans le cours de ma carrière "…(Kerviel, 2011). A cette période Jérôme Kerviel est dans l’exaltation du succès (Idéal du moi). Il a pulvérisé les objectifs de 10 millions d’euros de résultats qu’on lui impose, puisqu’il en a engrangé près de 1, 5 milliards…
L’environnement professionnel de Jérôme semble particulièrement stimulant sur un plan narcissique (Aubert, Gaulejac, 1991). Lorsque les gains s’accumulent, les encouragements à laisser libre cours à ses pulsions redoublent : " Tu es une bonne gagneuse " ; " alors la cash machine, ca laisse ? " Réponse du trader : " ca laisse la terre ". En manipulant des sommes qui défient la pensée ordinaire, le sujet est placé dans une ivresse de toute puissance : posséder la mère avec les encouragements du père…Quelle fantasme incommensurable pour le petit garçon que (re) devient peu à peu Jérôme… et cela d’autant plus que la hiérarchie ne semble pas très regardante sur les procédés. " Jamais, le moindre mot de mise en garde, de rappel au règlement, de manifestation même légère de crainte face aux risques que nous prenions ". Le surmoi et ses fonctions refoulantes semblent peu à peu disparaitre au profit d’une glorification de l’Idéal du Moi dont le modus opérandi se résume dans la phrase suivante : " savoir prendre le maximum de risques pour faire gagner la banque le maximum d’argent ".
Non seulement aucune " loi " n’arrête Jérôme dans cette quête qui relève d’une quête de l’Idéal mais ses managers se montrent " enchantés " quand les résultats positifs se présentent : " Jérôme fait le plein de pognon, il va falloir industrialiser sa stratégie l’année prochaine ". Tout semble se conjuguer pour plonger le sujet dans une véritable transe jouissive : les gains qui s’accumulent pour la Société Générale, la reconnaissance des collègues, les encouragements des managers… C’est le rêve mégalomaniaque de l’Idéal du Moi qui se réalise
On peut se demander si ce n’est pas tout le groupe qui se grise dans cette illusion au point de censurer ce qui pourrait briser le charme. Les règles de contrôles semblent être collectivement effacées puisque qu’aucun de ses managers " ne l’a mis en demeure d’arrêter ces pratiques ". Il semble que le groupe tout entier soit saisi d’une sorte d’hystérie collective : " Je n’étais pas le dernier à manifester bruyamment ma joie en cas de gain important ni non plus à me défouler en cas de perte ". Les sujets semblent comme dans une secte sous l’emprise de l’Idéal du Moi organisationnel. Ils présentent tous les symptômes de la fascination narcissique bien décrite dans le Coût de l’Excellence de Vincent de Gaulejac. L’analyse rapide des emplois du temps des acteurs semblent bien confirmer que l’organisation a capté une grande partie de l’énergie libidinale des sujets constituant la communauté de travail. Ils y passent leur vie commençant " à 7h du matin et rentrant chez eux vers 23h ".
La rationalité de plus en plus limitée des comportements semble témoigner de l’affaiblissement du Moi des sujets et de la perte des repères structurants du Surmoi. Le Moi des sujet semble se dissoudre dans l’illusion groupale générée par cette quête éperdue de l’Hubris. On peut se demander si dans ce cas, les théories blegériennes de l’ambiguïté ne sont pas sans intérêt pur comprendre l’intensité de cette identification quand JK écrit " C’est comme si nous étions devenus une excroissance de la Société Générale ". " Une sorte de cordon ombilical, de lien organique qui à la fois nous maintenait dans son giron, nous nourrissait et nous protégeait ".
Dans cette confidence, JK parle non seulement de sa confusion personnelle avec l’organisation devenue une mère toute puissante mais met en évidence la dimension collective du processus dans lequel il se trouve entrainé. C’est un aspect qui a peu été mis en évidence dans les analyses réalisées autant par les médias que les représentants de la justice. JK est constamment présenté dans cette histoire comme le seul coupable. Pourtant à lire le récit qu’il fait de cette transgression (Chanlat, 2008), on ne peut s’empêcher de penser qu’il existerait également une dynamique de groupe qui l’a favorisée.
L’analyse du sociologue Jean Reynaud nous parait particulièrement intéressante à ce sujet. Nul ne peut penser, en particulier dans le domaine de la gestion des risques bancaires, qu’il n’existait pas de règles contrôle bien établies qui visaient à limiter l’initiative des collaborateurs. De nombreux travaux (Desjours, 2000) ont montré que dans le travail réel ces règles sont fréquemment débordées par des règles dites autonomes (Reynaud, 1997), produites par les acteurs eux-mêmes pour atteindre les objectifs qui sont fixés.
Or ceux-ci étaient très ambitieux ; la tentation était donc grande de mettre en place des règles " autonomes " plus efficaces. Une des règles autonomes particulièrement forte qui inspire l’action des traders est " le jeu " selon Maxime Legrand, ancien inspecteur à la Société Générale. C’est ce qu’il indique dans un article publié dans Les Echos, une semaine après la dénonciation publique du méfait : " Jouer, faire des paris, prendre des risques, se moquer des contrôleurs considérés comme des centres de coûts non productifs est depuis longtemps la règle ". Le titre de son article est éloquent sur la solidité des règles de contrôle " Société Générale, la grande hypocrisie du contrôle interne " où il démontre en connaissance de cause, " qu’au moins une centaine de personnes ont eu inévitablement à observer, pointer, valider les opérations de ce trader ".
Ainsi si JK a fait preuve d’un excès de confiance (Broihanne, Merli, Roger, 2012) dans ses propres capacités à défier le sort ( la mort ?), il apparait également comme " le patient désigné " (Bateson, 1984) d’un système en situation de " dérégulation conjointe ". C’est d’ailleurs ce qu’il confie quand il écrit " J’avais d’autant plus succombé à la griserie des chiffres et à la passion de mon métier qu’aucun garde-fou n’était venu me freiner dans mon mouvement ". Selon Lupasco (1987), tout système a besoin pour exister de maintenir un équilibre contradictoire entre des forces qui s’opposent. D’un côté, il y a les force d’ordre (homogénéisation) produite par le système des règles formelles, d’un autre il y a un les forces de désordre liées à la créativité et l’inventivité des acteurs (hétérogénisation). Quand les unes l’emportent sur les autres, le compromis tacite d’existence est rompu (Foucart, 2004). La pathologie alors apparait soit sous forme d’une rigidité excessive soit sous la forme du délire.
Selon un collègue de travail de JK, le système de règles autonomes était toléré tant qu’il produisait des résultats " jusqu’au jour où il y aurait de gros pépins et là on ne serait plus au courant de quoi que ce soit ". La Société Générale a d’ailleurs sanctionné la complicité tacite des collaborateurs impliqués dans cette organisation clandestine (Moullet, 1992).
Les traders et leurs responsables étaient plongé dans ce que Chanlat appelle le management par l’implicite. " Tout est dit sans être dit " (Aubert, Gaulejac, 1991). Il s’agissait en fait de " laisser supposer un ordre qui ne pourrait être donné explicitement ". La transgression de JK parle donc aussi de la perversité du modèle de management dans lequel il a été placé.
La fraude mise en place par Jérôme Kerviel reposait sur des contrats dits à terme sur indice. Les contrats à terme sont des actions dont le prix est bloqué longtemps à l’avance ; ce qui permet de se protéger d’une éventuelle chute des cours. Ce type de placements financiers qui portent essentiellement sur le cours des matières premières (or, argent, gaz naturels, pétrole, etc…) et produits agricoles (blé, maïs, avoine, etc...) représentent aujourd’hui près de 40% des échanges. Ce type de d’achats et de ventes de produits financiers passent par une chambre de compensation qui joue le rôle d’intermédiation. Cette Chambre est là pour limiter les risques en cas de fluctuation des cours mais aussi en cas de défaillance du vendeur et garantir à l’acheteur qu’il pourra récupérer les sommes qu’il a bloquées pour cet achat. Si par exemple A à acheter 1000 contrats à termes à 100 Euros à un vendeur B et qu’à la fin de la journée le prix a baissé à 95, la chambre de compensation va prélever sur le compte de A 5 euros par action, soit 5000 pour les déposer sur le compte de B de façon à lui garantir le prix qu’il avait fixé au départ. Cette régulation s’opère chaque jour. Elle est couverte par un dépôt de garantie négocié au départ par contrat correspondant à la fluctuation quotidienne maximale autorisée.
Au cours de son parcours dans la banque, Jérôme Kerviel avait acquis une connaissance très fine de ces processus de compensation. Cet artifice lui a permis fin décembre 2007 de dégager un solde positif pour la banque de 1,4 milliard d’euros qu’il a dû dissimuler pour ne se faire repérer. Le 18 Janvier 2008, les positions litigieuses sont démasquées, obligeant la banque à vendre près de 60 milliards d’euros d’options à un moment où les places financières sont toutes en baisse, l’exposant alors à un risque considérable qui se traduira par une moins - value de 6,3 Milliards d’euros alors que ses bénéfices annuels annoncés de 2007 se situaient à environs 7 milliards d’euros. Pour couvrir l’effet de vente en masse de ces ventes d’actions " douteuses ", elle a dû investir 50 milliards d’euros…
Après 37 jours de détention et une instruction rigoureusement menée, son procès commence, Jérôme Kerviel est accusé par son employeur et une association de petits porteurs d’" abus de confiance ", pour " faux et usage de faux " en écriture privées et d’" introduction dans un système informatisé de traitement automatisé de données informatiques ". Il encourt 5 années de prison et 375 000 euros d'amende.
Le 5 octobre 2010, reconnu coupable par le Tribunal de grande instance de Paris de tous ces méfaits, il est condamné à cinq ans de prison dont deux ans avec sursis. Il doit par ailleurs payer la somme de 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à la Société générale. Le jugement dégage de toute responsabilité la banque bien que des carences graves du système de contrôle aient été constatées par les agents de la Direction du Trésor et par la commission bancaire. Le procès en appel du 24 Octobre 2012 confirme le jugement de 1° instance. Il est également confirmé lors du procès qu’il n’y eu pas eu d’enrichissement personnel de la part de celui que Daniel Bouton, a appelé " cet escroc, ce fraudeur, ce terroriste, je ne sais pas ". Daniel Bouton a été lui-même débarqué quelques mois après les faits après avoir réalisé une plus plus-value plus de 1, 3 millions au titre des stocks options qu’il possédait, malgré la chute du titre en bourse… à laquelle il devra renoncer sommé par le ministre des finances de l’époque d’y renoncer…
Cette affaire, par son extravagance, ne peut laisser indifférent le clinicien. Par sa démesure, elle fait symptôme. Jérôme Kerviel quelle que soit sa part de responsabilité a été pris dans un engrenage qu’il s’efforce de revisiter dans un livre autobiographique du même titre. " J'étais un peu comme un hamster dans une roue, mes chefs modulaient la vitesse et je pédalais de plus en plus vite ". Il s’agit à l’évidence d’un engrenage narcissique. Son moteur premier ne semble pas n’est pas le gain financier mais la reconnaissance de l’Autre.
Il faut commencer par chercher du côté de sa vie personnelle pour comprendre ce que sa DRH a présenté avec un certain sadisme comme une personne fragile, " sans génie particulier ". Jérôme est entré dans la profession de trader par la petite porte. Né dans un département rural dans la pointe du Finistère, sa mère tient un salon de coiffure et son père est artisan forgeron puis formateur chaudronnier. Il fait ses études à Quimper puis à Nantes qui se concluent par un Master en management de finances de marché. Il poursuit ses études à l’Université Lyon II dans le cadre un contrat en alternance chez BNP Arbitrage qui lui permet d’obtenir un DESS en finances de marché avec la mention Assez Bien. Cette formation sérieuse vise davantage à former des assistants de trader que des traders à proprement parler. Ses collègues de travail proviennent de formations plus prestigieuses distribuées généralement par de prestigieuses écoles de commerce ou d’ingénieurs. Peut-être Jérôme souffre-t-il du complexe de Monte Christo qui se retrouve chez beaucoup d’entrepreneurs autodidactes…Il fait ses classes dans différentes fonctions d’assistance où il apprend peu à peu au contact de collègues plus expérimentés les " ficelles du métier ". C’est sans doute cet apprentissage consciencieux qui conduisit ses managers à lui confier des missions de plus en plus importantes jusqu’à lui permettre d’occuper la fonction mythique de trader et de faire de lui un véritable " Golden Boy ".
