Le Temps des Equipes et des Projets

2.6 Construire un système de communication pertinent pour son équipe


1. L'intelligence collective de l'Action passe par le partage de l'information

La pertinence des décisions est le préalable de l'intelligence collective de l'Action. Aujourd'hui les managers ont besoin que leurs collaborateurs prennent des décisions et mènent des actions pertinentes, c'est à dire adaptées aux environnements dans lesquels ils sont confrontés et cohérents avec les responsabilités qui leurs sont confiées.

Pendant longtemps, notamment en France, le pouvoir est resté centralisé sur la personne du manager, comme si lui-seul détenait la vérité. Dans cette logique, il n'était pas nécessaire de créer des instances de communication. Pire même, pour assurer son pouvoir, il convient dans ce schéma de confisquer l'information pour avoir une autorité incontournable vis à vis de ses collaborateurs. C'est évidemment une conception archaïque du pouvoir, voire féodale. Celle-ci est peut être compatible avec un système taylorien où il s'agit de toujours répéter la même chose mais présente peu d'intérêt dans un univers où la survie économique passe par l'innovation.

Dans un monde complexe et confusant, ce sont les acteurs intégrés dans les réalités concrètes qui ont accès au réel. L'intelligence collective qu'on peut provisoirement définir comme la capacité à voir clair dans la complexité, passe par la confrontation des points de vue. Les représentations ne peuvent plus être la construction d'un seul mais de plusieurs acteurs. Le partage de l'information devient une nécessité et le rôle du manager consiste alors plutôt à organiser le partage de l'information entre les acteurs plutôt qu'à la retenir.

Dans cette perspective, le manager passe de la figure d'un père autoritaire à celle d'un chef d'orchestre organisant la distribution répartie des énergies individuelles. Au-delà de cette métaphore, il s'agit de transformer l'entreprise en cité démocratique en partageant l'information et donc le pouvoir.

2. Les 4 espaces - temps de la communication

Pour aller dans cette direction d'une démocratie économique plus intelligente qu'obéissante, la création d'instances de communication devient une nécessité. Cette orientation n'est pas idéologique mais pragmatique. C'est en partageant l'information de façon régulière et organisée que les représentations des acteurs peuvent se faire et évoluer en fonction du réel. Cette conception est inséparable du nouvel environnement économique dans lequel nous sommes et des nouvelles exigences stratégiques qui en découlent.

La théorie des 4 Temps du Management d' Octave Gélinier sur laquelle nous nous appuyons, nous invite à structurer les collaborateurs sur 4 espaces-temps. On peut s'en inspirer en construisant un système de communication interne. C'est ce que nous avons mis en place avec succès dans de nombreuses entreprises partageant cette conception que la performance est davantage le résultat d'un processus collectif que la mobilisation hétéroclite des talents personnels.

Rappelons en les principes :


[TABLE, largeur : 530,bordure:#0033CC] Niveau; Temps; Horizon temporel; Espace; Principes 1; Action; Court terme; Les clients internes et externes; Action au quotidien 2; Equipes; Moyen Terme; L'équipe en interaction; Objectifs à atteindre 3; Stratégie; Long Terme; L'entreprise et son environnement; Vision 4; Valeurs; Durable; Environnement et RSE; Valeurs clés [TABLE]

Le temps de l'Action est aussi appelé " Temps opératoire "
Le Temps des Equipes est aussi appelé " Temps organisationnel "

3. Typologie des réunions selon la théorie des 4 Temps du Management

Les réunions de niveau 1 sont destinées à résoudre des problèmes ponctuels rencontrés par les acteurs dans leurs actions de tous les jours. Elles ont pour but de faciliter l'Action au quotidien. Il est judicieux de les positionner en début et ou en fin de semaine. Ces réunions permettent de rassembler les sollicitations et permettent de diminuer le nombre de sollicitations en journée. Il est important que ces réunions soient courtes et fréquentes.

Les réunions de niveau 2 sont utiles pour faire le point sur l'avancée des objectifs et mettre en place les actions correctives qui conviennent en cas de dérives. La fréquence peut être de 1 fois par mois. Leur durée est un peu plus longue de 2 à 3h généralement.

