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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Valeurs

4. 49 Et si les entreprises libérées étaient en train de redécouvrir l'approche systémique ?


1. Quand l'entreprise libérée s'efforce de faire système

Au delà des controverses que le phénomène suscite, l'observation attentive des entreprises libérées montre clairement qu'elles tentent de construire un système quand elles ne se contentent pas d'en implanter un comme celui de la Sociocratie (Endenbourg, 1998), de l'Holacratie (Roberston, 2015), du modèle Opale (Laloux, 2015), ou plus exceptionnellement de l'Harmocratie (Leofold, 2014) ou de la Sophocratie (Cohen, 2012)

Cet effort a un sens: il vise à redistribuer le pouvoir dans les organisations sur des bases sinon plus démocratiques, en tout cas plus collectives. Les comportements suivant le montrent bien: 
 - Les salariés sont invités à se regrouper en cercles ou en groupes de travail (Cf. Le fonctionnement en cercle de la sociocratie)
-  Les managers en titre sont parfois destitués pour être remplacés par des leaders élus (Cf. Election sans candidat en sociocratie)
- Les communautés de travail sont invités à définir des règles de fonctionnement collectif (Cf. Le cercle de gouvernance de l'Holacratie)
- Une attention particulière est portée à définir des rôles bien identifiés entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont dans l'opérationnel (Holacratie)
- Les collectifs se réunissent régulièrement pour faire évoluer les règles qu'ils se sont données pour mieux fonctionner ensemble. (Holacratie)
- Ils créent des protocoles de conduite de réunion souvent très structurés (Cf. Méthodes de réunions sociocratiques ou holacratiques)

Ce qui est intéressant à observer, dans cette histoire,  c'est la façon dont les acteurs réinventent le management.  Contrairement en effet à ce qu'ils affirment parfois, celui - ci n'a pas disparu. On retrouve en effet tous les éléments qui le caractérisent. Ce qui change c'est simplement la façon de les mettre en oeuvre, plus collective, plus délibérative et plus collaborative. 

En réalité, c'est bien la dimension systémique qui est valorisée dans ces démarches au détriment de "l'individu manager". D'une certaine façon on peut parler d'un transfert de pouvoir de l'individu manager au groupe. Rappelons que " Jöel de Rosnay (2014) définit "un système comme un ensemble d'éléments en interaction". Cette définition correspond parfaitement aux diverses pratiques qui sont mises en oeuvre dans les entreprises libérées. En effet, il ne d'agit pas d'un changement ponctuel de telles ou telles méthodes et ou de comportements mais d'un bouleversement, quand ce n'est pas une métanoïa de l'ensemble des règles qui gouvernent l'organisation toute entière. 

2. La libération des entreprises passe par une définition structurante des espaces de liberté

Déjà en 1990, Jean - Louis Servan Schreiber (1990) avait identifié à travers l'enquête qu'il avait menée auprès d'une centaine de dirigeants des plus grandes entreprises françaises que la première compétence d'un manager était la capacité "à concevoir et à animer un système". 

Mais cette recherche journalistique pourtant sérieuse n'avait pas eu, à l'époque,  un succès médiatique important. Les dirigeants en général restaient très convaincus par les méthodes  du management par objectif, considérant que la mise en compétition que celles - ci engendraient étaient une source de performance. 

Des travaux sur l'approche systémique en management ont pourtant été publiés par le français Jacques Mélèse en 1972   puis par le  canadien Remy Gagné en 1988 ou encore par l'américain Peter Senge mais ils n'ont eu qu'une audience limitée; les managers restant fascinés par les théories de la motivation. 

La dimension systémique engagée dans les processus de libération est aujourd'hui évidente. "La constitution holacratique"  * en témoigne: elle propose 31 pages de règles à définir en commun. Elle définit par exemple : 
- Les rôles et les personnes en charge de rôle
- La structure et le fonctionnement des cercles
- Le processus de gouvernance générale 
- Les processus opérationnels (du quotidien)
- Le rôle des concepteurs de la constitution

La sociocratrie propose aussi un certain nombre de règles de fonctionnement certes moins formalisées mais tout aussi structurantes pour la communauté de travail. La lecture du livre du fondateur Gérard Endenbourg  le confirme ainsi que celle des textes d' un des diffuseurs Gilles Charest .  