On imagine la fierté qu’il a pu ressentir lors de cette promotion et le gain narcissique qu’il a pu en éprouver, lui " que 3 ans auparavant rien ne prédestinait à cette fonction ". A force d’efforts, il avait réussi à rejoindre " à sa grande surprise " le cercle très fermé des traders. Ainsi, malgré des origines académiques et sociales personnelles relativement modestes, il était parvenu à accéder à une position de pouvoir bien réelle.
Chaque jour, il était en capacité de prendre des décisions qui engageaient des gains ou des pertes importantes pour son employeur. Il en ressentait semble t-il une certaine jubilation qui n’est pas sans rappeler celle de l’enfant en phase phallique. Cette sensation pouvait également être amplifiée par le frisson que peut procurer une prise de risque importante. Prendre la décision d’investir ou de retirer des sommes importantes peut être assimilée à jouer symboliquement avec la vie et la mort. Cela permet de tester les limites de son pouvoir. C’est d’autant plus grisant qu’on peut gagner ou perdre la reconnaissance de ceux qui nous représentent l’autorité, (peut-être le père ?)…
C’est d’ailleurs cette joie narcissique que Jérôme ressent en décembre avant les terribles évènements qui allaient broyer sa vie " ou plutôt son image " quand il confie " Je n’ai pas le souvenir d’avoir connu des moments aussi sereins qui clôturèrent le mois de décembre de cette année ". " Cette période marquait un moment de réussite dans le cours de ma carrière "…(Kerviel, 2011). A cette période Jérôme Kerviel est dans l’exaltation du succès (Idéal du moi). Il a pulvérisé les objectifs de 10 millions d’euros de résultats qu’on lui impose, puisqu’il en a engrangé près de 1, 5 milliards…
L’environnement professionnel de Jérôme semble particulièrement stimulant sur un plan narcissique (Aubert, Gaulejac, 1991). Lorsque les gains s’accumulent, les encouragements à laisser libre cours à ses pulsions redoublent : " Tu es une bonne gagneuse " ; " alors la cash machine, ca laisse ? " Réponse du trader : " ca laisse la terre ". En manipulant des sommes qui défient la pensée ordinaire, le sujet est placé dans une ivresse de toute puissance : posséder la mère avec les encouragements du père…Quelle fantasme incommensurable pour le petit garçon que (re) devient peu à peu Jérôme… et cela d’autant plus que la hiérarchie ne semble pas très regardante sur les procédés. " Jamais, le moindre mot de mise en garde, de rappel au règlement, de manifestation même légère de crainte face aux risques que nous prenions ". Le surmoi et ses fonctions refoulantes semblent peu à peu disparaitre au profit d’une glorification de l’Idéal du Moi dont le modus opérandi se résume dans la phrase suivante : " savoir prendre le maximum de risques pour faire gagner la banque le maximum d’argent ".
Non seulement aucune " loi " n’arrête Jérôme dans cette quête qui relève d’une quête de l’Idéal mais ses managers se montrent " enchantés " quand les résultats positifs se présentent : " Jérôme fait le plein de pognon, il va falloir industrialiser sa stratégie l’année prochaine ". Tout semble se conjuguer pour plonger le sujet dans une véritable transe jouissive : les gains qui s’accumulent pour la Société Générale, la reconnaissance des collègues, les encouragements des managers… C’est le rêve mégalomaniaque de l’Idéal du Moi qui se réalise
On peut se demander si ce n’est pas tout le groupe qui se grise dans cette illusion au point de censurer ce qui pourrait briser le charme. Les règles de contrôles semblent être collectivement effacées puisque qu’aucun de ses managers " ne l’a mis en demeure d’arrêter ces pratiques ". Il semble que le groupe tout entier soit saisi d’une sorte d’hystérie collective : " Je n’étais pas le dernier à manifester bruyamment ma joie en cas de gain important ni non plus à me défouler en cas de perte ". Les sujets semblent comme dans une secte sous l’emprise de l’Idéal du Moi organisationnel. Ils présentent tous les symptômes de la fascination narcissique bien décrite dans le Coût de l’Excellence de Vincent de Gaulejac. L’analyse rapide des emplois du temps des acteurs semblent bien confirmer que l’organisation a capté une grande partie de l’énergie libidinale des sujets constituant la communauté de travail. Ils y passent leur vie commençant " à 7h du matin et rentrant chez eux vers 23h ".
La rationalité de plus en plus limitée des comportements semble témoigner de l’affaiblissement du Moi des sujets et de la perte des repères structurants du Surmoi. Le Moi des sujet semble se dissoudre dans l’illusion groupale générée par cette quête éperdue de l’Hubris. On peut se demander si dans ce cas, les théories blegériennes de l’ambiguïté ne sont pas sans intérêt pur comprendre l’intensité de cette identification quand JK écrit " C’est comme si nous étions devenus une excroissance de la Société Générale ". " Une sorte de cordon ombilical, de lien organique qui à la fois nous maintenait dans son giron, nous nourrissait et nous protégeait ".
Dans cette confidence, JK parle non seulement de sa confusion personnelle avec l’organisation devenue une mère toute puissante mais met en évidence la dimension collective du processus dans lequel il se trouve entrainé. C’est un aspect qui a peu été mis en évidence dans les analyses réalisées autant par les médias que les représentants de la justice. JK est constamment présenté dans cette histoire comme le seul coupable. Pourtant à lire le récit qu’il fait de cette transgression (Chanlat, 2008), on ne peut s’empêcher de penser qu’il existerait également une dynamique de groupe qui l’a favorisée.
L’analyse du sociologue Jean Reynaud nous parait particulièrement intéressante à ce sujet. Nul ne peut penser, en particulier dans le domaine de la gestion des risques bancaires, qu’il n’existait pas de règles contrôle bien établies qui visaient à limiter l’initiative des collaborateurs. De nombreux travaux (Desjours, 2000) ont montré que dans le travail réel ces règles sont fréquemment débordées par des règles dites autonomes (Reynaud, 1997), produites par les acteurs eux-mêmes pour atteindre les objectifs qui sont fixés.
Or ceux-ci étaient très ambitieux ; la tentation était donc grande de mettre en place des règles " autonomes " plus efficaces. Une des règles autonomes particulièrement forte qui inspire l’action des traders est " le jeu " selon Maxime Legrand, ancien inspecteur à la Société Générale. C’est ce qu’il indique dans un article publié dans Les Echos, une semaine après la dénonciation publique du méfait : " Jouer, faire des paris, prendre des risques, se moquer des contrôleurs considérés comme des centres de coûts non productifs est depuis longtemps la règle ". Le titre de son article est éloquent sur la solidité des règles de contrôle " Société Générale, la grande hypocrisie du contrôle interne " où il démontre en connaissance de cause, " qu’au moins une centaine de personnes ont eu inévitablement à observer, pointer, valider les opérations de ce trader ".
Ainsi si JK a fait preuve d’un excès de confiance (Broihanne, Merli, Roger, 2012) dans ses propres capacités à défier le sort ( la mort ?), il apparait également comme " le patient désigné " (Bateson, 1984) d’un système en situation de " dérégulation conjointe ". C’est d’ailleurs ce qu’il confie quand il écrit " J’avais d’autant plus succombé à la griserie des chiffres et à la passion de mon métier qu’aucun garde-fou n’était venu me freiner dans mon mouvement ". Selon Lupasco (1987), tout système a besoin pour exister de maintenir un équilibre contradictoire entre des forces qui s’opposent. D’un côté, il y a les force d’ordre (homogénéisation) produite par le système des règles formelles, d’un autre il y a un les forces de désordre liées à la créativité et l’inventivité des acteurs (hétérogénisation). Quand les unes l’emportent sur les autres, le compromis tacite d’existence est rompu (Foucart, 2004). La pathologie alors apparait soit sous forme d’une rigidité excessive soit sous la forme du délire.
Selon un collègue de travail de JK, le système de règles autonomes était toléré tant qu’il produisait des résultats " jusqu’au jour où il y aurait de gros pépins et là on ne serait plus au courant de quoi que ce soit ". La Société Générale a d’ailleurs sanctionné la complicité tacite des collaborateurs impliqués dans cette organisation clandestine (Moullet, 1992).
Les traders et leurs responsables étaient plongé dans ce que Chanlat appelle le management par l’implicite. " Tout est dit sans être dit " (Aubert, Gaulejac, 1991). Il s’agissait en fait de " laisser supposer un ordre qui ne pourrait être donné explicitement ". La transgression de JK parle donc aussi de la perversité du modèle de management dans lequel il a été placé.
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4 Monsieur Bernie : un homme au dessus de tout soupçon
Personne ne pouvait soupçonner que Bernard Madoff, ancien président du Nasdaq de 1990 à 1993, fondateur de la société Bernard L. Madoff Investment Securities LLC, membre bienfaiteur de plusieurs associations philanthropiques avait mis en place une chaîne de Ponzi qui consistait à payer les intérêts des investisseurs avec les apports des nouveaux. Pour inspirer confiance, Bernie utilisait plusieurs moyens :
- Il garantissait des rendements réguliers et durables. Il ne faisait pas de promesses mirobolantes ; ce qui convenait bien à sa clientèle très fortunée dont la première motivation était des rendements sûrs. Les rendements étaient de 1% par mois soit 12% par an, ce qui constituait une " honnête moyenne " puisque la plupart des courtiers en bourse proposait à l'époque de 15% à 25%.
- . Il avait adopté un comportement modeste et était difficile d'accès ; rares étaient ceux qui pouvaient le rencontrer. C'était un privilège. Il avait mis en place un réseau de courtiers exclusifs soigneusement sélectionnés qui étaient ses intermédiaires ce qui fait qu'il ne gérait en réalité que 11 à 25 clients.
- Il envoyait régulièrement à ses clients des coupons de transactions qui bien que faux paraissaient irréprochables.
Le système a parfaitement fonctionné assurant la fortune des Madoff, propriétaires de nombreux appartements, résidences de luxe et de plusieurs yachts jusqu'à fin 2008, au moment où, devant la chute des marchés financiers, plusieurs gros clients ont souhaité récupérer leurs fonds. " Début décembre 2008, il devait faire face à des retraits de 7 milliards de dollars, alors qu'il disposait de moins de 1 milliard en banque ".
Le 11 décembre 2008, Bernie avoue l'escroquerie à sa famille et est arrêté par le FBI. Lorsque la pyramide de Ponzi s'est écroulée, les pertes globales s’élèveront à 65 milliards de dollars. Un de ses fils et plusieurs courtiers se suicideront lorsque celle-ci sera dévoilée au grand jour. Bernard Madoff, devenu " le plus grand escroc du siècle " écopera 150 ans de prison. Il plaidera coupable !
On retrouve ici, les grands classiques de l'escroquerie. L'imposteur :
- Met en scène une image de toute puissance : " Bernie est un génie " disaient de lui, Littaye et La Villehuchet, partenaires français de Madoff dont la part investie ira jusqu'à 98%.
- Organise son action pour maintenir le plus longtemps possible cette image de respectabilité : rentabilité certaine, discrétion (" Il avait une attitude grand père paisible et raisonnable ") , engagements philanthropiques, participation aux clubs les plus prestigieux, régularité dans les procédures, réputation de fiabilité, prestige du personnage (travailler pour Madoff était un honneur, voire un privilège), crédibilité augmentée par la reconnaissance institutionnelle (Bernard Madoff a subi plusieurs contrôles du gendarme de la bourse " La SEC " sans aucune mise en garde - Il avait par ailleurs participé à l'élaboration de la loi de 1995 sur le " Front Running " (Il est interdit de mélanger une activité de courtier avec celle de gestionnaire de fortune dans la même entité), maîtrise totale de sa vie émotionnelle (Entre 2007 et 2008 ses partenaires sont confrontés à plus d'investisseurs sortants qu'entrants sans que Bernard Madoff ne laisse percevoir l'échéance qu'il savait inéluctable de son système).
Il s'agit de créer une illusion pour capter l'Idéal du Moi de la victime. Le suicide de Thierry La Villehuchet est assez révélateur de l'intensité de l'idéalisation qui le liait à Bernie. Le témoignage de son frère à ce sujet est signifiant : " Thierry a choisi de se suicider non parce qu'il se sentait déshonoré. Mais par chagrin d'amour. Il n' a pas supporté d'être trahi après avoir fait partager son rêve américain à tant de gens ". Philippe Junot, ancien époux de Caroline de Monaco, devenu courtier du réseau Madoff partage lui-même la même idéalisation : " On avait affaire à une légende de Wall Street... " Les confidences de son meilleur ami, Ed Blumenfeld, confirme cette habilité à générer ce type de fantasme : " En réalité, pire que de perdre un ami, c'est s'apercevoir que vous étiez ami avec quelqu'un qui n'a jamais existé ".
