Les dangers du pouvoir et du succès : une analyse clinique des transgressions majeures
L'analyse des affaires impliquant Bernard Tapie, Jérôme Kerviel, Jean-Marie Messier, Bernard Madoff, Jean-Claude Mas, Philippe Berre, et Carlos Ghosn que nous avons réalisées, il y a quelques années met clairement en lumière les dangers du pouvoir et du succès. Ces éléments, lorsqu'ils se conjuguent, produisent une dynamique psychologique qui peut conduire à des transgressions majeures, non seulement en raison des individus eux-mêmes, mais aussi en raison du rôle du management et des structures organisationnelles.
Une dynamique psychologique amplifiée par le management
Lorsque le pouvoir et le succès se réunissent, ils engendrent une sorte d'hallucinose psychologique chez l'individu, où le "Moi" se dissout dans l'Idéal du Moi. Cette confusion confère au sujet un sentiment de toute-puissance, altérant son jugement et son éthique. Toutefois, cette dynamique n'est pas seulement individuelle. Les organisations jouent un rôle crucial dans l’exacerbation de ces comportements.
En effet, par leurs incitations constantes au dépassement et à la performance, les systèmes managériaux peuvent amener les individus à se dépasser et "à dépasser les bornes"....., souvent de manière inconsciente. Les individus sont poussés à exceller au-delà des limites raisonnables, créant un cercle vicieux où les comportements risqués deviennent la norme. Cette glorification collective génère une "griserie" psychologique peut conduire à ce que Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac ont appelé la brûlure de l'idéalité.
La "rationalité du Moi" est alors consumée dans l’incandescence de sa confusion avec l’Idéal du Moi. L’individu, plongé dans une euphorie de toute-puissance, perd sa capacité à distinguer les limites éthiques et rationnelles de ses actions. Ce processus est renforcé par le management qui valorise la performance à tout prix sans considérer les risques humains et organisationnels. (Et qui persiste depuis des années à rejeter les apports de la clinique !)
Cas cliniques : des trajectoires communes
Bernard Tapie : Manipulateur des systèmes financiers et juridiques, Tapie illustre comment l’ambition démesurée et le sentiment d’impunité ont peu l'amener à des transgressions majeures qui lui ont couté très chères. Son comportement a été facilité par un environnement tolérant les stratégies borderline tant qu'elles apportaient des résultats financiers ou ... politiques.
Jérôme Kerviel : Le trader de la Société Générale a été plongé dans un système managérial où la prise de risque était encouragée. Les gains qu’il générait étaient salués par ses supérieurs, renforçant un sentiment de toute-puissance et une dissociation des conséquences réelles de ses actes.
Jean-Marie Messier : Son rêve d'expansion pour Vivendi l'a conduit à des manipulations comptables et à une gestion hasardeuse. L’exaltation de sa vision d’empire a éclipsé toute forme de contrôle rationnel ou éthique.
Bernard Madoff : Le système de Ponzi qu'il a orchestré repose sur une exploitation systématique de la confiance des investisseurs, alimenté par une croyance collective dans son génie financier. Cette illusion a été renforcée par l’absence de régulation et par un management laxiste.
Jean-Claude Mas : En utilisant un gel non conforme pour ses implants mammaires, il a illustré la négligence criminelle où la quête de profit prend le pas sur la sécurité des consommateurs. Les systèmes de contrôle de qualité n'ont pas joué leur rôle dissuasif.
Philippe Berre : Usurpateur de fonctions, il incarne la manipulation de structures administratives pour assouvir un besoin personnel de reconnaissance.
Carlos Ghosn : Accusé de malversations financières, il a illustré les abus de pouvoir dans les entreprises multinationales, où l’absence de garde-fous favorise les dérives.
Une dynamique psychologique amplifiée par le management
Lorsque le pouvoir et le succès se réunissent, ils engendrent une sorte d'hallucinose psychologique chez l'individu, où le "Moi" se dissout dans l'Idéal du Moi. Cette confusion confère au sujet un sentiment de toute-puissance, altérant son jugement et son éthique. Toutefois, cette dynamique n'est pas seulement individuelle. Les organisations jouent un rôle crucial dans l’exacerbation de ces comportements.