*La dernière version  de la constitution holacratique dont le lecteur retrouvera  un résumé dans le graphique ci - après met en évidence que la liberté des acteurs passe par la création d'un cadre bien défini. N'est ce pas là aussi un grand classique du management ? 

holacratie.png Holacratie.png  (324.74 Ko)

3. Essai d'analyse systémique du phénomène des entreprises libérées

Isaac Getz n'apprécie guère qu'on parle de modèle à propos du mouvement qu'il a révélé par ses travaux; Il préfère par prudence utiliser le terme de philosophie.  Pourtant, du point de vue systémique (Lemoigne, 1985),  le terme de modèle est parfaitement acceptable car il est défini comme un "système de représentation des connaissances". Le modèle disait Bachelard (1983) est un "intermédiaire à qui nous déléguons la fonction de connaissances". Il permet de construire l' intelligibilité d'un objet complexe que nous observons. 

Même si le modèle n'est pas le territoire, il en est la carte donc la représentation. C'est en tout ce que permet la modélisation, c'est à dire de mettre en forme " un complexe d'actions, voire un enchevêtrement d'actions" (Lemoigne, 1985); ce qui est le cas du phénomène des entreprises libérées.

Il est sans doute trop tôt pour en réaliser une systémographie scientifiquement crédible, néanmoins, il apparaît clairement des invariants. C'est d'ailleurs ce qu'avait commencé à entreprendre l'association MOM 21.

Pour Jean Louis Lemoigne, la forme canonique sur laquelle on peut s'appuyer pour modéliser, ce qu'il appelle,  un système général repose sur   2 couples de forces en équilibre contradictoire : 
1. Environnement (Contexte) / Téléologie , c'est à dire des finalités confrontées à un contexte 
2. Fonctionnement / Transformations, c'est à dire des process générant des changements identifiables.

L'exercice de la modélisation n'a pas pour but de traduire la totalité du réel mais de permettre des représentations d'un objet nouveau encore mal connu. "Les systèmes (de modélisation) ne sont pas dans la nature mais dans l'esprit des modélisateurs" (Claude Bernard,1865). 

En appliquant ce modèle d'analyse aux entreprises libérées, on peut repérer 
- au niveau du contexte 3 variables décisives : 
  • La nécessité de sortir du modèle de la compétitivité prix par l'innovation à valeur ajoutée (Blanc, 2002)
  • La transformation sociale de la figure d'autorité (Auber, De Gaulejac, 2007)
  • Le développement de la société digitale (Folon, 2015)
- Au niveau des finalités (Téléologie), les entreprises ont besoin de libérer les énergies humaines en créant une organisation bienfaisante. En améliorant le bien - être de leurs salarié(e)s, elles peuvent espérer un engagement plus important. La perspective de de la performance économique est évidemment toujours présente. 
- Au niveau du fonctionnement, les entreprises mettent en place des espaces de délibération plus nombreux à travers la mise en place de nouveaux processus de discussion et de prise de décision entre les acteurs : Création de cercles, redéfinition permanente de rôles en fonction des enjeux, modalités plus ou moins démocratiques de désignation de leaders, invitation à l'agilité collective, etc...
- Au niveau des transformations, cela passe concrètement par la réduction des lignes hiérarchiques, la redistribution du pouvoir, le développement d'interactions plus diversifiées, la révision du principe d'autorité, les efforts que font les acteurs pour se respecter mutuellement dans leur différence, etc...

Il est intéressant, à ce stade, de noter que si on retrouve dans les modèles qui ont inspirés les dirigeants libérateurs l'empreinte de la systémique, ce n'est pas tout à fait par hasard. Rappelons, en effet,  que les deux fondateurs de la Sociocratie comme de la l'Holacratie ont été largement influencés eux mêmes par la cybernétique, étant ingénieurs de formation. 

Pour résumer provisoirement cette analyse, Le phénomène des entreprises libérées apparaît comme un "objet systémique" fabriqué par des forces contradictoires qui s'actualisent dans un temps où se rencontrent des contraintes stratégiques  et des aspirations sociales portées par les individus dans un espace particulier, resté paradoxalement longtemps insulaire, celui de l'entreprise, mais qui fait écho dans la société toute entière à travers le buzz médiatique qui s'agitera sans doute  jusqu'à son intégration définitive dans le social. 

4. Les entreprises libérées ne vivent pas sans règles; elles apprennent à se construire, chemin faisant, un référentiel partagé

Le terme "libéré" est davantage un slogan qu'un concept stabilisé. Il  n'est pas sans susciter quelques fantasmes. Il évoque une absence de contraintes, ou encore l'idée d'une auto-détermination des acteurs. Il s'oppose à la notion d'enfermement. En sociologie, il marque l'aptitude d'un sujet  à exercer sa volonté. On peut également le définir comme un ensemble de possibilités qui s'offrent à un individu ou à un groupe.  

