1. La violence économique n'est pas sans conséquences sur les relations interpersonnelles
Dans ses deux livres iconoclastes (L'horreur économique et Une étrange dictature) la journaliste Viviane Forrester dénonce, avec vigueur et émotion, les excès de l'économie ultra-libérale. Elle met en évidence les conséquences de la violence économique sur nos vies. Cette violence se traduit, comme chacun le sait, par des licenciements massifs, des restructurations forcées, des conditions de travail de plus en plus stressantes.
Cette violence économique génère de la souffrance et de l'angoisse. Celle-ci se traduit souvent dans le quotidien par une violence des échanges ordinaires. Les indices qui permettent d'envisager cette hypothèse sont nombreux : accroissement de l'intensité du travail, réduction des temps de paroles entre les acteurs, augmentation des conflits entre salariés et employeurs, développement du phénomène de harcèlement, etc.
Mais cette violence ne se traduit pas seulement par les seuls évènements médiatiques qui font la une des journaux, elle s'inscrit dans nos relations quotidiennes et coutumières de l'existence humaine. (F.Laplantine).
Marshall Rosenberg, le psychologue américain, fondateur du Mouvement pour la Communication Non Violente (CNV)) , contemporain de Carl Rogers a résumé de façon limpide la situation.
"Il suffit aujourd’hui d’ouvrir les journaux, d’écouter la radio ou de regarder la télévision pour se rendre compte que le sentiment général d’insécurité va croissant. Cela se manifeste partout, dans les écoles, tant parmi les élèves que parmi les enseignants (racket, irrespect, détérioration du matériel, etc.), dans les familles (divergence de valeurs concernant l’éducation des enfants, perte de repères par rapport aux limites, etc.), dans les quartiers (vols, agressions, etc.), entre les pays ou régions (guerres ethniques, économiques, etc.)…
Face à cette réalité et à ce qu’il perçoit comme insécurisant, l’être humain a tendance à réagir le plus souvent de deux façons : par l’agressivité – parce qu’il se défend ou se rebelle –, ou par la fermeture et la soumission – parce qu’il a peur et cherche à se préserver ou à nier ce qui l’effraie.
Si l’agressivité est fréquemment dénoncée, on réalise moins souvent combien la peur nous amène à prendre des mesures qui ne font qu’accroître l’isolement et la méfiance entre les personnes. Ainsi, on voit certains lycées s’entourer de grillages qui les font ressembler à des casernes, l’accès de nos immeubles ne se fait désormais plus que rarement sans code d’entrée, dans les familles on fuit le dialogue plus qu’on ne le recherche.
Enfin, chacun de nous est susceptible, même inconsciemment, de se couper de ses émotions pour éviter de ressentir trop de souffrance devant une réalité qui lui semble intolérable et face à laquelle il se vit comme de plus en plus impuissant. C’est ainsi que de façon imperceptible, nous nous engageons dans un cercle vicieux qui nous ramène soit à la colère (explosion), soit à l’enfermement sur soi (implosion), dans une forme d’absence et de passivité. "
Cette violence économique génère de la souffrance et de l'angoisse. Celle-ci se traduit souvent dans le quotidien par une violence des échanges ordinaires. Les indices qui permettent d'envisager cette hypothèse sont nombreux : accroissement de l'intensité du travail, réduction des temps de paroles entre les acteurs, augmentation des conflits entre salariés et employeurs, développement du phénomène de harcèlement, etc.
Mais cette violence ne se traduit pas seulement par les seuls évènements médiatiques qui font la une des journaux, elle s'inscrit dans nos relations quotidiennes et coutumières de l'existence humaine. (F.Laplantine).
Marshall Rosenberg, le psychologue américain, fondateur du Mouvement pour la Communication Non Violente (CNV)) , contemporain de Carl Rogers a résumé de façon limpide la situation.
"Il suffit aujourd’hui d’ouvrir les journaux, d’écouter la radio ou de regarder la télévision pour se rendre compte que le sentiment général d’insécurité va croissant. Cela se manifeste partout, dans les écoles, tant parmi les élèves que parmi les enseignants (racket, irrespect, détérioration du matériel, etc.), dans les familles (divergence de valeurs concernant l’éducation des enfants, perte de repères par rapport aux limites, etc.), dans les quartiers (vols, agressions, etc.), entre les pays ou régions (guerres ethniques, économiques, etc.)…
Face à cette réalité et à ce qu’il perçoit comme insécurisant, l’être humain a tendance à réagir le plus souvent de deux façons : par l’agressivité – parce qu’il se défend ou se rebelle –, ou par la fermeture et la soumission – parce qu’il a peur et cherche à se préserver ou à nier ce qui l’effraie.