En effet, par leurs incitations constantes au dépassement et à la performance, les systèmes managériaux peuvent amener les individus à se dépasser et "à dépasser les bornes"....., souvent de manière inconsciente. Les individus sont poussés à exceller au-delà des limites raisonnables, créant un cercle vicieux où les comportements risqués deviennent la norme. Cette glorification collective génère une "griserie" psychologique peut conduire à ce que Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac ont appelé la brûlure de l'idéalité.
La "rationalité du Moi" est alors consumée dans l’incandescence de sa confusion avec l’Idéal du Moi. L’individu, plongé dans une euphorie de toute-puissance, perd sa capacité à distinguer les limites éthiques et rationnelles de ses actions. Ce processus est renforcé par le management qui valorise la performance à tout prix sans considérer les risques humains et organisationnels. (Et qui persiste depuis des années à rejeter les apports de la clinique !)
Cas cliniques : des trajectoires communes
Bernard Tapie : Manipulateur des systèmes financiers et juridiques, Tapie illustre comment l’ambition démesurée et le sentiment d’impunité ont peu l'amener à des transgressions majeures qui lui ont couté très chères. Son comportement a été facilité par un environnement tolérant les stratégies borderline tant qu'elles apportaient des résultats financiers ou ... politiques.
Jérôme Kerviel : Le trader de la Société Générale a été plongé dans un système managérial où la prise de risque était encouragée. Les gains qu’il générait étaient salués par ses supérieurs, renforçant un sentiment de toute-puissance et une dissociation des conséquences réelles de ses actes.
Jean-Marie Messier : Son rêve d'expansion pour Vivendi l'a conduit à des manipulations comptables et à une gestion hasardeuse. L’exaltation de sa vision d’empire a éclipsé toute forme de contrôle rationnel ou éthique.
Bernard Madoff : Le système de Ponzi qu'il a orchestré repose sur une exploitation systématique de la confiance des investisseurs, alimenté par une croyance collective dans son génie financier. Cette illusion a été renforcée par l’absence de régulation et par un management laxiste.
Jean-Claude Mas : En utilisant un gel non conforme pour ses implants mammaires, il a illustré la négligence criminelle où la quête de profit prend le pas sur la sécurité des consommateurs. Les systèmes de contrôle de qualité n'ont pas joué leur rôle dissuasif.
Philippe Berre : Usurpateur de fonctions, il incarne la manipulation de structures administratives pour assouvir un besoin personnel de reconnaissance.
Carlos Ghosn : Accusé de malversations financières, il a illustré les abus de pouvoir dans les entreprises multinationales, où l’absence de garde-fous favorise les dérives.
La complicité inconciente des organisations
Dans chacun de ces cas, les organisations ont joué un rôle actif ou passif dans la genèse de ces transgressions. Par des incitations constantes au dépassement et une glorification des résultats, elles ont créé un environnement où les comportements à risque étaient volontairement ignorés , voire pire encouragés quand ce n'était pas récompensé.
Le "management par la motivation" repose sur la dimension narcissique du sujet comme l'expliquent tres bien Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac dans leur ouvrage "Le cout de l'excellence". en échange d'une reconnaissance financière et ou narcissique, les individus sont incités à aller au bout d'eux mêmes qui peut les conduire ce que ces chercheurs appellent à une certaine "brûlure de l’idéalité. Dans cette expérience, le Moi du sujet est entièrement dévorée par sa quête de reconnaissance et de toute-puissance.
Ces cas illustrent que les transgressions ne sont pas uniquement le fait d’individus isolés. Elles résultent d'une interaction entre la plus ou moins grande fragillité narcissque des individus et les incitations inconscientes du management. Les théories de la psychologie et de la sociologie clinique apportent à leur façon un éclairage sur cette problématique en nous invitant à considérer que les auteurs de ces faits divers ne sont pas totalement responsables de la transgression qu'ils commettent mais qu'ils sont aussi les "les patients désignés du système" qui les dirige. En répondant sans limites aux attentes abusive de la mère "Organisation", ils épousent sa folie.
Pour prévenir ces excès, une régulation entre les différentes parties prenantes apparait comme essentielle. La mise en place d’une gouvernance plus partagée pourrait être une première étape. Un comité éthique pourrait fournir également un avis sur la pertinence de cette stratégie en mettant en évidence ses impacts sur l'expérience subjective de travail des salariés.
