Introduction : La complexité de la relation managériale
" Au lieu de se plier à la volonté du peuple, le prince a le souci de son intérêt véritable " (Platon, République, V,6)
La relation managériale est une relation complexe car elle est au centre d'enjeux multiples.
- Elle s'inscrit dans un lien de subordination
- Elle renvoie aux figures personnelles et sociales de l'autorité
- Elle dépend des attentes des collaborateurs
- Elle est surdéterminée par les enjeux économiques des entreprises dans lesquelles elle s'exerce
Elle est donc au carrefour des sciences politiques, de la psychologie, de la sociologie et de l'économie.
Comprendre ces différents enjeux est une oeuvre salutaire pour utiliser avec plus d'intelligence les différentes approches comportementales que nous avons déjà proposées.
La relation managériale est une relation complexe car elle est au centre d'enjeux multiples.
- Elle s'inscrit dans un lien de subordination
- Elle renvoie aux figures personnelles et sociales de l'autorité
- Elle dépend des attentes des collaborateurs
- Elle est surdéterminée par les enjeux économiques des entreprises dans lesquelles elle s'exerce
Elle est donc au carrefour des sciences politiques, de la psychologie, de la sociologie et de l'économie.
Comprendre ces différents enjeux est une oeuvre salutaire pour utiliser avec plus d'intelligence les différentes approches comportementales que nous avons déjà proposées.
1. Effort de définition
Si le management ne peut faire l'économie d'une réflexion politique, il ne peut pas non plus s'affranchir d'une interrogation philosophique sur l'autorité et le pouvoir. On peut se demander pourquoi, la discipline du management passe si vite sur ces aspects en se limitant la plupart du temps aux seules réponses comportementales.
Pour commencer, il est peut-être utile de faire un effort de définition sur des termes employés qui prêtent souvent a confusion.
Autorité :
La relation d'autorité est typiquement inégalitaire, elle laisse voir une différence entre un supérieur et un inférieur. On parle d'autorité dans une situation où une personne obéit sans discuter à une autre personne considérée comme légitime dans ses demandes.
" On parle de l’autorité d’une personne, d’une institution, d’un message, pour signifier qu’on leur fait confiance, qu’on accueille leur avis, leur suggestion ou leur injonction, avec respect, faveur, ou du moins sans hostilité ni résistance, et qu’on est disposé à y déférer " (Boudon & Bourricaud, Dictionnaire de sociologie).
Weber distinguait plusieurs formes d'autorité :
- l’autorité traditionnelle, basée sur le respect des traditions, des anciens, des considérations religieuses,
- l’autorité charismatique, basée sur l’adhésion et l’identification à un personnage mobilisateur,
- l’autorité rationnelle-légale, basée sur la raison (scientifique) et un support légal consensuel.
Pouvoir :
Le pouvoir se définit comme la capacité à influencer autrui soit de façon formelle en s'appuyant sur son statut soit de façon informelle.
Le politologue américain Robert Dahl, dans Qui gouverne ?, a fourni une définition devenue aujourd'hui canonique : " un individu (seul ou représentant d'une organisation, d'un état...) exerce un pouvoir sur un autre individu, dans la mesure où il obtient de ce dernier des comportements, des actions, voire des conceptions que celui-ci n'aurait pas eu sans son intervention ".
Leadership :
Le leadership désigne les caractéristiques psychologiques d'une personne générant chez autrui le désir de s'engager avec enthousiasme dans une action. Le leadership est fondé non pas sur la contrainte mais la séduction. La notion de charisme est assez proche de cette définition. La seule différence avec le charisme c'est que le leadership peut faire l'objet d'un apprentissage et se développer par la connaissance tandis que le charisme est un héritage... des dieux ?
Mais en réalité ces subtilités ne sont que théoriques. Martine Delsol, Professeur de Philosophie à l'Université de Marne - la - Vallée nous invite à ne pas nous perdre dans ces abstractions taxinomiques : " L'autorité n'est pas un concept, dit elle, mais une forme spécifique de l'existence humaine ". (1994).
Pour commencer, il est peut-être utile de faire un effort de définition sur des termes employés qui prêtent souvent a confusion.
Autorité :
La relation d'autorité est typiquement inégalitaire, elle laisse voir une différence entre un supérieur et un inférieur. On parle d'autorité dans une situation où une personne obéit sans discuter à une autre personne considérée comme légitime dans ses demandes.
" On parle de l’autorité d’une personne, d’une institution, d’un message, pour signifier qu’on leur fait confiance, qu’on accueille leur avis, leur suggestion ou leur injonction, avec respect, faveur, ou du moins sans hostilité ni résistance, et qu’on est disposé à y déférer " (Boudon & Bourricaud, Dictionnaire de sociologie).
Weber distinguait plusieurs formes d'autorité :
- l’autorité traditionnelle, basée sur le respect des traditions, des anciens, des considérations religieuses,
- l’autorité charismatique, basée sur l’adhésion et l’identification à un personnage mobilisateur,
- l’autorité rationnelle-légale, basée sur la raison (scientifique) et un support légal consensuel.
Pouvoir :
Le pouvoir se définit comme la capacité à influencer autrui soit de façon formelle en s'appuyant sur son statut soit de façon informelle.
Le politologue américain Robert Dahl, dans Qui gouverne ?, a fourni une définition devenue aujourd'hui canonique : " un individu (seul ou représentant d'une organisation, d'un état...) exerce un pouvoir sur un autre individu, dans la mesure où il obtient de ce dernier des comportements, des actions, voire des conceptions que celui-ci n'aurait pas eu sans son intervention ".
Leadership :
Le leadership désigne les caractéristiques psychologiques d'une personne générant chez autrui le désir de s'engager avec enthousiasme dans une action. Le leadership est fondé non pas sur la contrainte mais la séduction. La notion de charisme est assez proche de cette définition. La seule différence avec le charisme c'est que le leadership peut faire l'objet d'un apprentissage et se développer par la connaissance tandis que le charisme est un héritage... des dieux ?
Mais en réalité ces subtilités ne sont que théoriques. Martine Delsol, Professeur de Philosophie à l'Université de Marne - la - Vallée nous invite à ne pas nous perdre dans ces abstractions taxinomiques : " L'autorité n'est pas un concept, dit elle, mais une forme spécifique de l'existence humaine ". (1994).
2. Autorité et pouvoir
Chantal Delsol s'inspire de personnages qui ont marqué l'histoire comme Alexandre Le Grand et Christophe Colomb pour montrer que l'autorité est aussi l'expression combinée de tous les éléments décrits précédemment. L'autorité dit elle est " la capacité d'obtenir certains actes et certains comportements par la simple suggestion ". Sa définition, on le voit conjugue et intègre toutes les précédentes.
Si l'autorité est la conséquence d'un statut, elle doit aussi se conquérir. L'obéissance d'autrui ne s'obtient pas par un simple titre ; elle passe par l'établissement d'une relation " fondée sur des qualités repérées ". Toute la difficulté d'ailleurs consistera a combiner le statut et le talent. L'exemple de la pédagogie illustre bien cette difficulté. L'autorité de l'enseignant ne peut pas être seulement fondée sur son statut dans l'organisation, ni sur son savoir ; elle passe aussi par quelques qualités humaines spécifiques.
Pour incarner cette autorité de façon crédible, il faut à la fois être capable de distance pour marquer sa différence et faire preuve de compréhension. Pour transmettre son savoir par définition abstrait, il faut aussi mobiliser des qualités humaines. Le philosophe Alain) par exemple semblait témoigner de cet art : " il savait communiquer sa foi dans la possibilité qu'avait chacun d'accéder au plus haut de la pensée et de l'action... tout en manifestant son respect en appelant chacun jamais par son prénom, ni par son simple nom mais par " Monsieur " ou " Mademoiselle " (Fiori, 1987).
L'autorité réelle pour être acceptée par l'Autre doit toujours traduire " une supériorité d'un individu sur un autre ". Cette supériorité ne peut relever de l'égocentrisme personnel mais doit être l'expression d'un talent ou d'un engagement reconnu par l'Autre comme suscitant de l'admiration. Elle doit d'une certaine façon incarner quelque chose de l'Idéal. Che Guevara, Mère Teresa ont pu être considérés comme des symboles d'autorité parce qu'ils incarnaient par leur engagement des valeurs.
L'autorité ne peut véritablement fonctionner que si " un homme ordinaire peut accomplir en partie l'idéal ", nous permettant ainsi d'espérer que malgré toutes les difficultés, il est possible d'améliorer le choses. Pour résumer ce point de vue, on peut convenir que l'autorité apparaît comme un espace relationnel où il est possible de participer à la réalisation (collective) d'un idéal.
