1. La soudaine émergence des pays
A partir de 1996, beaucoup d'entreprises industrielles ont été confrontées à l'émergence d'une concurrence " low cost ". Dans le secteur de la métallurgie, par exemple, cette émergence a été particulièrement vive et rapide venant notamment des pays de l'Est et plus tard de la Chine. Elle l'a été encore plus soudaine dans le domaine du textile.
Il est particulièrement intéressant de voir comment la plupart des directions ont réagi par rapport à cette nouvelle concurrence.
Beaucoup l'ont dans un premier temps sous-estimée, voire négligée. Elles ont souvent lancé de vastes programmes de productivité dans le but d'améliorer leur rentabilité financière. Grâce à ses programmes, elles ont certes pu résister un moment, puis ont commencé à connaître un léger fléchissement qui s'est traduit peu à peu par une augmentation importante du nombre de dépôt de bilan. Ce sont notamment les entreprises de plus de 200 salariés qui entre 2003 et 2005 ont été le plus touchées.
Il est particulièrement intéressant de voir comment la plupart des directions ont réagi par rapport à cette nouvelle concurrence.
Beaucoup l'ont dans un premier temps sous-estimée, voire négligée. Elles ont souvent lancé de vastes programmes de productivité dans le but d'améliorer leur rentabilité financière. Grâce à ses programmes, elles ont certes pu résister un moment, puis ont commencé à connaître un léger fléchissement qui s'est traduit peu à peu par une augmentation importante du nombre de dépôt de bilan. Ce sont notamment les entreprises de plus de 200 salariés qui entre 2003 et 2005 ont été le plus touchées.
2. L'idolâtrie de la compétitivité prix
Si on analyse d'un peu plus près cette réalité, on s'aperçoit que le comportement des décideurs s'est caractérisé essentiellement par un certain acharnement.
Ce comportement dit managérial est d'autant plus étonnant qu'il appartient à des directions, issues souvent des systèmes de formation les plus prestigieux. Comment expliquer cet entêtement à défendre un modèle qui avec le temps a fait la preuve de son obsolescence ?
Dans le cadre d'une étude sur les restructurations que nous menons, nous avons récemment interviewé des salariés confrontés de plein fouet à ces situations. Plusieurs d'entre eux ont eu le sentiment que les "directions successives" n'avaient pas su prendre " le virage d'après low cost ".
Devant l'érosion de la Valeur Ajoutée, elles ont fréquemment été tentées de privilégier la rentabilité à court terme plutôt que la pérennité. Cette orientation n'est évidemment pas totalement spontanée car derrière le comportement des managers se profile de façon souterraine la volonté des actionnaires. Le film " Riens du tout " de Cédric Klapisch où Fabrice Luchini interprète avec talent le rôle d'un DRH convaincu illustre bien cette influence occulte.
A partir de 1996, les " propriétaires " de plus de 200 salariés sont justement de moins en moins des entrepreneurs. Pour se développer, ces derniers font appel à des financiers qui voient là, l'occasion d'améliorer leur profit. Dans ces PME, de taille significative, la logique financière l'emporte sur la logique industrielle. Exerçant une influence de plus en plus intense sur les managers, ces derniers deviennent de simples agents au service du capital. A cette époque, ils sont d'ailleurs de plus en plus de formation " financière ". La saine contradiction entre le pouvoir managérial et le pouvoir disparaît "au profit" de ce dernier. Le " Capital " l'emporte sur la fonction " Travail ".
Ce comportement dit managérial est d'autant plus étonnant qu'il appartient à des directions, issues souvent des systèmes de formation les plus prestigieux. Comment expliquer cet entêtement à défendre un modèle qui avec le temps a fait la preuve de son obsolescence ?
Dans le cadre d'une étude sur les restructurations que nous menons, nous avons récemment interviewé des salariés confrontés de plein fouet à ces situations. Plusieurs d'entre eux ont eu le sentiment que les "directions successives" n'avaient pas su prendre " le virage d'après low cost ".