Comprendre l’impact de ces mécanismes sur les individus est indispensable pour éviter que le rêve de performance ne devienne une "hallucinose" destructrice pour l’individu et la société, comme ce fut souvent le cas dans les histoires précitées.
Le "management par la motivation" repose sur la dimension narcissique du sujet comme l'expliquent tres bien Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac dans leur ouvrage "Le cout de l'excellence". en échange d'une reconnaissance financière et ou narcissique, les individus sont incités à aller au bout d'eux mêmes qui peut les conduire ce que ces chercheurs appellent à une certaine "brûlure de l’idéalité. Dans cette expérience, le Moi du sujet est entièrement dévorée par sa quête de reconnaissance et de toute-puissance.
Ces cas illustrent que les transgressions ne sont pas uniquement le fait d’individus isolés. Elles résultent d'une interaction entre la plus ou moins grande fragillité narcissque des individus et les incitations inconscientes du management. Les théories de la psychologie et de la sociologie clinique apportent à leur façon un éclairage sur cette problématique en nous invitant à considérer que les auteurs de ces faits divers ne sont pas totalement responsables de la transgression qu'ils commettent mais qu'ils sont aussi les "les patients désignés du système" qui les dirige. En répondant sans limites aux attentes abusive de la mère "Organisation", ils épousent sa folie.
Pour prévenir ces excès, une régulation entre les différentes parties prenantes apparait comme essentielle. La mise en place d’une gouvernance plus partagée pourrait être une première étape. Un comité éthique pourrait fournir également un avis sur la pertinence de cette stratégie en mettant en évidence ses impacts sur l'expérience subjective de travail des salariés.
Comprendre l’impact de ces mécanismes sur les individus est indispensable pour éviter que le rêve de performance ne devienne une "hallucinose" destructrice pour l’individu et la société, comme ce fut souvent le cas dans les histoires précitées.
Retour sur le cas Kerviel
Plusieurs articles mettent en lumière de nouveaux éléments dans l'affaire Jérôme Kerviel, ancien trader de la Société Générale, relançant le débat sur sa responsabilité et celle de la banque, telles qu'elles avaient été présentées en 2008 lors de la découverte du déficit abyssal qui avait fait la Une des médias.
Témoignage de Nathalie Le Roy
Nathalie Le Roy, ancienne commandante de police, a récemment révélé des informations suggérant que la Société Générale était au courant des agissements de Kerviel bien avant que l'affaire n'éclate. Elle explique avoir été confrontée à des pressions hiérarchiques l'empêchant de parler plus tôt. Son témoignage remet en question la version officielle de la banque, qui avait toujours affirmé ne pas être informée des opérations risquées de son trader.
Enregistrement clandestin
Un enregistrement audio clandestin a été rendu public, dans lequel un cadre de la Société Générale admet que la banque était consciente des activités de Kerviel. Cet enregistrement, réalisé à l'insu des protagonistes, apporte des preuves supplémentaires sur la connaissance préalable de la banque concernant les transactions effectuées par Kerviel.
Manipulation de l'enquête
Des allégations ont émergé selon lesquelles l'enquête initiale aurait été manipulée par la Société Générale pour minimiser sa propre responsabilité et faire de Kerviel le principal coupable. Des documents et témoignages suggèrent que la banque aurait influencé le cours de l'enquête pour protéger ses intérêts.
Réouverture du débat
Ces nouvelles révélations ont relancé le débat sur l'affaire Kerviel, avec des appels à une réévaluation du rôle de la Société Générale et de ses dirigeants dans cette affaire. Les avocats de Kerviel demandent une réouverture du dossier, arguant que leur client a été injustement condamné et que la banque doit être aussi tenue responsable de sa négligence et de sa complicité présumée.
Ces développements récents soulignent la complexité de l'affaire Kerviel et la nécessité d'un examen approfondi pour déterminer les responsabilités de chacun. En tout cas, il apparait clairement que les conclusions qui avaient été annoncées en 2008 vont faire l'objet d'une réévaluation.