On peut également mesurer l’absolue confiance que les clients disciples de Madoff avaient envers leur maître à la hauteur du choc qu'ils ont ressenti lorsqu'ils ont appris la nouvelle de son effondrement. Voici, par exemple ce que dit Stéphane Hechter : " J'étais installé, là, à votre place. C'était huit heures du matin et je suis resté sommé pendant quatre heures... C'était comme si on m'avait donné un coup de poing dans la figure ".
Stephen Greenspan, professeur de psychologie à New-York, a publié de nombreux articles et livres sur la crédulité. Il s'est lui-même fait avoir par Madoff puisqu'il a perdu près de 80% de ses placements. Ce qui prouve que même dûment averti, nous pouvons être à la merci des escrocs. Greenspan explique le succès du subterfuge par le coté mystérieux des méthodes utilisées par Madoff. Personne, en effet, n'a jamais eu accès aux salles d'ordinateurs de son bureau. Cet espace appelé " la cage " était une zone interdite. Seul Madoff et un de ses employés Di Pascali étaient autorisés à y entrer. Ce mystère, cet atmosphère de secret, contribuent à attribuer des pouvoirs magiques à celui qui est l'objet de toutes les interrogations. Il y eu par ailleurs une sorte de contagion de confiance qui s'explique par " la tendance des être humains à modeler leurs actions sur celles des autres ", surtout si ce sont des amis ou d'autres gens qui affirment qu'ils ont été très satisfaits de leur engagement. " Le spectacle des autres gagnant de l'argent nous conduit à suspendre notre esprit critique ", dit Shiller, un des courtiers chargés de recruter des " adeptes " qui avaient l'impression, du fait du processus de sélection, appartenir à une élite en étant adopté par Madoff.
Certains clients prestigieux ont également contribué à la bonne réputation de Bernard Madoff comme par exemple Liliane Bettencourt qui a pu récupérer en 2004 l'intégralité de son investissement ainsi que des intérêts cumulés qui se montaient à 100 millions d'euros. " Mais le plus fort, c'est que, pendant 20 ans, à la barbe et au nez de tous, Bernie, a réussi à commercialiser de faux produits par l’intermédiaire de vraies banques ! "
L'Union des Banques Suisses, numéro un mondial de la gestion de patrimoine acceptera même de gérer une Sicav (Luxalpha) conçue par le cabinet Access, dirigé par La Villehuchet et son associé Littaye. Cette Sicav a reçu les agréments de plusieurs bourses prestigieuses en Europe (Luxembourg, France). Chaque année, elle est auditée est certifiée conforme par un des plus prestigieux cabinet d'auditeurs " Ernst & Young ". Le comble c'est que curieusement le nom de Bernard Madoff n’apparaîtra même pas dans les 15 pages de présentation de la Sicav... Le 18 Décembre, l'UBS publiera un communiqué étonnant affirmant " qu'elle n' a pas investi les actifs de ses clients dans des fonds Madoff ". Les banques françaises, elles-mêmes ne sont pas en reste puis qu’entre Dexia, Natixis, et BNP Paribas, elles auraient investi plus de 880 millions d'Euros.
On peut se demander si Madoff, lui-même malgré une maîtrise émotionnelle hors du commun, ne s'est pas laissé emporter par le système qu'il a mis en place. La croissance de son fond reflète aussi l'explosion de l'industrie des " hedge funds " qui est passée au total de 40 milliards de dollars en 1990 à 2000 milliards de dollars en 2008. Ne s'est il pas grisé lui-même par ce succès. Il le désirait d'autant plus qu'il avait une revanche sociale à prendre. Sa famille d'origine n'avait aucune fortune, quelques déboires dans des affaires similaires de placements boursiers dans le cadre d'une société non déclarée ; Sa formation plutôt modeste faisait de lui plutôt un self made man ; et enfin son début de carrière professionnelle assez difficile dans des métiers d'opportunité. C'est en fait grâce aux fonds apportés par le père de son épouse Ruth qu'il a pu se lancer dans les affaires.
Selon le psychiatre Kenneth Mueller, Bernard Madoff est " un pervers narcissique ". " Tout y est, dit-il, de l'obsession de son nom sur la porte à l'illusion du pouvoir absolu et de succès illimité en passant par le talent de manipulateur et l'incapacité de reconnaître ses échecs ". Il explique qu'il ait trahit sans vergogne ses meilleurs amis comme des organisations juives de charité par le fait que " les pervers narcissiques sont dépourvus d'empathie. Puisque tout est centré autour de leur propre désir, de leur propre personne, ils sont incapables de se soucier des autres ". Il est intéressant de noter que 147 fondations figurent parmi les victimes de Madoff. Ces fondations sont des clients idéaux pour une pyramide de Ponzi car elles placent leur capital une fois pour toutes et se contentent des intérêts annuels pour financer leurs activités (Les riches retraités aussi). Ce sont les retraits massifs et fréquents qui font s'écrouler une pyramide Ponzi.
Le psychanalyste Dori Laub explique l’absence de culpabilité de Bernard Madoff par le fait que lui-même avait une grande confiance dans le système qu'il avait créé. Au fil des années, il s'est peut-être même convaincu dans une sorte de toute puissance que sa pyramide pouvait tenir éternellement. Pire même, Madoff a estimé que l'escroquerie n'était pas aussi importante que cela puisque beaucoup d'investisseurs avaient au total gagné sur la durée plus que ce qu'ils avaient placé. C'est le cas par exemple de la fondation Hadassah qui avait annoncé avoir perdu 90 millions de dollars alors que sur la durée, elle en avait gagné 130 millions.
Ce qui est étonnant dans cette affaire, c'est que plusieurs experts et journaliste ont tenté d'alerter l'opinion sur les doutes qu'ils avaient à propos des fonds Madoff. Harry Markopolos est l'un d'entre-eux. Pendant 10 ans, il a interpellé les autorités de régulation à 4 reprises mais la fascination qu'exerçait Madoff sur l'ensemble des professionnels du secteur était plus forte.
- Il garantissait des rendements réguliers et durables. Il ne faisait pas de promesses mirobolantes ; ce qui convenait bien à sa clientèle très fortunée dont la première motivation était des rendements sûrs. Les rendements étaient de 1% par mois soit 12% par an, ce qui constituait une " honnête moyenne " puisque la plupart des courtiers en bourse proposait à l'époque de 15% à 25%.
- . Il avait adopté un comportement modeste et était difficile d'accès ; rares étaient ceux qui pouvaient le rencontrer. C'était un privilège. Il avait mis en place un réseau de courtiers exclusifs soigneusement sélectionnés qui étaient ses intermédiaires ce qui fait qu'il ne gérait en réalité que 11 à 25 clients.
- Il envoyait régulièrement à ses clients des coupons de transactions qui bien que faux paraissaient irréprochables.
Le système a parfaitement fonctionné assurant la fortune des Madoff, propriétaires de nombreux appartements, résidences de luxe et de plusieurs yachts jusqu'à fin 2008, au moment où, devant la chute des marchés financiers, plusieurs gros clients ont souhaité récupérer leurs fonds. " Début décembre 2008, il devait faire face à des retraits de 7 milliards de dollars, alors qu'il disposait de moins de 1 milliard en banque ".
Le 11 décembre 2008, Bernie avoue l'escroquerie à sa famille et est arrêté par le FBI. Lorsque la pyramide de Ponzi s'est écroulée, les pertes globales s’élèveront à 65 milliards de dollars. Un de ses fils et plusieurs courtiers se suicideront lorsque celle-ci sera dévoilée au grand jour. Bernard Madoff, devenu " le plus grand escroc du siècle " écopera 150 ans de prison. Il plaidera coupable !
On retrouve ici, les grands classiques de l'escroquerie. L'imposteur :
- Met en scène une image de toute puissance : " Bernie est un génie " disaient de lui, Littaye et La Villehuchet, partenaires français de Madoff dont la part investie ira jusqu'à 98%.
- Organise son action pour maintenir le plus longtemps possible cette image de respectabilité : rentabilité certaine, discrétion (" Il avait une attitude grand père paisible et raisonnable ") , engagements philanthropiques, participation aux clubs les plus prestigieux, régularité dans les procédures, réputation de fiabilité, prestige du personnage (travailler pour Madoff était un honneur, voire un privilège), crédibilité augmentée par la reconnaissance institutionnelle (Bernard Madoff a subi plusieurs contrôles du gendarme de la bourse " La SEC " sans aucune mise en garde - Il avait par ailleurs participé à l'élaboration de la loi de 1995 sur le " Front Running " (Il est interdit de mélanger une activité de courtier avec celle de gestionnaire de fortune dans la même entité), maîtrise totale de sa vie émotionnelle (Entre 2007 et 2008 ses partenaires sont confrontés à plus d'investisseurs sortants qu'entrants sans que Bernard Madoff ne laisse percevoir l'échéance qu'il savait inéluctable de son système).
Il s'agit de créer une illusion pour capter l'Idéal du Moi de la victime. Le suicide de Thierry La Villehuchet est assez révélateur de l'intensité de l'idéalisation qui le liait à Bernie. Le témoignage de son frère à ce sujet est signifiant : " Thierry a choisi de se suicider non parce qu'il se sentait déshonoré. Mais par chagrin d'amour. Il n' a pas supporté d'être trahi après avoir fait partager son rêve américain à tant de gens ". Philippe Junot, ancien époux de Caroline de Monaco, devenu courtier du réseau Madoff partage lui-même la même idéalisation : " On avait affaire à une légende de Wall Street... " Les confidences de son meilleur ami, Ed Blumenfeld, confirme cette habilité à générer ce type de fantasme : " En réalité, pire que de perdre un ami, c'est s'apercevoir que vous étiez ami avec quelqu'un qui n'a jamais existé ".
On peut également mesurer l’absolue confiance que les clients disciples de Madoff avaient envers leur maître à la hauteur du choc qu'ils ont ressenti lorsqu'ils ont appris la nouvelle de son effondrement. Voici, par exemple ce que dit Stéphane Hechter : " J'étais installé, là, à votre place. C'était huit heures du matin et je suis resté sommé pendant quatre heures... C'était comme si on m'avait donné un coup de poing dans la figure ".
Stephen Greenspan, professeur de psychologie à New-York, a publié de nombreux articles et livres sur la crédulité. Il s'est lui-même fait avoir par Madoff puisqu'il a perdu près de 80% de ses placements. Ce qui prouve que même dûment averti, nous pouvons être à la merci des escrocs. Greenspan explique le succès du subterfuge par le coté mystérieux des méthodes utilisées par Madoff. Personne, en effet, n'a jamais eu accès aux salles d'ordinateurs de son bureau. Cet espace appelé " la cage " était une zone interdite. Seul Madoff et un de ses employés Di Pascali étaient autorisés à y entrer. Ce mystère, cet atmosphère de secret, contribuent à attribuer des pouvoirs magiques à celui qui est l'objet de toutes les interrogations. Il y eu par ailleurs une sorte de contagion de confiance qui s'explique par " la tendance des être humains à modeler leurs actions sur celles des autres ", surtout si ce sont des amis ou d'autres gens qui affirment qu'ils ont été très satisfaits de leur engagement. " Le spectacle des autres gagnant de l'argent nous conduit à suspendre notre esprit critique ", dit Shiller, un des courtiers chargés de recruter des " adeptes " qui avaient l'impression, du fait du processus de sélection, appartenir à une élite en étant adopté par Madoff.
Certains clients prestigieux ont également contribué à la bonne réputation de Bernard Madoff comme par exemple Liliane Bettencourt qui a pu récupérer en 2004 l'intégralité de son investissement ainsi que des intérêts cumulés qui se montaient à 100 millions d'euros. " Mais le plus fort, c'est que, pendant 20 ans, à la barbe et au nez de tous, Bernie, a réussi à commercialiser de faux produits par l’intermédiaire de vraies banques ! "
L'Union des Banques Suisses, numéro un mondial de la gestion de patrimoine acceptera même de gérer une Sicav (Luxalpha) conçue par le cabinet Access, dirigé par La Villehuchet et son associé Littaye. Cette Sicav a reçu les agréments de plusieurs bourses prestigieuses en Europe (Luxembourg, France). Chaque année, elle est auditée est certifiée conforme par un des plus prestigieux cabinet d'auditeurs " Ernst & Young ". Le comble c'est que curieusement le nom de Bernard Madoff n’apparaîtra même pas dans les 15 pages de présentation de la Sicav... Le 18 Décembre, l'UBS publiera un communiqué étonnant affirmant " qu'elle n' a pas investi les actifs de ses clients dans des fonds Madoff ". Les banques françaises, elles-mêmes ne sont pas en reste puis qu’entre Dexia, Natixis, et BNP Paribas, elles auraient investi plus de 880 millions d'Euros.