Si l'autorité est la conséquence d'un statut, elle doit aussi se conquérir. L'obéissance d'autrui ne s'obtient pas par un simple titre ; elle passe par l'établissement d'une relation " fondée sur des qualités repérées ". Toute la difficulté d'ailleurs consistera a combiner le statut et le talent. L'exemple de la pédagogie illustre bien cette difficulté. L'autorité de l'enseignant ne peut pas être seulement fondée sur son statut dans l'organisation, ni sur son savoir ; elle passe aussi par quelques qualités humaines spécifiques.
Pour incarner cette autorité de façon crédible, il faut à la fois être capable de distance pour marquer sa différence et faire preuve de compréhension. Pour transmettre son savoir par définition abstrait, il faut aussi mobiliser des qualités humaines. Le philosophe Alain) par exemple semblait témoigner de cet art : " il savait communiquer sa foi dans la possibilité qu'avait chacun d'accéder au plus haut de la pensée et de l'action... tout en manifestant son respect en appelant chacun jamais par son prénom, ni par son simple nom mais par " Monsieur " ou " Mademoiselle " (Fiori, 1987).
L'autorité réelle pour être acceptée par l'Autre doit toujours traduire " une supériorité d'un individu sur un autre ". Cette supériorité ne peut relever de l'égocentrisme personnel mais doit être l'expression d'un talent ou d'un engagement reconnu par l'Autre comme suscitant de l'admiration. Elle doit d'une certaine façon incarner quelque chose de l'Idéal. Che Guevara, Mère Teresa ont pu être considérés comme des symboles d'autorité parce qu'ils incarnaient par leur engagement des valeurs.
L'autorité ne peut véritablement fonctionner que si " un homme ordinaire peut accomplir en partie l'idéal ", nous permettant ainsi d'espérer que malgré toutes les difficultés, il est possible d'améliorer le choses. Pour résumer ce point de vue, on peut convenir que l'autorité apparaît comme un espace relationnel où il est possible de participer à la réalisation (collective) d'un idéal.
Eugène Enriquez ne dissocie pas non plus autorité et pouvoir. Pour lui l'autorité est l'expression formelle du pouvoir mais les deux co-existent en permanence. Plus même, l'autorité serait l'incarnation du pouvoir et se limiter à cette seule dimension " statutaire " conduirait à faire l'économie de la question dérangeante du pouvoir : " L'autorité est une nécessité " pour définir les règles de la vie commune, la position de chacun dans le système de labeur et d'échange, ses droits et ses obligations. Mais cela ne signifie pas qu'il existe un accord sur ses modalités " (Enriquez, 2007).
Le pouvoir renvoie à des dimensions plus irrationnelles que Weber avait fort justement pressenties. C'est Freud, dans Totem et Tabou qui nous ouvre la voie en nous révélant " la nature libidinale des liens qui unissent les membres d'un groupe à un chef, l'identification comme mécanisme central de la constitution des foules, le remplacement chez chaque individu de son Idéal du Moi par un objet commun : le chef, objet d'amour idéalisé ".
En effet quand un individu se conforme totalement à la volonté d'un autre, c'est qu'il éprouve pour lui un amour. Ce n'est qu'à cette condition qu'il accepte de se déposséder de lui-même et renonce à la réalisation de son désir pour réaliser celui du chef. Cela est possible parce que la figure du chef se trouve investit de qualités exceptionnelles. Il est donc bien l'objet de projections imaginaires idéalisées. Le cas des chefs de secte illustre de façon extrême ce lien étrange pour la raison qui unit " le maître à l'esclave " (Hegel). Il révèle que des affects archaïques sont toujours à l'oeuvre dans cette relation. Ils sont partie prenante du problème. On ne peut les évacuer, même s'ils sont très encombrants.
Le pouvoir renvoie à des dimensions plus irrationnelles que Weber avait fort justement pressenties. C'est Freud, dans Totem et Tabou qui nous ouvre la voie en nous révélant " la nature libidinale des liens qui unissent les membres d'un groupe à un chef, l'identification comme mécanisme central de la constitution des foules, le remplacement chez chaque individu de son Idéal du Moi par un objet commun : le chef, objet d'amour idéalisé ".
En effet quand un individu se conforme totalement à la volonté d'un autre, c'est qu'il éprouve pour lui un amour. Ce n'est qu'à cette condition qu'il accepte de se déposséder de lui-même et renonce à la réalisation de son désir pour réaliser celui du chef. Cela est possible parce que la figure du chef se trouve investit de qualités exceptionnelles. Il est donc bien l'objet de projections imaginaires idéalisées. Le cas des chefs de secte illustre de façon extrême ce lien étrange pour la raison qui unit " le maître à l'esclave " (Hegel). Il révèle que des affects archaïques sont toujours à l'oeuvre dans cette relation. Ils sont partie prenante du problème. On ne peut les évacuer, même s'ils sont très encombrants.
3. La relation d'autorité comme espace de domination ?
L'économiste Frédéric Lordon (2010) nous invite à revisiter la conception du " Conatus " de Spinoza pour comprendre la dimension politique de la relation et sortir d'une certaine naïveté.
Pour Spinoza, chaque être humain " s'efforce de persévérer dans son être ". Il est animé d'une énergie primitive qui le pousse à exister. Freud utilisait à ce propos le terme de " désir " ou de " libido ". Le " conatus " c'est donc le " désir fondamentale d'exister ". C'est l'essence même de l'homme.
L'acte d'entreprendre n'est pas autre chose que la liberté d'exister sans entrave et " s'élancer à la poursuite de son désir ". Cependant pour réussir, il est souvent nécessaire de s'associer à d'autres individus. Entreprendre devient assez vite une aventure collective qui au départ est animée par l'ambition d'un individu, l'entrepreneur.
Celui-ci cherchera alors d'autres partenaires qui accepteront de se mettre au service de son propre désir. C'est dans cette dynamique que s'inscrit le rapport salarial. Celui-ci consistera à capturer le désir du sujet pour le mettre au service du " désir-maître ". Recruter devient alors " enrôler ".
Accepter de s'activer à la réalisation du désir d'un autre peut surprendre car elle relève de la servitude. Elle ne se fait pas de façon spontanée car elle est le résultat d'un long processus social qui prend déjà ses racines dans l'éducation (Foucault).
Elle est aussi la conséquence d'un rapport de dépendance " à un fournisseur d'argent " qui permet la survie personnelle. L'employeur est aussi d'une certaine façon le " pourvoyeur financier ". Grâce à la rémunération, le salarié pourra faire des emprunts et satisfaire une partie de ses propres désirs de posséder des objets. L'argent est un point de passage obligé pour accéder à la satisfaction des désirs. C'est le support " de l'enrôlement salarial ".
Pour accéder à l'argent qui permet la réalisation de son désir, il faut donc se soumettre à la volonté d'un autre. Il s'agit donc en définitive d'un rapport de domination. Celui-ci est entretenu par la chaîne hiérarchique dont la fonction principale est de rendre la servitude si possible supportable (Laboétie, Lordon, 2010).
Les relations entre les acteurs peuvent être d'autant plus violentes qu'eux mêmes sont soumis aux exigences actionnariales. Dans cette perspective, la chaîne hiérarchique devient l'instrument de la violence du désir de celui ou de ceux qui possèdent le capital. On comprend alors que l'alignement total des " Conatus " soit si difficile et qu'il puisse susciter quelques résistances conscientes ou inconscientes.
Pour que les salariés consentent au renoncement immédiat de leur désir et se mettre au service d'un Autre qui les dépasse, il va falloir trouver des solutions. Un engagement ne pourra se faire durablement sur la peur. Il faut donc rendre cette aliénation " joyeuse ". Il y a plusieurs causes, toujours selon Lordon, qui rendent possibles cette acceptation.
En travaillant, le sujet reçoit en échange un salaire qui lui permet non seulement d'assumer ses premiers besoins mais de devenir, à son tour consommateur. Cela a déjà été évoqué. Ainsi, au delà de la rémunération, le travail est aussi un moyen d'obtenir de la reconnaissance, dont les individus ont autant besoin que de nourriture. Pour Laurent Bove cette demande de reconnaissance peut-être assimilée à une demande d'amour.
La situation salariale et pire encore de subordination n'y échappe pas. Elle réactive, par son asymétrie, la quête amoureuse permanente de reconnaissance qui travaille dans la subjectivité de tous les Hommes, sans cesse à la recherche d'occasion d'une réparation qu'ils espèrent définitive. " Le mécanisme tout à fait général de la demande amoureuse est inscrite au coeur même du Conatus " (Spinoza).
Pour résumer de façon brutale l'analyse de Lordon des relations managériales, " manager se résumerait à produire du consentement, c'est à dire produire l'amour par les individus de la situation qui leur est faite ". Il s'agit de " transfigurer ", " réenchanter " la contrainte sans la questionner.
L'analyse politique de la relation managériale réalisée par Lordon nous laisse peu d'espoir. En manageant autrui, nous participerions à son aliénation à plus d'un titre. Nul ne peut nier la pertinence de ces arguments.
