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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Valeurs

4.11 L'intensité du Travail : formes et effets par Michel Gollac


Résumé :

La transformation des organisations, au cours des années 1980 et 1990 s’est accompagnée de l’apparition ou de la diffusion de diverses formes d’intensité du travail. Cette intensification est une cause de la dégradation des conditions de travail ressentie par les salariés. Toutes choses égales par ailleurs, l’intensité du travail est associée à une augmentation des pénibilités physiques et psychologiques et des risques. Les organisations déficientes, maîtrisant mal la complexité, sont particulièrement pernicieuses. Cependant, l’intensification ne peut être assimilée à une dégradation générale du travail ou du rapport au travail. Elle peut correspondre à un investissement de soi gratifié et gratifiant, tout en induisant un risque de souffrance mentale plus élevé.

Les mutations des entreprises françaises dans les années 1980 et 1990 se sont accompagnées d’un accroissement des contraintes pesant sur le rythme de travail des salariés. Les acteurs de terrain et les enquêtes statistiques ont mis en évidence cette intensification, qui avait peu attiré l’attention des sociologues. Selon l’enquête Ministère du travail-Insee sur les conditions de travail, la proportion de salariés déclarant que leur rythme de travail dépendait d’une demande extérieure à satisfaire immédiatement est passée de 28% en 1984 à 54% en 1998. Dans le même temps, la proportion de ceux dont le rythme dépend du déplacement automatique d’un produit ou d’une pièce, de la cadence automatique d’une machine, de normes de production ou délais à respecter en une journée au plus ou encore qui travaillent à la chaîne croissait de 23% à 45%. Et le nombre de ceux qui voient leur cadence imposée par la surveillance de la hiérarchie, la dépendance aux collègues ou les aléas du process de production augmentait de façon analogue.

L’intensification du travail au cours des " années Thatcher " avait été discutée par des chercheurs britanniques (Alan Bennett et Smith-Gavine, 1988 ; Guest, 1990) et cette intensification s’est poursuivie au-delà (Green, 2001 ; Burchell, Ladipo et Wilkinson, 2002). Quasi-générale dans l’Union européenne (Dhondt, 1998 ; Merllié et Paoli, 2000 ; Green et Mc Intosh, 2001) et aux Etats-Unis (Askenazy, 2001), elle est un trait marquant de l’évolution du travail et des entreprises dans la dernière partie du vingtième siècle.

1. Les habits neufs de l’intensité du travail

L’intensité du travail est une notion couramment utilisée par les acteurs : salariés et leurs représentants, responsables de l’organisation du travail et de la gestion des ressources humaines, ergonomes, médecins du travail. L’idée d’intensité du travail est proche de celle d’effort, utilisée par les théoriciens et les praticiens des politiques d’incitation menées par les entreprises. Pourtant il n’y a pas de définition claire et générale de l’intensité du travail. Cette absence résulte de la diversité des points de vue d’acteur et de la variété des formes de travail, variété encore accrue par les transformations récentes des modes de management. Il existe différentes formes d’intensité du travail correspondant à différentes façons, pour l’entreprise, de définir sa productivité (Valeyre).

1.1 De l’intensité-débit à la gestion de la complexité

L’intensité du travail ne peut aujourd’hui se réduire au contrôle du travail et aux “ cadences infernales ” dénoncées dans les années 1970, même si celles-ci n’ont pas disparu. Elle est aussi liée à la fixation d’objectifs ou d’effectifs sans tenir compte des réalités du travail, à la complexité des organisations, à la rapidité du changement. Elle s’auto-entretient par un cercle vicieux de l’urgence et de l’impréparation.

Le lien entre productivité et intensité n’est immédiat que si le travail des salariés se résume à des opérations homogènes et additionnables : ce que Philippe Zarifian (1995), s’inspirant de Chandler appelle la “ productivité-débit ”. L’intensité se mesure alors en opérations par unité de temps. Dès qu’on s’éloigne de cette équivalence entre production et effort, définir l’intensité devient difficile : production et performances ne sont plus proportionnelles à la charge de travail (Bartoli, 2000). Cette " charge " est une notion floue, mais qui a sa pertinence : on ne peut pas mesurer la fatigue, mais elle existe. La recherche d’une intensité-débit est liée à la philosophie taylorienne : la direction doit connaître le travail dans le détail ; c’est par ce biais qu’elle fait pression sur l’effort des travailleurs. L’intensité-débit n’a pas disparu dans l’industrie (par exemple dans la filière automobile (Gorgeu et Mathieu, 2001) et se répand dans le commerce et les services : aux caisses des hypermarchés (Prunier-Poulmaire, 2000), dans les centres d’appel (Flichy et Zarifian, 2002), la restauration rapide ou aux guichets de certaines administrations.

D’autres stratégies sont, au contraire, fondées sur le fait de considérer le travail comme une boîte noire. La pression réside tout entière dans les objectifs ou le niveau d’effectifs fixés par la direction. La latitude laissée aux intermédiaires et exécutants peut être grande. Il ont le droit d’inventer des façons de faire efficaces et moins coûteuses pour eux. Mais, souvent, ils n’y parviennent pas et une intensification du travail est nécessaire. Dans les formes d’organisation marchandes, où le travail est en prise directe avec la demande, c’est ce type d’intensité qui est observé. La demande pilote l’effort, seule importe sa satisfaction, le travail nécessaire n’a pas besoin d’être explicité. Les aléas de la production peuvent jouer le même rôle, créant une “ intensité événementielle ” (Valeyre, 2001). Quand le travail est traité comme une boîte noire, les données permettant de mesurer son intensité manquent. Les critères utilisés dans la gestion de l’entreprise ne renseignent pas sur l’activité des opérateurs : par exemple on mesure le taux d'engagement des machines, mais le résultat n’a pas une relation simple avec le travail réalisé sur ces machines. Les critères d’évaluation du travail disparaissent et ce n’est pas seulement une gêne pour l’observateur extérieur désireux de mesurer l’intensité du travail. Dans l’entreprise même, les acteurs sont embarrassés pour évaluer leur action.