On peut se demander si Madoff, lui-même malgré une maîtrise émotionnelle hors du commun, ne s'est pas laissé emporter par le système qu'il a mis en place. La croissance de son fond reflète aussi l'explosion de l'industrie des " hedge funds " qui est passée au total de 40 milliards de dollars en 1990 à 2000 milliards de dollars en 2008. Ne s'est il pas grisé lui-même par ce succès. Il le désirait d'autant plus qu'il avait une revanche sociale à prendre. Sa famille d'origine n'avait aucune fortune, quelques déboires dans des affaires similaires de placements boursiers dans le cadre d'une société non déclarée ; Sa formation plutôt modeste faisait de lui plutôt un self made man ; et enfin son début de carrière professionnelle assez difficile dans des métiers d'opportunité. C'est en fait grâce aux fonds apportés par le père de son épouse Ruth qu'il a pu se lancer dans les affaires.
Selon le psychiatre Kenneth Mueller, Bernard Madoff est " un pervers narcissique ". " Tout y est, dit-il, de l'obsession de son nom sur la porte à l'illusion du pouvoir absolu et de succès illimité en passant par le talent de manipulateur et l'incapacité de reconnaître ses échecs ". Il explique qu'il ait trahit sans vergogne ses meilleurs amis comme des organisations juives de charité par le fait que " les pervers narcissiques sont dépourvus d'empathie. Puisque tout est centré autour de leur propre désir, de leur propre personne, ils sont incapables de se soucier des autres ". Il est intéressant de noter que 147 fondations figurent parmi les victimes de Madoff. Ces fondations sont des clients idéaux pour une pyramide de Ponzi car elles placent leur capital une fois pour toutes et se contentent des intérêts annuels pour financer leurs activités (Les riches retraités aussi). Ce sont les retraits massifs et fréquents qui font s'écrouler une pyramide Ponzi.
Le psychanalyste Dori Laub explique l’absence de culpabilité de Bernard Madoff par le fait que lui-même avait une grande confiance dans le système qu'il avait créé. Au fil des années, il s'est peut-être même convaincu dans une sorte de toute puissance que sa pyramide pouvait tenir éternellement. Pire même, Madoff a estimé que l'escroquerie n'était pas aussi importante que cela puisque beaucoup d'investisseurs avaient au total gagné sur la durée plus que ce qu'ils avaient placé. C'est le cas par exemple de la fondation Hadassah qui avait annoncé avoir perdu 90 millions de dollars alors que sur la durée, elle en avait gagné 130 millions.
Ce qui est étonnant dans cette affaire, c'est que plusieurs experts et journaliste ont tenté d'alerter l'opinion sur les doutes qu'ils avaient à propos des fonds Madoff. Harry Markopolos est l'un d'entre-eux. Pendant 10 ans, il a interpellé les autorités de régulation à 4 reprises mais la fascination qu'exerçait Madoff sur l'ensemble des professionnels du secteur était plus forte.
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5. Jean-Claude Mas : On ne sait plus à quel " sein " se vouer...(Affaire PIP)
Jean-Claude Mas est le fondateur de la société d'implants mammaires PIP, qui a commercialisé un gel non conforme à la réglementation. Né en 1939 il abandonne ses études après un bac scientifique pour faire de la vente directe. Puis Il travaille d'abord en tant que visiteur médical pendant dix ans pour l’américain Bristol-Myers Squibb avant de se lancer à son compte dans la vente de vins, de cognac et de saucissons. Dans le cadre de son activité de délégué médical, Il se lie d’amitié avec un chirurgien plasticien Henri Arion et fonde avec lui la société Simaplast, rapidement rebaptisée MAP. En 1991, Henri Arion est victime d'un accident d'avion, et Jean-Claude Mas devient seul propriétaire de l'entreprise, qui devient Poly-Implant Prothèse, alias PIP.
Le marché de la prothèse mammaire est à cette époque est en plein expansion et l'homme au collier de barbe multiplie les annonces d'innovations. En 2001, les Echos rapportent ainsi que PIP, leader en France de la prothèse mammaire, vient de lancer un nouveau modèle : une prothèse asymétrique avec implants différents à droite et à gauche, offrant " des résultats esthétiques exceptionnels en s'adaptant davantage à la morphologie féminine ". Cette innovation devrait lui ouvrir les portes des USA. Son avocat dira de lui " C'est un innovateur, un génie, c'est un Géo Trouvetou ".
Chez PIP, Mas est l’homme orchestre : il vend ses produits avec enthousiasme à des chirurgiens qui se laissent dans un premier séduire par le bon rapport qualité prix présenté ; il gère, s’occupe de la recherche développement quand il ne fait pas le ménage en cas de besoin.
Entre 1991 et 2010, son entreprise connaît un développement spectaculaire et emploie 120 personnes. Il vend près de 100 000 unités par an. Ses marchés se situent principalement dans les pays en voie de développement. Une société d'investissement américaine Heritage Worldwide entre au capital de PIP en 2003. Mais JC Mas est aussi joueur. Il se voit interdit de casinos en 2003, lieu où il dépensait la majeure partie de ses revenus qui se situent à 30 000 Euros par mois.
Mas positionne PIP sur la compétitivité prix. Il veut offrir au monde entier les prothèses mammaires les moins chères du marché " à des prix imbattables ". Face à la concurrence asiatique et pour résister à la baisse du dollar, il doit réduire les coûts. Il décide de remplacer le gel de silicone traditionnel par un gel de sa composition qu’il bricole à partir d’une formule de son ancien ami le Docteur Arion. Ce nouveau gel présente, selon lui, apparemment les mêmes caractéristiques que le silicone mais coûte 7 fois moins cher (5 euros le litre au lieu de 35). Le problème c’est que son mélange contient des substances inflammatoires comme de l’huile de silicone industrielle, le Baysilone (qui est un additif pour carburant) , du Silopren et du Rhodorsil qui servent à enrober des câbles électriques. Ces produits sont normalement destinés à un usage industriel et leurs effets n'ont jamais été testés sur la santé d'un être vivant et de ce fait interdits dans tout dispositif médical.
Or ces produits vont s’avérer toxiques et vont ronger l'enveloppe de silicone des prothèses. Sur 1140 ruptures de prothèses identifiées, on a dénombré 500 cas de réactions inflammatoires et 20 cas de cancers. L’afsapps conseille vivement aux femmes porteuses de prothèses PIP de se les faire enlever pour éviter tous risques. Le coût d’une telle opération est évalué à 60 millions d’euros, sans compter les souffrances des personnes concernées. A la suite de cette annonce, c'est près de 15000 interventions qui seront réalisées pour enlever les implants douteux.
Déjà en 2000, la Food and Drug Administration avait constaté de graves malfaçons sur des implants et avait envoyé une lettre d'avertissement à Jean-Claude Mas lui reprochant de ne pas avoir pris en compte certains dysfonctionnements dans sa production tel le problème de dégonflement des implants, le non signalement des 120 plaintes en France et dans d'autres pays, les différentes pratiques de production non-conformes aux règles industriels. Le même organisme soupçonnait également que " les violations constatées sont peut-être symptomatiques de graves problèmes sous-jacents dans les processus de fabrication et de contrôle de qualité. Il est de sa responsabilité d'enquêter sur les écarts signalés. "
Avec son " invention " qu’il pensait révolutionnaire, Jean-Claude Mas était persuadé d'avoir inventé une solution plus économique pour les patientes et surtout plus rentable pour son entreprise. Le 17 Avril 2013, s’ouvre le procès de JC Mas face à 5100 plaignantes. Il encourt une amende d’environs de 3000 euros par plaignantes et 5 ans de prison. Il est accusé de " tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, et mise en danger de la vie d'autrui ".
Curieusement c’est seulement en 2010 que les prothèses PIP ont été interdites. Cette réaction tardive s’explique en partie par le fait que JC Mas déjouait systématiquement les contrôles (industriels) en faisant croire que ses prothèses contenaient de l’Inusil. Lors des audits effectués par une société allemande spécialisée (La TUV), il demandait à ses collaborateurs de dissimuler les matières premières non autorisées et ne laissait apparaître que celles qui l’étaient. Il proposait également aux plaignantes des arrangements à l’amiable en payant des indemnités. C’est devant la multiplication des plaintes de plus en plus nombreuses des femmes porteuses et des chirurgiens plasticiens que l’Afsapps a diligenté une enquête plus approfondie et que les malversations ont été dénoncées.
Encore aujourd’hui, Jean- Claude Mas clame que son produit " ne comporte aucun danger pour la santé " et qu’il était " homologable ". On peut penser qu’il en est sincèrement convaincu. C’est en tout cas ce qu’il déclare dans une de ses interviews. Il prétend même non seulement que " son produit est moins cher mais qu’en plus il est de meilleur qualité que l’Inusil ". Même s'il a présenté ses excuses aux victimes lors de son procès, il faut admettre que celles-ci ont été bien tardives car au début de son arrestation, il s'acharnait, lors des interrogatoires, à ne prendre en considération que son point de vue en déclarant sans vergogne que s' il avait bricolé un gel, " c'était pour améliorer le rapport qualité - prix " ou encore à propos des plaignantes " qu'il s'agit de personnes fragiles ou de personnes qui font ça pour le fric ". Cette absence apparente de culpabilité et d'empathie semblent témoigner d'une posture relativement schizoïde et narcissique.
Notre rôle n’est en aucun cas de porter un jugement de valeur sur le comportement de JC Mas. Un jugement de valeur est un regard extérieur sur autrui en référence à une norme. Pour tenter d’élucider les processus psychiques qui se sont mis en œuvre dans cette affaire, il est nécessaire à l’inverse de tenter de se mettre dans la subjectivité du sujet.
JC Mas est un autodidacte qui s’est fait tout seul. Depuis 1990 à 2003, il est dans une dynamique de succès. Son entreprise est la 3° mondiale du secteur et fabrique chaque année près de 100 000 prothèses mammaires. 80 % de son chiffre d’affaires se fait à l’export dans 65 pays. On sait que ce type de situation génère une certaine " euphorie ". Il prend certainement " la grosse tête ". En d’autres termes, son Moi est dans un état d’inflation narcissique ; ce qui est assez fréquent dans ce type d’expérience. Le Surmoi s’endort et le sujet perd la conscience des règles ; du réel. Il a sans doute quelques problèmes de fonds propres puisqu'il est obligé de faire appel à un investisseur américain pour assurer son développement, ce que ne fait jamais de gaieté de cœur pour un véritable entrepreneur. Il est créatif, il l’a prouvé tout au long de sa vie professionnelle. Equipé d’une culture médicale sommaire, il imagine avoir la compétence pour fabriquer un gel moins coûteux et de meilleur qualité. Il a travaillé avec le docteur Arion qui lui a transmis ces formules. Dans cette illusion de toute puissance (imaginer avoir la compétence d’un médecin spécialisé sans avoir fait beaucoup d’études), il croit être capable de révolutionner le secteur " en bricolant " de façon artisanale un gel qui aurait des caractéristiques identiques sinon meilleures que le gel classique. Il est tellement convaincu de son habilité qu’il ne fait aucun test préalable et diffuse son produit directement sur le marché sans vérifier son innocuité. Il aurait pu faire homologuer celui-ci mais il aurait fallu se plier à des procédures interminables qui auraient retardé son désir. Alors il passe à l’acte c'est-à-dire qu’il déplace dans le réel ce qui vient de son imaginaire sans la médiation de la Loi. Son Moi, en se confondant avec l’idéal du Moi est devenu un Moi Idéal tout puissant.
Les anciens salariés de PIP semblent, à leur façon, confirmer ce diagnostic. Ils évoquent un dirigeant intelligent et opiniâtre mais qui "gérait sa boîte de façon très patriarcale. C'était sa boîte ". " Il savait tout et c'était à lui de décider ". Une secrétaire de direction parle d’un " personnage caractériel et assez fermé aux idées de son entourage ". Un autre salarié d’un " régime dictatorial" . En fait JC Mas n’existe que pour et à travers son entreprise. Bien que seulement Président du Conseil de Surveillance depuis 2007, il continue de s’occuper de tout à PIP. Les salariés évoquent des comportements étranges comme de rentrer du déjeuner sérieusement éméché ou " d'injurier ses salariés ". A plusieurs reprises, ses collaborateurs, tentent de s’opposer à ses décisions mais c’est lui qui impose le maintien de son gel sous peine de " virer " les opposants. Il s’agit bien là d’un comportement caractériel illustrant, par son caractère totalitaire, la posture " phallique " adoptée par le dirigeant.