Témoignage de Nathalie Le Roy
Nathalie Le Roy, ancienne commandante de police, a récemment révélé des informations suggérant que la Société Générale était au courant des agissements de Kerviel bien avant que l'affaire n'éclate. Elle explique avoir été confrontée à des pressions hiérarchiques l'empêchant de parler plus tôt. Son témoignage remet en question la version officielle de la banque, qui avait toujours affirmé ne pas être informée des opérations risquées de son trader.
Enregistrement clandestin
Un enregistrement audio clandestin a été rendu public, dans lequel un cadre de la Société Générale admet que la banque était consciente des activités de Kerviel. Cet enregistrement, réalisé à l'insu des protagonistes, apporte des preuves supplémentaires sur la connaissance préalable de la banque concernant les transactions effectuées par Kerviel.
Manipulation de l'enquête
Des allégations ont émergé selon lesquelles l'enquête initiale aurait été manipulée par la Société Générale pour minimiser sa propre responsabilité et faire de Kerviel le principal coupable. Des documents et témoignages suggèrent que la banque aurait influencé le cours de l'enquête pour protéger ses intérêts.
Réouverture du débat
Ces nouvelles révélations ont relancé le débat sur l'affaire Kerviel, avec des appels à une réévaluation du rôle de la Société Générale et de ses dirigeants dans cette affaire. Les avocats de Kerviel demandent une réouverture du dossier, arguant que leur client a été injustement condamné et que la banque doit être aussi tenue responsable de sa négligence et de sa complicité présumée.
Ces développements récents soulignent la complexité de l'affaire Kerviel et la nécessité d'un examen approfondi pour déterminer les responsabilités de chacun. En tout cas, il apparait clairement que les conclusions qui avaient été annoncées en 2008 vont faire l'objet d'une réévaluation.
En 2024, Jérôme Kerviel, ancien trader de la Société Générale, est revenu sur le devant de la scène médiatique à l'occasion de la diffusion de la série documentaire « Kerviel : un trader, 50 milliards », disponible sur la plateforme Max depuis le 29 novembre 2024.
Cette série retrace l'affaire qui, en 2008, avait conduit à une perte de 4,9 milliards d'euros pour la Société Générale en raison des prises de position non autorisées de Kerviel.
Aujourd'hui âgé de 47 ans, Jérôme Kerviel affiche un changement notable, tant sur le plan personnel que professionnel. Il a abandonné le costume-cravate pour une apparence plus décontractée, avec des cheveux longs et des tenues simples. Depuis 2016, il lui est interdit d'exercer des métiers liés à la finance, et selon certaines sources, il n'aurait pas retrouvé d'emploi stable.
Malgré ces difficultés, Kerviel continue de partager son expérience et ses réflexions sur le monde de la finance. Il a notamment donné des conférences, comme celle organisée à Barsac en Gironde le 28 novembre 2024, où il a évoqué son parcours et les leçons tirées de son implication dans l'une des plus grandes affaires financières de ce siècle.
La diffusion de la série documentaire a également ravivé les discussions sur les failles systémiques des institutions financières et les mesures mises en place depuis pour renforcer les contrôles internes et prévenir de telles dérive
Cette série retrace l'affaire qui, en 2008, avait conduit à une perte de 4,9 milliards d'euros pour la Société Générale en raison des prises de position non autorisées de Kerviel.
Aujourd'hui âgé de 47 ans, Jérôme Kerviel affiche un changement notable, tant sur le plan personnel que professionnel. Il a abandonné le costume-cravate pour une apparence plus décontractée, avec des cheveux longs et des tenues simples. Depuis 2016, il lui est interdit d'exercer des métiers liés à la finance, et selon certaines sources, il n'aurait pas retrouvé d'emploi stable.
Malgré ces difficultés, Kerviel continue de partager son expérience et ses réflexions sur le monde de la finance. Il a notamment donné des conférences, comme celle organisée à Barsac en Gironde le 28 novembre 2024, où il a évoqué son parcours et les leçons tirées de son implication dans l'une des plus grandes affaires financières de ce siècle.
La diffusion de la série documentaire a également ravivé les discussions sur les failles systémiques des institutions financières et les mesures mises en place depuis pour renforcer les contrôles internes et prévenir de telles dérive