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Le Temps des Valeurs

4. 103 L’étonnante résilience de l' ex-trader Jérome Kerviel

Résumé de l'article


4. 103 L’étonnante résilience de l' ex-trader Jérome Kerviel
1. Rappel des accusations portées contre lui

En 2008, Jérôme Kerviel, alors trader chez Société Générale, est accusé d’avoir causé une perte colossale de 4,9 milliards d’euros à la banque. Ces pertes étaient liées à des opérations hautement spéculatives, réalisées en manipulant les systèmes de contrôle internes. Les accusations le présentaient comme ayant agi seul, dépassant les limites autorisées dans un contexte de pression intense sur les marchés financiers.

2. Les condamnations successives

En 2010, le tribunal correctionnel de Paris condamne Kerviel à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu’à rembourser l’intégralité du déficit de 4,9 milliards d’euros. Cependant, cette amende étant considérée comme disproportionnée, la Cour de cassation l’annule en 2014. Cette sévérité judiciaire symbolise l’effort des institutions pour réguler un système financier qui semblait hors de contrôle. Mais elle a également soulevé des interrogations sur la volonté de la banque de faire de Kerviel un bouc émissaire.


3. Un déficit amplifié par d’autres pratiques ?

Le déficit de 4,9 milliards d’euros attribué à Jérôme Kerviel ne représente qu’une partie de l’histoire. Plusieurs enquêtes et rapports indiquent que la Société Générale aurait utilisé ces pertes comme un prétexte pour dissimuler d’autres déficits accumulés à travers des placements financiers risqués. Par ailleurs, ces pertes auraient permis à la banque de réclamer un crédit d’impôt de 2,2 milliards d’euros, un avantage fiscal considérable.

Des témoignages internes et externes renforcent cette hypothèse. Comme le rappelle un extrait du document, « Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société Générale savait ». Par ailleurs, la  commandante de  la brigade financière qui dans un premier temps à mener l'enquête l'a rappelé en indiquant  « Qu il y avait eu déjà des de 74 alertes  en 2007 ». Ces signaux ignorés par la hiérarchie mettent en lumière un système de surveillance défaillant, voire complice.

4. La responsabilité des managers : entre encouragement et manipulation

Dans ses témoignages, Jérôme Kerviel affirme avoir été félicité et encouragé par ses supérieurs pour prendre des risques croissants. Ses résultats financiers exceptionnels étaient récompensés, et sa hiérarchie lui renvoyait une image valorisante de lui-même. Comme il le souligne lui-même : « Je suis félicité tous les jours par mes supérieurs parce que l’argent rentre ». Cette dynamique, combinée à des incitations financières liées aux performances des traders, a créé un environnement de complaisance face aux risques systémiques.

Pour comprendre pourquoi Jérôme Kerviel a répondu à ces demandes, la sociologie clinique de Vincent de Gaulejac offre une perspective éclairante. Selon de Gaulejac, les systèmes managériaux modernes captent l’idéal du Moi des collaborateurs, c’est-à-dire leur aspiration à être reconnus et à exceller.

Les supérieurs de Kerviel ont joué le rôle de figures parentales symboliques, dont la reconnaissance représentait un puissant moteur. Comme il le décrit : « Jétais accro à toutes les félicitations que mes supérieurs me donnaient chaque jour ». Cette dynamique a créé une dépendance émotionnelle, incitant le jeune trader à repousser constamment ses limites pour répondre aux attentes de sa hiérarchie. Ce processus alimente une quête sans fin de performance, souvent au détriment de l’éthique et des limites personnelles.

5. De la culpabilité à la pénitence

Après sa condamnation, Jérôme Kerviel entreprend un chemin de réflexion et de rédemption. En 2014, il réalise un pèlerinage symbolique à pied de Rome à Paris, sollicitant l’aide et le pardon du pape François. Ce voyage, largement médiatisé, représente une tentative sincère de retrouver un sens à sa vie après les épreuves judiciaires et médiatiques.


6. Le chemin de croix vers la résilience: 

Transformé par cette expérience, Jérôme Kerviel se reconstruit lentement. Devenu une voix critique du système bancaire, il milite pour davantage de transparence et d’éthique dans les pratiques financières. Bien qu’il reconnaisse sa part de responsabilité, il refuse d’être le seul à porter le poids de cette affaire. Sa résilience, malgré les épreuves, illustre une force de caractère qui force l’admiration. (En tout cas la nôtre !)

7. Une quête de justice renouvelée

En 2024, Kerviel continue de demander la révision de son procès. De nouveaux éléments, notamment des enregistrements accablants et des témoignages de lanceurs d’alerte, mettent en lumière une possible influence de la Société Générale sur les poursuites judiciaires. Comme il le déclare : « Je me refuse depuis 17 ans à endosser la responsabilité de tout ce qui s’est passé ». Cette quête pour rétablir une vérité plus équilibrée résonne avec son combat pour la reconnaissance des responsabilités partagées.

Que peut on retenir de cette affaire pour le management ?

L’affaire Jérôme Kerviel offre de nombreux enseignements pour les entreprises et leurs dirigeants. Elle met en évidence l’importance :
 
  • Des limites d'un management fondé sur la seule motivation qui finalement repose sur une certaine exhaltation du narcissisme des collaborateurs qui peut créer une dépendance transférentielle sur la figure d'autorité et surtout une forme de régression comparable à celle qu'on retrouve dans les sectes , qui peut expliquer l'obéissance aveugle à l'Autorité. 
     
  • ​D’un leadership responsable : Les incitations à prendre des risques excessifs peuvent conduire à des désastres systémiques.
     
  • De mécanismes de contrôle efficaces : L’ignorance des alertes internes a aggravé les conséquences. Or dans le cas de Jérôme Kerviel, il y en eu plusieurs ...u’à 74 signalements en 2007 – mais ces avertissements ont été ignorés par la hiérarchie. Cela soulève des doutes sur la véritable ampleur des responsabilités partagées au sein de la banque.
     
  • De la reconnaissance des responsabilités collectives : Faire porter à un seul individu tout le poids d’un échec organisationnel est injuste et inefficace et d'une certaien façon criminelle car ce type d'expérience peut amener le sujet à se suicider. 
     
Enfin, cette histoire souligne à quel point la résilience personnelle peut être une force pour surmonter l’adversité et contribuer à des changements positifs, même dans les systèmes les plus rigides  et les plus absurdes. 
 


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