Aujourd’hui, malgré les excuses publiques qu’il a faites, lors de son procès retentissant à Marseille, il semble peu conscient du véritable risque qu’il a fait subir à ses clientes. On peut même parler de déni : " Je savais que ce gel n’était pas homologué, mais je l’ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher (…) et de bien meilleure qualité ". " Nos prothèses ne présentent cependant " aucun risque pour la santé ". Ce déni a certainement une fonction défensive : celle d’éviter de ressentir la culpabilité et de maintenir une bonne image. La justice et les peines lourdes qu’il encourt la ramèneront peu à peu au Réel. Plus que ses biens, c’est son Moi Idéal qu’il aura perdu dans cette affaire. A 72 ans, l’épreuve risque d’être à la hauteur de l’esprit de vengeance de ces clientes qu’il a d’une certaine façon instrumentalisée pour la réalisation de son rêve mégalomaniaque.
Le marché de la prothèse mammaire est à cette époque est en plein expansion et l'homme au collier de barbe multiplie les annonces d'innovations. En 2001, les Echos rapportent ainsi que PIP, leader en France de la prothèse mammaire, vient de lancer un nouveau modèle : une prothèse asymétrique avec implants différents à droite et à gauche, offrant " des résultats esthétiques exceptionnels en s'adaptant davantage à la morphologie féminine ". Cette innovation devrait lui ouvrir les portes des USA. Son avocat dira de lui " C'est un innovateur, un génie, c'est un Géo Trouvetou ".
Chez PIP, Mas est l’homme orchestre : il vend ses produits avec enthousiasme à des chirurgiens qui se laissent dans un premier séduire par le bon rapport qualité prix présenté ; il gère, s’occupe de la recherche développement quand il ne fait pas le ménage en cas de besoin.
Entre 1991 et 2010, son entreprise connaît un développement spectaculaire et emploie 120 personnes. Il vend près de 100 000 unités par an. Ses marchés se situent principalement dans les pays en voie de développement. Une société d'investissement américaine Heritage Worldwide entre au capital de PIP en 2003. Mais JC Mas est aussi joueur. Il se voit interdit de casinos en 2003, lieu où il dépensait la majeure partie de ses revenus qui se situent à 30 000 Euros par mois.
Mas positionne PIP sur la compétitivité prix. Il veut offrir au monde entier les prothèses mammaires les moins chères du marché " à des prix imbattables ". Face à la concurrence asiatique et pour résister à la baisse du dollar, il doit réduire les coûts. Il décide de remplacer le gel de silicone traditionnel par un gel de sa composition qu’il bricole à partir d’une formule de son ancien ami le Docteur Arion. Ce nouveau gel présente, selon lui, apparemment les mêmes caractéristiques que le silicone mais coûte 7 fois moins cher (5 euros le litre au lieu de 35). Le problème c’est que son mélange contient des substances inflammatoires comme de l’huile de silicone industrielle, le Baysilone (qui est un additif pour carburant) , du Silopren et du Rhodorsil qui servent à enrober des câbles électriques. Ces produits sont normalement destinés à un usage industriel et leurs effets n'ont jamais été testés sur la santé d'un être vivant et de ce fait interdits dans tout dispositif médical.
Or ces produits vont s’avérer toxiques et vont ronger l'enveloppe de silicone des prothèses. Sur 1140 ruptures de prothèses identifiées, on a dénombré 500 cas de réactions inflammatoires et 20 cas de cancers. L’afsapps conseille vivement aux femmes porteuses de prothèses PIP de se les faire enlever pour éviter tous risques. Le coût d’une telle opération est évalué à 60 millions d’euros, sans compter les souffrances des personnes concernées. A la suite de cette annonce, c'est près de 15000 interventions qui seront réalisées pour enlever les implants douteux.
Déjà en 2000, la Food and Drug Administration avait constaté de graves malfaçons sur des implants et avait envoyé une lettre d'avertissement à Jean-Claude Mas lui reprochant de ne pas avoir pris en compte certains dysfonctionnements dans sa production tel le problème de dégonflement des implants, le non signalement des 120 plaintes en France et dans d'autres pays, les différentes pratiques de production non-conformes aux règles industriels. Le même organisme soupçonnait également que " les violations constatées sont peut-être symptomatiques de graves problèmes sous-jacents dans les processus de fabrication et de contrôle de qualité. Il est de sa responsabilité d'enquêter sur les écarts signalés. "
Avec son " invention " qu’il pensait révolutionnaire, Jean-Claude Mas était persuadé d'avoir inventé une solution plus économique pour les patientes et surtout plus rentable pour son entreprise. Le 17 Avril 2013, s’ouvre le procès de JC Mas face à 5100 plaignantes. Il encourt une amende d’environs de 3000 euros par plaignantes et 5 ans de prison. Il est accusé de " tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, et mise en danger de la vie d'autrui ".
Curieusement c’est seulement en 2010 que les prothèses PIP ont été interdites. Cette réaction tardive s’explique en partie par le fait que JC Mas déjouait systématiquement les contrôles (industriels) en faisant croire que ses prothèses contenaient de l’Inusil. Lors des audits effectués par une société allemande spécialisée (La TUV), il demandait à ses collaborateurs de dissimuler les matières premières non autorisées et ne laissait apparaître que celles qui l’étaient. Il proposait également aux plaignantes des arrangements à l’amiable en payant des indemnités. C’est devant la multiplication des plaintes de plus en plus nombreuses des femmes porteuses et des chirurgiens plasticiens que l’Afsapps a diligenté une enquête plus approfondie et que les malversations ont été dénoncées.
Encore aujourd’hui, Jean- Claude Mas clame que son produit " ne comporte aucun danger pour la santé " et qu’il était " homologable ". On peut penser qu’il en est sincèrement convaincu. C’est en tout cas ce qu’il déclare dans une de ses interviews. Il prétend même non seulement que " son produit est moins cher mais qu’en plus il est de meilleur qualité que l’Inusil ". Même s'il a présenté ses excuses aux victimes lors de son procès, il faut admettre que celles-ci ont été bien tardives car au début de son arrestation, il s'acharnait, lors des interrogatoires, à ne prendre en considération que son point de vue en déclarant sans vergogne que s' il avait bricolé un gel, " c'était pour améliorer le rapport qualité - prix " ou encore à propos des plaignantes " qu'il s'agit de personnes fragiles ou de personnes qui font ça pour le fric ". Cette absence apparente de culpabilité et d'empathie semblent témoigner d'une posture relativement schizoïde et narcissique.
Notre rôle n’est en aucun cas de porter un jugement de valeur sur le comportement de JC Mas. Un jugement de valeur est un regard extérieur sur autrui en référence à une norme. Pour tenter d’élucider les processus psychiques qui se sont mis en œuvre dans cette affaire, il est nécessaire à l’inverse de tenter de se mettre dans la subjectivité du sujet.
JC Mas est un autodidacte qui s’est fait tout seul. Depuis 1990 à 2003, il est dans une dynamique de succès. Son entreprise est la 3° mondiale du secteur et fabrique chaque année près de 100 000 prothèses mammaires. 80 % de son chiffre d’affaires se fait à l’export dans 65 pays. On sait que ce type de situation génère une certaine " euphorie ". Il prend certainement " la grosse tête ". En d’autres termes, son Moi est dans un état d’inflation narcissique ; ce qui est assez fréquent dans ce type d’expérience. Le Surmoi s’endort et le sujet perd la conscience des règles ; du réel. Il a sans doute quelques problèmes de fonds propres puisqu'il est obligé de faire appel à un investisseur américain pour assurer son développement, ce que ne fait jamais de gaieté de cœur pour un véritable entrepreneur. Il est créatif, il l’a prouvé tout au long de sa vie professionnelle. Equipé d’une culture médicale sommaire, il imagine avoir la compétence pour fabriquer un gel moins coûteux et de meilleur qualité. Il a travaillé avec le docteur Arion qui lui a transmis ces formules. Dans cette illusion de toute puissance (imaginer avoir la compétence d’un médecin spécialisé sans avoir fait beaucoup d’études), il croit être capable de révolutionner le secteur " en bricolant " de façon artisanale un gel qui aurait des caractéristiques identiques sinon meilleures que le gel classique. Il est tellement convaincu de son habilité qu’il ne fait aucun test préalable et diffuse son produit directement sur le marché sans vérifier son innocuité. Il aurait pu faire homologuer celui-ci mais il aurait fallu se plier à des procédures interminables qui auraient retardé son désir. Alors il passe à l’acte c'est-à-dire qu’il déplace dans le réel ce qui vient de son imaginaire sans la médiation de la Loi. Son Moi, en se confondant avec l’idéal du Moi est devenu un Moi Idéal tout puissant.
Les anciens salariés de PIP semblent, à leur façon, confirmer ce diagnostic. Ils évoquent un dirigeant intelligent et opiniâtre mais qui "gérait sa boîte de façon très patriarcale. C'était sa boîte ". " Il savait tout et c'était à lui de décider ". Une secrétaire de direction parle d’un " personnage caractériel et assez fermé aux idées de son entourage ". Un autre salarié d’un " régime dictatorial" . En fait JC Mas n’existe que pour et à travers son entreprise. Bien que seulement Président du Conseil de Surveillance depuis 2007, il continue de s’occuper de tout à PIP. Les salariés évoquent des comportements étranges comme de rentrer du déjeuner sérieusement éméché ou " d'injurier ses salariés ". A plusieurs reprises, ses collaborateurs, tentent de s’opposer à ses décisions mais c’est lui qui impose le maintien de son gel sous peine de " virer " les opposants. Il s’agit bien là d’un comportement caractériel illustrant, par son caractère totalitaire, la posture " phallique " adoptée par le dirigeant.
Aujourd’hui, malgré les excuses publiques qu’il a faites, lors de son procès retentissant à Marseille, il semble peu conscient du véritable risque qu’il a fait subir à ses clientes. On peut même parler de déni : " Je savais que ce gel n’était pas homologué, mais je l’ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher (…) et de bien meilleure qualité ". " Nos prothèses ne présentent cependant " aucun risque pour la santé ". Ce déni a certainement une fonction défensive : celle d’éviter de ressentir la culpabilité et de maintenir une bonne image. La justice et les peines lourdes qu’il encourt la ramèneront peu à peu au Réel. Plus que ses biens, c’est son Moi Idéal qu’il aura perdu dans cette affaire. A 72 ans, l’épreuve risque d’être à la hauteur de l’esprit de vengeance de ces clientes qu’il a d’une certaine façon instrumentalisée pour la réalisation de son rêve mégalomaniaque.
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6. Philipe Berre : Les multiples tentatives de résurrection d’un arnaqueur sans but lucratif
Dans cette exploration des délits (re) de gestion, il peut également être intéressant de s’intéresser à un cas extrême : celui de Philippe Berre. Le cas est extrême dans la mesure où la motivation première n’est visiblement pas le profit mais la gloire. De ce point de vue, contrairement à l’opinion de nombreux journalistes, on peut estimer que c’est une réussite, puisqu’il est parvenu à plusieurs reprises à attirer l’attention des médias et a inspiré le réalisateur Xavier Giannoli dans un film intitulé à juste titre " A l’origine ") qui met en scène une de ses aventures.
Le cas de Philippe Berre est extrême parce qu’il met à nu le besoin vital de reconnaissance qui réside en chacun de nous (Honneth, 2010). Celle-ci était présente dans les récits précédents mais elle apparaît ici dans toute son humanité sans déguisements. La vérité de l’insondable faille narcissique, le défaut fondamental dirait Balint, apparaît au grand jour. C’est d’ailleurs celle-ci qui fera de Philippe Berre un multirécidiviste compulsif drogué à la quête de reconnaissance, qui est bien " à l’origine " de ses multiples transgressions.
A ce jour, il totalise 19 condamnations, 24 mentions sur son casier judiciaire et 34 années de prison. Tous ces délits ne relèvent pas d’un altruisme citoyen. Un certain nombre d’entre-eux doivent être considérés selon la procureure Sonia Bellier comme une délinquance de subsistance. Mais c’est surtout à travers deux faits divers qui ont été très médiatisés qu’il a construit sa légende " d’escroc qui vous veut du bien ".