Si l’agressivité est fréquemment dénoncée, on réalise moins souvent combien la peur nous amène à prendre des mesures qui ne font qu’accroître l’isolement et la méfiance entre les personnes. Ainsi, on voit certains lycées s’entourer de grillages qui les font ressembler à des casernes, l’accès de nos immeubles ne se fait désormais plus que rarement sans code d’entrée, dans les familles on fuit le dialogue plus qu’on ne le recherche.
Enfin, chacun de nous est susceptible, même inconsciemment, de se couper de ses émotions pour éviter de ressentir trop de souffrance devant une réalité qui lui semble intolérable et face à laquelle il se vit comme de plus en plus impuissant. C’est ainsi que de façon imperceptible, nous nous engageons dans un cercle vicieux qui nous ramène soit à la colère (explosion), soit à l’enfermement sur soi (implosion), dans une forme d’absence et de passivité. "
2. La rupture des civilités
Cette violence ordinaire se traduit dans la vie de tous les jours, selon le sociologue Jean Foucart, par la rupture des règles de civilité. Dans l'entreprise elle s'exprime sous des formes diverses : dans la façon dont les managers s'adressent à leurs collaborateurs, dans la manière dont ceux-ci répondent à leurs sollicitations, dans les relations clients fournisseurs internes-externes, dans les modes de prise de décision, etc.
Récemment un client de la Bred a été jusqu'à assassiner, d'un coup de couteau, une conseillère financière qui n'avait pu procéder au remboursement des cotisations d'une assurance vie contractée par ce client. Le médiateur du crédit René Ricol confiait lui-même à Libération "son inquiétude devant la montée de l'animosité contre les collaborateurs des banques". Denis Boutin, représentant syndical CFDT Caisses d'Epargne confirme cette tension relationnelle "Le client ne connaît que son conseiller : à la fin, c'est lui qui prend".
Selon les sociologues dits transactionnalistes, cette rupture des règles de civilités peut mettre en péril les fondements de la sociabilité. Vivre ensemble suppose en effet "des compromis d'existence". La vie ordinaire est faite de constants "accommodements, de tolérances réciproques, d'ententes tacites sans accord préalable". Weber avait déjà pressenti cette notion en expliquant "que le comportement des uns se règle sur le comportement des autres".
Nous avons besoin de ces règles de civilités pour faire des compromis tacites et pour pouvoir compter les uns sur les autres. Ce compromis d'existence qui régit les rapports à autrui n'est pas définitivement acquis, il est provisoire et fonctionne tant que les acteurs s'efforcent de s'ajuster. Selon Simmel, la confiance reste une fragile et perpétuelle construction.
La violence de la réalité économique qui s'exprime à travers les nombreuses fusions, acquisitions, licenciements, met en péril la confiance qui fonde les relations entre les acteurs. Elle entraîne un phénomène de "déliaison " sociale. En provoquant une brisure de la confiance, elle contribue à "une destructuration des réseaux d'obligations et de réciprocités sociales" (Foucart "Sociologie De La Souffrance " : 2003)
Récemment un client de la Bred a été jusqu'à assassiner, d'un coup de couteau, une conseillère financière qui n'avait pu procéder au remboursement des cotisations d'une assurance vie contractée par ce client. Le médiateur du crédit René Ricol confiait lui-même à Libération "son inquiétude devant la montée de l'animosité contre les collaborateurs des banques". Denis Boutin, représentant syndical CFDT Caisses d'Epargne confirme cette tension relationnelle "Le client ne connaît que son conseiller : à la fin, c'est lui qui prend".
Selon les sociologues dits transactionnalistes, cette rupture des règles de civilités peut mettre en péril les fondements de la sociabilité. Vivre ensemble suppose en effet "des compromis d'existence". La vie ordinaire est faite de constants "accommodements, de tolérances réciproques, d'ententes tacites sans accord préalable". Weber avait déjà pressenti cette notion en expliquant "que le comportement des uns se règle sur le comportement des autres".