Le souhait d’un flux régulier de production, central dans les organisations tayloriennes-fordiennes, n’a pas disparu. Le souci de régularité s’est au contraire étendu à la qualité. Mais à ces préoccupations “ industrielles ” (Eymard-Duvernay, 1987) se sont ajoutées des préoccupations “ marchandes ” : réagir aux fluctuations quantitatives et qualitatives de la demande. Inversement, des secteurs organisés pour coller au marché, comme la distribution, ont introduit des principes d’organisation bureaucratiques. Une fonction des organisations est de permettre de poursuivre plusieurs buts ou, à défaut, d’arbitrer entre eux. Elles n’y ont pas toujours réussi (de Coninck, 2004). Les jeux de pouvoir entre “ producteurs ”, “ commerciaux ” et “ financiers ” ou entre “ producteurs ” et “ qualiticiens ” ont fait obstacle à des arbitrages durables et à la définition de règles claires. Alors qu’en 1984, contraintes de rythme industrielles et contraintes de rythme marchandes étaient presque exclusives les unes des autres, leur cumul est devenu fréquent, la présence des unes rendant même plus probable celle des autres. Les formes bureaucratiques elles-mêmes se sont compliquées, avec l’introduction de préoccupations de qualité, en sus des exigences quantitatives. Les opérateurs sont donc souvent confrontés à des injonctions contradictoires. Ils doivent arbitrer eux-mêmes entre les objectifs (ce qui est une tâche supplémentaire invisible) ou inventer des manières de faire susceptibles de produire un résultat acceptable quel que soit le point de vue dont on les juge (ce qui impose un effort). De plus, l’impossibilité d’atteindre un résultat vraiment satisfaisant est, en soi, un facteur de charge mentale (Périlleux, 2001). Enfin les organisations qui ne parviennent pas à combiner leurs objectifs de façon satisfaisante ne peuvent piloter de façon coordonnée l’action de leurs divers membres. Il en résulte des dangers, des gaspillages et des efforts supplémentaires.

Les entreprises modifient sans cesse les produits et les services qu'elles proposent. En cas de difficultés rencontrées par la firme, les actionnaires demandent des changements. La rotation des dirigeants favorise encore cette accélération du changement. Les entreprises ont massivement recours aux nouveaux dispositifs de management. Les changements d'organisation, de priorités, se succèdent à un rythme soutenu. Or, tout changement nécessite un apprentissage, donc un effort.

Quelles que soient sa nature et sa forme, l’intensification du travail mobilise l’énergie du travailleur pour l’instant présent et pour le seul travail visible. Or, il faut des temps d’apprentissage et de préparation en amont du moment de production direct. En aval, seul un retour sur expérience, individuel ou collectif, forme les compétences nécessaires au travail futur. Dans l’urgence on n’a pas de temps pour prendre du recul, assimiler des informations qui permettraient, par la suite, de ne pas se dépêcher, pas de temps pour mobiliser des coopérations qui faciliteraient l'activité, pas de temps pour s’organiser (Volkoff, 2000). L'urgence a donc un effet instantané et un effet différé. L’intensité du travail présent empêche de se préparer au travail à venir. Celui-ci demandera plus d’effort pour être exécuté dans les délais impartis. Un cercle vicieux tend à se former (Gollac et Volkoff, 2001).

1.2 La difficile objectivation de l’intensité du travail

L’intensité-débit est, en principe, aisément mesurable. Les choses sont plus compliquées en pratique parce que, même dans les organisations tayloriennes ou fordiennes, le travail ne se limite jamais à l’exécution des opérations prévues et requiert l’initiative, souvent occulte, des opérateurs. Néanmoins les cadences ou les temps imposés fournissent une base pour une approche de l’intensité du travail.. La “ stratégie de la boîte noire ” évite toute objectivation du travail qui permettrait une mesure de son intensité. De même les faiblesses et les contradictions de l’organisation, source d’intensité, ne font généralement pas l’objet d’une mise en évidence, encore moins d’une mesure.

Comment mesurer les nouvelles formes d’intensité ? Les acteurs se disputent à ce sujet et le rôle de l’observateur n’est sans doute pas d’imposer une définition et une mesure. Il est plus pertinent d’étudier la chaîne qui va de la politique de l’entreprise à l’organisation concrète du travail, puis à l’intensité vécue par les salariés et à ses conséquences. Le système statistique français propose un ensemble de sources qui permettent d’examiner les différents maillons de cette chaîne. Cette possibilité n’a guère d’équivalent au niveau international.

Le lien n’est pas simple entre l’implantation d’innovations managériales dans les firmes et l’intensité du travail de leurs salariés (Greenan et Hamon-Cholet, 2000). Le travail est aussi déterminé par des décisions informelles ou spécifiques (donc non répertoriées parmi les méthodes de management génériques mesurées), par le comportement de l’encadrement,... Dans ce papier, on se place uniquement au niveau des individus et on utilise deux sources statistiques : l’enquête Dares-Insee sur les conditions de travail, complémentaire à l’enquête sur l’emploi (L’échantillon aléatoire, tiré dans le Recensement, comporte environ 19 000 salariés ; le taux de réponse dépasse 80%.) (Molinié et Volkoff, 1978) (dans la section 2) et l’enquête Ens-Insee “ travail et modes de vie ” (dans la section 3). Cette dernière, qui explore le rapport subjectif au travail, ne propose qu’une mesure subjective de l’intensité. L’enquête sur les conditions de travail, elle, propose aussi des mesures plus objectives : “ Votre rythme de travail est-il imposé par le déplacement automatique d'un produit ou d'une pièce (oui/non) ? La cadence automatique d'une machine ? D’autres contraintes techniques ? La dépendance immédiate vis-à-vis du travail d'un ou plusieurs collègues ? Des normes de production, ou des délais, à respecter en une heure au plus ? Des normes de production, ou des délais, à respecter en une journée au plus ? Une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate ? une demande extérieure n'obligeant pas à une réponse immédiate ? Les contrôles ou surveillances permanents (ou au moins quotidiens) exercés par la hiérarchie ? ”. D’autres questions donnent un éclairage sur d’autres sources d’effort : par exemple “ Devez-vous personnellement respecter des normes de qualité chiffrées précises ? ” ou “ Etes-vous en contact direct avec le public ? ”.

