Par son vote en assemblée, l’actionnaire n’a jamais eu autant de pouvoir sur les dirigeants des entreprises cotées en Bourse. Il en détient plus que le citoyen sur les gouvernants. Le capitalisme sécrète naturellement ses propres contre-pouvoirs ; il favorise le retour du citoyen. Les " citoyens actionnaires " peuvent défendre collectivement leurs intérêts vis-à-vis des dirigeants d’entreprises, plus encore que leurs droits vis-à-vis des hommes politiques. Les propriétaires des entreprises ont été longtemps passifs, mais aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse ou en Corée du Sud, le rapport de force s’inverse. La France n’échappera pas à ce mouvement. Organisés en associations ou représentés par les dirigeants des SICAV et des fonds de pension, les actionnaires posent leurs exigences : sélection et rétribution du P-DG, contrôle de sa stratégie, surveillance de sa politique sociale, audit des comptes de la société… C’est l’instauration d’une nouvelle " propriété collective des moyens de production " chère aux marxistes. Le capitalisme ne s’est donc pas autodétruit. Seul le pouvoir oligarchique a en partie disparu, car les grandes familles ont dû introduire une partie de leurs actions en Bourse et en sont le plus souvent devenues minoritaires. Le peuple contrôle désormais le capital, mais sans réellement le savoir.
Philippe Manière exprime avec ironie l’inquiétude du citoyen face au pouvoir envahissant du capital financier. Il montre notamment que Marx n’avait pas imaginé que le capitalisme serait la courroie de transmission de son projet de société.
Source : Le Cercle Turgot