Nous avons besoin de ces règles de civilités pour faire des compromis tacites et pour pouvoir compter les uns sur les autres. Ce compromis d'existence qui régit les rapports à autrui n'est pas définitivement acquis, il est provisoire et fonctionne tant que les acteurs s'efforcent de s'ajuster. Selon Simmel, la confiance reste une fragile et perpétuelle construction.
La violence de la réalité économique qui s'exprime à travers les nombreuses fusions, acquisitions, licenciements, met en péril la confiance qui fonde les relations entre les acteurs. Elle entraîne un phénomène de "déliaison " sociale. En provoquant une brisure de la confiance, elle contribue à "une destructuration des réseaux d'obligations et de réciprocités sociales" (Foucart "Sociologie De La Souffrance " : 2003)
3. Nous avons besoin de rituels pour construire la confiance
Cette violence des échanges ordinaires se traduit par une certaine déritualisation. Les acteurs ne prennent plus le temps de pratiquer "les routines sociales" qui permettent l'entretien de la confiance. Or la confiance, c'est précisément ce qui rend possible la transaction. Sans confiance pas de transaction.
La confiance ne résulte pas seulement d'un calcul rationnel d'intérêts partagés. Cette conception comptable de la confiance n'est pas suffisante pour définir ce sentiment implicite qui sous-tend la transaction. La confiance engage les acteurs simultanément sur d'autres niveaux : "la présentation de soi, la protection de la face et du territoire, la distance au rôle, la définition de la réalité". (J.Foucart – " Sociologie De La Souffrance " : 72, 2003)
Pour inspirer confiance, il faut être reconnu. Cela suppose une capacité de présenter aux autres une "face" convenable. Mais dans l'acte de cette présentation, on prend le risque de perdre la face. Les codes de civilités sont là pour nous rassurer sur l'estime que l'autre nous accorde. Goffman définit les modes de présentation comme "tous les actes par lesquels l'individu fait savoir au bénéficiaire comment il le considère et comment il le traitera au cours de l'interaction à venir". Faire savoir à l'autre qu'on a pour lui une estime suffisante le rassure sur sa propre image et nos intentions à son égard.
Mais si la confiance a besoin pour s'établir de la reconnaissance de soi par l'autre, elle passe aussi par le respect d'une juste distance. Cette déférence s'exprime pour Simmel par des rites d'évitement dont la fonction est de préserver ce qui l'appelle "la sphère idéale ", en d'autres termes de ne pas envahir l' intimité et le temps de l'autre de façon excessive.
La confiance suppose aussi la réciprocité. : "La confiance en soi ou sentiment de sécurité est fondamentalement liée à la confiance dans les autres et les autres envers soi".
La confiance ne résulte pas seulement d'un calcul rationnel d'intérêts partagés. Cette conception comptable de la confiance n'est pas suffisante pour définir ce sentiment implicite qui sous-tend la transaction. La confiance engage les acteurs simultanément sur d'autres niveaux : "la présentation de soi, la protection de la face et du territoire, la distance au rôle, la définition de la réalité". (J.Foucart – " Sociologie De La Souffrance " : 72, 2003)
Pour inspirer confiance, il faut être reconnu. Cela suppose une capacité de présenter aux autres une "face" convenable. Mais dans l'acte de cette présentation, on prend le risque de perdre la face. Les codes de civilités sont là pour nous rassurer sur l'estime que l'autre nous accorde. Goffman définit les modes de présentation comme "tous les actes par lesquels l'individu fait savoir au bénéficiaire comment il le considère et comment il le traitera au cours de l'interaction à venir". Faire savoir à l'autre qu'on a pour lui une estime suffisante le rassure sur sa propre image et nos intentions à son égard.
Mais si la confiance a besoin pour s'établir de la reconnaissance de soi par l'autre, elle passe aussi par le respect d'une juste distance. Cette déférence s'exprime pour Simmel par des rites d'évitement dont la fonction est de préserver ce qui l'appelle "la sphère idéale ", en d'autres termes de ne pas envahir l' intimité et le temps de l'autre de façon excessive.