Objectivité et subjectivité des conditions de travail
La signification des mesures reposant sur les déclarations des travailleurs a fait l’objet de débats (Spector, 1994). Les enquêtes françaises sur les conditions de travail ont donné lieu à des études spécifiques (Gollac, 1997).
En ce qui concerne l’intensité du travail, l’enquête n’en propose pas une mesure directe, mais repère des déterminants de celle-ci. Par ailleurs, on mesure la présence des contraintes et non leur niveau. Une augmentation homogène de l’intensité peut ne pas être repérée à travers ce type de questions : ainsi une augmentation de l’intensité-débit par un durcissement des normes de production demeurera ignorée. Par contre, ces questions permettent de repérer des formes modernes d’intensité et d’intensification : diffusion des contraintes industrielles-bureaucratiques et des contraintes marchandes, cumul de ces contraintes et complexification à l’intérieur de chaque type (par exemple normes de quantité plus normes de qualité). L’intensité-débit se rencontre essentiellement dans les contraintes de type automatique et les normes de production. Les “ autres contraintes techniques ”, qui concernent surtout la réponse à des aléas, font partie de l’intensité-boîte noire, tout comme les contraintes directement issues de la demande. La complexité des organisations se trahit par le cumul de contraintes hétérogènes. La mesure des contraintes de rythme présente un certain caractère d’objectivité. Certes, deux salariés placés dans des conditions analogues peuvent donner des réponses différentes. Un salarié inquiet pourra ressentir la nécessité de répondre immédiatement à la demande, contrairement à un collègue plus sûr de lui. Il n’en reste pas moins que le premier travaillera effectivement pour satisfaire immédiatement le client tandis que l’activité du second sera moins influencée par sa demande.
Les conditions de travail (pénibilités, nuisances, risques) sont, elles aussi, repérées, dans l’enquête Dares-Insee, à partir des déclarations des salariés. Cette façon de faire permet de mesurer les effets de l’interaction entre la tâche et le travailleur dans l’activité réelle de travail. Ce serait impossible avec des mesures plus objectives. Ainsi “ devoir observer des détails fins ” ne dépend pas que de la taille de ceux-ci. Il faut tenir compte de l’éclairage, des contrastes de luminosité et de couleur, de l’encombrement de l’environnement visuel, du caractère durable ou fugitif de ce qu’on voit, des autres tâches à mener de front, des conséquences d’une mauvaise observation, de défauts de vision du travailleur,…


De 1984 à 1991 puis 1998, les conditions de travail rapportées par les salariés se sont fortement dégradées. Par exemple, en 1998, en réponse à une enquête nationale du Ministère du travail, 37% des salariés français déclaraient travailler dans une posture pénible, alors qu’ils n’étaient que 29% en 1991 et 16% en 1984. La tendance de long terme à une baisse rapide des taux d’accident s’est notablement infléchie à partir du milieu des années 1980 (cf. M. Bouvet et N. Yahou, 2001, Premières synthèses, n°31.1, Dares “ Le risque d’accident du travail varie avec la conjoncture économique ”). Pourtant la part du travail intellectuel s’est accrue, des tâches pénibles ont été automatisées et des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de travail. La signification de ces évolutions doit être discutée (encadré). La dégradation des conditions de travail perçues ne paraît provenir que pour une faible part de biais (modifications du protocole d’enquête, projection d’un mécontentement plus général relatif à l’emploi). Des processus sociaux d’objectivation des conditions de travail, qui amènent les salariés à en prendre conscience (La perception de celles-ci n’est en effet pas spontanée (Laville et Teiger, 1973), ont sans doute joué un plus grand rôle. L’action de médecins et d’inspecteurs du travail, d’ergonomes ou de syndicalistes, une meilleure information sur les risques, la mobilisation de professions lors de conflits, la montée des préoccupations pour la santé et l’environnement, la transformation des conditions de vie hors travail ont donné conscience aux travailleurs de contraintes qu’ils éprouvaient sans toujours pouvoir les nommer. Cependant cette objectivation ne suffit pas à rendre compte de la totalité des évolutions.

L’idée a donc été avancée d’un lien causal entre intensification et dégradation des conditions de travail (Gollac et Volkoff, 2001). Mais le constat d’évolutions parallèles est insuffisant pour l’établir et la recherche de preuves empiriques nécessaire. Faute de données de panel, on ne peut étudier directement l’influence de la variation des contraintes de rythme sur les conditions de travail. On peut toutefois, en coupe instantanée, tester un point crucial : l’intensité du travail s’accompagne-t-elle réellement, toutes choses égales par ailleurs, de conditions de travail plus mauvaises ? Si tel n’était pas le cas, on n’aurait aucune raison de penser que l’accroissement de la première puisse influer sur les secondes.

Quel peut être l’impact des difficultés de la mesure des conditions de travail sur une telle étude ? La sensibilité des déclarations à l’état des processus d’objectivation n’entraîne probablement pas de biais importants dans la mesure où la mesure des contraintes de rythme n’en est pas substantiellement affectée et donc le lien entre celles-ci et les conditions de travail non plus (C’est encore plus vrai des effets de halo : on ne voit pas pourquoi un mécontentement amènerait à déclarer plus (ou moins) que son rythme de travail est soumis à la demande des clients par exemple). Certes il y a des cas où c’est l’intensification du travail qui provoque une prise de conscience des pénibilités et des risques, mais c’est à travers les transformations effectives du travail qu’elle entraîne : la mesure du lien intensité-pénibilité surestime alors le phénomène mais celui-ci est réel.

2. Rythmes de travail contraints, conditions de travail dégradées


2.1 L’apport de la littérature ergonomique

La littérature ergonomique explique comment l’intensité du travail peut dégrader les conditions de travail.

L’organisme réagit à l’urgence par une rigidité (Laville et col., 1973) cause de douleurs, surtout quant l’attention doit être soutenue. Le cumul de fortes contraintes de temps et d’une forte sollicitation de l’attention est une conséquence fréquente des nouvelles formes d’organisation et des nouvelles technologies. Sur les chaînes de montage de l’automobile, les cadences de production sont élevées et la variabilité des tâches liée à la multiplicité des options possibles exige une attention soutenue. Dans les bureaux ou aux guichets, le dialogue avec l’ordinateur ou le client impose son rythme tandis que la rigidité des procédures oblige à éviter toute erreur de transcription. Aux caisses des hypermarchés, la pression du client, l’enregistrement en continu des performances et la gestion des effectifs au plus juste assurent une intensité du travail maximale, et pourtant les caissières doivent se montrer constamment attentives à bien enregistrer les articles, à les manipuler convenablement, à sourire aux clients et à surveiller ceux-ci pour prévenir les vols.

Mais l’urgence influence aussi toute l’activité de travail. Les objectifs, les procédures à respecter, les moyens disponibles, l’environnement sont des contraintes à l’intérieur desquelles chaque travailleur optimise son activité, afin de préserver au mieux sa santé physique et mentale (Montmollin, 1986). L’urgence resserre ces contraintes. A la limite, elle oblige à travailler de la façon la plus rapide, qui n’a aucune raison d’être la mieux adaptée aux spécificités physiologiques et psychologiques de chacun (Leplat et Cuny, 1984). Dans la filière automobile, des postures pénibles sont utilisées pour monter certaines pièces, garnir les sièges, etc., alors que des postures plus confortables sont, en théorie, possibles. Dans le transport routier, minimiser les délais de livraison conduit les chauffeurs à modifier en cours de mission leur plan de trajet et donc la disposition de leur cargaison, ce qui cause des manipulations de charges plus fréquentes, effectuées dans de mauvaises conditions, avec des outils inadaptés (Hamelin, 1993).