Il serait cependant " totalitaire " de les généraliser. Il existe en effet beaucoup d'organisations qui offrent des conditions moins extrêmes que celles qu'il décrit. On peut penser notamment à certaines grandes entreprises où l'état est actionnaire (Trouve), à de nombreuses PME caractérisées par un actionnariat familial plus soucieux de la pérennité sur la durée que de la rentabilité à court terme, aux entreprises coopératives, aux associations ou encore aux entrepreneurs sociaux et enfin aux entreprises dites utopiques (Trouve) qui fonctionnent selon d'autres principes de gouvernance et sont à la recherche alternatives.
Quelles que soient les circonstances, la fonction managériale est une nécessité. Tout groupe humain a besoin pour se solidariser et sublimer de se rassembler autour de la figure d'un chef. Toute société a besoin de règles, de référents et de modèles. C'est un fait anthropologique et non un postulat idéologique.
Toute la question est de trouver des formes de relation plus démocratiques et plus respectueuses entre les Hommes qui composent les communautés de travail. Cependant, les sciences politiques ne peuvent prétendre à elles seules déchiffrer le réel. Seule une démarche anthropologique croisant plusieurs disciplines généralement disjointes pourrait peut être espérer s'en approcher.
Pour Spinoza, chaque être humain " s'efforce de persévérer dans son être ". Il est animé d'une énergie primitive qui le pousse à exister. Freud utilisait à ce propos le terme de " désir " ou de " libido ". Le " conatus " c'est donc le " désir fondamentale d'exister ". C'est l'essence même de l'homme.
L'acte d'entreprendre n'est pas autre chose que la liberté d'exister sans entrave et " s'élancer à la poursuite de son désir ". Cependant pour réussir, il est souvent nécessaire de s'associer à d'autres individus. Entreprendre devient assez vite une aventure collective qui au départ est animée par l'ambition d'un individu, l'entrepreneur.
Celui-ci cherchera alors d'autres partenaires qui accepteront de se mettre au service de son propre désir. C'est dans cette dynamique que s'inscrit le rapport salarial. Celui-ci consistera à capturer le désir du sujet pour le mettre au service du " désir-maître ". Recruter devient alors " enrôler ".
Accepter de s'activer à la réalisation du désir d'un autre peut surprendre car elle relève de la servitude. Elle ne se fait pas de façon spontanée car elle est le résultat d'un long processus social qui prend déjà ses racines dans l'éducation (Foucault).
Elle est aussi la conséquence d'un rapport de dépendance " à un fournisseur d'argent " qui permet la survie personnelle. L'employeur est aussi d'une certaine façon le " pourvoyeur financier ". Grâce à la rémunération, le salarié pourra faire des emprunts et satisfaire une partie de ses propres désirs de posséder des objets. L'argent est un point de passage obligé pour accéder à la satisfaction des désirs. C'est le support " de l'enrôlement salarial ".
Pour accéder à l'argent qui permet la réalisation de son désir, il faut donc se soumettre à la volonté d'un autre. Il s'agit donc en définitive d'un rapport de domination. Celui-ci est entretenu par la chaîne hiérarchique dont la fonction principale est de rendre la servitude si possible supportable (Laboétie, Lordon, 2010).
Les relations entre les acteurs peuvent être d'autant plus violentes qu'eux mêmes sont soumis aux exigences actionnariales. Dans cette perspective, la chaîne hiérarchique devient l'instrument de la violence du désir de celui ou de ceux qui possèdent le capital. On comprend alors que l'alignement total des " Conatus " soit si difficile et qu'il puisse susciter quelques résistances conscientes ou inconscientes.
Pour que les salariés consentent au renoncement immédiat de leur désir et se mettre au service d'un Autre qui les dépasse, il va falloir trouver des solutions. Un engagement ne pourra se faire durablement sur la peur. Il faut donc rendre cette aliénation " joyeuse ". Il y a plusieurs causes, toujours selon Lordon, qui rendent possibles cette acceptation.
En travaillant, le sujet reçoit en échange un salaire qui lui permet non seulement d'assumer ses premiers besoins mais de devenir, à son tour consommateur. Cela a déjà été évoqué. Ainsi, au delà de la rémunération, le travail est aussi un moyen d'obtenir de la reconnaissance, dont les individus ont autant besoin que de nourriture. Pour Laurent Bove cette demande de reconnaissance peut-être assimilée à une demande d'amour.
La situation salariale et pire encore de subordination n'y échappe pas. Elle réactive, par son asymétrie, la quête amoureuse permanente de reconnaissance qui travaille dans la subjectivité de tous les Hommes, sans cesse à la recherche d'occasion d'une réparation qu'ils espèrent définitive. " Le mécanisme tout à fait général de la demande amoureuse est inscrite au coeur même du Conatus " (Spinoza).
Pour résumer de façon brutale l'analyse de Lordon des relations managériales, " manager se résumerait à produire du consentement, c'est à dire produire l'amour par les individus de la situation qui leur est faite ". Il s'agit de " transfigurer ", " réenchanter " la contrainte sans la questionner.
L'analyse politique de la relation managériale réalisée par Lordon nous laisse peu d'espoir. En manageant autrui, nous participerions à son aliénation à plus d'un titre. Nul ne peut nier la pertinence de ces arguments.
Il serait cependant " totalitaire " de les généraliser. Il existe en effet beaucoup d'organisations qui offrent des conditions moins extrêmes que celles qu'il décrit. On peut penser notamment à certaines grandes entreprises où l'état est actionnaire (Trouve), à de nombreuses PME caractérisées par un actionnariat familial plus soucieux de la pérennité sur la durée que de la rentabilité à court terme, aux entreprises coopératives, aux associations ou encore aux entrepreneurs sociaux et enfin aux entreprises dites utopiques (Trouve) qui fonctionnent selon d'autres principes de gouvernance et sont à la recherche alternatives.
Quelles que soient les circonstances, la fonction managériale est une nécessité. Tout groupe humain a besoin pour se solidariser et sublimer de se rassembler autour de la figure d'un chef. Toute société a besoin de règles, de référents et de modèles. C'est un fait anthropologique et non un postulat idéologique.
Toute la question est de trouver des formes de relation plus démocratiques et plus respectueuses entre les Hommes qui composent les communautés de travail. Cependant, les sciences politiques ne peuvent prétendre à elles seules déchiffrer le réel. Seule une démarche anthropologique croisant plusieurs disciplines généralement disjointes pourrait peut être espérer s'en approcher.
Une conférence de Frédéric Lordon sur la Valeur économique et la Valeur subjective
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4. L'enigme de l'obéissance et de la servitude volontaire
Il n'y a pas d'autorité sans obéissance. On parle d'obéissance quand un individu adopte un comportement prescrit par un autre individu perçu comme une source d'autorité. L'individu dominé renonce à sa liberté et donne son consentement à la volonté d'un autre qu'il considère comme supérieur.
C'est Etienne de La Boétie qui au XVI°siècle s'est particulièrement intéressé à ce phénomène qu'il a comparé à un processus de " servitude volontaire ".
Dans cet ouvrage, il s'interroge sur le fait que des hommes et des femmes par centaine de milliers se soumettent au pouvoir et à la tyrannie d'un seul. Par ailleurs il s'étonne que les mêmes ou certains des leurs, dans certaines circonstances puissent être prêts à mourir pour la liberté. Il en conclut que le désir de liberté existerait tout aussi bien que le désir de servitude. Alors comment expliquer que la plupart du temps, ils choisissent souvent la soumission à l'autorité.
Eugène Enriquez reprend le discours de La Boetie et pose l'hypothèse que les hommes ne veulent généralement ni la liberté, ni la soumission. Ce qu'ils veulent avant tout c'est " simplement vivre de la manière la plus apaisante ".
Les rapports de force et de compétition qui caractérisent la horde primitive ne constituent pas un idéal de vie. Pour vivre ensemble, les hommes doivent sortir de la violence primitive ; c'est pour la contenir que selon Freud, ils édictent des lois et des règles auxquelles ils acceptent de se soumettre pour conserver la cohésion du groupe. " Ce faisant, ils ne sont plus assujettis à un pouvoir effrayant (celui du chef de la horde des premiers temps) mais ils se sont condamnés à obéir aux lois qu'ils se sont données et qu'ils ne peuvent enfreindre sous peine d'être exclus de la tribu, c'est à dire voués à une mort certaine... Dans une société civilisée, chacun n'a qu'un but accéder au bonheur ou tout le moins éloigner le malheur et la, souffrance. (Enriquez, 2007).
Si les hommes étaient totalement libres, il serait en réalité en rivalité permanente. Chacun cherchant à contraindre l'autre à sa jouissance comme l'a montré Sade. Il faut met de l'ordre " dans la diversité de la vie civile " (Hegel) pour calmer les égocentrismes primitifs.