La confiance suppose aussi la réciprocité. : "La confiance en soi ou sentiment de sécurité est fondamentalement liée à la confiance dans les autres et les autres envers soi".
4. Les civilités : une composante essentielle du respect
Les civilités sont des codes sociaux qui passent par la parole et les gestes adressés à l'autre. Elles reposent sur un référentiel partagé par la communauté. En ce sens, elles fonctionnent comme des normes qui ont une valeur symbolique réelle pour l'autre, c'est à dire qu'elles doivent faire sens. Elles servent à assurer une sécurité de base dans la relation intersubjective. "Les civilités permettent de relier, de rassembler, de créer une cohésion" (Foucart, " Sociologie De La Souffrance ", 2003 : 195).
Les civilités "sont des conduites individuelles et collectives relativement codifiées ayant un support corporel (verbal, gestuel, postural), à caractère répétitif, à forte charge symbolique pour les acteurs et habituellement pour leurs témoins, fondées sur une adhésion mentale, éventuellement non conscientisée, à des valeurs relatives à des choix sociaux jugés importants" (J. Foucart, " Sociologie De La Souffrance ", 2003 : 200), C'est grâce à elles, que nous pouvons témoigner notre respect à autrui et espérer un retour. C'est au travers de ces micro-rites quotidiens que serons pas systématiquement interrompus quand nous parlons, que nous ne serons pas humiliés et que notre territoire sera protégé. (J. Foucart, " Sociologie De La Souffrance ", 2003 : 201).
Les civilités "sont des conduites individuelles et collectives relativement codifiées ayant un support corporel (verbal, gestuel, postural), à caractère répétitif, à forte charge symbolique pour les acteurs et habituellement pour leurs témoins, fondées sur une adhésion mentale, éventuellement non conscientisée, à des valeurs relatives à des choix sociaux jugés importants" (J. Foucart, " Sociologie De La Souffrance ", 2003 : 200), C'est grâce à elles, que nous pouvons témoigner notre respect à autrui et espérer un retour. C'est au travers de ces micro-rites quotidiens que serons pas systématiquement interrompus quand nous parlons, que nous ne serons pas humiliés et que notre territoire sera protégé. (J. Foucart, " Sociologie De La Souffrance ", 2003 : 201).
5. Les rituels de politesse permettent de créer du lien social
Nous avons à plusieurs reprises rappelé que manager ne pouvait se confondre avec se défouler. L'analyse des hommes de pouvoir montre que le pouvoir risque de dissoudre le surmoi des individus. Cet affaiblissement du surmoi pourrait se traduire par la perte du code commun qui conditionne l'ordre social.
Les règles de politesse ne compromettent pas la liberté de l'expression. Elles ne doivent pas être vécues comme une fin en soi (ce qui les réduirait alors à de simples techniques de manipulation) mais au contraire comme un moyen pour une expression acceptable et supportable de l'ensemble des sentiments humains. Elles constituent donc un cadre de référence commun qui permet l'échange selon des codes partagés.
Les salariés semblent particulièrement affectés par certains comportements qui peuvent paraître anodins mais qui ont un impact symbolique réel :
- Le bonjour du matin : " Il ne nous dit même pas bonjour ! " déclarent les ouvriers d'une entreprise industrielle à propos de leur chef d'atelier.
- Les temps de communication informelle : " Depuis les 35 h nous n'avons même plus le temps de nous parler ".
- Les entretiens d'évaluation : "On ne va pas au fond des problèmes. C'est un vrai tribunal !".
- "Dans la réunion de direction, il n'y en a qu'un seul qui parle".
- Evoquer devant d'autres collaborateurs un problème personnel de l'un d'entre eux.
- Faire un reproche publique à un collaborateur qui pourrait compromettre sa réputation.
Tous ces dysfonctionnements relèvent bien de la courtoisie et non de techniques de management sophistiquées. Ils parlent finalement d'une sorte de violence sourde et sournoise qui empoisonne les relations entre les acteurs et peut mettre en péril l'estime de soi . Les salariés français y sont sans doute plus sensibles que d'autres du fait de l'importance de la logique de l'honneur qui fondent culturellement les relations hiérarchiques selon le philosophe Philippe d'Iribarne.
Respecter les règles de politesse et de courtoisie ne manifeste pas seulement une volonté d'apparaître en conformité avec les normes qui régissent les relations sociales, c'est aussi faire preuve d' une certains attention à autrui.