En 2010, il a été condamné à 5 ans de prison ferme pour s’être fait passé pour un ingénieur dans la commune sarthoise de Saint-Marceau) où il s’est présenté comme le responsable du redémarrage du chantier de l’autoroute A 28, projet abandonné quelques années plus tôt à cause d’une mobilisation écologique voulant préserver un scarabée classé en espèce protégée. La relance de cette autoroute représentait pour l’économie locale une vraie planche de salut. Durant plusieurs semaines, le " faux chef de chantier " loue une flotte d’engins du BTP, embauche par le biais d’une société d’intérim une trentaine de personnes au chômage, redonne de l’espoir à toute une région, jusqu’à ce que l’imposture soit découverte. Entre temps, Philippe Berre et ses équipes ont réussi en trois semaines, à construire un tronçon d’autoroute. La route a été expertisée. Elle était techniquement très bien réalisée et avait été construite plus rapidement et moins cher que si on avait fait appel à un grand groupe de travaux publics.
Lorsqu'il a été arrêté, Philippe Berre, alias Roger Martin dans cet épisode, a confié qu’il faisait ça pour aider les gens et parce que cela lui donner l’impression d’être utile. A sortie de prison, il récidive, sous le nom de Philippe Lebert, dans la petite commune de Charron) en Charente Maritime qui fut sinistrée lors de la tempête Xynthia. Il est apparu habillé en treillis, dans un 4 x 4 aux couleurs de la République française et de l'Inventaire Forestier National en usant d’une fausse identité d’ingénieur forestier du ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Avec des bordereaux de réquisition falsifiés, il fera acheminer vers la petite ville des bungalows, des citernes de carburant, des véhicules de déblaiements et leurs chauffeurs, pour un montant total de 67 423,90 euros. Comme dans le premier cas, c’est la démesure de certaines décisions qui attirera l’attention sur lui. (Comme par exemple la commande de 2 chambres froides de 32 m2 chacune). Il sera démasqué 4 jours plus tard. Les représentants de la mairie ne lui reprochent aucun grief car son action a été jugée une fois de plus efficace et l’état s’étant porté solidaire, les collectivités n’ont rien eu à débourser et les fournisseurs ont été rémunérés.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que son cas relève davantage de la pathologie que de la délinquance. Philippe Berre, de son vrai nom Berri, a basculé dans l’errance sur les routes de France et dans les premières filouteries alimentaires à la suite d’un divorce à l’âge de 29 ans suivi d’une période de chômage.
Les faits divers dont il est l’auteur et l’acteur principal relèvent toujours du même scénario. Il se présente toujours de façon providentielle dans des moments de désarroi non dans le but de satisfaire son intérêt personnel mais en sauveur pour aider des populations fragilisées psychologiquement par des situations traumatisantes et angoissantes. Il apparaît comme l’homme qui par sa compétence et son expérience (puissance) pourra résoudre la situation. Il génère autour de lui une certaine espérance (Idéal du moi). La supercherie est d’autant plus difficile à percevoir qu’il intervient selon les témoignages avec autorité et qu’il obtient très rapidement des résultats qui rassurent ceux qui bénéficient de ses services.
De façon inconsciente certainement, il occupe la figure idéalisé d’un messie dans la mesure où il est là pour " délivrer les hommes de leurs servitudes " et " promettre l’établissement d’un monde meilleur " (Chemouni, 2010). Le maire de Charron utilise d'ailleurs le terme, illustrant cette hypothèse : " On l'a vu arriver comme le Messie ! Son sens de l'organisation nous a rendu un sacré service... "
Il semble même éprouver une vraie jouissance à interpréter ce personnage : " Je sais que cela n’a aucun sens, mais que voulez vous je suis heureux quand je fais ces travaux ". Cette jouissance est sans doute liée à la reconnaissance, l’estime qu’il en retire. " Pour la première fois de ma vie dira-t-il lors son arrestation, après la reconstruction de l’autoroute fictive " Je me suis senti quelqu’un " ; " J’avais le sentiment de devenir la personne que j’ai toujours rêvé d’être ".
Ces escroqueries lui permettent donc une certaine réparation narcissique, du moins, tant qu’il est en " scène ". Il interprète le fantasme avec tellement de conviction et d'engagement sincère que les protagonistes de l’histoire adhèrent sans réserve jusqu'au moment où " le héros " par ses excès devient improbable. " On n’arrivait pas à croire que ce n’était pas vrai", diront plusieurs personnes lors de la reconstruction de l’autoroute « impossible » de Saint- Marceau. Car en effet ce qui rend crédible
D'ailleurs, ses victimes ne sont pas les " clients " finaux mais davantage les entreprises intermédiaires qui fournissent les ressources. Les usagers sont au contraire très satisfaits. L’ancien maire de Charron le confirme : " Il nous a rendu un sacré service. Il savait ce qu’il fallait faire, quel matériel faire venir, comme le jour où les balayeuses haute pression sont entrées en action. Une efficacité, une assurance incroyable ! ".
Paradoxalement, Philippe Berre, en dehors des juges et des fournisseurs floués suscite de l’admiration. " il est fort, trop fort... " dira de lui un membre du conseil municipal de Charron. Plus encore, il attire plutôt la sympathie quand ce n’est pas la compassion des bénéficiaires qui lui pardonnent aisément ses mensonges : " Un escroc, je veux bien mais un malade, un criminel, pas du tout ! " ou encore : " Ce qu'il a fait est illégal, certes, mais c'est de soins qu'il a besoin, pas de prison. Il ne cherche pas à truander, il veut surtout paraître ".
A l’évidence, pourtant, il s’agit bien d’un cas de mythomanie qui semble assez caractérisée. Ce terme est utilisé pour la première fois par Anton Delbruek en 1891 pour décrire le mensonge pathologique compulsif. Contrairement au simple menteur, le sujet n’en a pas vraiment conscience. Il ressent " un besoin irrépressible de fabuler, d’inventer des récits imaginaires et de transformer la vérité, principalement pour obtenir l’admiration ou l’estime des autres ". En 1905, le docteur Dupré l’intégrera dans la pathologie hystérique. Selon Healy M et W. (2004), " le mensonge pathologique peut survenir parfois lorsqu'un individu ment sans pour autant tirer profit de ce mensonge ". Cette pathologie a non seulement des conséquences lourdes pour les sujets qui en sont atteint mais aussi pour leur entourage qui sont peu à peu conduit à perdre confiance. C’est sans doute ce qui explique que son ex épouse et ses deux enfants " ne veulent plus en entendre parler de lui ". Cette pathologie ne serait, sans doute aussi, pas possible sans un certain masochisme. Car l’imposteur paye un prix fort tant au niveau personnel (la solitude) et qu'au niveau social (34 années de prison).
Ce qui est impressionnant également dans cette affaire, c’est la facilité avec laquelle, Philippe Berre parvient à entraîner dans ses activités imaginaires les personnes qu’il rencontre. Son talent à convaincre ne suffit pas à expliquer " l’effervescence positive " qu’il déclenche. En occupant une figure de l’ordre de l’Idéal, il ranime cette espérance fondamentale, logée au cœur de l’humain qui rend la vie même possible. Tant qu’elle est présente, l’homme peut rêver échapper à la mort. Elle est fondamentalement primitive car " c’est elle qui depuis la création du monde semble avoir guidé et maintenu l’individu en vie sur terre " (Chemouni, 2010).
Ce besoin est d’autant plus fort dans les périodes de forte inquiétude, quand les sujets sont dans la détresse, confrontés à quelque chose du registre de la mort. Des travaux anthropologiques (Laplantine, 1974) ont montré que les sociétés humaines confrontées à des menaces de disparition (c’est le cas des deux régions qui ont été " le théâtre " des escroqueries ; le territoire de Saint-Marceau avec 25% de chômage et celui de Charron entièrement dévasté par la tempête Xynthia) ont tendance, pour survivre, à transformer leur désespoir en espérance. Cette espérance est d’autant plus intense que l’angoisse fondamentale est extrême. L’escroquerie ; le mensonge, que propose Philippe Berre ne sont donc possible que parce qu’elle rencontre un écho dans la subjectivité des habitants des territoires concernés.
Il est curieux de constater que l’ensemble des acteurs de cette " tragédie symbolique " semblent inspirés par la métaphore du " scarabée ". En Egypte, en effet, le scarabée, " Kheper " a une fonction sacrée. C’est lui qui permet d’être à l’origine de quelque chose. Il représente la genèse, la transformation ou mieux encore la résurrection. Ces faits divers nous fascinent parce qu’ils mettent en scène le mythe de la résurrection : résurrection d’une route, résurrection d’un territoire et plus encore résurrection impossible d’un homme en quête d’une image de dignité. Ils nous rappellent aussi combien " sans la reconnaissance, l’individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie " (Honneth, 2008). L'estime de soi est bien une question vitale !
Le cas de Philippe Berre est extrême parce qu’il met à nu le besoin vital de reconnaissance qui réside en chacun de nous (Honneth, 2010). Celle-ci était présente dans les récits précédents mais elle apparaît ici dans toute son humanité sans déguisements. La vérité de l’insondable faille narcissique, le défaut fondamental dirait Balint, apparaît au grand jour. C’est d’ailleurs celle-ci qui fera de Philippe Berre un multirécidiviste compulsif drogué à la quête de reconnaissance, qui est bien " à l’origine " de ses multiples transgressions.
A ce jour, il totalise 19 condamnations, 24 mentions sur son casier judiciaire et 34 années de prison. Tous ces délits ne relèvent pas d’un altruisme citoyen. Un certain nombre d’entre-eux doivent être considérés selon la procureure Sonia Bellier comme une délinquance de subsistance. Mais c’est surtout à travers deux faits divers qui ont été très médiatisés qu’il a construit sa légende " d’escroc qui vous veut du bien ".
En 2010, il a été condamné à 5 ans de prison ferme pour s’être fait passé pour un ingénieur dans la commune sarthoise de Saint-Marceau) où il s’est présenté comme le responsable du redémarrage du chantier de l’autoroute A 28, projet abandonné quelques années plus tôt à cause d’une mobilisation écologique voulant préserver un scarabée classé en espèce protégée. La relance de cette autoroute représentait pour l’économie locale une vraie planche de salut. Durant plusieurs semaines, le " faux chef de chantier " loue une flotte d’engins du BTP, embauche par le biais d’une société d’intérim une trentaine de personnes au chômage, redonne de l’espoir à toute une région, jusqu’à ce que l’imposture soit découverte. Entre temps, Philippe Berre et ses équipes ont réussi en trois semaines, à construire un tronçon d’autoroute. La route a été expertisée. Elle était techniquement très bien réalisée et avait été construite plus rapidement et moins cher que si on avait fait appel à un grand groupe de travaux publics.
Lorsqu'il a été arrêté, Philippe Berre, alias Roger Martin dans cet épisode, a confié qu’il faisait ça pour aider les gens et parce que cela lui donner l’impression d’être utile. A sortie de prison, il récidive, sous le nom de Philippe Lebert, dans la petite commune de Charron) en Charente Maritime qui fut sinistrée lors de la tempête Xynthia. Il est apparu habillé en treillis, dans un 4 x 4 aux couleurs de la République française et de l'Inventaire Forestier National en usant d’une fausse identité d’ingénieur forestier du ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Avec des bordereaux de réquisition falsifiés, il fera acheminer vers la petite ville des bungalows, des citernes de carburant, des véhicules de déblaiements et leurs chauffeurs, pour un montant total de 67 423,90 euros. Comme dans le premier cas, c’est la démesure de certaines décisions qui attirera l’attention sur lui. (Comme par exemple la commande de 2 chambres froides de 32 m2 chacune). Il sera démasqué 4 jours plus tard. Les représentants de la mairie ne lui reprochent aucun grief car son action a été jugée une fois de plus efficace et l’état s’étant porté solidaire, les collectivités n’ont rien eu à débourser et les fournisseurs ont été rémunérés.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que son cas relève davantage de la pathologie que de la délinquance. Philippe Berre, de son vrai nom Berri, a basculé dans l’errance sur les routes de France et dans les premières filouteries alimentaires à la suite d’un divorce à l’âge de 29 ans suivi d’une période de chômage.
Les faits divers dont il est l’auteur et l’acteur principal relèvent toujours du même scénario. Il se présente toujours de façon providentielle dans des moments de désarroi non dans le but de satisfaire son intérêt personnel mais en sauveur pour aider des populations fragilisées psychologiquement par des situations traumatisantes et angoissantes. Il apparaît comme l’homme qui par sa compétence et son expérience (puissance) pourra résoudre la situation. Il génère autour de lui une certaine espérance (Idéal du moi). La supercherie est d’autant plus difficile à percevoir qu’il intervient selon les témoignages avec autorité et qu’il obtient très rapidement des résultats qui rassurent ceux qui bénéficient de ses services.