Devant l'érosion de la Valeur Ajoutée, elles ont fréquemment été tentées de privilégier la rentabilité à court terme plutôt que la pérennité. Cette orientation n'est évidemment pas totalement spontanée car derrière le comportement des managers se profile de façon souterraine la volonté des actionnaires. Le film " Riens du tout " de Cédric Klapisch où Fabrice Luchini interprète avec talent le rôle d'un DRH convaincu illustre bien cette influence occulte.
A partir de 1996, les " propriétaires " de plus de 200 salariés sont justement de moins en moins des entrepreneurs. Pour se développer, ces derniers font appel à des financiers qui voient là, l'occasion d'améliorer leur profit. Dans ces PME, de taille significative, la logique financière l'emporte sur la logique industrielle. Exerçant une influence de plus en plus intense sur les managers, ces derniers deviennent de simples agents au service du capital. A cette époque, ils sont d'ailleurs de plus en plus de formation " financière ". La saine contradiction entre le pouvoir managérial et le pouvoir disparaît "au profit" de ce dernier. Le " Capital " l'emporte sur la fonction " Travail ".
3. Le prix à payer de la compétitivité prix
Devant l'effondrement des marges provoquées par la guerre des prix, les directions ont souvent insidieusement :
- réduit les investissements matériels.
- allégé la Recherche Développement, jugée trop coûteuse.
- utiliser les ressources humaines avant tout comme une simple variable d'ajustement comptable.
Cette dernière " manœuvre " s'opérant généralement sans se demander quelles compétences pouvaient-être gardées et encore moins, si à partir de celles-ci l'entreprise pouvait se redévelopper en cherchant à créer plus de " Valeur Client ".
Quelques années plus tard, il est hélas possible de mesurer le coût caché de ces aveuglements :
- licenciements massifs des salariés, dont beaucoup étaient compétents et motivés.
- disparition de certaines entreprises et de leurs sous-traitants.
- effondrement des territoires.
L'année 2003 a été particulièrement sanglante puisque notre économie détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée (- 40 000 à - 70 000 selon les sources), en particulier dans le secteur industriel. Au point qu'on se demande si " l'économique n'est pas contre le social ? "
- réduit les investissements matériels.
- allégé la Recherche Développement, jugée trop coûteuse.
- utiliser les ressources humaines avant tout comme une simple variable d'ajustement comptable.
Cette dernière " manœuvre " s'opérant généralement sans se demander quelles compétences pouvaient-être gardées et encore moins, si à partir de celles-ci l'entreprise pouvait se redévelopper en cherchant à créer plus de " Valeur Client ".
Quelques années plus tard, il est hélas possible de mesurer le coût caché de ces aveuglements :
- licenciements massifs des salariés, dont beaucoup étaient compétents et motivés.
- disparition de certaines entreprises et de leurs sous-traitants.
- effondrement des territoires.
L'année 2003 a été particulièrement sanglante puisque notre économie détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée (- 40 000 à - 70 000 selon les sources), en particulier dans le secteur industriel. Au point qu'on se demande si " l'économique n'est pas contre le social ? "
4. Une prise de conscience parfois trop tardive
L'expression d'un ouvrier que nous avons interrogé résume bien cette orientation : " on s'est plus occupé du pognon que des personnes ! " - "Nous avions des savoir-faire spécifiques reconnus, nous aurions pu nous diversifier, mais nos directions successives n'en ont pas tenu compte. Elles se sont crispés sur les coûts ! "
Ce fut l'ère glorieuse des Kost Killers. Aujourd'hui c'est un terme dont on entend plus parler. Il a pratiquement disparu du vocabulaire managérial.
Une prise de conscience tardive est en train de s'opérer. Les pôles de compétitivité en sont un exemple. On sait aujourd'hui qu'il faut investir sur l'intelligence et la créativité des hommes. On n'a plus le choix. Dans certains cas, il est déjà trop tard !!!