Les réunions de niveau 3 sont des réunions plus heuristiques centrées sur l'exploration des axes stratégiques. Elles passent par un certain approfondissement et supportent difficilement les interruptions. Il peut être utile de les faire dans un lieu protégé.

Les réunions de niveau 4 sont centrées sur l'acculturation. Les supports utilisés devront avoir une dimension symbolique pour mobiliser les idéaux des acteurs. Par exemple, la valeur de ténacité et de courage pourra être mise en scène avec l'intervention d'un alpiniste (Ex. J. Frachon) ; l'esprit d'équipe pourra être illustré avec l'intervention d'un entraîneur de rugby, etc.

Certaines entreprises ont utilisé des actions de formation en " hypergroupe " (réunissant plus de 50 personnes en simultané) pour fédérer les salariés sur des valeurs communes. Le séminaire TEMPLUS, développé par l'Expansion, s'inscrivait dans cette philosophie. La compagnie d'aviation SAS a fait appel à Time Manager International pour réaliser une série de séminaires appelés " Attitude de Service ". Certaines entreprises n'ont hésité à utiliser le rire pour attirer l'attention de leurs salariés sur certaines valeurs clés, en invitant ce qu'on a appelé, " les clowns d'entreprise ". En fait, chaque fois qu'une intervention impacte les émotions de la communauté et l'imaginaire collectif, elle contribue au renforcement de la culture de l'entreprise.


[TABLE, largeur : 530,bordure:#0033CC] Niveau; Temps; Objectifs; Modalités 1; Action; Résoudre les Pbs quotidiens; 1h en début de semaine ou en fin 2; Equipes; Faire le point sur les Objectifs; 2h par mois 3; Stratégie; Concevoir la stratégie; 6h par semestre 4; Valeurs; Comportementaux; Evènements symboliques [TABLE]

4. L'apport de l'approche systémique dans la conduite de réunion

Le comportement des participants dans une réunion ne dépend pas seulement des talents de l'animateur. Selon Michel Crozier, " le système fait l'acteur ". Or, on constate, notamment en France, que le cadre est rarement bien défini. Non seulement beaucoup de réunions sont improvisées mais elles ne sont pas toujours " cadrées ".

C'est l'école de Palo Alto qui a surtout mis en évidence l'importance du cadre sur le comportement des acteurs. Cette approche s'est développée au départ dans le domaine de la psychothérapie. Elle considère que la personne qui présente les symptômes est le " patient désigné " par le groupe d'appartenance. Pour réduire sa souffrance, elle intervient moins sur la personne mais plus sur le système social qui la contient. En clarifiant les rôles de façon partagée entre les acteurs, le groupe " contenant " produit moins d'angoisse, ce qui contribue à améliorer généralement le comportement pathologique du " patient désigné ".

Le psychosociologue Georges Lapassade avait développé dans les années 80 une approche appelée " analyse institutionnelle ". Celle-ci s'est surtout répandue dans les institutions psychiatriques. Elle partait du principe que si les patients n'arrivaient pas à progresser, cela relevait en priorité des dysfonctionnements de l'institution. Pour soigner les patients, il fallait non seulement intervenir auprès d'eux et de leur famille mais aussi soutenir l'institution dans la résolution de certains problèmes.

Dans le domaine du management, il existe souvent une certaine confusion dans les questions abordées dans les réunions par les acteurs. Cette situation est liée la plupart du temps à une absence de clarté des " instances " de concertation collective. Les participants sont dans la confusion et mélangent les niveaux des problèmes.

Cette confusion peut se situer à plusieurs niveaux :
- Au niveau des thèmes abordés en mélangeant des thèmes stratégiques et opératoires par exemple.
- Au niveau du rapport collectif-individuel : il arrive que des entretiens individuels se déclenchent spontanément au cours d'une réunion.

Ce mélange des genres est l'expression d'une absence de clarification systémique. Les managers n'ayant pas pris le soin de construire un " système de communication ", les acteurs ne situent pas dans le temps et l'espace les niveaux de leurs interrogations et s'expriment sans pouvoir situer leur questionnement dans l'ordre collectif symbolique.