Finalement c'est le désir d'être en paix avec les autres qui est sans doute à la source de la soumission à un ordre supérieur représenté par l'Etat qui va créer des structures réglementaires permettant une vie sociale durable et stable. Ces structures auront pour fonction de contenir les pulsions archaïques et les angoisses qui y sont associées, c'est à dire en définitive la folie.
Pour comprendre la soumission, il faut admettre que les hommes ont besoin de " références dures " pour sublimer la violence fondamentale qu'ils portent en eux. C'est peut-être ce qui explique qu'ils acceptent les tyrans pendant un certain temps du moins, parce qu'il incarne la loi du Père. C'est en tout cas une hypothèse qui permettrait de comprendre en partie le fascination qu'à pu susciter un Staline ou un Hitler. Les Hommes estime Enriquez " sont plus infantiles qu'ils ne le pensent ".
C'est Etienne de La Boétie qui au XVI°siècle s'est particulièrement intéressé à ce phénomène qu'il a comparé à un processus de " servitude volontaire ".
Dans cet ouvrage, il s'interroge sur le fait que des hommes et des femmes par centaine de milliers se soumettent au pouvoir et à la tyrannie d'un seul. Par ailleurs il s'étonne que les mêmes ou certains des leurs, dans certaines circonstances puissent être prêts à mourir pour la liberté. Il en conclut que le désir de liberté existerait tout aussi bien que le désir de servitude. Alors comment expliquer que la plupart du temps, ils choisissent souvent la soumission à l'autorité.
Eugène Enriquez reprend le discours de La Boetie et pose l'hypothèse que les hommes ne veulent généralement ni la liberté, ni la soumission. Ce qu'ils veulent avant tout c'est " simplement vivre de la manière la plus apaisante ".
Les rapports de force et de compétition qui caractérisent la horde primitive ne constituent pas un idéal de vie. Pour vivre ensemble, les hommes doivent sortir de la violence primitive ; c'est pour la contenir que selon Freud, ils édictent des lois et des règles auxquelles ils acceptent de se soumettre pour conserver la cohésion du groupe. " Ce faisant, ils ne sont plus assujettis à un pouvoir effrayant (celui du chef de la horde des premiers temps) mais ils se sont condamnés à obéir aux lois qu'ils se sont données et qu'ils ne peuvent enfreindre sous peine d'être exclus de la tribu, c'est à dire voués à une mort certaine... Dans une société civilisée, chacun n'a qu'un but accéder au bonheur ou tout le moins éloigner le malheur et la, souffrance. (Enriquez, 2007).
Si les hommes étaient totalement libres, il serait en réalité en rivalité permanente. Chacun cherchant à contraindre l'autre à sa jouissance comme l'a montré Sade. Il faut met de l'ordre " dans la diversité de la vie civile " (Hegel) pour calmer les égocentrismes primitifs.
Finalement c'est le désir d'être en paix avec les autres qui est sans doute à la source de la soumission à un ordre supérieur représenté par l'Etat qui va créer des structures réglementaires permettant une vie sociale durable et stable. Ces structures auront pour fonction de contenir les pulsions archaïques et les angoisses qui y sont associées, c'est à dire en définitive la folie.
Pour comprendre la soumission, il faut admettre que les hommes ont besoin de " références dures " pour sublimer la violence fondamentale qu'ils portent en eux. C'est peut-être ce qui explique qu'ils acceptent les tyrans pendant un certain temps du moins, parce qu'il incarne la loi du Père. C'est en tout cas une hypothèse qui permettrait de comprendre en partie le fascination qu'à pu susciter un Staline ou un Hitler. Les Hommes estime Enriquez " sont plus infantiles qu'ils ne le pensent ".
Hannah Arendt (1963) s'est aussi interrogée sur les racines de l'obéissance à ce qu'il faut bien appeler le Mal en analysant notamment le cas du criminel de guerre Adolf Eichmann. L'hypothèse fondamentale qui permettrait de comprendre le comportement d'Eichmann serait, selon elle, " la banalité du mal ". Cette banalisation apparait dans les cas où le mal est protégé par la loi, pire même il devient la loi. Celle-ci fait alors l'objet d'une propagande, d'une idéologie, de tout un système étatique que individus, représentant le pouvoir, servent avec conviction ces thèses.
Dans ce cas, la soumission passe par :
- L'impossibilité de penser : la défense d'Eichmann reposait essentiellement sur le fait qu'il croyait accomplir sans état d'âme une mission confiée par sa hiérarchie et que pour lui le plus important était justement de la respecter sans s'interroger sur les actes que sa hiérarchie lui ordonnait de commettre. Sa pensée était devenue celle de " son führer " qu'il admirait par dessus tout en lui attribuant des qualités supra - normales. Cette impossibilité de penser lui rendait impossible de réfléchir sur le sens de ses actes. Il était dans " l'insignifiance " (- Castoriadis -).
- La montée de l'individu masse : le phénomène du nazisme est un phénomène collectif. Les individus qui s'y opposent sont largement minoritaire. Ils sont confrontés à une énorme pression de conformité qui altère le jugement. Il est difficile de s'opposer à la masse quand l'individu a un point de vue trop éloigné de ce qui la réunit. L'individu autonome disparaît dans une hétéronomie.
- Le triomphe de la rationalité instrumentale : Les états autoritaires ont tendance pour se maintenir à produire des routines procédurales qui contribuent également à paralyser la réflexion. L'inflation procédurale conduit les acteurs à se concentrer sur les moyens et à perdre de vue les fins. Elle conduit d'une certaine façon ou plus exactement repose sur un déni, une négation de ce qu'est le Bien et le Mal pour privilégier la seule efficacité productive.
- On comprend, à la suite de cette analyse, que l'affaiblissement des repères éthiques soit aussi une dimension à prendre en compte dans ce problème. Cela met bien évidence la fragilité de la rationalité humaine. La perte des repères du Bien et du Mal conduise les individus à une certaine fragilité, du moins tant qu'ils ne sont pas parvenus à reconstruire pour eux mêmes ce qu'est le Juste.
- L'idéalisation semble aussi un élément déterminant à l'origine de la soumission à l'autorité. Les juifs ont par exemple un long moment avant de croire que le processus mis en oeuvre par les fascistes allemands relevait d'un génocide. C'est un fait étrange de constater que " les hommes ont tendance à s'illusionner et ne pas croire à la férocité de leur semblables et de leurs chefs. Les sujets humains dont donc prêts à accepter un pouvoir qui ne peut pas être totalement mauvais, ou au moins à accepter la face du pouvoir qui leur semble bonne " (Enriquez, 2007).
L'étonnante fascination qu'a exercé l'escroc Philippe Berre, l'homme qui avait relancé la construction d' une autoroute en 1997 dans la Sarthe ne peut s'expliquer que par ces idéalisations qui se projettent sur la figure de l'autorité. En effet, il semble que tous les ingrédients de l'idéalisation ait été présente dans cette situation : une région souffrant d'un chômage important, l'apparition d'un acteur porteur d'un projet réanimant l'espérance, le besoin de croire à un possible, etc...
Dans ce cas, la soumission passe par :
- L'impossibilité de penser : la défense d'Eichmann reposait essentiellement sur le fait qu'il croyait accomplir sans état d'âme une mission confiée par sa hiérarchie et que pour lui le plus important était justement de la respecter sans s'interroger sur les actes que sa hiérarchie lui ordonnait de commettre. Sa pensée était devenue celle de " son führer " qu'il admirait par dessus tout en lui attribuant des qualités supra - normales. Cette impossibilité de penser lui rendait impossible de réfléchir sur le sens de ses actes. Il était dans " l'insignifiance " (- Castoriadis -).
- La montée de l'individu masse : le phénomène du nazisme est un phénomène collectif. Les individus qui s'y opposent sont largement minoritaire. Ils sont confrontés à une énorme pression de conformité qui altère le jugement. Il est difficile de s'opposer à la masse quand l'individu a un point de vue trop éloigné de ce qui la réunit. L'individu autonome disparaît dans une hétéronomie.
- Le triomphe de la rationalité instrumentale : Les états autoritaires ont tendance pour se maintenir à produire des routines procédurales qui contribuent également à paralyser la réflexion. L'inflation procédurale conduit les acteurs à se concentrer sur les moyens et à perdre de vue les fins. Elle conduit d'une certaine façon ou plus exactement repose sur un déni, une négation de ce qu'est le Bien et le Mal pour privilégier la seule efficacité productive.
- On comprend, à la suite de cette analyse, que l'affaiblissement des repères éthiques soit aussi une dimension à prendre en compte dans ce problème. Cela met bien évidence la fragilité de la rationalité humaine. La perte des repères du Bien et du Mal conduise les individus à une certaine fragilité, du moins tant qu'ils ne sont pas parvenus à reconstruire pour eux mêmes ce qu'est le Juste.