Ce fut l'ère glorieuse des Kost Killers. Aujourd'hui c'est un terme dont on entend plus parler. Il a pratiquement disparu du vocabulaire managérial.
Une prise de conscience tardive est en train de s'opérer. Les pôles de compétitivité en sont un exemple. On sait aujourd'hui qu'il faut investir sur l'intelligence et la créativité des hommes. On n'a plus le choix. Dans certains cas, il est déjà trop tard !!!
5. Repenser la formation des élites
L'ensemble des sciences de gestion semble largement contaminé par cette philosophie " productiviste ". Tout doit être mesuré, contrôlé dans une perspective de maîtrise des coûts, comme si c'était le seul salut possible. " Il faut être pragmatique " entend t-on partout. Toute tentative de réflexion devenant suspecte. Le temps de l'action est sanctifié au détriment du "temps stratégique", réservé à des " intellectuels fumeux ".
Or c'est précisément quand un environnement change, qu'il devient nécessaire de passer du temps à la réflexion. Le problème aujourd'hui c'est que nos esprits et nos consciences ont été formées et récompensées à analyser les situations avec un ancien modèle. C'est peut-être ce qui explique l'enfermement quasi obsessionnel de certaines directions à chasser les coûts dont la forme ultime aboutie souvent à des délocalisations vers des pays où les coûts de main d'œuvre sont moins importants.
Prépare-t-on vraiment nos élites au monde de demain en leur enseignant les seules règles sacro saintes de la rationalité " productiviste ? " Les Grandes Ecoles ne doivent-elles pas, une fois de plus, se réinventer pour préparer les managers à affronter un monde nouveau ?
Edgar Morin dans son livre les " Les Sept Savoirs nécessaires à l'éducation du futur " nous donne quelques pistes dont nous pourrions nous inspirer… Il a identifié 7 principes clés pour l’éducation du futur dont trois au moins semblent prioritaires pour les managers :
- Admettre l’incertitude de la connaissance et sortir de l’arrogance des dogmes. Nos représentations ne sont que des perceptions relatives de la réalité. Nous sommes par nature dans l’incapacité de comprendre le monde seulement à partir de nous-mêmes.
- Encourager l’interdisciplinarité et la coopération entre les acteurs pour accéder à une véritable intelligence des phénomènes. En d’autres termes, la rationalité classique n’est plus suffisante car elle privilégie la disjonction plutôt que la conjonction. Il faut, au contraire rassembler les disciplines et non les diviser.
- Développer une plus grande compréhension de la condition humaine : " L'être humain est un être raisonnable et déraisonnable, capable de mesure et de démesure; sujet d'une affectivité intense et instable, il sourit, rit, pleure, mais sait aussi connaître objectivement ; c'est un être sérieux et calculateur, mais aussi anxieux, angoissé, jouisseur, ivre, extatique ; c'est un être de violence et de tendresse, d'amour et de haine ; c'est un être qui est envahi par l'imaginaire et qui peut reconnaître le réel, qui sait la mort et qui ne peut y croire, qui secrète le mythe et la magie mais aussi la science et la philosophie ; qui est possédé par les Dieux et par les Idées, mais qui doute des Dieux et critique les Idées ; il se nourrit de connaissances vérifiées, mais aussi d’illusions et de chimères. Et lorsque, dans la rupture des contrôles rationnels, culturels, matériels, il y a confusion entre l'objectif et le subjectif, entre le réel et l'imaginaire, lorsqu'il y a hégémonie d'illusions, démesure déchaînée, alors l’homo demens assujettit l’homo sapiens et subordonne l'intelligence rationnelle au service de ses monstres ".