Ce premier niveau de définition n'est cependant pas sans danger car il pourrait laisser entendre que la liberté serait possible sans contraintes, sans règles, sans droit. Cela nécessite assurément  de prendre le temps de définir le concept de liberté car il  est polysémique. 

Pour simplifier et accélérer la réflexion nous distinguerons deux types de liberté : la liberté naturelle et la liberté civile. La première peut être entendue comme le fait d'employer librement l'ensemble de ses ressources tandis que la liberté civile consiste à pouvoir agir comme bon nous semble tant que ce que nous faisons ne nuit pas à autrui ou soit contraire à une loi. Cette deuxième configuration est indissociable d'un choix. 

Selon l'anthropologie psychanalytique, ce qui permet de passer de l'état de nature à l'état de civilisation, c'est la Loi (Surmoi). C'est parce que les Hommes se donnent des conventions qu'ils peuvent vivre en paix. A travers la constitution, l'Holacratie se donne des règles pour optimiser le vivre ensemble. Auparavant, ces règles étaient définies de façon unilatérales par les personnes chargées de représenter l'autorité dans les organisations. Il fallait s'y soumettre sans discussion. D'une certaine façon, leur application relevait  des capacités hypnotiques des managers (Rousillon, 1995) tandis qu'aujourd'hui elles sont construites avec et parfois par les membre du groupe  à travers des "discussions" régulières. (Réunion de gouvernance de l'Holacratie). 

On assiste donc à un déplacement : celui qui fabrique la règle n'est plus le chef mais le groupe lui même. Il est tout à fait illusoire de penser que les entreprises libérées sont des organisations sans règles. La grande différence réside en ce que celles - ci sont le fruit d'un travail de penser collectif. La modernité de la démarche repose sur le fait que c'est que se sont les communautés "instituent" leurs  propres règles, même si certaines s'inspirent fortement de modèles déjà existant. 

Kaës (1993)  nous fournit deux concepts bien pratiques pour comprendre la dynamique de construction la plus adaptée dans cette réinvention organisationnelle. Il distingue deux processus bien spécifiques:
- Le processus isomorphique qui consiste à s'appuyer sur des modèles en cherchant à les reproduire avec le plus d'exactitude possible.
- Le processus homorphique  qui cherche à se construire dans une différenciation par rapport au modèle initial tout en s'en inspirant de lui.  Les entreprises qui par exemple ne se réclament d'aucunes théories particulières mais qui construisent par essais erreurs un  une forme métissée seraient dans ce cas. 

La manière dont les entreprises libérées construisent leurs règles s'inscrit dans une double dynamique. A la fois isomorphique dans le sens où elles empruntent aux mêmes sources (en ne prenant pas la peine , la plupart du temps d'ailleurs de les citer) et en même temps  de façon homomorphique dans la mesure où elles se "constituent" en un système spécifique. C'est sans doute dans cette dialectique qu'Isaac Getz (2016) conseille de travailler quand il déclare que le mouvement des entreprises libérées n'est pas un modèle au sens d'une réplication isomorphique mais une philosophie inspirante, qui doit permettre à chaque organisation de se réinventer sur des bases plus démocratiques. Toute la difficulté d'ailleurs pour les libérateurs étant de trouver la juste dialectique entre ses deux processus. 

Nous avons utilisé au début de l'article le terme d'objet pour qualifier "les entreprises libérées". Une meilleure compréhension de la démarche systémique nous emmène à les considérer comme un projet en constant devenir. 

5. La dimension groupale des entreprises libérées

Il n'échappe à personne que les entreprises libérées reposent sur une dynamique de groupe plus que sur la personne des managers. Elles valorisent ce que José Bleger (1988) appelle une sociabilité par interaction. Mais pour permette cette nouvelle forme de sociabilité ordinaire, elles doivent opérer un remodelage des fondements institutionnels qui organisent le lien social.

Cet "arrière fond" est constitué par l'ensemble des conventions, des règles, des normes qui  conditionnent les interactions des individus d'un groupe dans leur sociabilité ordinaire. Il constitue ce qu'Enriquez qualifie de  "cadre contenant" ou que Scott et Meyer (1983) nomment "Institution". 

En travaillant sur cette dimension "transsubjective" (Kaës, 1993), habituellement "muette" ( ou inconciente),  les groupes humains en recherche de libération  remodèle "l'arrière fond commun qui conditionne la sociabilité visible". 