Les règles de politesse ne compromettent pas la liberté de l'expression. Elles ne doivent pas être vécues comme une fin en soi (ce qui les réduirait alors à de simples techniques de manipulation) mais au contraire comme un moyen pour une expression acceptable et supportable de l'ensemble des sentiments humains. Elles constituent donc un cadre de référence commun qui permet l'échange selon des codes partagés.
Les salariés semblent particulièrement affectés par certains comportements qui peuvent paraître anodins mais qui ont un impact symbolique réel :
- Le bonjour du matin : " Il ne nous dit même pas bonjour ! " déclarent les ouvriers d'une entreprise industrielle à propos de leur chef d'atelier.
- Les temps de communication informelle : " Depuis les 35 h nous n'avons même plus le temps de nous parler ".
- Les entretiens d'évaluation : "On ne va pas au fond des problèmes. C'est un vrai tribunal !".
- "Dans la réunion de direction, il n'y en a qu'un seul qui parle".
- Evoquer devant d'autres collaborateurs un problème personnel de l'un d'entre eux.
- Faire un reproche publique à un collaborateur qui pourrait compromettre sa réputation.
Tous ces dysfonctionnements relèvent bien de la courtoisie et non de techniques de management sophistiquées. Ils parlent finalement d'une sorte de violence sourde et sournoise qui empoisonne les relations entre les acteurs et peut mettre en péril l'estime de soi . Les salariés français y sont sans doute plus sensibles que d'autres du fait de l'importance de la logique de l'honneur qui fondent culturellement les relations hiérarchiques selon le philosophe Philippe d'Iribarne.
Respecter les règles de politesse et de courtoisie ne manifeste pas seulement une volonté d'apparaître en conformité avec les normes qui régissent les relations sociales, c'est aussi faire preuve d' une certains attention à autrui.
6. Le temps de la courtoisie écrasé par les contraintes productivistes
La courtoisie suppose de suspendre le temps productif pour créer un espace où l'autre redevient, pour un bref instant, un sujet. Cette interruption momentanée du temps productif permet la recomposition du lien social dont le "métabolisme " fonctionne en analogie avec la vie cellulaire dans une dialectique catabolique (destruction) et anabolique (reconstruction). Le lien social est une fibre vivante qui a besoin de ces temps de respiration pour se reconstituer. L'observation du comportement des groupes de macaques rhésus semble confirmer cette hypothèse. Cette espèce passe de longs moments à s'épiler mutuellement, ce qui selon les éthologues réduiraient de façon significative les conflits entre les membres en comparaison avec d'autres espèces.
L'acharnement productiviste engendré par l'impossible guerre des prix n'est pas sans conséquences sur la qualité et la solidité du lien entre les membres d'une communauté. Lors d'une série d'interviews menée à propos d'une étude sur les restructuration, plusieurs ouvriers nous ont confié qu'ils s'étaient aperçus que les salariés avaient, il y quelques années, de moins en moins de temps pour se parler. Ils associaient clairement cette réduction des temps d'échanges avec le début du déclin de la rentabilité économique de l'entreprise et la mise en place simultanée des 35h, dont on sait qu'elles ont contribué dans certains secteurs marqués par la compétitivité prix à augmenter de façon significative l'intensité du travail.
La chasse aux coûts (surtout "cachés" !) a permis de démasquer ces temps apparemment improductifs. Si cette traque a été présentée par les gestionnaires calculateurs comme un progrès, elle n'est pas sans ambiguïté car en dénonçant ces temps improductifs on considère la parole comme suspecte, alors qu'elle contribue d'une certaine façon à consolider "le capital social".
Une communauté de travail est avant tout une communauté d'émotions. Elle a donc besoin de micro-régulations quotidiennes pour conserver son équilibre (homéostasie). Il semble donc un peu rapide de considérer les temps de parole comme du temps perdu.