- L'idéalisation semble aussi un élément déterminant à l'origine de la soumission à l'autorité. Les juifs ont par exemple un long moment avant de croire que le processus mis en oeuvre par les fascistes allemands relevait d'un génocide. C'est un fait étrange de constater que " les hommes ont tendance à s'illusionner et ne pas croire à la férocité de leur semblables et de leurs chefs. Les sujets humains dont donc prêts à accepter un pouvoir qui ne peut pas être totalement mauvais, ou au moins à accepter la face du pouvoir qui leur semble bonne " (Enriquez, 2007).
L'étonnante fascination qu'a exercé l'escroc Philippe Berre, l'homme qui avait relancé la construction d' une autoroute en 1997 dans la Sarthe ne peut s'expliquer que par ces idéalisations qui se projettent sur la figure de l'autorité. En effet, il semble que tous les ingrédients de l'idéalisation ait été présente dans cette situation : une région souffrant d'un chômage important, l'apparition d'un acteur porteur d'un projet réanimant l'espérance, le besoin de croire à un possible, etc...
En 1961 Stanley Milgram a mené une expérience qui semble confirmer l'importance de dernier facteur. Il emmène des gens ordinaires à infliger des chocs électriques de plus en plus forts à un autre sujet, installé sur une chaise électrifiée. A chaque réponse fausse, il s'agira d'envoyer au " cobaye " qui est en réalité un comédien des chocs électriques qui seront de plus en plus importants au fur et à mesure de l'expérience.
Le comédien ira jusqu'à crier de douleur et demander à arrêter l'expérience mais 62,5% des personnes, placée sous l'influence de l'autorité scientifique continueront à infliger au pseudo cobaye des punitions. Celles-ci auraient pu conduire le faux candidat à la mort si elles avaient été réelles.
Cette expérience en 2009 a été reprise plus récemment par le réalisateur Christophe Nick et le philosophe Eltchanino qui en ont fait un jeu de télé réalité en plaçant des candidats sous l'autorité d'une présentatrice. Le taux est monté à 81%. Après Mai 68, les expérimentateurs espéraient une baisse des taux de soumission à l'autorité. En fait, il n'en fut rien .... , mais il est vrai que l'image d'autorité avait été dans ce cas féminine alors que dans l'expérience de Milgram, il s'agit d'une image masculine.
L'expérience du psychiatre américain en 1966, Charles K. Hofling a confirmé ces phénomènes. Il a demandé à des infirmières d'administrer de (faux) médicaments qui ne pouvaient pas être distribués sans autorisation de l'hôpital. 21 infirmières sur 22 se sont conformées à la demande des médecins complices de cette expérience.
Enfin l'expérience de Stanford, réalisée par Philippe Zimbardo en 1971 rassemble des individus volontaires à qui ont demande de prendre le rôle de gardien de prison et à d'autres celui de prisonnier. Il est demandé aux gardiens de prison d'adopter une attitude autoritaire tandis que les prisonniers devaient adopter un comportement de soumission.
Voici les consignes qui ont été communiquées aux gardiens :
" Vous pouvez créer chez les prisonniers un sentiment d'ennui, de peur jusqu'à un certain degré, vous pouvez créer une notion d'arbitraire par le fait que leur vie soit totalement contrôlée par nous, par le système, vous, moi, et ils n'auront aucune intimité... Nous allons faire disparaître leur individualité de différentes façons. En général, tout ceci mène à un sentiment d'impuissance. Dans cette situation, nous aurons tout le pouvoir et ils n'en auront aucun. " (The Stanford Prison Study video, citée dans Haslam & Reicher, 2003.55)
Les prisonniers ont eux aussi été conditionnés à intégrer le statut de coupable. On leurs avait indiqué d'attendre chez eux pour être appelés quand l'expérience commencerait. En fait ils furent arrêtés pour vol à main armée par la police sans être prévenus. Ils durent subir avant d'être mis dans leur geôle différents rituels policiers de façon à entrer dans leur nouvelle identité : fichage, fouille, menottage, transports dans d'authentiques fourgons de polices, déshabillage, nettoyage avec des produits anti-poux et parasites, etc…
Les prisonniers et les gardes se sont rapidement adaptés aux rôles qu'on leur avait assignés au point que dépassant les limites de ce qui avait été prévus, cela à conduit à des situations dangereuses et à d'expériences d'humiliation qui aurait pu être psychologiquement dommageables.
Un des conclusions de l'étude a été de montrer qu'un tiers des gardiens avaient adoptés une attitude de sadique tandis que de nombreux prisonniers furent émotionnellement traumatisés, au point de devoir retirer deux d'entre eux de l'expérience avant la fin.
Une seule participante sur 50 s'opposa à l'expérience. Le professeur Zimbardo prit conscience des risques et fit arrêter celle-ci au bout de 6 jours alors que deux semaines avaient été prévues.
Bien que cette expérience est fait l'objet de nombreuses contestations scientifiques, elle met en évidence que les situations et les rôles attribués par les systèmes ont un impact considérable sur le comportement d'un acteur et qu'il est plus facile d'obéir si on est confronté à une pression de conformité de masse et enfermés dans un statut social de dominé.
Le comédien ira jusqu'à crier de douleur et demander à arrêter l'expérience mais 62,5% des personnes, placée sous l'influence de l'autorité scientifique continueront à infliger au pseudo cobaye des punitions. Celles-ci auraient pu conduire le faux candidat à la mort si elles avaient été réelles.
Cette expérience en 2009 a été reprise plus récemment par le réalisateur Christophe Nick et le philosophe Eltchanino qui en ont fait un jeu de télé réalité en plaçant des candidats sous l'autorité d'une présentatrice. Le taux est monté à 81%. Après Mai 68, les expérimentateurs espéraient une baisse des taux de soumission à l'autorité. En fait, il n'en fut rien .... , mais il est vrai que l'image d'autorité avait été dans ce cas féminine alors que dans l'expérience de Milgram, il s'agit d'une image masculine.
L'expérience du psychiatre américain en 1966, Charles K. Hofling a confirmé ces phénomènes. Il a demandé à des infirmières d'administrer de (faux) médicaments qui ne pouvaient pas être distribués sans autorisation de l'hôpital. 21 infirmières sur 22 se sont conformées à la demande des médecins complices de cette expérience.
Enfin l'expérience de Stanford, réalisée par Philippe Zimbardo en 1971 rassemble des individus volontaires à qui ont demande de prendre le rôle de gardien de prison et à d'autres celui de prisonnier. Il est demandé aux gardiens de prison d'adopter une attitude autoritaire tandis que les prisonniers devaient adopter un comportement de soumission.
Voici les consignes qui ont été communiquées aux gardiens :
" Vous pouvez créer chez les prisonniers un sentiment d'ennui, de peur jusqu'à un certain degré, vous pouvez créer une notion d'arbitraire par le fait que leur vie soit totalement contrôlée par nous, par le système, vous, moi, et ils n'auront aucune intimité... Nous allons faire disparaître leur individualité de différentes façons. En général, tout ceci mène à un sentiment d'impuissance. Dans cette situation, nous aurons tout le pouvoir et ils n'en auront aucun. " (The Stanford Prison Study video, citée dans Haslam & Reicher, 2003.55)
Les prisonniers ont eux aussi été conditionnés à intégrer le statut de coupable. On leurs avait indiqué d'attendre chez eux pour être appelés quand l'expérience commencerait. En fait ils furent arrêtés pour vol à main armée par la police sans être prévenus. Ils durent subir avant d'être mis dans leur geôle différents rituels policiers de façon à entrer dans leur nouvelle identité : fichage, fouille, menottage, transports dans d'authentiques fourgons de polices, déshabillage, nettoyage avec des produits anti-poux et parasites, etc…
Les prisonniers et les gardes se sont rapidement adaptés aux rôles qu'on leur avait assignés au point que dépassant les limites de ce qui avait été prévus, cela à conduit à des situations dangereuses et à d'expériences d'humiliation qui aurait pu être psychologiquement dommageables.
Un des conclusions de l'étude a été de montrer qu'un tiers des gardiens avaient adoptés une attitude de sadique tandis que de nombreux prisonniers furent émotionnellement traumatisés, au point de devoir retirer deux d'entre eux de l'expérience avant la fin.
Une seule participante sur 50 s'opposa à l'expérience. Le professeur Zimbardo prit conscience des risques et fit arrêter celle-ci au bout de 6 jours alors que deux semaines avaient été prévues.
Bien que cette expérience est fait l'objet de nombreuses contestations scientifiques, elle met en évidence que les situations et les rôles attribués par les systèmes ont un impact considérable sur le comportement d'un acteur et qu'il est plus facile d'obéir si on est confronté à une pression de conformité de masse et enfermés dans un statut social de dominé.