Les travaux de Kaës et de Bleger sur l'appareil psychique groupal nous permettent de poser l'hypothèse qu'il recompose "le Moi syncrétique de l'appareil psychique groupal" ou encore "identité groupale syncrétique" dont les organisations sont les dépositaires. En d'autres termes, "à leur insu de leur plein gré" ils agissent sur ce qui "incarne le bien commun" (Enriquez, 1988), c'est à dire sur les lois communes qui organisent la vie de leur groupe. Ces lois ont une fonction unifiante et structurante au niveau de l'imaginaire collectif. 

A travers ce travail de délibération collective, les acteurs apprennent à prendre de la distance par rapport à l'ancien modèle qui les déterminaient. C'est certainement la première étape de la libération. Mais il est important de savoir qu'il n'est pas sans danger car la dimension institutionnelle d'une organisation a des fonctions contenantes donc protectrices pour le psychisme des individus qui la composent: Elle organise "les désirs, les interdits et les échanges intersubjectif " (Kaes, 1996). 

Aussi si la transformation de la dimension instituante de l'organisation est  menée trop rapidement sans respect des possibilités d'assimilation des individus, elle peut placer les individus en crise. C'est sans doute ce qu'on pu ressentir certains managers quand on a les sommé au nom d'une idéalité devenue un impérieuse (voire capricieuse) de changer de façon quasi immédiate de modèle de sociabilité. Il y a de quoi y perdre "son latin", c'est à dire le code encodeur (Kaês, 2013)  qui jusqu'à présent structurait le psychisme des individus. 

Dans une démarche de transformation organisationnelle volontaire, il est important en effet de se donner du temps pour que la transition ne se transforme pas "en déliaison pathologique" (Pinel, 1996) et pour que les "infrastructures imaginaires individuelles et collectives" puissent se remodeler sereinement. 

La nécessité d'accompagner la transition : Le rôle des consultants

Une transformation organisationnelle d'une telle ampleur remet en question les organisateurs "de l'appareil psychique groupal, des systèmes d'alliances entre les individus, des espaces oniriques partagés.." (Kaës, 2007). Elle ne peut donc se faire rapidement. Elle doit être le fruit d'un travail collectif de "perlaboration", ou pour rester plus simple d'élaboration.

Certains libérateurs sortis brusquement de leur propre ensorcèlement idéologique ont parfois eu tendance, dans un enthousiasme compréhensible à imposer de manière très autoritaire ce qui leur apparaissait comme LA solution à leur propre inconfort. . On sait aujourd'hui, grâce d'ailleurs à leurs expériences, que cette démarche demande certains préalables, voire certaines précautions sous peine d'être perçue comme une violence. Nous en avons identifiées sept: 
1°) Un dirigeant fortement engagé qui n'hésitera pas à faire un travail sur lui - même  pour  se libérer de ses propres représentations de l'autorité 
2°) Un travail de réflexion avec la direction sur la stratégie de développement économique  et l'organisation adéquate
3°) La création d'un comité de pilotage ad'hoc réunissant les différentes parties prenantes "signifiantes" du projet
4°) Un corps social disponible émotionnellement pour une telle expérience; ce qui suppose que le collectif n'a pas trop accumulé d'affects  sinon une catharsis par les techniques de l'audit social ( au vrai sens du terme !) s'impose. 
5°) Un accompagnement des managers dans la redéfinition de leur rôle, de leurs comportements et de leurs pratiques (ou de leurs disparitions)  à travers la mise en place d'une démarche de formation - action
6°) Un accompagnement également des groupes de travail ou cercles à la mise en place de leurs processus de fonctionnement, notamment dans les méthodes participatives d'animation des réunions
7°) Enfin une modélisation avec le comité de pilotage de ce qui pourrait faire constitution pour la communauté de travail 
8°) Une régulation permanente des tensions à travers une expression régulière des émotions (Holacratie)

La plupart des entreprises qui se sont engagées dans cette voie l'ont rarement fait de façon autonome. Beaucoup de dirigeants se sont inspirés de lectures ou de rencontres qui leurs sont apparues comme décisives. Un grand nombre se font aider par des consultants au niveau de leur propre développement personnel comme au niveau du collectif de travail. Alexandre Gérard, dirigeant de Chronoflex,  recommande de faire appel à un tiers pour aider le dirigeant à " lâcher prise", c'est à dire à abandonner une inévitable volonté de toute puissance liée à l'expérience du pouvoir. 

