Le Temps des Valeurs

4.26 A Du pouvoir et des hommes (1)


Présentation de l'auteur :

Jean-Pierre Friedman est docteur en psychologie et psychanalyste. Consultant auprès de grands groupes industriels, il a enseigné la psychologie du pouvoir dans de nombreuses grandes écoles, dont l'ENA).

En 1984, il a notamment réalisé avec Yvan Dalain un film sur une expérience sociologique inédite, en réunissant dans un refuge jurassien, des racistes et des victimes du racisme. Durant quatre jours, ils vont confronter leurs points de vue et apprendre à vivre ensemble. Au cours de cette expérience, les phénomènes de pouvoir se révèlent peu à peu.

L'article que nous proposons ici est un extrait de son livre " Du pouvoir et des hommes " édité par les éditions Michalon. Nous remercions l'auteur et l'éditeur de nous accorder le droit de diffuser ce chapitre.

Introduction

" Le pouvoir est une maladie mentale. On peut la diagnostiquer à divers stades, depuis les intoxiqués légers dont l'état peut empirer brusquement, jusqu'aux malades en phase terminale. La Fontaine disait : " Ils n'en mourraient pas tous, mais tous étaient atteints "... Aidé par beaucoup de curiosité et un peu de chance, j'ai pu côtoyer nombre d'hommes de pouvoir. Psychothérapeute, j'ai reçu leurs confidences. Consultant, j'ai travaillé avec eux. Dans l'entreprise, en politique ou à l'université, j'ai reconnu la même odeur de sang et retrouvé les mêmes grands fauves, de la race de ceux qui, à défaut de devenir roi des animaux, veulent régner sur les Français. " Jean-Pierre Friedman (Du pouvoir et des hommes)

1. Le pouvoir, c'est la vie

Commençons par ceux qui ont envie de commander. Pour la plupart des gens ordinaires, la vie est un passage qu'il convient de franchir le mieux, ou le moins mal possible, selon les contrées et les époques. Pour d'autres, ce n'est que le moyen d'accéder à une vie meilleure dans l'au-delà. Ceux que j'appelle les hommes de pouvoir, même quand ce sont des femmes. Simone de Beauvoir n'a-t-elle pas affirmé que la moitié des hommes sont des femmes et ont d'autres préoccupations. Le bonheur ne les intéresse pas.

Tout au moins pas n'importe quel bonheur. A notre époque, prompte au larmoiement et à l’autocompassion, ils ont une singularité : ils ne se plaignent jamais. Toujours souriants, sauf quand les circonstances les contraignent provisoirement à affecter un air grave, ils auraient pourtant toutes les raisons de se plaindre. Attaqués de toutes parts, coincés entre des agendas tyranniques, la pression obsessionnelle des sondages, les échéances électorales multiples, les mandats encore trop nombreux, les intrigues du sérail et les exigences de leur vie privée souvent tumultueuse, ces gens, en permanence pressés ou sommés d'agir, souffrent pour la plupart de surmenage.

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Jean-Pierre Friedman