De façon inconsciente certainement, il occupe la figure idéalisé d’un messie dans la mesure où il est là pour " délivrer les hommes de leurs servitudes " et " promettre l’établissement d’un monde meilleur " (Chemouni, 2010). Le maire de Charron utilise d'ailleurs le terme, illustrant cette hypothèse : " On l'a vu arriver comme le Messie ! Son sens de l'organisation nous a rendu un sacré service... "
Il semble même éprouver une vraie jouissance à interpréter ce personnage : " Je sais que cela n’a aucun sens, mais que voulez vous je suis heureux quand je fais ces travaux ". Cette jouissance est sans doute liée à la reconnaissance, l’estime qu’il en retire. " Pour la première fois de ma vie dira-t-il lors son arrestation, après la reconstruction de l’autoroute fictive " Je me suis senti quelqu’un " ; " J’avais le sentiment de devenir la personne que j’ai toujours rêvé d’être ".
Ces escroqueries lui permettent donc une certaine réparation narcissique, du moins, tant qu’il est en " scène ". Il interprète le fantasme avec tellement de conviction et d'engagement sincère que les protagonistes de l’histoire adhèrent sans réserve jusqu'au moment où " le héros " par ses excès devient improbable. " On n’arrivait pas à croire que ce n’était pas vrai", diront plusieurs personnes lors de la reconstruction de l’autoroute « impossible » de Saint- Marceau. Car en effet ce qui rend crédible
D'ailleurs, ses victimes ne sont pas les " clients " finaux mais davantage les entreprises intermédiaires qui fournissent les ressources. Les usagers sont au contraire très satisfaits. L’ancien maire de Charron le confirme : " Il nous a rendu un sacré service. Il savait ce qu’il fallait faire, quel matériel faire venir, comme le jour où les balayeuses haute pression sont entrées en action. Une efficacité, une assurance incroyable ! ".
Paradoxalement, Philippe Berre, en dehors des juges et des fournisseurs floués suscite de l’admiration. " il est fort, trop fort... " dira de lui un membre du conseil municipal de Charron. Plus encore, il attire plutôt la sympathie quand ce n’est pas la compassion des bénéficiaires qui lui pardonnent aisément ses mensonges : " Un escroc, je veux bien mais un malade, un criminel, pas du tout ! " ou encore : " Ce qu'il a fait est illégal, certes, mais c'est de soins qu'il a besoin, pas de prison. Il ne cherche pas à truander, il veut surtout paraître ".
A l’évidence, pourtant, il s’agit bien d’un cas de mythomanie qui semble assez caractérisée. Ce terme est utilisé pour la première fois par Anton Delbruek en 1891 pour décrire le mensonge pathologique compulsif. Contrairement au simple menteur, le sujet n’en a pas vraiment conscience. Il ressent " un besoin irrépressible de fabuler, d’inventer des récits imaginaires et de transformer la vérité, principalement pour obtenir l’admiration ou l’estime des autres ". En 1905, le docteur Dupré l’intégrera dans la pathologie hystérique. Selon Healy M et W. (2004), " le mensonge pathologique peut survenir parfois lorsqu'un individu ment sans pour autant tirer profit de ce mensonge ". Cette pathologie a non seulement des conséquences lourdes pour les sujets qui en sont atteint mais aussi pour leur entourage qui sont peu à peu conduit à perdre confiance. C’est sans doute ce qui explique que son ex épouse et ses deux enfants " ne veulent plus en entendre parler de lui ". Cette pathologie ne serait, sans doute aussi, pas possible sans un certain masochisme. Car l’imposteur paye un prix fort tant au niveau personnel (la solitude) et qu'au niveau social (34 années de prison).
Ce qui est impressionnant également dans cette affaire, c’est la facilité avec laquelle, Philippe Berre parvient à entraîner dans ses activités imaginaires les personnes qu’il rencontre. Son talent à convaincre ne suffit pas à expliquer " l’effervescence positive " qu’il déclenche. En occupant une figure de l’ordre de l’Idéal, il ranime cette espérance fondamentale, logée au cœur de l’humain qui rend la vie même possible. Tant qu’elle est présente, l’homme peut rêver échapper à la mort. Elle est fondamentalement primitive car " c’est elle qui depuis la création du monde semble avoir guidé et maintenu l’individu en vie sur terre " (Chemouni, 2010).
Ce besoin est d’autant plus fort dans les périodes de forte inquiétude, quand les sujets sont dans la détresse, confrontés à quelque chose du registre de la mort. Des travaux anthropologiques (Laplantine, 1974) ont montré que les sociétés humaines confrontées à des menaces de disparition (c’est le cas des deux régions qui ont été " le théâtre " des escroqueries ; le territoire de Saint-Marceau avec 25% de chômage et celui de Charron entièrement dévasté par la tempête Xynthia) ont tendance, pour survivre, à transformer leur désespoir en espérance. Cette espérance est d’autant plus intense que l’angoisse fondamentale est extrême. L’escroquerie ; le mensonge, que propose Philippe Berre ne sont donc possible que parce qu’elle rencontre un écho dans la subjectivité des habitants des territoires concernés.
Il est curieux de constater que l’ensemble des acteurs de cette " tragédie symbolique " semblent inspirés par la métaphore du " scarabée ". En Egypte, en effet, le scarabée, " Kheper " a une fonction sacrée. C’est lui qui permet d’être à l’origine de quelque chose. Il représente la genèse, la transformation ou mieux encore la résurrection. Ces faits divers nous fascinent parce qu’ils mettent en scène le mythe de la résurrection : résurrection d’une route, résurrection d’un territoire et plus encore résurrection impossible d’un homme en quête d’une image de dignité. Ils nous rappellent aussi combien " sans la reconnaissance, l’individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie " (Honneth, 2008). L'estime de soi est bien une question vitale !
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7. Où se trouve le " vrai " mensonge ?
Les 4 Temps du Management
Dans ces 6 récits, on constate que les sujets ont été amenés à transgresser la loi entraînes par leur désir " d’être toujours plus ". Ils appartiennent à cette catégorie d’individus identifiés par Robert Castel comme des " individus par excès " (2001). S’opposant ainsi aux individus par défaut, les individus par excès se caractérisent par " un trop plein d’excitations, un trop plein de rage, un trop plein, un trop plein d’amour propre, un trop plein de haine, un trop plein d’exaltations , etc…(Aubert, 2005).
Cette tension est une des caractéristiques de l’individu hypermoderne. Elle est le résultat d’une interaction complexe entre les besoins archaïques primaires des sujets et les normes sociales qui conditionnement la reconnaissance. Les individus hypermodernes structurent leur moi " par des échanges identificatoires avec ce qui les entourent, en intériorisant des modèles et des images " (Kaufmann, 2004). Cette hypothèse permet de comprendre que la transgression des 3 protagonistes ne peut pas s’expliquer seulement qu’à partir d’une problématique intrapsychique comme nous avons tenté de la faire dans la première partie. Elle est bien le résultat d’une interaction entre le moi du sujet et le social qui fonctionne comme un miroir dans lequel celui-ci construit de façon successive et permanente son image.
Mais ce miroir n’est pas neutre, il ne reflète pas une image objective car il est habité par des fantômes. Dans le passé, il s’agissait du Surmoi. Aujourd’hui, il s’agit de l’Idéal du Moi (Ehrenberg, 2010). La reconnaissance de soi dans le miroir ne peut donc se faire qu’en rentrant en conformité avec les exigences de cet idéal. Dans les sociétés libérales (Liaudet, 2007), les individus sont sommés " d’être tout puissants " (Dujarier, 2012), en tout cas excellents (Aubert, Gaulejac, 1991). Cette situation les place dans une quête permanente de " performance ". La reconnaissance qu’ils peuvent espérer obtenir est conditionnée par cet effort permanent de se rapprocher de l’Idéal. C’est aussi à travers ce jeu qu’ils peuvent construire et surtout maintenir l’estime d’eux-mêmes. Mais dans cette histoire, ils risquent la " combustion d’eux-mêmes " (Aubert, 2006). En voulant toucher le soleil, comme Icare, ils peuvent se brûler les ailes, car l’Idéal est par nature ce qui est impossible. On peut y perdre son âme et sa vie…
La plupart du temps, nous méconnaissons les motifs de nos actions. La psychanalyse nous a révélé qu’elles pouvaient prendre leur origine dans l’inconscient personnel. C’est le mérite des sociologues en particulier cliniciens de mettre en évidence que celui-ci n’est pas étanche à l’histoire sociale dans lequel les sujets sont placés. L’Autre ne se limite donc pas à la Mère, au Père, etc… il intègre la société toute entière. Pour obtenir, donc la reconnaissance de l’Autre, il faut se plier à la dictature de son propre Idéal du Moi et de celui de la société dans laquelle nous sommes inscrits.
A la lumière de ces théories, il est peut-être possible d’entendre ces mensonges pratiqués par les " protagonistes " comme des moyens de retenir l’attention pour gagner l’estime de l’Autre et ainsi restaurer de façon définitive le défaut fondamental (Balint, 1991) de notre narcissisme primaire. Ainsi, dans le cas de Bernard Tapie, par exemple, il deviendrait possible de comprendre son comportement non pas, seulement, comme une tentative de séduire la mère, comme nous l’avons évoqué dans la première partie de cette étude, mais aussi comme une solution inconsciente visant à capter l’attention de la société toute entière dont il s’agit finalement de se faire aimer (Schneider, 2005). Il est de même pour Jean-Marie Messier, dont le visage enfantin ne pouvait dissimuler la jubilation qu’il éprouvait dans l’expérience grisante de la conquête du pouvoir qu’il a menée. Dans le cas de JK, la quête de reconnaissance semble se limiter à celle que peut lui accorder son environnement professionnel mais l’ampleur des chiffres manipulés ne devait pas être sans incidence sur son amour propre.
Dans la période de l’histoire sociale que nous traversons, la réussite ne repose pas seulement sur le travail mais aussi sur la capacité à séduire. Si dans la société industrielle, (surtout protestante) l’engagement dans le travail permettait de servir Dieu (Weber) ; dans ce qu’il faut bien appeler la société post-industrielle, il s’agit désormais de devenir Dieu. C’est dans ce piège fictionnel que sont tombés nos 3 protagonistes, parfois traités par leurs détracteurs de prestidigitateurs ou de magiciens. Car même s’il n’y a pas eu d’enrichissement personnel, il s’agit bien cependant d’une imposture : les acteurs s’étant finalement révélés à la sortie du rêve qu’ils avaient tentés d’imposer à la société toute entière " un parmi d’autres " (Vasse, 1983).
Le mensonge principal dans les 3 cas reposent finalement sur le fait que les " acteurs " tentaient de nous faire croire qu’ils étaient l’image qu’ils faisaient dire d’eux par les médias, qu’ils avaient le pouvoir, tel Harry Potter (Muller, 2012) d’être d’invincibles gagnants d’échapper à la finitude, à la mort, c’est-à-dire en définitive au réel.
Le succès les avaient à la fois drogués à l’Idéal et placés dans un état de sidération narcissique comme si, comme Narcisse), ils étaient captés par leur propre image idéalisée d’eux-mêmes que leur renvoyaient les médias. En devenant leur propre idole, ils ne leur étaient plus possible de distinguer le vrai du faux. C’est sans doute ce qui explique que Bernard Tapie a eu tant de difficulté à avouer au Juge Eric de Montgolfier sa responsabilité, que J2M à accepter la réalité de sa transgression en affirmant qu’il n’y avait jamais eu de sa part de volonté d’enrichissement. Ce qui semble vrai puisqu’il a investi lui-même une partie de son capital dans le rachat des actions au moment où elles baissaient non pas dans un but spéculatif mais bien pour contribuer au maintien d’un prix suffisant de l’action. C’est aussi pour cette raison que Jérôme Kerviel, sans doute, s’est s’entêté à pratiquer " sa stratégie "…, alors que les marchés mondiaux de la finance étaient en situation de perdition.