5. Que nous apprennent ceux qui désobéissent
D'autres faits historiques nous montrent que tous les individus ne tombent pas dans cet effet " luciferien " (Zimbardo) ou effet agentique (Milgram). Certains du fait d'un système de valeurs personnelles très solides parviennent à résister voire à s'opposer. On cite le cas d'Aristides de Sousa Mendez, consul portugais à Bordeaux qui, pendant la guerre de 1940, délivra près de 607 visas " sans distinction de race ou de religion " ; ce qui lui a permis, au détriment de ses propres intérêt, de sauver plusieurs centaines de vie humaines.
" Il se peut que j'aie commis des erreurs mais, si je l'ai fait, ce ne fut pas intentionnellement car j'ai toujours agi selon ma conscience. J'ai été guidé seulement par le sens du devoir, en pleine connaissance de mes responsabilités. "
" Je ne pouvais faire des distinctions entre les nationalités, les races ou les religions, étant donné que j'obéissais à des raisons d'humanité qui, elles, ne font pas de distinction entre les nationalités, les races ou les religions. "
" Si autant de juifs, ajoutera-t-il, peuvent souffrir au nom d'Hitler, il n'y a rien de choquant à ce qu'un catholique souffre pour tant de juifs. Je ne pouvais agir autrement, et j'accepte ce qu'il m'arrive désormais avec amour ".
Le jugement sans concession du président Salazar sur le comportement de l'ambassadeur nous permet de comprendre ce qui conditionne la soumission à l'autorité.
" [Il a osé] mettre ses impératifs de conscience au-delà de ses obligations de fonctionnaire ".
Tant que l'autorité représente un idéal auquel le sujet peut se conformer, il lui obéit. Ce processus est également possible si ses idéaux propres sont affaiblis ; ce qui peut se produire dans les périodes de dépression collective ou particulièrement anxiogènes. C'est en tout cas cette hypothèse qui retient l'attention de Wilhem Reich à propos de la fascination qu'à pu exercer Hitler sur le peuple allemand, confronté alors à une crise économique et identitaire particulièrement exacerbée.
Cependant, c'est à partir du moment où il y a une contradiction trop grande entre ses propres idéaux et les exigences de l'autorité officielle, que la fusion idéalisante avec celle-ci devient difficile. L'individu, pris dans un conflit de loyauté entre son devoir et ses propres valeurs, c'est à dire son Surmoi et son Idéal du Moi, aura de plus en plus de mal à se soumettre aux règles imposées par le pouvoir dominant.
C'est cet instant de la désobéissance que l'expérience de Stanley Milgram étudie particulièrement. Elle pose la question de la relation du sujet à la pression de conformité et du moment où celui -ci sera en mesure de sortir de sa posture d'agent pour redevenir acteur. Elle illustre la difficulté pour tout être humain de trouver la bonne distance par rapport à l'Autorité. Le psychologue Paul Diehl parle à ce propos d'hétéronomie et d'autonomie. L'individu est dit hétéronome quand il se confond au groupe et autonome quand il parvient suffisamment à s'individualiser.
C'est cet " instant dramatique " qu'on vécut, sans doute, certains gendarmes de la Police Nationale le 14 aout 1941 quand Pétain demanda , à tous les fonctionnaires, de prêter serment d'obéissance et fidélité à son gouvernement dit " gouvernement de Vichy ". C'est cette phrase terrible que tous les représentants de l'ordre présents à cet événement durent exprimer en levant le bras : " Je jure fidélité à la personne du chef de l'État en tout ce qu'il commande dans l'intérêt du service, de l'ordre public et pour le bien de la patrie ".
On sait dans quelle ambiguïté cette injonction les a placés face à l'Histoire, en les rendant complices des envahisseurs, notamment dans la traque des juifs, des résistants, des francs maçons, des communistes, de ceux qu'on appelaient à l'époque les collaborateurs. Certains y ont même trouvé du plaisir et sont même allés avec zèle au delà des demandes des allemands.
L'exposition " Désobéir pour sauver " rend hommage à ces quelques courageux qui au péril de leur vie ont refusé plus ou moins formellement de soutenir une telle entreprise. On peut citer pour exemple le cas de de Roger Belbéoch qui, en 1942, occupe un poste stratégique dans le commissariat du XIIe arrondissement de Paris puis à celui de Nogent-sur-Marne. Employé aux écritures, il fournit des faux papiers d’identité, des certificats de travail et d’hébergement. Il prévient ceux qui sont recherchés et ceux qui risquent d’être perquisitionnés. Dénoncé, arrêté et torturé, il est libéré par la Résistance. Il figure à juste titre dans la " Liste des Justes " parmi les nations réalisée en 1984 par le mémorial de Yad Vashem de Jérusalem. On retrouve dans la note de synthèse de Luc Rudoph La préfecture de Police, une résistance oubliée 1940 - 1944 aussi de nombreux cas de policiers qui refusèrent d'être les complices actifs des orientations pétainistes.
" Il se peut que j'aie commis des erreurs mais, si je l'ai fait, ce ne fut pas intentionnellement car j'ai toujours agi selon ma conscience. J'ai été guidé seulement par le sens du devoir, en pleine connaissance de mes responsabilités. "
" Je ne pouvais faire des distinctions entre les nationalités, les races ou les religions, étant donné que j'obéissais à des raisons d'humanité qui, elles, ne font pas de distinction entre les nationalités, les races ou les religions. "
" Si autant de juifs, ajoutera-t-il, peuvent souffrir au nom d'Hitler, il n'y a rien de choquant à ce qu'un catholique souffre pour tant de juifs. Je ne pouvais agir autrement, et j'accepte ce qu'il m'arrive désormais avec amour ".
Le jugement sans concession du président Salazar sur le comportement de l'ambassadeur nous permet de comprendre ce qui conditionne la soumission à l'autorité.
" [Il a osé] mettre ses impératifs de conscience au-delà de ses obligations de fonctionnaire ".
Tant que l'autorité représente un idéal auquel le sujet peut se conformer, il lui obéit. Ce processus est également possible si ses idéaux propres sont affaiblis ; ce qui peut se produire dans les périodes de dépression collective ou particulièrement anxiogènes. C'est en tout cas cette hypothèse qui retient l'attention de Wilhem Reich à propos de la fascination qu'à pu exercer Hitler sur le peuple allemand, confronté alors à une crise économique et identitaire particulièrement exacerbée.
Cependant, c'est à partir du moment où il y a une contradiction trop grande entre ses propres idéaux et les exigences de l'autorité officielle, que la fusion idéalisante avec celle-ci devient difficile. L'individu, pris dans un conflit de loyauté entre son devoir et ses propres valeurs, c'est à dire son Surmoi et son Idéal du Moi, aura de plus en plus de mal à se soumettre aux règles imposées par le pouvoir dominant.
C'est cet instant de la désobéissance que l'expérience de Stanley Milgram étudie particulièrement. Elle pose la question de la relation du sujet à la pression de conformité et du moment où celui -ci sera en mesure de sortir de sa posture d'agent pour redevenir acteur. Elle illustre la difficulté pour tout être humain de trouver la bonne distance par rapport à l'Autorité. Le psychologue Paul Diehl parle à ce propos d'hétéronomie et d'autonomie. L'individu est dit hétéronome quand il se confond au groupe et autonome quand il parvient suffisamment à s'individualiser.
C'est cet " instant dramatique " qu'on vécut, sans doute, certains gendarmes de la Police Nationale le 14 aout 1941 quand Pétain demanda , à tous les fonctionnaires, de prêter serment d'obéissance et fidélité à son gouvernement dit " gouvernement de Vichy ". C'est cette phrase terrible que tous les représentants de l'ordre présents à cet événement durent exprimer en levant le bras : " Je jure fidélité à la personne du chef de l'État en tout ce qu'il commande dans l'intérêt du service, de l'ordre public et pour le bien de la patrie ".
On sait dans quelle ambiguïté cette injonction les a placés face à l'Histoire, en les rendant complices des envahisseurs, notamment dans la traque des juifs, des résistants, des francs maçons, des communistes, de ceux qu'on appelaient à l'époque les collaborateurs. Certains y ont même trouvé du plaisir et sont même allés avec zèle au delà des demandes des allemands.
L'exposition " Désobéir pour sauver " rend hommage à ces quelques courageux qui au péril de leur vie ont refusé plus ou moins formellement de soutenir une telle entreprise. On peut citer pour exemple le cas de de Roger Belbéoch qui, en 1942, occupe un poste stratégique dans le commissariat du XIIe arrondissement de Paris puis à celui de Nogent-sur-Marne. Employé aux écritures, il fournit des faux papiers d’identité, des certificats de travail et d’hébergement. Il prévient ceux qui sont recherchés et ceux qui risquent d’être perquisitionnés. Dénoncé, arrêté et torturé, il est libéré par la Résistance. Il figure à juste titre dans la " Liste des Justes " parmi les nations réalisée en 1984 par le mémorial de Yad Vashem de Jérusalem. On retrouve dans la note de synthèse de Luc Rudoph La préfecture de Police, une résistance oubliée 1940 - 1944 aussi de nombreux cas de policiers qui refusèrent d'être les complices actifs des orientations pétainistes.