Or c'est précisément quand un environnement change, qu'il devient nécessaire de passer du temps à la réflexion. Le problème aujourd'hui c'est que nos esprits et nos consciences ont été formées et récompensées à analyser les situations avec un ancien modèle. C'est peut-être ce qui explique l'enfermement quasi obsessionnel de certaines directions à chasser les coûts dont la forme ultime aboutie souvent à des délocalisations vers des pays où les coûts de main d'œuvre sont moins importants.
Prépare-t-on vraiment nos élites au monde de demain en leur enseignant les seules règles sacro saintes de la rationalité " productiviste ? " Les Grandes Ecoles ne doivent-elles pas, une fois de plus, se réinventer pour préparer les managers à affronter un monde nouveau ?
Edgar Morin dans son livre les " Les Sept Savoirs nécessaires à l'éducation du futur " nous donne quelques pistes dont nous pourrions nous inspirer… Il a identifié 7 principes clés pour l’éducation du futur dont trois au moins semblent prioritaires pour les managers :
- Admettre l’incertitude de la connaissance et sortir de l’arrogance des dogmes. Nos représentations ne sont que des perceptions relatives de la réalité. Nous sommes par nature dans l’incapacité de comprendre le monde seulement à partir de nous-mêmes.
- Encourager l’interdisciplinarité et la coopération entre les acteurs pour accéder à une véritable intelligence des phénomènes. En d’autres termes, la rationalité classique n’est plus suffisante car elle privilégie la disjonction plutôt que la conjonction. Il faut, au contraire rassembler les disciplines et non les diviser.
- Développer une plus grande compréhension de la condition humaine : " L'être humain est un être raisonnable et déraisonnable, capable de mesure et de démesure; sujet d'une affectivité intense et instable, il sourit, rit, pleure, mais sait aussi connaître objectivement ; c'est un être sérieux et calculateur, mais aussi anxieux, angoissé, jouisseur, ivre, extatique ; c'est un être de violence et de tendresse, d'amour et de haine ; c'est un être qui est envahi par l'imaginaire et qui peut reconnaître le réel, qui sait la mort et qui ne peut y croire, qui secrète le mythe et la magie mais aussi la science et la philosophie ; qui est possédé par les Dieux et par les Idées, mais qui doute des Dieux et critique les Idées ; il se nourrit de connaissances vérifiées, mais aussi d’illusions et de chimères. Et lorsque, dans la rupture des contrôles rationnels, culturels, matériels, il y a confusion entre l'objectif et le subjectif, entre le réel et l'imaginaire, lorsqu'il y a hégémonie d'illusions, démesure déchaînée, alors l’homo demens assujettit l’homo sapiens et subordonne l'intelligence rationnelle au service de ses monstres ".
Pour terminer, nous vous proposons d'aller visiter vos concurrents !
Bibliographie
A consulter absolument les travaux de Christian Brodier sur la Valeur Ajoutée Directe
En particulier son article fondateur sur " La dictature du Prix de Revient ", publié dans le journal Harvard Expansion (été 1990)
Nous invitons également le lecteur à consulter notre blog " Synthèse économique " qui rassemble de nombreux reportages, articles ou reportages sur le thème de " La fin du modèle de la compétitivité Prix ", en particulier le reportage " La Chine, usine du monde " réalisé par Dorothée Thenot de Public Senat TV
Signalons, par ailleurs, le cours sur l'Analyse de la valeur de Jean Pierre GRANDHAYE sur le site Canal- U Education
En particulier son article fondateur sur " La dictature du Prix de Revient ", publié dans le journal Harvard Expansion (été 1990)
Nous invitons également le lecteur à consulter notre blog " Synthèse économique " qui rassemble de nombreux reportages, articles ou reportages sur le thème de " La fin du modèle de la compétitivité Prix ", en particulier le reportage " La Chine, usine du monde " réalisé par Dorothée Thenot de Public Senat TV
Signalons, par ailleurs, le cours sur l'Analyse de la valeur de Jean Pierre GRANDHAYE sur le site Canal- U Education