Les 3 protagonistes ont en effet persisté longtemps dans la duplicité (Vasse, 1978) comme s’ils voulaient se préserver du réel et maintenir le rêve imaginaire qui guidait leur action. Ils étaient sous l’emprise totale de leur mensonge sans pouvoir en échapper. Il a fallu l’intervention d’un tiers, l’appareil judiciaire, pour qu’ils reviennent au réel. C’est d’une certaine façon, la loi qui leur a permis de sortir de l’image idéalisée d’eux-mêmes dans laquelle ils s’étaient enfermés. Ce sera aussi grâce à la médiation de celle-ci, aussi douloureuse soit-elle que les sujets pourront peu à peu réintégrer le surmoi dans leur conscience et revenir ainsi à la communauté des hommes, délivrés de leur fantasme déréalisant de toute puissance. Ils découvrent alors que nous tous, " ils ne sont pas entiers " mais " castrés (Liaudet, 2007) c’est-à-dire qu’ils ne pourront échapper à la loi commune qui fait société.
Si une faille narcissique personnelle peut justifier le besoin permanent de vérifier par la mobilisation de la reconnaissance d’autrui, l’estime que le sujet peut s’accorder à lui-même, ce besoin aura d’autant plus de force qu’il se déploie dans des sociétés et des organisations qui prônent l’Idéal comme une norme collective incontournable pour l’accomplissement de soi. Celle -ci devenant un absolu auquel il faut s’identifier pour être reconnu, chacun est invité à opter pour une vie héroïque.
Mais cette proposition est un leurre car elle conduit le sujets qui y adhère à la disparition de lui-même. En se confondant avec l’Idéal, son Moi perd ses frontières pour ne devenir qu’un reflet. S’identifiant à celui-ci, objet petit a selon Lacan, pris au piège du miroir ; il se leurre " dans une quête harassante de l’image idéalisée de lui-même " (Vasse, 1983). Dans cette méprise, il se ment.
Denis Vasse , toujours dans son livre " Le poids du réel : la souffrance " (1983), nous précise la nature de cette méprise : " Lorsque l’homme réduit la vie de son désir à son envie d’être une image inaltérable et inaltérée de lui-même (de toute puissance), il ment : Il se fait croire que le désir en lui n’a pas d’autre but que l’image idéalisée de lui-même, prise pour l’Autre : il nie son propre désir, il ment et, en vérité, il meurt " (Vasse, 1983 :44)
Cette tension est une des caractéristiques de l’individu hypermoderne. Elle est le résultat d’une interaction complexe entre les besoins archaïques primaires des sujets et les normes sociales qui conditionnement la reconnaissance. Les individus hypermodernes structurent leur moi " par des échanges identificatoires avec ce qui les entourent, en intériorisant des modèles et des images " (Kaufmann, 2004). Cette hypothèse permet de comprendre que la transgression des 3 protagonistes ne peut pas s’expliquer seulement qu’à partir d’une problématique intrapsychique comme nous avons tenté de la faire dans la première partie. Elle est bien le résultat d’une interaction entre le moi du sujet et le social qui fonctionne comme un miroir dans lequel celui-ci construit de façon successive et permanente son image.
Mais ce miroir n’est pas neutre, il ne reflète pas une image objective car il est habité par des fantômes. Dans le passé, il s’agissait du Surmoi. Aujourd’hui, il s’agit de l’Idéal du Moi (Ehrenberg, 2010). La reconnaissance de soi dans le miroir ne peut donc se faire qu’en rentrant en conformité avec les exigences de cet idéal. Dans les sociétés libérales (Liaudet, 2007), les individus sont sommés " d’être tout puissants " (Dujarier, 2012), en tout cas excellents (Aubert, Gaulejac, 1991). Cette situation les place dans une quête permanente de " performance ". La reconnaissance qu’ils peuvent espérer obtenir est conditionnée par cet effort permanent de se rapprocher de l’Idéal. C’est aussi à travers ce jeu qu’ils peuvent construire et surtout maintenir l’estime d’eux-mêmes. Mais dans cette histoire, ils risquent la " combustion d’eux-mêmes " (Aubert, 2006). En voulant toucher le soleil, comme Icare, ils peuvent se brûler les ailes, car l’Idéal est par nature ce qui est impossible. On peut y perdre son âme et sa vie…
La plupart du temps, nous méconnaissons les motifs de nos actions. La psychanalyse nous a révélé qu’elles pouvaient prendre leur origine dans l’inconscient personnel. C’est le mérite des sociologues en particulier cliniciens de mettre en évidence que celui-ci n’est pas étanche à l’histoire sociale dans lequel les sujets sont placés. L’Autre ne se limite donc pas à la Mère, au Père, etc… il intègre la société toute entière. Pour obtenir, donc la reconnaissance de l’Autre, il faut se plier à la dictature de son propre Idéal du Moi et de celui de la société dans laquelle nous sommes inscrits.
A la lumière de ces théories, il est peut-être possible d’entendre ces mensonges pratiqués par les " protagonistes " comme des moyens de retenir l’attention pour gagner l’estime de l’Autre et ainsi restaurer de façon définitive le défaut fondamental (Balint, 1991) de notre narcissisme primaire. Ainsi, dans le cas de Bernard Tapie, par exemple, il deviendrait possible de comprendre son comportement non pas, seulement, comme une tentative de séduire la mère, comme nous l’avons évoqué dans la première partie de cette étude, mais aussi comme une solution inconsciente visant à capter l’attention de la société toute entière dont il s’agit finalement de se faire aimer (Schneider, 2005). Il est de même pour Jean-Marie Messier, dont le visage enfantin ne pouvait dissimuler la jubilation qu’il éprouvait dans l’expérience grisante de la conquête du pouvoir qu’il a menée. Dans le cas de JK, la quête de reconnaissance semble se limiter à celle que peut lui accorder son environnement professionnel mais l’ampleur des chiffres manipulés ne devait pas être sans incidence sur son amour propre.
Dans la période de l’histoire sociale que nous traversons, la réussite ne repose pas seulement sur le travail mais aussi sur la capacité à séduire. Si dans la société industrielle, (surtout protestante) l’engagement dans le travail permettait de servir Dieu (Weber) ; dans ce qu’il faut bien appeler la société post-industrielle, il s’agit désormais de devenir Dieu. C’est dans ce piège fictionnel que sont tombés nos 3 protagonistes, parfois traités par leurs détracteurs de prestidigitateurs ou de magiciens. Car même s’il n’y a pas eu d’enrichissement personnel, il s’agit bien cependant d’une imposture : les acteurs s’étant finalement révélés à la sortie du rêve qu’ils avaient tentés d’imposer à la société toute entière " un parmi d’autres " (Vasse, 1983).
Le mensonge principal dans les 3 cas reposent finalement sur le fait que les " acteurs " tentaient de nous faire croire qu’ils étaient l’image qu’ils faisaient dire d’eux par les médias, qu’ils avaient le pouvoir, tel Harry Potter (Muller, 2012) d’être d’invincibles gagnants d’échapper à la finitude, à la mort, c’est-à-dire en définitive au réel.
Le succès les avaient à la fois drogués à l’Idéal et placés dans un état de sidération narcissique comme si, comme Narcisse), ils étaient captés par leur propre image idéalisée d’eux-mêmes que leur renvoyaient les médias. En devenant leur propre idole, ils ne leur étaient plus possible de distinguer le vrai du faux. C’est sans doute ce qui explique que Bernard Tapie a eu tant de difficulté à avouer au Juge Eric de Montgolfier sa responsabilité, que J2M à accepter la réalité de sa transgression en affirmant qu’il n’y avait jamais eu de sa part de volonté d’enrichissement. Ce qui semble vrai puisqu’il a investi lui-même une partie de son capital dans le rachat des actions au moment où elles baissaient non pas dans un but spéculatif mais bien pour contribuer au maintien d’un prix suffisant de l’action. C’est aussi pour cette raison que Jérôme Kerviel, sans doute, s’est s’entêté à pratiquer " sa stratégie "…, alors que les marchés mondiaux de la finance étaient en situation de perdition.
Les 3 protagonistes ont en effet persisté longtemps dans la duplicité (Vasse, 1978) comme s’ils voulaient se préserver du réel et maintenir le rêve imaginaire qui guidait leur action. Ils étaient sous l’emprise totale de leur mensonge sans pouvoir en échapper. Il a fallu l’intervention d’un tiers, l’appareil judiciaire, pour qu’ils reviennent au réel. C’est d’une certaine façon, la loi qui leur a permis de sortir de l’image idéalisée d’eux-mêmes dans laquelle ils s’étaient enfermés. Ce sera aussi grâce à la médiation de celle-ci, aussi douloureuse soit-elle que les sujets pourront peu à peu réintégrer le surmoi dans leur conscience et revenir ainsi à la communauté des hommes, délivrés de leur fantasme déréalisant de toute puissance. Ils découvrent alors que nous tous, " ils ne sont pas entiers " mais " castrés (Liaudet, 2007) c’est-à-dire qu’ils ne pourront échapper à la loi commune qui fait société.
Si une faille narcissique personnelle peut justifier le besoin permanent de vérifier par la mobilisation de la reconnaissance d’autrui, l’estime que le sujet peut s’accorder à lui-même, ce besoin aura d’autant plus de force qu’il se déploie dans des sociétés et des organisations qui prônent l’Idéal comme une norme collective incontournable pour l’accomplissement de soi. Celle -ci devenant un absolu auquel il faut s’identifier pour être reconnu, chacun est invité à opter pour une vie héroïque.
Mais cette proposition est un leurre car elle conduit le sujets qui y adhère à la disparition de lui-même. En se confondant avec l’Idéal, son Moi perd ses frontières pour ne devenir qu’un reflet. S’identifiant à celui-ci, objet petit a selon Lacan, pris au piège du miroir ; il se leurre " dans une quête harassante de l’image idéalisée de lui-même " (Vasse, 1983). Dans cette méprise, il se ment.
Denis Vasse , toujours dans son livre " Le poids du réel : la souffrance " (1983), nous précise la nature de cette méprise : " Lorsque l’homme réduit la vie de son désir à son envie d’être une image inaltérable et inaltérée de lui-même (de toute puissance), il ment : Il se fait croire que le désir en lui n’a pas d’autre but que l’image idéalisée de lui-même, prise pour l’Autre : il nie son propre désir, il ment et, en vérité, il meurt " (Vasse, 1983 :44)
En guise de conclusion
Nous avons eu le souci tout au long de cette exploration sur quelques fraudes d’entreprise, d’adopter une posture compréhensive et non morale et encore moins moralisante. Nous avons été tentés, au cours de cette démarche, d’entrer dans une " autopsie " du mensonge. Mais cette approche " chirurgicale " nous aurait écartés de la question plus transcendante qui s’est peu à peu dessinée: celle de l’aliénation fondamentale dans laquelle nous sommes tous placés. Notre relation au réel est toujours " hallucinatoire " (Lacan in Miller, 1991), c’est-à-dire colorée par notre imaginaire. Le mensonge est constitutif de notre humanité : nous aurons donc toujours à faire un effort de discernement pour distinguer où se projette le désir entre l’imaginaire et le réel…
Bibliographie et sitographie
Les 4 Temps du Management
Bibliographie
Aubert N, Gaulejac V. de (1991), Le coût de l’excellence, Seuil
Aubert N. (2008), Les nouvelles quêtes d’éternité SER Etudes 2008/2 n° 408
Aubert N (2005), L’individu hypermoderne : un individu " dans l’excès ", in Dépendances, Eres Babeau O., Chanlat F. (2008) La transgression, une dimension oubliée de l'organisation, FNEGE n° 183
Balint M (1991) : Le défaut fondamental, Payot
Bateson G, Drosso F, Lot L (1984) : La nouvelle communication, Seuil
Broihanne MH, Merli, M., Roger P. 2012, Exces de confiance, perception du risque et prise de risque, III° Etats généraux du management et par défaut
Casalegno JC, Sheehan D (2007), Souffrance au travail et névroses managériales, essai d’analyse clinique des pathologies du pouvoir, in cahier de recherche ESC Clermont
Castel R. , Haroche X ; (2001), Propriété privée, propriété de soi, entretien sur la construction de l’individu moderne, Fayard
Chasseguet - Smirgel, Grunberger B (1980), L'amour de Soi, Tchou Laffont
Chasseguet - Smirgel, Grunberger B (1978), Le complexe de castration, Tchou Laffont David
Derrida J. (2012), Histoire du Mensonge, Galilee
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Desjours C (2000), Souffrance en France, Points, Seuil
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Saint - Onge JC , 2000, L'imposture néolibérale , Ecosociété
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Sitographie
Etudes de cas : " Pathologies du Management "
Emission de France Inter 12/14 : Un mal pour un bien ?
Le Mensonge : Une émission de Raphaël Enthoven qui reçoit la philosophe Anne Amiel
Xynthia : L'escroc qui faisait du bien
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