Une intensité excessive du travail cause tension psychique et maladies, notamment cardio-vasculaires Karasek, 1984. Le risque est surtout élevé lorsque non seulement l’intensité est forte, mais aussi la latitude décisionnelle faible. De plus, toutes choses égales par ailleurs, le soutien technique et émotionnel reçu dans le travail diminue les risques de maladies cardio-vasculaires et mentales Karasek et Theorell, 1990. Les évolutions du travail ont été marquées par, à la fois, plus de contrainte et plus d’autonomie. La coopération s’est également accrue : les formes modernes de travail l’appellent pour être efficaces. Le lien entre intensité et conditions de travail doit donc être étudié en tenant compte de ces dimensions de l’organisation.

De nombreux travaux confirment le lien entre intensité et mauvaises conditions de travail (Wichert, 2002). Aux Etats-Unis, l’adoption de la “ production allégée ” a entraîné des hausses brutales des taux d’accidents du travail et de la productivité, ce qui suggère une intensification du travail (Askenazy, 2001). En France, la survenue d’accidents est d’autant plus probable que l’intensité subjectivement ressentie est forte (Hamon-Cholet, 2003). En France (Cartron et Gollac et dans l’Union européenne (Boisard et al., 2002), les contraintes de rythme industrielles sont associées à une dégradation générale des conditions de travail, les contraintes marchandes à une aggravation des pénibilités et, à un moindre degré, des risques. En France toujours, des formes d’organisation innovantes comme les normes de qualité ou la polyvalence entraînent pénibilités mentales et accidents (Askenazy et al., 2002). Peu de travaux concluent en sens opposé. Peter Berg et Arne Kalleberg (2002) obtiennent des résultats nuancés sur les liens entre nouvelles formes d’organisation et bien-être au travail aux Etats-Unis, mais il s’agit d’une approche un peu différente.

Au total, la convergence des résultats est remarquable. Néanmoins dans ces travaux, l’intensité du travail est repérée soit uniquement par son évaluation subjective, qui peut dépendre elle-même des conditions de travail, soit très indirectement à travers l’adoption de certains modes de management, choisis de façon plus ou moins arbitraire. Quant à la description des conditions de travail, elle est généralement pauvre, se limitant à une appréciation globale ou à un indicateur partiel, par exemple la survenue d’accidents. Enfin les techniques utilisées peuvent dans certains cas être critiquées.

L’étude proposée dans cette section vise à remédier, dans la mesure du possible, à ces insuffisances et à enrichir les résultats évoqués.

2.2 Les effets du cumul de contraintes industrielles et marchandes

On a analysé, en coupe transversale, les liens entre les caractéristiques de l’organisation et une quarantaine d’éléments des conditions de travail : pénibilités physiques, risques, pénibilités psychologiques, nuisances. On évoquera plus loin les résultats de régressions logistiques. Toutefois, ces régressions supposent que l’effet de chaque contrainte de rythme est uniforme. Or, l’intensité empêche les travailleurs d’adopter la méthode qui leur convient le mieux et les oblige à adopter la plus rapide. Tous n’ont pas les mêmes caractéristiques physiques et mentales : la “ meilleure ” méthode n’est donc pas la même pour tous (peut-être d’ailleurs la plus rapide non plus). L’écart entre méthode “ rapide ” et méthode “ commode ” est donc inégal d’un individu à l’autre. Par conséquent l’impact de l’intensité sur les conditions de travail est, lui aussi, inégal. Le recours à la méthode du score de propension (Rubin, 1974) permet de s’affranchir de l’hypothèse d’un effet uniforme (Crépon et Iung, 1999). Cette méthode a déjà été utilisée pour examiner l’impact de certaines innovations organisationnelles sur les risques d’accidents et les pénibilités mentales (Askenazy et al., 2002). On l’utilise ici pour examiner l’impact de l’intensité sur les conditions de travail.

On a résumé l’intensité par le cumul d’une contrainte de temps de type industriel ou bureaucratique (normes de production horaires ou quotidiennes, cadence automatique des machines, déplacement automatique du produit) et d’une contrainte marchande (dépendance immédiate à la demande ou contact avec les clients, le public). Ce cumul traduit un niveau élevé d’intensité et est typique des nouvelles organisations.

On contrôle deux indicateurs synthétiques de l’autonomie et de la coopération dans le travail (qui est un aspect du soutien social) et aussi la durée du travail, la polyvalence, le caractère répétitif du travail (cycle inférieur à 1 mn) et le statut d’emploi. Toutes choses égales par ailleurs, un travail est d’autant plus pénible et dangereux que les horaires sont lourds. La polyvalence a un effet mécanique sur la probabilité de rencontrer une condition de travail déterminée (bonne ou mauvaise) ( Elle accroît aussi mécaniquement la probabilité de rencontrer telle ou telle contrainte de rythme. Comme une partie de la polyvalence est informelle et donc non repérée, ceci peut entraîner des biais); plus spécifiquement, elle accroît les risques d’accidents (Askenazy et al., 2002). La répétitivité est une source directe de pénibilité et de troubles musculo-squelettiques. Les salariés précaires se voient confier des tâches particulièrement pénibles et dangereuses. Les conditions de travail varient d’une profession à l’autre : on a inclus la catégorie socioprofessionnelle dans la liste des variables exogènes. En fait les conditions de travail dépendent de la profession précise. Dans une variante, on a introduit la profession en 133 postes dans la liste des variables explicatives à la place de la catégorie socioprofessionnelle. Les résultats obtenus confirment ceux présentés ici, mais sont incertains du fait de problèmes d’estimation (L’élimination, par une méthode élémentaire, d’effets de la structure par profession au niveau le plus fin (450 postes) de la nomenclature des PCS confirme l’impact de la double contrainte sur les conditions de travail (Cartron, 2000). Les efforts et les moyens des grandes entreprises pour améliorer les conditions de travail sont plus conséquents que ceux des petites : on a contrôlé la taille et le statut de l’entreprise. Enfin les conditions de travail ne résultent pas seulement des caractéristiques des postes, mais de leur interaction avec celles des salariés : c’est pourquoi on a aussi contrôlé le sexe, la nationalité, le diplôme, l’âge et l’ancienneté.