Quand les cadres se rebellent (Jean-Claude Thoenig et David Courpasson)
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6. Prendre place de chef : à l'épreuve de nos premières identifications ?
Occuper cette place ne va pas de soi car elle est au carrefour plusieurs dimensions qui s'enchevêtrent les unes dans les autres : sa propre histoire avec l'autorité, les images valorisées par la société, les attentes des collaborateurs et les enjeux économiques des entreprises dans lesquelles elle s'exerce.
Mais quelle que soit son origine, occuper la place de l'autorité est une fonction qui interpelle plusieurs niveaux de conscience. Elle convoque d'abord nos propres identifications aux figures d'autorités qui ont façonnées nos conceptions actuelles de l'autorité. Les deux figures primaires de l'autorité sont le père et la mère.
Dans la mesure où chacun construit son identité dans le regard de l'autre (Lacan, Hegel), nos représentations sont très dépendantes de ces premières expériences. La première question à se poser pour mettre à jour les fondements de notre manière de fonctionner dans la posture d'autorité passe évidemment par le souvenir de la manière dont celle-ci était exercée dans le cadre familiale initiale ?
Ce premier niveau d'interrogation nous emmène à interroger les figures dominantes de l'autorité valorisée par la société. Depuis 68, on sait que ce n'est plus la figure du père dans sa version patriarcale en tout cas qui est privilégiée. Celle-ci exigeait des individus soumission et obéissance. Elle invitait vigoureusement à se mettre en conformité avec les règles dominantes et laissait peu de place à l'initiative personnelle. Elle fabriquait des agents dociles et serviles dont l'économie de production avait besoin.
Mai 68 a rejeté avec violence cette image surmoïque pour faire émerger une figure plus démocratique cherchant à se mettre à l'écoute des subjectivités. Mais en rejetant de façon radicale la figure paternelle traditionnelle de l'autorité, elle a privilégié une figure maternelle considérant que la réalisation des désirs était sa mission première . Ce renversement a généré une réelle confusion fabriquant des individus à la recherche permanente de leurs limites, prisonnier d' une quête permanente de toute puissance, ne supportant plus aucune contrainte et en compétition permanente les uns avec les autres.
Dans cette dynamique ce n'est plus l'instance du Surmoi qui est sollicitée mais celle de l'Idéal du Moi. Avoir de l'autorité ne consiste plus à être capable de faire appliquer des règles mais à susciter un désir, donc à séduire en proposant des expériences qui favorisent le développement de l'estime de soi. L'autorité repose désormais non plus sur la capacité à soumettre mais à donner envie, à inspirer. Cela suppose que les représentants de l'autorité soient eux mêmes animés par des idéaux pour réveiller ceux de leurs collaborateurs. Ce qui dans une société libérale est plus difficile, les idéaux se résumant la plupart du temps à la satisfaction des pulsions par la consommation et la recherche du profit.
Les difficultés à exercer cette fonction sont aujourd'hui multiples. L'entreprise est encore restée très accrochée au modèle vertical de l'autorité; ce qui correspond plus aux attentes des individus du fait de leur apprentissage.
Mais quelle que soit son origine, occuper la place de l'autorité est une fonction qui interpelle plusieurs niveaux de conscience. Elle convoque d'abord nos propres identifications aux figures d'autorités qui ont façonnées nos conceptions actuelles de l'autorité. Les deux figures primaires de l'autorité sont le père et la mère.
Dans la mesure où chacun construit son identité dans le regard de l'autre (Lacan, Hegel), nos représentations sont très dépendantes de ces premières expériences. La première question à se poser pour mettre à jour les fondements de notre manière de fonctionner dans la posture d'autorité passe évidemment par le souvenir de la manière dont celle-ci était exercée dans le cadre familiale initiale ?
Ce premier niveau d'interrogation nous emmène à interroger les figures dominantes de l'autorité valorisée par la société. Depuis 68, on sait que ce n'est plus la figure du père dans sa version patriarcale en tout cas qui est privilégiée. Celle-ci exigeait des individus soumission et obéissance. Elle invitait vigoureusement à se mettre en conformité avec les règles dominantes et laissait peu de place à l'initiative personnelle. Elle fabriquait des agents dociles et serviles dont l'économie de production avait besoin.
Mai 68 a rejeté avec violence cette image surmoïque pour faire émerger une figure plus démocratique cherchant à se mettre à l'écoute des subjectivités. Mais en rejetant de façon radicale la figure paternelle traditionnelle de l'autorité, elle a privilégié une figure maternelle considérant que la réalisation des désirs était sa mission première . Ce renversement a généré une réelle confusion fabriquant des individus à la recherche permanente de leurs limites, prisonnier d' une quête permanente de toute puissance, ne supportant plus aucune contrainte et en compétition permanente les uns avec les autres.
Dans cette dynamique ce n'est plus l'instance du Surmoi qui est sollicitée mais celle de l'Idéal du Moi. Avoir de l'autorité ne consiste plus à être capable de faire appliquer des règles mais à susciter un désir, donc à séduire en proposant des expériences qui favorisent le développement de l'estime de soi. L'autorité repose désormais non plus sur la capacité à soumettre mais à donner envie, à inspirer. Cela suppose que les représentants de l'autorité soient eux mêmes animés par des idéaux pour réveiller ceux de leurs collaborateurs. Ce qui dans une société libérale est plus difficile, les idéaux se résumant la plupart du temps à la satisfaction des pulsions par la consommation et la recherche du profit.
Les difficultés à exercer cette fonction sont aujourd'hui multiples. L'entreprise est encore restée très accrochée au modèle vertical de l'autorité; ce qui correspond plus aux attentes des individus du fait de leur apprentissage.
7. Qu'attendent les collaborateurs de l'autorité
Le manifeste du nouveau management est assez révélateur des attentes des collaborateurs vis à vis de leurs managers.
Dans cette nouvelle configuration, les collaborateurs ne recherchent plus le " père idéal " dans la relation d'autorité. Ils ne supportent plus d'être dirigé sans comprendre. Ils ont besoin de comprendre le sens de l'action, d'égalité et de bienveillance pour donner leur confiance.
Le modèle précédent gênerait une obéissance servile qui transformait les salariés en agents exécutants. D'une certaine manière, il organisait une sorte de régression généralisée qui se traduisait une " inhibition d'action permanente ". La soumission était la condition de la reconnaissance.
Les modalités ont aujourd'hui changé. La reconnaissance est conditionnée par le degré d'engagement des acteurs. On lui demande de se consacrer " corps et âme " à son travail. C'est la condition de son efficacité car les défis sont nombreux. La performance ne peut plus s'obtenir par le simple respect des règles. C'est aussi une affaire de motivation, en d'autres termes de désir. Pour réaliser " cette haute performance ", la question qui se pose est donc bien de mobiliser les forces de vives de la personne, en termes plus triviaux, de la faire grimper en haut de la Pyramide de Maslow.. En affirmant que la motivation intrinsèque était plus puissante que la motivation extrinsèque, Herzberg d'une certaine façon défendait l'idée qu'il fallait atteindre les couches profondes de la personnalité du sujet.
Max Pagès en son temps avait commencé à s'interroger sur cette emprise que voulait ment exercé le management sur les consciences. Mais c'est surtout le mérite de Nicole Aubert et de Vincent de Gaulejac d'avoir attiré l'attention sur l'ambiguïté de cette conception.
Dans cette nouvelle configuration, les collaborateurs ne recherchent plus le " père idéal " dans la relation d'autorité. Ils ne supportent plus d'être dirigé sans comprendre. Ils ont besoin de comprendre le sens de l'action, d'égalité et de bienveillance pour donner leur confiance.
Le modèle précédent gênerait une obéissance servile qui transformait les salariés en agents exécutants. D'une certaine manière, il organisait une sorte de régression généralisée qui se traduisait une " inhibition d'action permanente ". La soumission était la condition de la reconnaissance.
Les modalités ont aujourd'hui changé. La reconnaissance est conditionnée par le degré d'engagement des acteurs. On lui demande de se consacrer " corps et âme " à son travail. C'est la condition de son efficacité car les défis sont nombreux. La performance ne peut plus s'obtenir par le simple respect des règles. C'est aussi une affaire de motivation, en d'autres termes de désir. Pour réaliser " cette haute performance ", la question qui se pose est donc bien de mobiliser les forces de vives de la personne, en termes plus triviaux, de la faire grimper en haut de la Pyramide de Maslow.. En affirmant que la motivation intrinsèque était plus puissante que la motivation extrinsèque, Herzberg d'une certaine façon défendait l'idée qu'il fallait atteindre les couches profondes de la personnalité du sujet.
Max Pagès en son temps avait commencé à s'interroger sur cette emprise que voulait ment exercé le management sur les consciences. Mais c'est surtout le mérite de Nicole Aubert et de Vincent de Gaulejac d'avoir attiré l'attention sur l'ambiguïté de cette conception.