L'approche systémique évoquée plus haut a, en effet, tout son intérêt pour structurer les acteurs dans leur communication. La théorie des 4 Temps du Management, devient dans cette perspective une ressource conceptuelle précieuse pour définir une " infrastructure " ou mieux encore " une méta structure " de communication.

5. La culture d'entreprise s'exprime à travers les comportements quotidiens

L'analyse culturelle permet de décoder les comportements en réunion des acteurs comme des signes signifiants quelque chose de l'imaginaire collectif. Le terme d'imaginaire collectif ne doit pas être confondu avec l'imagination. Gilbert Durand, anthropologue, utilisait plutôt le terme " d'imaginal " pour qualifier ce niveau conscience. L'imaginal est évidemment inconscient. Les comportements sont un des moyens pour décoder cet " imaginal ". L'imaginal d'une communauté est constituée d'images structurantes comme des mythes, des héros, des archétypes. Freud, dans Totem et Tabou, avait, lui aussi, montré comment les hommes fabriquent des mythologies pour rendre possible leur vie collective et sortir de la barbarie.

Kaës définit la culture comme " un code encodeur " des énergies psychiques individuelles. Ce code est le résultat de l'histoire de l'entreprise ou plus exactement des interactions que l'entreprise a établi avec son environnement.

Vincent de Gaullejac et Nicole Aubert, s'appuyant aussi sur le modèle psychanalytique définissent la culture comme l'Idéal du Moi de l'Organisation. Celui-ci s'exprime de façon implicite et explicite. La dimension explicite est facilement accessible à travers les discours officiels de l'entreprise, publiés généralement dans les documents de communication ou les discours de ses dirigeants. La dimension implicite se perçoit à travers les comportements " quotidiens et coutumiers " de l' acteur (Laplantine).

Pour comprendre ou décoder ces " micro-comportements ", le psychanalyste lacanien Denis Vasse, nous recommande de lire le comportement comme un signe porteur de sens. Cela est d'autant plus facile qu'on a le statut d "étranger". Si on est pris dans les rets (filets) de la culture, le processus d'interprétation est impossible parce qu'on vit la culture et qu'il est difficile d'être à la fois simultanément spectateur et acteur. Pour décoder, la culture, il est important donc, d'occuper une posture d'extériorité. C'est cette posture qui permet de se poser les bonnes questions : Non pas seulement " Qu'est ce que c'est ? Mais aussi " Qu'est- ce-que ça veut dire ? "

La culture d'entreprise a son importance car elle est loin d'être abstraite. Elle conditionne les modes de perception, les décisions, les comportements des acteurs. Si les acteurs restent fixés à des représentations passées, les réponses produites aux sollicitations du marché ne seront pas adaptées et l'entreprise risquera de se dépositionner. Pour Kets de Vries, la névrose d'entreprise est la conservation de comportements anciens dans le présent. La persistance de ces comportements anciens dans le présent produit " la rationalité limitée ".

Si on choisit de d'appuyer sur notre modèle "Loi - Foi", présenté dans l'article ?, on peut repérer 4 possibilités :


[TABLE, largeur:550,bordure:#0033CC] N°;Comportements;Modèle culturel;Valeurs clés;Archétypes 1; Réunions très courtes;Loi;Résultats;Père 2; Réunions interminables;Foi;Partage;Mère 3; Réunions conflictuelles;Horde;La Loi du plus fort;Enfant 4; Réunions structurées;Démocratie;Concertation;Cité démocratique [TABLE]

Ces hypothèses rejoignent les travaux du professeur Matar Mbaye sur l'" Ethos managérial " que nous publierons prochainement.

6. Comportements organisationnels et cultures d'entreprise

A partir des catégories fournies par la typologie du CCA, on pourra également repérer 4 types de pratiques qui mettent clairement en évidence l'interaction entre culture d'entreprise et comportements en réunion :


de l'entreprise en situation de réunion mais aussi faire progresser la culture d'entreprise. L'espace-temps de la réunion peut constituer un " objet transitionnel " non dangereux pour faire progresser la culture d'entreprise vers plus de maturité.
 


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