Le cumul de contraintes n’est pas spécifiquement associé à une situation socio-économique défavorable, qui va généralement de pair avec de mauvaises conditions de travail. Toutes choses égales par ailleurs, il est certes plus probable pour les jeunes, les femmes, les salariés des petites entreprises, les employés de commerce, les chauffeurs, les salariés ayant un travail répétitif, mais aussi pour les salariés de nationalité française, ceux ayant des responsabilités hiérarchiques, les professions intellectuelles, les salariés ayant un soutien technique important dans leur travail. On peut donc s’attendre à ce que l’effet de structure lié à la sélection des salariés exposés à cette double contrainte soit modéré. Néanmoins l’estimation d’effets nets est nécessaire. Quelques résultats importants figurent dans le tableau 1 (Pour les résultats complets ainsi que pour ceux des autres estimations, se rapporter à (Gollac, 2005).

“ Toutes choses égales par ailleurs ”, le cumul de contraintes industrielles-bureaucratiques et marchandes est lié à un accroissement statistiquement significatif, et souvent massif, des pénibilités tant physiques que mentales et, à un degré moindre, des risques. A un moindre degré encore, il est aussi lié à une augmentation de certaines nuisances.

Toutes les pénibilités physiques sont augmentées : postures pénibles, mouvements douloureux ou fatigants, manipulation de charges lourdes et autres efforts physiques importants (c’est seulement pour l’exposition aux vibrations que l’écart n’est pas significatif). Comme le montrent les observations ergonomiques, l’intensité du travail ne permet pas le choix de modes opératoires préservant l’opérateur. Un mécanisme un peu différent explique l’augmentation, avec les contraintes de rythme, du pourcentage de travailleurs qui disent devoir lire des lettres ou des chiffres de petite taille, mal imprimés ou mal écrits : la lecture est, toutes choses égales par ailleurs, y compris le niveau de formation du lecteur, plus difficile quand il faut la pratiquer vite ou sans avoir le temps de prendre une posture adéquate.

La majorité des risques recensés dans l’enquête augmentent significativement (et aucun ne diminue). L’intensité du travail amène à utiliser des façons de faire dangereuses (y compris lors des trajets). L’impact sur les risques d’accidents de travail est significatif.

Les pénibilités psychologiques sont encore plus affectées que les pénibilités physiques. Le cumul de contraintes industrielle et marchande accroît le sentiment de n’avoir pas assez de temps pour faire correctement son travail. Il est plus fréquent de devoir interrompre une tâche en cours pour une autre non prévue. L’organisation industrielle engendre une activité de fond que la réponse aux clients vient interrompre. De plus, en situation de double contrainte, cette interruption sera souvent ressentie comme une perturbation du travail, l’intensité du travail et sa complexité sollicitant fortement l’attention. Urgence et environnement complexe font aussi que des signaux visuels ou sonores son jugés difficiles à détecter ou qu’un bruit modéré suffit à gêner le travail. Mal maîtrisée, la complexité de l’organisation engendre le sentiment de recevoir des instructions contradictoires, ce qui est une pénibilité mentale. On en étudiera plus loin l’impact spécifique (ainsi que celui des interruptions). Enfin les situations de tension, avec la hiérarchie comme avec les collègues, sont plus fréquentes.

2.3 Le poids des contraintes industrielles… et du client

Toutes les formes d’intensité n’ont pas nécessairement le même impact. Utiliser la méthode du score de propension pour évaluer l’effet simultané de plusieurs variables pose des problèmes. C’est pourquoi on a eu recours à des régressions logistiques, en dépit de leurs inconvénients déjà signalés. Ces régressions étant des variantes de celles publiées dans un travail antérieur (Cartron et Gollac, 2002), on en résume ici les conclusions.

Les contraintes de rythme industrielles-bureaucratiques sont associées à une augmentation des pénibilités physiques, de la plupart des risques (de fait les accidents apparaissent plus fréquents), de certaines nuisances et de nombreuses pénibilités psychologiques. Les normes de qualité chiffrées précises sont caractéristiques du mode industriel d’organisation, mais à la différence des normes de quantité, l’effort qu’elles engendrent n’est pas du type intensité-débit. Elles accroissent massivement les pénibilités psychologiques. Les risques perçus sont accrus ainsi que la survenue effective d’accidents : il ne s’agit donc pas d’un simple effet d’objectivation des risques lié à la mise en place des dispositifs de gestion de la qualité. Le souci de la qualité peut entrer en conflit avec celui de la quantité ou de la satisfaction immédiate de la demande. Souvent ce conflit n’est pas suffisamment pris en charge par l’organisation et se traduit par des instructions contradictoires et des interruptions perturbatrices.

La dépendance du rythme de travail aux collègues d’une part et à la surveillance au moins quotidienne de la hiérarchie d’autre part, modes de coordination “ traditionnels ”, mais nullement en déclin, sont associés à une dégradation de la plupart des conditions de travail. La demande des chefs et des collègues est, source de tension avec eux. Parce que ces formes de pression directe résultent souvent de défauts de l’organisation, elles sont fréquemment associées à des indications contradictoires ou des interruptions perturbant le travail.

La dépendance à une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate est associée à un accroissement général des pénibilités psychologiques, mais pas à une augmentation sensible des pénibilités physiques, des nuisances, ni des risques. Le contact direct avec le client, le public, bien que très fréquent aujourd’hui (la moitié des salariés sont concernés), est associé à un accroissement significatif de huit pénibilités physiques sur neuf mesurées dans l’enquête, de quatre nuisances sur cinq, de dix risques sur douze et de neuf pénibilités psychologiques sur douze (L’impact du contact avec le client est confirmé si on utilise une variable le croisant avec la dépendance à la demande en général.). Cependant, contrairement à la dépendance à la demande, le contact avec les clients ne dégrade pas les relations avec la hiérarchie, celle-ci pouvant se décharger sur lui du rappel à l’ordre laborieux. Par contre, les relations entre collègues comportent davantage de tension. Ce transfert de la tension correspond aux observations de terrain (Cartron, 2000).

Dans le “ nouvel esprit du capitalisme ”, les relations marchandes sont peu présentes en tant que telles : elles sont transmuées en relations personnelles dans un “ réseau ” qui “ réunit ” fournisseurs et clients, chefs et subordonnés (Boltanski et Chiapello, 1999). En d’autres termes, ce n’est pas tant l’organisation marchande qui pèserait sur le travail que la montée des relations de service. Le contact direct avec les clients ou le public introduit variété, imprévisibilité et complexité (Dubois, 1999), rendant difficile l’élaboration de compromis stables entre exigences de la tâche et préservation par le travailleur de sa propre santé.