L'acharnement productiviste engendré par l'impossible guerre des prix n'est pas sans conséquences sur la qualité et la solidité du lien entre les membres d'une communauté. Lors d'une série d'interviews menée à propos d'une étude sur les restructuration, plusieurs ouvriers nous ont confié qu'ils s'étaient aperçus que les salariés avaient, il y quelques années, de moins en moins de temps pour se parler. Ils associaient clairement cette réduction des temps d'échanges avec le début du déclin de la rentabilité économique de l'entreprise et la mise en place simultanée des 35h, dont on sait qu'elles ont contribué dans certains secteurs marqués par la compétitivité prix à augmenter de façon significative l'intensité du travail.
La chasse aux coûts (surtout "cachés" !) a permis de démasquer ces temps apparemment improductifs. Si cette traque a été présentée par les gestionnaires calculateurs comme un progrès, elle n'est pas sans ambiguïté car en dénonçant ces temps improductifs on considère la parole comme suspecte, alors qu'elle contribue d'une certaine façon à consolider "le capital social".
Une communauté de travail est avant tout une communauté d'émotions. Elle a donc besoin de micro-régulations quotidiennes pour conserver son équilibre (homéostasie). Il semble donc un peu rapide de considérer les temps de parole comme du temps perdu.
7. Les 4 principes de la communication non violente de Marshall Rosenberg
Marshall Rosenberg distingue, en communication, deux types de communication:
- La communication "girafe" qui consiste à communiquer avec respect et intelligence avec autrui
- et la communication "chacal" qui passe par des jugements de valeur sur autrui qui peuvent être blessants et s'inscrire dans des formes de violences relationnelles.
Il a mis au point une méthode de communication dite "Méthode de Communication Non Violente" qui est structurée autour de 4 points :
1) Prendre conscience du sentiment ou de l'émotion du moment suscité par la parole de l'autre.
2) S'interroger sur la pertinence de cette émotion ? Est-elle adaptée à la situation ?
3) Identifier le plus clairement possible les besoins personnels accrochés ou dissimulés derrière ces sentiments.
4) Comment puis-je formuler ce besoin de façon positive sans blesser autrui en évitant de faire des reproches ou de culpabiliser autrui ?
Prenons un exemple :
Albert est dans une file d'attente dans un supermarché. Il a voulu acheter un paquet de biscuits pour faire une collation entre deux rendez-vous. Il a un train à prendre et dispose de peu de temps. Au moment du paiement, il se trouve derrière une dame qui "raconte sa vie" à la caissière sans avoir conscience du temps qui passe.
Appliquons la méthode :
1) Prendre conscience du sentiment ou de l'émotion du moment : Albert est tellement stressé qu'il aurait envie de bousculer la dame ou de lui dire de se dépêcher assez brutalement. Il est à la fois en colère et à peur de rater son train. Les deux sentiments qui l' habitent, à cet instant, sont donc la colère et la peur.
2) Cette émotion est-elle pertinente à la situation ? La violence de l'émotion est évidemment totalement disproportionnée par rapport à la gravité de la situation. Au pire, il peut renoncer à son achat.
3) Quels sont les besoins personnels accrochés à ces sentiments : Son besoin est que l'encaissement de la cliente se fasse vite pour pouvoir se restaurer et prendre son train à l'heure.
4) Comment puis-je formuler ce besoin sans blesser autrui en évitant de faire des reproches ou de culpabiliser autrui : Au lieu de dire "Vous serait-il possible de vous dépêcher ?" C'est scandaleux de nous faire attendre si longtemps !". Il pourrait dire: Pardon Madame, je dois vous signaler que j'ai un train à prendre dans quelques minutes. Vous serait-il possible d'accélérer votre transaction ? Merci de votre compréhension."
L'essentiel de la méthode consiste à éviter deux écueils :
- Renoncer de façon systématique à faire des reproches à autrui en externalisant sur lui ou elle la faute mais de tenter de décrire les faits, et les sentiments ressentis sans recourir aux jugements, aux étiquetages moralisants ou aux qualificatifs désobligeants.
Ainsi au lieu de dire :
"Ton idée est stupide", il serait préférable de s'exprimer ainsi : "Tu es la seule de notre groupe à être partisante de cette proposition". Au lieu de dire : "J'ai le sentiment que tu me manques de respect" ; on pourrait dire : "Je constate que je n'ai pas reçu hier le message que tu m'avais annoncé". En d'autres termes, pour sortir de l'attitude de reproche, il faut se concentrer sur la description des faits en évitant de coller des étiquettes négatives ou de faire la morale.
