Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, s’interroge sur l’avenir de la monnaie unique. Il souligne les dissensions qui opposent les partisans français et allemands de la déflation compétitive, afin de limiter les effets des hausses des produits énergétiques. Cette politique vise à réduire l’inflation domestique qui accélère les importations et freine les exportations. L’auteur prévient, dès 1997, qu’en cas d’adoption de l’euro, qui rendrait impossibles les dévaluations compétitives, les politiques budgétaires et monétaires des pays membres de la zone euro deviendraient inefficientes. De telles politiques doivent tenir compte de l’" opinion globale " des agents économiques, traduite notamment par les marchés financiers. Ces derniers ne seraient plus régulés par des lois économiques objectives, mais par les perceptions de la conjoncture par les comités de la Banque centrale européenne et des autres banques centrales (notamment la Fed et la BoE), composés d’experts non élus démocratiquement. L’auteur craint un alignement sur un " dogme monétaire sanctuarisé " par le traité de Maastricht, et notamment sa clause fixant comme objectif à la BCE de maintenir à 2 % par an l’inflation européenne. En bon régulationniste, il se demande si ce changement préfigure l’émergence d’un régime de croissance alternatif au régime fordiste des Trente Glorieuses.
Pour Frédéric Lordon, la situation actuelle serait favorable à une remise en cause de la déflation compétitive en vigueur depuis les années 1980. Son analyse pourfend donc les défenseurs de la " pensée unique ". Il inaugure une analyse originale sur les nouvelles contraintes qui pèsent sur les politiques économiques nationales et sur la stratégie de la BCE.
Source : Cercle Turgot