2.4 Effets de l’organisation ou de la désorganisation

L’intensité du travail (les diverses contraintes de temps) comme la quasi-intensité (les normes de qualité, la présence du client) sont donc liées à des conditions de travail dégradées. Est-ce le prix à payer pour une meilleure efficacité productive ? Le cumul de contraintes qui caractérise la récente phase d’intensification du travail, du moins en France, résulte de la complexification des organisations, du bricolage de nouveaux modèles productifs par hybridation des anciens. Dans beaucoup d’entreprises, cette complexité a été mal maîtrisée. Les contraintes temporelles, les normes de qualité ou le nouveau rôle dévolu au client s’accompagnent de ratés organisationnels, dont certains sont générateurs de contraintes (Raveyre et Ughetto, 2002).

S’estimer perturbé dans son travail par la nécessité de s’interrompre pour entreprendre une tâche plus urgente ; recevoir des ordres ou des indications contradictoires : il s’agit là à la fois de pénibilités psychologiques et de formes de désorganisation du travail qui peuvent être à leur tour sources de mauvaises conditions de travail. Les interruptions perturbatrices sont liées aux contraintes industrielles, à la dépendance aux collègues, à la surveillance des supérieurs et aux contraintes marchandes, qu’elles prennent une forme abstraite (répondre à une demande immédiate) ou concrète (la présence des clients). Ces interruptions sont un symptôme d’organisations innovantes, combinant logique industrielle et ouverture sur le marché, mais mal maîtrisées. Les instructions contradictoires correspondent à des situations assez voisines. Elles sont particulièrement fréquentes lorsque la hiérarchie contrôle le rythme de travail : soit que les interventions de cette dernière soient intempestives (ce qui n’est pas le signe d’une bonne organisation !), soit qu’elle intervienne pour pallier des dysfonctionnement. On a utilisé deux estimations (séparées) par la méthode du score de propension (tableau 2). Les variables de contrôle sont les mêmes que dans les régressions logistiques qu’on vient de décrire, puisqu’il s’agit de variables potentiellement causales des interruptions et des contradictions. Dans la mesure où juger que les interruptions “ perturbent le travail ” peut être une conséquence des mauvaises conditions de travail, on a pris en compte l’ensemble des interruptions (la moitié environ des interruptions sont jugées comme perturbant le travail).

Les instructions contradictoires sont associées à une dégradation générale. Les organisations incapables d’assurer un minimum de cohérence interne ne procurent pas de bonnes conditions de travail. Presque toutes les pénibilités physiques sont accrues, souvent dans des proportions considérables, de même que les risques. La survenue effective d’accident est notablement augmentée. Les nuisances sont plus fréquentes. Enfin les pénibilités psychologiques sont aggravées, en particulier le sentiment de n’avoir pas la possibilité de travailler correctement faute de temps, et les tensions, avec la hiérarchie, mais aussi entre collègues.

L’impact des interruptions est particulièrement net sur les pénibilités physiques et psychologiques. Elles causent des déplacements et des manipulations supplémentaires ou réalisés dans de mauvaises conditions. Sentiment de n’avoir pas assez de temps pour travailler correctement, de se retrouver parfois seul dans une situation difficile, tensions avec les chefs et les collègues sont, ici aussi, massivement augmentés. Les accidents sont plus fréquents. L’improvisation mal préparée ne permet pas aux travailleurs de trouver des modes opératoires qui leur conviennent.

3. Intensité, subjectivité et structures sociales

L’intensité du travail est associée à une dégradation des conditions de travail, mais les travailleurs ne font pas que la subir; ils font contre et ils font avec. Lorsqu’ils arrivent à faire face, cela peut être compatible avec du plaisir au travail, et même être une source de plaisir. En outre, beaucoup de changements organisationnels combinent intensification et complexification. Face à un travail à la fois plus intense et plus intéressant, les réactions divergent (Campinos, 2000). L’impact moyen de l’intensité du travail sur le rapport subjectif au travail n’a rien d’évident a priori.

On se propose ici d’étudier le lien entre ces variables et l’intensité du travail “ toutes choses égales par ailleurs ”, donc à autres caractéristiques organisationnelles (y compris l’autonomie) données, et aussi à condition d’emploi données et à caractéristiques sociales égales.

Observer le rapport subjectif au travail
Karasek et Theorell (1990) suggèrent déjà l’ambivalence de l’intensité du travail : selon que la latitude décisionnelle et le soutien social sont forts ou faibles, un travail exigeant se traduira par un “ développement personnel ” ou par une forte tension. Leur approche est épidémiologique et comportementaliste. Ils constatent un lien entre le travail et la santé, la participation sociale ou la vie culturelle. Ce lien est attribué au vécu subjectif du travail mais celui-ci reste une “ boîte noire ”. Le “ Michigan model ” du stress au travail (Katz et Kahn, 1966) était plus explicite : il introduisait le vécu subjectif des conditions de travail et la réponse affective à celui-ci dans la chaîne allant des conditions objectives au stress. De fait le stress perçu et la satisfaction au travail dépendent des facteurs mis en évidence par Karasek (Kauppinen-Toropainen, 1981).
On s’est efforcé ici d’ouvrir la boîte noire, autant que l’approche statistique le permet. Tenir compte de la subjectivité des travailleurs est d’autant plus nécessaire que ceux-ci contribuent peu ou prou à leur situation de travail : un minimum de “ zèle ” est toujours nécessaire (Dejours, 1993). Il faut donc expliquer ce zèle, envisager différentes formes de motivation et d’implication (Morse, 1955). De plus, les formes de stress et de satisfaction sont multiples, leurs déterminants aussi (F.J. Roethlisberger et W.J. Dickson, 1939 ; Baehr et French, 1958). Les petits et les grands plaisirs de l’activité, le déroulement de la carrière et le sens du travail (Emery et Thorsrud, 1964), la reconnaissance de celui-ci (Niedhammer et Siegrist, 1998), les anticipations sur les trajectoires personnelles et familiales, tout ceci importe. La position sociale détermine aussi pour une part le rapport au travail, au-delà des caractéristiques concrètes de celui-ci (Friedmann, 1954).