- Tenter de décrire clairement et poliment son besoin de façon acceptable pour l'autre et reformuler le besoin de l'autre avec le même souci pour vérifier si on a bien compris sa demande. Ainsi au lieu de dire : "Philippe : tu as complètement échoué dans l'accomplissement de ta mission", on devrait dire : "J'aurais souhaité que tu mettes en place telle ou telle action". Quels sont les problèmes qui t'ont empêchés de le faire. Parlons- en et mettons en place un plan d'action ".
Cette technique simple demande cependant un certain entraînement. Elle peut s'avérer fort utile aussi bien dans le champs de la relation managériale que celui de la relation client.
- La communication "girafe" qui consiste à communiquer avec respect et intelligence avec autrui
- et la communication "chacal" qui passe par des jugements de valeur sur autrui qui peuvent être blessants et s'inscrire dans des formes de violences relationnelles.
Il a mis au point une méthode de communication dite "Méthode de Communication Non Violente" qui est structurée autour de 4 points :
1) Prendre conscience du sentiment ou de l'émotion du moment suscité par la parole de l'autre.
2) S'interroger sur la pertinence de cette émotion ? Est-elle adaptée à la situation ?
3) Identifier le plus clairement possible les besoins personnels accrochés ou dissimulés derrière ces sentiments.
4) Comment puis-je formuler ce besoin de façon positive sans blesser autrui en évitant de faire des reproches ou de culpabiliser autrui ?
Prenons un exemple :
Albert est dans une file d'attente dans un supermarché. Il a voulu acheter un paquet de biscuits pour faire une collation entre deux rendez-vous. Il a un train à prendre et dispose de peu de temps. Au moment du paiement, il se trouve derrière une dame qui "raconte sa vie" à la caissière sans avoir conscience du temps qui passe.
Appliquons la méthode :
1) Prendre conscience du sentiment ou de l'émotion du moment : Albert est tellement stressé qu'il aurait envie de bousculer la dame ou de lui dire de se dépêcher assez brutalement. Il est à la fois en colère et à peur de rater son train. Les deux sentiments qui l' habitent, à cet instant, sont donc la colère et la peur.
2) Cette émotion est-elle pertinente à la situation ? La violence de l'émotion est évidemment totalement disproportionnée par rapport à la gravité de la situation. Au pire, il peut renoncer à son achat.
3) Quels sont les besoins personnels accrochés à ces sentiments : Son besoin est que l'encaissement de la cliente se fasse vite pour pouvoir se restaurer et prendre son train à l'heure.
4) Comment puis-je formuler ce besoin sans blesser autrui en évitant de faire des reproches ou de culpabiliser autrui : Au lieu de dire "Vous serait-il possible de vous dépêcher ?" C'est scandaleux de nous faire attendre si longtemps !". Il pourrait dire: Pardon Madame, je dois vous signaler que j'ai un train à prendre dans quelques minutes. Vous serait-il possible d'accélérer votre transaction ? Merci de votre compréhension."
L'essentiel de la méthode consiste à éviter deux écueils :
- Renoncer de façon systématique à faire des reproches à autrui en externalisant sur lui ou elle la faute mais de tenter de décrire les faits, et les sentiments ressentis sans recourir aux jugements, aux étiquetages moralisants ou aux qualificatifs désobligeants.
Ainsi au lieu de dire :
"Ton idée est stupide", il serait préférable de s'exprimer ainsi : "Tu es la seule de notre groupe à être partisante de cette proposition". Au lieu de dire : "J'ai le sentiment que tu me manques de respect" ; on pourrait dire : "Je constate que je n'ai pas reçu hier le message que tu m'avais annoncé". En d'autres termes, pour sortir de l'attitude de reproche, il faut se concentrer sur la description des faits en évitant de coller des étiquettes négatives ou de faire la morale.
- Tenter de décrire clairement et poliment son besoin de façon acceptable pour l'autre et reformuler le besoin de l'autre avec le même souci pour vérifier si on a bien compris sa demande. Ainsi au lieu de dire : "Philippe : tu as complètement échoué dans l'accomplissement de ta mission", on devrait dire : "J'aurais souhaité que tu mettes en place telle ou telle action". Quels sont les problèmes qui t'ont empêchés de le faire. Parlons- en et mettons en place un plan d'action ".