Il s'agit bien d'un travail sur ce que nous avons appelé "la névrose managériale" (Casalegno,2007). La première étape commence donc pour le dirigeant par un "renoncement"; mais ce renoncement doit être intelligent et progressif pour permettre aux acteurs de sortir de  la régression infantile généralisée imposée par le modèle classique de l'autorité depuis l'école et l'éducation dans les familles.  

D'une certaine façon, le dirigeant se trouve ici dans la même problématique que le psychanalyste Winnicott , fondateur de l'analyse transitionnelle. Il doit trouver la bonne distance. Sans doute ne pas être trop loin au départ puis progressivement se dégager  en définissant des espaces d'autonomie de plus en plus importants. Ricardo Semler, dirigeant de l'entreprise Semco va même jusqu'à accompagner les salariés qui le désirent à créer leur propre entreprise . Michel Hervé, dirigeant du groupe du même nom fait de même.  Toute l'art consiste à trouver le bon rythme de dégagement. Cela suppose discernement et respect. 

C'est exactement la même question à laquelle sont confrontés les analystes relevant de l'approche winnicottienne. Si le patient est émotionnellement fragilisé, il a besoin d'une réelle proximité de la part de l'analyste; ce que n'avaient pas compris les analystes freudiens, qui au nom du sacro - saint  principe d''abstinence, ne témoignaient aucune compassion à l'égard de leur patients en souffrance, rendant par cette attitude rigide la suite de la thérapie impossible. 

Les travaux de Winnicott ont montré que  pour que la  sortie de la régression soit possible, il est nécessaire en effet que le thérapeute (ou le dirigeant) se déplace. Ce sont ces déplacements qui dans l'imaginaire collectif permettront  aux acteurs de prendre conscience "des espaces potentiels" qu'ils peuvent désormais s'autoriser à investir. 

A chacune de ses étapes, le tiers "instruit", possédant une connaissance anthropologique suffisante de la vie des groupes peut soutenir les acteurs dans cet exercice de pertinence. Cela suppose qu'il ne soit pas tenté de se substituer au dirigeant mais d'être à son service et à celui de la communauté toute entière. Cela nécessite d'avoir fait un certain travail sur son égo pour gérer le transfert des ses clients et son propre contre - transfert. 

Car la démarche est sensible. Elle interpelle les idéaux individuels et collectifs puisqu'il s'agit d'une certaine façon de construire une cité idéale (Fourtou, 1985). Tous les acteurs intervenant sur ces dimensions sont généralement  l'objet d'un transfert massif car ils sont considérés par le groupe comme "porte rêve" ou "porte "idéal". Cette "illusion" est évidemment nécessaire à la dynamique du changement. Elle fonctionne comme l'effet "placebo" c'est à dire qu'elle libère un potentiel d'espérance qui va donner au groupe l'énergie de se rêver et de se penser autrement. 

Cette fonction " de porte idéal" est habituellement portée par le dirigeant. Mais dans un processus de changement il est parfois difficile de l'assumer de façon solitaire. C'est pourquoi, certains d'entre eux aspirent à partager avec un tiers cette fonction dite "phorique" (Du grec "phorein" porter). C'est à cet instant qu'intervient en général la figure du consultant, pour soutenir le dirigeant et ses collaborateurs dans cette transition. 

Son utilité ne se limite pas à un simple apport de méthodes plus moins orthopédiques. Il occupe une position symbolique d'intermédiaire dans l'imaginaire groupal. Parce qu'il est censé l'avoir accompli ou observer ailleurs, il incarne provisoirement l'idéal à atteindre pendant la transition.

Il opère entre la rupture et la suture de la résilience d'un modèle.  Sa durée de vie est donc éphémère. Comme Merlin l'enchanteur avec sa "flûte" ("C'est du pipot "...) il attire les rats, c'est à dire tout ce qui encombre la mémoire collective pour repartir avec les mauvaises pensées qui lui ont été dites vers un ailleurs. Une fois l'illusion groupale recréé, le groupe l'aura très vite oublié. Cet effacement fait partie du processus de renaissance. 

La transformation organisationnelle remet en question les formes habituelles de socialisation, les compromis d'existence qu'on fait les acteurs dans leurs organisations  (Foucart,2004). Les libérateurs auraient tout intérêt à fréquenter les travaux qu'ont mené les chercheurs sur ce sujet, ils n'en seraient que plus habiles pour mener à bien ce vaste et beau chantier de réinvention les relations de travail. 

Bibliographie & sitographie


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