3.1 Pas moins de bonheur, mais plus de souffrance

L’enquête Ens-Insee de 1997 sur “ travail et modes de vie ” permet une telle approche. Cette enquête, portant sur 2 600 salariés, compte plusieurs dizaines de questions sur le rapport des personnes à leur activité professionnelle. Comparativement à d’autres questionnaires sur le même thème, celui-ci insiste sur des attitudes par rapport au travail qui paraissent, au vu de la littérature, favorisées par les nouvelles formes de management. En outre la rédaction des questions s’efforce de reprendre le vocabulaire des personnes, attesté par la littérature ou observé lors d’entretiens préliminaires.

L’intensité du travail n’y est malheureusement repérée qu’à travers son appréciation subjective : la part du temps pendant laquelle les personnes estiment devoir travailler à un rythme élevé (Un questionnement du type de celui de l’enquête sur les conditions de travail aurait pris trop de temps). Il peut en résulter des biais. Il n’existe toutefois aucune source évitant cet inconvénient tout en proposant une description riche du rapport au travail.

Par la méthode du score de propension, on a cherché à contrôler les effets sur le rapport au travail de l’autonomie, repérée ici à travers le choix de l’ordre des tâches; de l’exercice d’une responsabilité hiérarchique ; de la durée du travail; des méthodes de management destinées précisément à réguler ce rapport au travail comme les entretiens d’évaluation et l’utilisation de critères mesurables pour évaluer le travail ; du montant du salaire ; du statut d’emploi et de l’ancienneté ; enfin des caractéristiques socio-démographiques (sexe, nationalité, âge, diplôme) tableau 3 (A titre de vérification, on a procédé à des régressions (ordinaires ou logistiques selon la nature de la variable endogène) : les résultats sont très généralement concordants).

Le rapport au travail, tel qu’il est décrit dans l’enquête, peut être, grâce à une analyse de correspondances multiples, résumé par trois facteurs : le degré de “ bonheur ” au travail (premier facteur de l’a.c.m.) ; la pression ressentie (deuxième facteur) ; un rapport au travail individuel versus un rapport médié par un collectif (troisième facteur) (Baudelot, Gollac et al., 2003). L’intensité est associée à une diminution statistiquement significative, mais modérée, du “ bonheur au travail ” : environ 15% de l’écart-type du facteur, 10% de l’écart entre les cadres et les ouvriers. L’intensité a par contre un effet massif sur la pression. Elle l’augmente d’environ 40% de l’écart-type du second facteur. Enfin elle accroît, de manière statistiquement significative, mais modérée, le caractère individualisé de la relation au travail.

L’augmentation de la pression ressentie au travail peut être de grande conséquence. Les personnes qui ne trouvent pas de bonheur au travail n’expriment pas forcément une souffrance importante. Si la pression est faible, elles peuvent se tenir psychologiquement en retrait de leur travail. Ceci se traduit de façon typique par le fait de déclarer “ s’impliquer dans son travail juste ce qu’il faut ”. La souffrance apparaît quand le bonheur est absent et la pression forte. Par conséquent l’intensité du travail peut être une source de souffrance, non tant en supprimant des sources de satisfaction (L’idée selon laquelle l’intensité est un facteur déterminant de la satisfaction et surtout de l’insatisfaction au travail (Walker et Guest, 1952) n’est donc qu’en partie fondée : la souffrance n’est pas le simple négatif de la satisfaction) qu’en introduisant des éléments de pression. Elle entraîne une augmentation dramatique de la tension nerveuse ressentie.

Souhaiter qu’un de ses enfants s’engage dans la même activité que soi est particulièrement représentatif du bonheur au travail. La probabilité de le faire n’est pas significativement affectée par l’intensité de travail ressentie. Autre jugement synthétique : la comparaison entre sa situation et celle de ses parents. L’intensité augmente la probabilité de jugements pessimistes sur l’évolution d’une génération à l’autre. Mais la probabilité de jugements optimistes n’est pas affectée (ce sont les réponses : “ situation équivalente ” ou “ je n’arrive pas à comparer ” qui sont moins fréquentes). L’intensité du travail crée des situations douloureuses, mais au détriment des situations neutres et non des situations favorables. En situation de forte intensité, on va plus souvent ressentir que le premier jour de la semaine est le jour le plus dur. Mais on ne ressentira pas moins souvent que ce jour-là, on est plutôt content. On verra peut-être moins son travail comme une “ routine ” (qui peut lasser mais aussi aider à se mettre en retrait pour contenir la souffrance), plus comme une “ galère ” ou une “ jungle ”.

Outre qu’elle crée un risque (mais pas une certitude) de malheur au travail, l’intensité du travail fait que celui-ci envahit la vie hors travail. Des tensions apparaissent entre le salarié qui se consacre trop à son travail et ses proches. Ses conversations avec eux portent souvent sur la fatigue au travail. Mais la probabilité de parler avec ses proches de l’intérêt du travail augmente aussi. En fait, la forte implication que nécessite le travail intense résulte pour certains d’une obligation tandis que pour d’autres elle est vécue comme un choix : s’impliquer beaucoup dans un travail intéressant, ou pour gagner plus.

Néanmoins, globalement, l’intensité du travail fait pencher du mauvais côté la balance des contributions et des rétributions. On se sent moins reconnu. D’ailleurs on ne se sent pas écouté. Or, la combinaison de l’intensité et de la non reconnaissance est particulièrement pathogène (Niedhammer et Siegrist, 1998). Le sentiment d’iniquité est aggravé par le fait que la forte implication requise amène à percevoir douloureusement une éventuelle mésentente dans l’équipe, l’absence de pouvoir ou même une condition de travail sans rapport direct avec l’intensité comme l’absence de contact avec la nature. Le sentiment d’injustice s’explique aussi par le fait que les mauvaises conditions de travail liées à l’intensité ne font pas l’objet de différences salariales compensatoires suffisantes (Godechot et Gurgand, 2000).

Le salarié qui ressent une forte intensité peut avoir le sentiment que l’avenir est compromis : son travail “ le vieillit prématurément ”, ce qui désigne non seulement l’usure physique, mais l’usure psychologique et le vieillissement social. Ce travail exigeant ne donne d’ailleurs pas plus qu’un autre “ les moyens de rester dans le coup ”. Le travail intense ne permet pas d’accumuler une vraie expérience faute de temps de cristallisation de celle-ci, d’où cette impression de vieillissement prématuré.