8. L'émergence d'une conception plus démocratique de l'autorité dans les organisations créatives
Toutes les études réalisées depuis une vingtaine d'années sur la motivation des salarié(e)s français (CCA, Gallup, Ifop, Baromètre CGC, etc..) montrent clairement une dégradation permanente et continue de leur " engagement ". Dans certaines entreprises, on utilise même le terme de " présentéisme " pour qualifier le comportement faiblement engagé voire désengagé des travailleurs. Cela signifie que de plus en plus de gens apportent leur corps mais laisse leur intelligence " au vestiaire ". Or cela est particulièrement problématique dans une économie de la connaissance fondée sur ce qu'on appelle la compétitivité hors prix.
Celle-ci comme l'a fort bien montré Norbert Alter passe par la mobilisation des intelligences dans le cadre des " échanges ordinaires ". C'est la confiance réciproque entre les acteurs qui leur permet de mettre en commun leurs savoirs et leur imagination et générer ainsi des innovations. La plupart en effet des innovations ne relève de démarches codifiées mais d'une fertilisation croisée.
C'est toujours dans le travail réel que naissent les idées; très rarement dans le travail prescrit. C'est dans l'organisation clandestine que les opérateurs trouvent souvent des solutions aux problèmes posés. Les japonais l'avaient compris depuis longtemps lorsque Matsushita rappelait dans un de ces discours que le management ne consistait pas à asservir mais libérer la créativité de tous.
La conception hiérarchique du management a des effets pervers. Elle met l'accent sur la dimension formelle de l'action humaine comme source d'efficacité, privilégiant les pratiques procédurales de contrôle confrontant ainsi les salariés à un véritable paradoxe: créer et rendre constamment des comptes.
Les dirigeants ont souvent tendance à se plaindre du comportement des salariés. Une autre façon de concevoir les choses consisterait à considérer qu'ils sont peut - être les patients désignés par le système; en d'autres termes que leur découragement parle aussi des incohérences managériales dans lesquelles ils sont placés. On leur demande d'être créatifs tout en étant constamment sommés de satisfaire à l'obsession du contrôle ; on leur de mande de renoncer à une partie de leur rémunération indirecte alors qu'ils sont confronté(e)s à une intensification du travail ; on leur demande d'être plus productif alors qu'il faut être imaginatif ; en bref, on leur demande l'impossible. C'est précisément selon Bateson " ce qui peut rendre l'Autre fou ".
Plusieurs dirigeants atypiques comme Jean-François Zobrist qui a piloté pendant plus de 30 ans l'entreprise Favi, Michel Muzenhuter d'Usocom, Maurice Brakha de Global technologies, etc...ont fait, avec succès, le pari de la confiance et de la responsabilisation et ont montré qu'un autre management était possible.
Un chercheur Isaac Getz a pris très au sérieux ces expériences et commence à poser les bases d'un management plus libéré qui semble prometteur et surtout plus adapté aux besoins des individus et aux enjeux stratégiques des organisations. Pour survivre et se développer, tous les spécialistes s'accordent pour dire qu'il faut monter en gamme, se différencier pour offrir plus de valeur aux clients pour que ceux-ci acceptent de payer plus cher. Cela ne se fera pas sans " l'humain ". Dans les nouveaux business modèles émergents, celui-ci ne peut plus être assimilé à un coût mais à un investissement. Google est un exemple affirmé de cette nécessaire orientation puisque les salariés peuvent consacrer 20% de leur temps de travail à des projets personnels. Il faudra sans doute inventer un autre terme que celui de " ressources humaines "...
Celle-ci comme l'a fort bien montré Norbert Alter passe par la mobilisation des intelligences dans le cadre des " échanges ordinaires ". C'est la confiance réciproque entre les acteurs qui leur permet de mettre en commun leurs savoirs et leur imagination et générer ainsi des innovations. La plupart en effet des innovations ne relève de démarches codifiées mais d'une fertilisation croisée.
C'est toujours dans le travail réel que naissent les idées; très rarement dans le travail prescrit. C'est dans l'organisation clandestine que les opérateurs trouvent souvent des solutions aux problèmes posés. Les japonais l'avaient compris depuis longtemps lorsque Matsushita rappelait dans un de ces discours que le management ne consistait pas à asservir mais libérer la créativité de tous.
La conception hiérarchique du management a des effets pervers. Elle met l'accent sur la dimension formelle de l'action humaine comme source d'efficacité, privilégiant les pratiques procédurales de contrôle confrontant ainsi les salariés à un véritable paradoxe: créer et rendre constamment des comptes.
Les dirigeants ont souvent tendance à se plaindre du comportement des salariés. Une autre façon de concevoir les choses consisterait à considérer qu'ils sont peut - être les patients désignés par le système; en d'autres termes que leur découragement parle aussi des incohérences managériales dans lesquelles ils sont placés. On leur demande d'être créatifs tout en étant constamment sommés de satisfaire à l'obsession du contrôle ; on leur de mande de renoncer à une partie de leur rémunération indirecte alors qu'ils sont confronté(e)s à une intensification du travail ; on leur demande d'être plus productif alors qu'il faut être imaginatif ; en bref, on leur demande l'impossible. C'est précisément selon Bateson " ce qui peut rendre l'Autre fou ".
Plusieurs dirigeants atypiques comme Jean-François Zobrist qui a piloté pendant plus de 30 ans l'entreprise Favi, Michel Muzenhuter d'Usocom, Maurice Brakha de Global technologies, etc...ont fait, avec succès, le pari de la confiance et de la responsabilisation et ont montré qu'un autre management était possible.
Un chercheur Isaac Getz a pris très au sérieux ces expériences et commence à poser les bases d'un management plus libéré qui semble prometteur et surtout plus adapté aux besoins des individus et aux enjeux stratégiques des organisations. Pour survivre et se développer, tous les spécialistes s'accordent pour dire qu'il faut monter en gamme, se différencier pour offrir plus de valeur aux clients pour que ceux-ci acceptent de payer plus cher. Cela ne se fera pas sans " l'humain ". Dans les nouveaux business modèles émergents, celui-ci ne peut plus être assimilé à un coût mais à un investissement. Google est un exemple affirmé de cette nécessaire orientation puisque les salariés peuvent consacrer 20% de leur temps de travail à des projets personnels. Il faudra sans doute inventer un autre terme que celui de " ressources humaines "...
Libérer l'entreprise (Isaac Getz)
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9. Exercices de consolidation personnelle
1. Quelle était l'attitude de votre père ? de votre mère ?
- en tant que représentant l'autorité ?
- face à l'autorité ?
- Que leur avez-vous empruntés ?
- Que voulez-vous rejeter ?
2. Quelles sont les personnes qui vous ont le plus marqué(e) dans votre construction personnelle (En dehors de vos parents) ? Quelles valeurs représentent-ils pour vous ? Quels sont les actes ou comportements que vous pouvez mettre en oeuvre pour leur rester fidèle ?
3. Adolescent(e), quelles ont été vos héros ? Quelles valeurs représentent-ils pour vous ?
4. Aujourd'hui qu'elles sont les personnes que vous admirez le plus ? Quelles valeurs représentent-ils pour vous ?
5. Quels sont vos meilleurs souvenirs ? Quelles valeurs avez vous mises en oeuvre à cette occassion ?
6.Quels sont les points sur lesquels en tant que manager, vous ne renoncerez jamais ? Quelles valeurs représentent-elles pour vous ?
7. Qu'est ce qui vous déstabilise le plus de la part de vos collaborateurs ?
7. Revoyez ces difficultés à la lumière de votre système de valeur. Quels comportements, allez-vous mettre en oeuvre ?
- en tant que représentant l'autorité ?
- face à l'autorité ?
- Que leur avez-vous empruntés ?
- Que voulez-vous rejeter ?
2. Quelles sont les personnes qui vous ont le plus marqué(e) dans votre construction personnelle (En dehors de vos parents) ? Quelles valeurs représentent-ils pour vous ? Quels sont les actes ou comportements que vous pouvez mettre en oeuvre pour leur rester fidèle ?
3. Adolescent(e), quelles ont été vos héros ? Quelles valeurs représentent-ils pour vous ?
4. Aujourd'hui qu'elles sont les personnes que vous admirez le plus ? Quelles valeurs représentent-ils pour vous ?
5. Quels sont vos meilleurs souvenirs ? Quelles valeurs avez vous mises en oeuvre à cette occassion ?
6.Quels sont les points sur lesquels en tant que manager, vous ne renoncerez jamais ? Quelles valeurs représentent-elles pour vous ?
7. Qu'est ce qui vous déstabilise le plus de la part de vos collaborateurs ?
7. Revoyez ces difficultés à la lumière de votre système de valeur. Quels comportements, allez-vous mettre en oeuvre ?