Cette technique simple demande cependant un certain entraînement. Elle peut s'avérer fort utile aussi bien dans le champs de la relation managériale que celui de la relation client.
8. Le témoignage la société Prunier
Le témoignage du dirigeant de la Société Prunier, fabricant de spécialités charcutières (rillettes du Mans), certifiée ISO 9002, à Connerré dans la Sarthe met en évidence que l'investissement dans la capacité des acteurs à communiquer avec pertinence peut contribuer à créer les conditions sociales de l'innovation stratégique dont les entreprises ont aujourd'hui tant besoin pour résister à la violence de la compétitivité prix:
"Je fais une corrélation directe entre les résultats de l’entreprise et la qualité du management. Une PME comme la nôtre ne peut réussir et résister à la “guerre économique ” qu’en développant un esprit de coopération et un sentiment d’appartenance de l’équipe."
J’aimerais passer ce message aux dirigeants : une entreprise qui base son mode de management sur la confiance dans les ressources de ses collaborateurs a plus de chances de s’adapter aux pressions extérieures. Respecté et reconnu, le personnel contribue au développement de l’entreprise. Cette manière de manager favorise la prise de responsabilité, les initiatives et l’invention de solutions innovantes.
Une communication respectueuse des besoins des parties libère de l’énergie et favorise l’élan pour que chacun donne le meilleur de lui-même. Dans l’entreprise la communication sert l’action. Plus les demandes sont précises, concrètes, comprises, mieux les objectifs sont atteints. D’où cette relation intime entre un savoir communiquer et la réalisation du projet d’entreprise.
"Je fais une corrélation directe entre les résultats de l’entreprise et la qualité du management. Une PME comme la nôtre ne peut réussir et résister à la “guerre économique ” qu’en développant un esprit de coopération et un sentiment d’appartenance de l’équipe."
J’aimerais passer ce message aux dirigeants : une entreprise qui base son mode de management sur la confiance dans les ressources de ses collaborateurs a plus de chances de s’adapter aux pressions extérieures. Respecté et reconnu, le personnel contribue au développement de l’entreprise. Cette manière de manager favorise la prise de responsabilité, les initiatives et l’invention de solutions innovantes.
Une communication respectueuse des besoins des parties libère de l’énergie et favorise l’élan pour que chacun donne le meilleur de lui-même. Dans l’entreprise la communication sert l’action. Plus les demandes sont précises, concrètes, comprises, mieux les objectifs sont atteints. D’où cette relation intime entre un savoir communiquer et la réalisation du projet d’entreprise.
Bibliographie
Contact avec le public - Dares 2007 : 1 salarié sur 4 subit des agressions verbales.
Enquête Sumer 2003 réalisée par la Dares : les facteurs psycho-sociaux au travail - Une évaluation par le questionnaire de Karasek.
Enquête Sumer 2008 réalisée par la Dares : Un salarié sur 6 estime être l'objet de comportements hostiles dans le cadre de son travail.
Etudes et résultats DREES - Février 2004 - N° 290 : Le vécu des attitudes intolérantes ou discriminatoires.
Forrester Viviane " L'horreur économique ", Fayard, 1996
Forrester Viviane " Une étrange dictature ", Fayard, 2000
Foucart Jean " Sociologie De La Souffrance ", De Boeck, 2003
La charge mentale : des enjeux complexes par Sylvie Hamon-Cholet et Catherine Rougerie
Travaux préparatoires au plan Violence et Santé (2004)
Enquête Sumer 2003 réalisée par la Dares : les facteurs psycho-sociaux au travail - Une évaluation par le questionnaire de Karasek.
Enquête Sumer 2008 réalisée par la Dares : Un salarié sur 6 estime être l'objet de comportements hostiles dans le cadre de son travail.
Etudes et résultats DREES - Février 2004 - N° 290 : Le vécu des attitudes intolérantes ou discriminatoires.
Forrester Viviane " L'horreur économique ", Fayard, 1996
Forrester Viviane " Une étrange dictature ", Fayard, 2000
Foucart Jean " Sociologie De La Souffrance ", De Boeck, 2003
La charge mentale : des enjeux complexes par Sylvie Hamon-Cholet et Catherine Rougerie
Travaux préparatoires au plan Violence et Santé (2004)