Les situations de travail intense ne sont pas perçues comme des situations durables et permettant un développement personnel. Elles ne font pas l’objet d’une juste rétribution sur le moment et handicapent souvent l’avenir. Elles accroissent donc le sentiment d’être exploité. Ce sentiment, dès lors, peut concerner toutes les classes sociales. Non seulement l’intensité du travail touche tous les milieux, mais encore deux individus analogues du point de vue des grandes variables instituées la vivront de façon très différente. Il y a là un élément d’individualisation du rapport au travail qui se combine avec l’individualisation croissante de la gestion de l’emploi. Les inégalités entre groupes sociaux gardent toute leur importance, mais les groupes constitués et représentés dans l’organisation sociale héritée du passé ne prennent en compte qu’une partie des problèmes actuels. Le retrait psychologique ou son opposé, l’investissement heureux dans le travail dépendent autant que le salaire des grandes divisions de l’espace social, instituées dans le diplôme, la qualification reconnue, etc. l. Le degré de souffrance ressenti au travail, les sentiments de non reconnaissance, d’injustice et d’exploitation, qui sont au contraire liés spécifiquement à la pression dans le travail.

3.2 Pourquoi l’intensité est-elle acceptée ?

Pourquoi les salariés acceptent-ils l’intensification du travail ? La peur du chômage peut faire accepter de mauvaises conditions de travail (Askenazy, ce n°). L’enquête “ travail et modes de vie ” montre un lien, toutes choses égales par ailleurs, entre l’appréciation que portent les salariés sur le risque de perdre leur emploi et le fait qu’ils estiment travailler à un rythme élevé, mais le sens de la causalité est problématique : la crainte du chômage peut faire accepter l’intensité tout comme une intensité à laquelle on a du mal à faire face peut entraîner des craintes pour son emploi.

A côté de la peur, des méthodes “ douces ” peuvent faire accepter l’intensité du travail. Le cumul de contraintes est fréquemment associé à l’usage d’entretiens d’évaluation (Gollac et Volkoff, 2001). Toutefois, selon des travaux récents, ceux-ci pourraient avoir plutôt pour fonction de faciliter la coopération ou, du moins, de créer un “ esprit maison ”. Les résultats de l’enquête travail et modes de vie indiquent que, toutes choses égales par ailleurs, les entretiens sont associés à une intensité du travail ressentie un peu plus forte. L’usage de critères mesurables lors de ces entretiens a un effet sensiblement plus net. La manière douce peut être efficace pour faire accepter l’intensité parce que celle-ci n’est pas uniformément vécue comme un phénomène négatif. Tant qu’on ne “ craque ” pas, on peut au contraire se prendre au jeu, voire y trouver du plaisir. La dynamique même du travail sous pression est prenante (Burnod, Cartron et Pinto, 2000). Faire face avec succès à l’intensité du travail peut aussi engendrer des espoirs de promotion qui la feront supporter.

Enfin les conséquences d’une même intensité du travail diffèrent d’un individu à l’autre. Les conditions de travail tendent donc à être vécus comme des problèmes individuels. Les plaintes d’une personne qui souffre de l’intensité excessive du travail parce que les façons de procéder rapides lui conviennent mal peuvent rencontrer l’indifférence ou l’hostilité de ses collègues qui le jugeront paresseux, incompétent ou, au mieux, dépressif. C’est d’autant plus probable que les causes de l’intensité dans les organisations innovantes sont difficiles à exhiber (Cartron et Gollac).

Lorsque seuls le petit chef ou les normes de production sont en cause, comme c’était le cas avec l’intensité-débit taylorienne, les personnes peuvent se montrer très critiques. Lorsque la cause de l’intensité réside dans le client (même si celui-ci est en fait un donneur d’ordre) ou dans les normes de qualité, il est difficile de critiquer : “ le client ” et “ la qualité ” ont une grande légitimité. Quant à la complexité organisationnelle ou à la mauvaise organisation, elles sont difficiles à mettre en évidence pour des individus ou même des syndicats qui, en France, ont rarement assez de militants pour se livrer à une analyse fouillée de l’organisation. La méconnaissance de l’activité réelle de travail, tant par les directions que par les syndicats, contribue à maintenir un niveau d’intensité du travail élevé et des conditions de travail dégradées.

4. Conclusion

L’intensité excessive du travail est source de pénibilités, de nuisances et de risques. L’intensification du travail au cours des années 1980 et 1990 a donc été selon toute vraisemblance, une cause essentielle de la dégradation des conditions de travail perçues par les salariés. Ce mouvement va-t-il se poursuivre ou peut-il s’interrompre ? La capacité d’effort des travailleurs a des limites et il est difficile d’envisager une intensification illimitée, même si elle est de nature plus qualitative que quantitative. Ainsi en Grande-Bretagne, voire dans l’ensemble de l’Union européenne, l’intensité du travail pourrait avoir atteint un plafond (Gallie, 2002 ; Green). Toutefois on peut aboutir à un niveau d’intensité très élevé, accompagné d’une forte sélection de la main-d’œuvre et d’effets désastreux, à court ou long terme, pour la santé de la population active. Est-ce une contrepartie inévitable de l’efficacité économique ?

Rien n’est moins sûr. La dégradation maximale des conditions de travail est, on l’a vu, le fait d’organisations déficientes. L’organisation globale de l’économie pèse incontestablement sur le travail de chacun, mais les décisions prises localement, au niveau de l’entreprise ou du service, ne sont pas sans portée. Face aux contraintes, il n’y a pas de one best way organisationnel (Lorenz et Valeyre, 2004). Aux Etats-Unis, le coût des assurances sur les accidents et maladies professionnels est devenu considérable pour les entreprises ; les organismes publics chargé de la sécurité au travail font une large publicité aux manquements qu’ils constatent, facilitant l’activisme des syndicats. Dans ce contexte, certaines firmes ont, récemment amélioré cet aspect des conditions de travail sans perte d’efficacité économique (Askenazy, 2004). L’action publique doit donc chercher à modifier le comportement des acteurs, à les faire sortir des cercles vicieux de l’urgence. Les exemples américain ou nordique montrent qu’un tel but peut être atteint en combinant des politiques de coercition, d’incitation, d’information et d’encouragement à la négociation.

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Auteur :

Michel Gollac est actuellement détaché comme chercheur au Centre d'Etude de l'Emploi. Il y anime une des unités de recherche : " Travailleur et organisation ".

Il s'intéresse particulièrement aux transformations des organisations en lien avec les technologies de l'information et de la communication, ainsi qu'aux transformations des conditions de travail et du rapport subjectif des travailleurs à leur travail.

Cette recherche a bénéficié de la coopération ou du soutien financier de l’Action coordonnée incitative “ travail ” du Ministère de la recherche, de la Dares, de l’Ecole normale supérieure et de l’Insee




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Michel Gollac

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