Eloge du conflit : Mary Parker Follett et le conflit constructif
Mary Parker Follett est une des plus grandes figures du management du vingtième siècle. Son approche est pragmatique et humaniste. Le présent article rappelle sa conception du conflit, et montre comment elle a forgé cette conception tout au long de sa vie avant de l’enseigner à des cadres et dirigeants d’entreprise. (1)
Mots-clefs : Follett (Mary Parker), Conflit, conflit constructif, management.
Tous ceux qui ont travaillé avec Mary Parker Follett, écouté ses conférences ou l’ont simplement fréquentée, ont témoigné de l’intelligence et de la force de caractère de celle que Peter Drucker a surnommée « The prophet of management ». Aujourd’hui encore, le lecteur est frappé par la clarté et la robustesse de ses idées.
Au fil des années, sa conception du conflit et de la négociation se renforce et s’affine, dans une ligne qui est clairement établie dès son deuxième livre, publié en 1918 : The New State. Cette conception, elle l’a mûrie, testée sur le terrain, enrichie pendant plusieurs décennies ; elle est enracinée dans un terreau fertile d’expériences, de recherches personnelles, de rencontres, d’apports théoriques et empiriques des intellectuels ou praticiens, collègues et amis, avec qui elle aimait passionnément dialoguer. Il nous a paru intéressant de la rappeler et de montrer comment elle l’avait construite au fil des années.
Cet article est tiré de la Revue Négociations (Éloge du conflit, in Négociations, 2005/2, Automne 2005, éditions De Boeck Université, Bruxelles) avec l'aimable autorisation à diffusion de l'auteur (Voir sa présentation en fin d'article).
Mots-clefs : Follett (Mary Parker), Conflit, conflit constructif, management.
Tous ceux qui ont travaillé avec Mary Parker Follett, écouté ses conférences ou l’ont simplement fréquentée, ont témoigné de l’intelligence et de la force de caractère de celle que Peter Drucker a surnommée « The prophet of management ». Aujourd’hui encore, le lecteur est frappé par la clarté et la robustesse de ses idées.
Au fil des années, sa conception du conflit et de la négociation se renforce et s’affine, dans une ligne qui est clairement établie dès son deuxième livre, publié en 1918 : The New State. Cette conception, elle l’a mûrie, testée sur le terrain, enrichie pendant plusieurs décennies ; elle est enracinée dans un terreau fertile d’expériences, de recherches personnelles, de rencontres, d’apports théoriques et empiriques des intellectuels ou praticiens, collègues et amis, avec qui elle aimait passionnément dialoguer. Il nous a paru intéressant de la rappeler et de montrer comment elle l’avait construite au fil des années.
Cet article est tiré de la Revue Négociations (Éloge du conflit, in Négociations, 2005/2, Automne 2005, éditions De Boeck Université, Bruxelles) avec l'aimable autorisation à diffusion de l'auteur (Voir sa présentation en fin d'article).
1. Mary Parker Follett : Pionnière du Management libéré
1.1 La mémoire capricieuse de l’Amérique
Mary Parker Follett (1868-1933) est tombée dans un relatif oubli au lendemain de sa mort, alors qu’elle était une Importante conférencière et une consultante recherchée, aussi bien dans son pays qu’en Angleterre, et une figure intellectuelle de « l’ère progressiste ». Cette éclipse a duré plus de soixante ans, jusqu’à ce que Pauline Graham (1995) réalise une remarquable réédition de ses conférences, commentées par les plus grands auteurs : Drucker, Rosabeth Moss Kanter, Henry Mintzberg, Warren Bennis et quelques autres. Cet événement a été suivi par la publication de nombreux travaux universitaires, la création d’une fondation à Boise, Idaho, et la réédition de plusieurs de ses œuvres, aux États-Unis et en Grande Bretagne.
1.2 Une intellectuelle qui agit, une femme d'action qui pense
Pour Mary Parker Follett, « la création est toujours le fruit d’une activité concrète, jamais, sauf très partiellement, d’une activité intellectuelle » (Metcalf & Urwick 1941 : 143). Toute sa vie, elle a mis en pratique cette affirmation, construisant son œuvre par des allers et retours constants entre une réflexion théorique nourrie de tout ce qui était publié en anglais, français ou allemand des deux côtés de l’Atlantique, et une pratique sur laquelle elle exerçait un sens aigu de l’observation et un remarquable esprit critique.
An- cienne étudiante de Radcliffe College, annexe féminine d’Harvard (l’Université proprement dite était alors réservée aux garçons), elle évoluait dans un milieu intellectuellement stimulant et vivait dans le quartier de Beacon Street à Boston, où elle avait pour voisins et amis la fine fleur de l’intelligentsia américaine. Elle a travaillé et débattu avec des politistes comme Herbert Croly (2), des juristes comme Louis D. Brandeis, Olivier W. Holmes ou Roscoe Pound (3). Elle était proche de William James (4), le philosophe américain le plus important de l’époque.
Elle avait une connaissance très complète de tous les courants de la psychologie, et se réfère notamment au Gestaltisme, développé par des chercheurs de l’école de Francfort émigrés aux États-Unis – Kurt Koffka, Wolfgang Köhler, Max Wertheimer –, et prolongé par les travaux de Kurt Lewin, au béhaviorisme de John B. Watson (5) et Edwin B. Holt (6), et à la psycha- nalyse, introduite aux États-Unis par James Jackson Putman, qui anime entre 1890 et 1909, à Boston, un cercle où se retrouvent William James et Morton Prince. Mary Parker Follett n’avait probablement pas lu Freud, mais connaissait ses théories grâce à Holt.
1.3 L'apôtre de la 3° voie
Aux États-Unis, Follett est aujourd’hui considérée avant tout comme une pionnière de la démocratie participative, et son livre le plus réédité est The New State. En France, son travail le plus connu est Constructive Conflict, une conférence qu’elle prononça pour la première fois en janvier 1925 devant le Bureau of Personnel Administration, à New York et qui lui vaut parfois le qualificatif d’« apôtre de la troisième voie ». Très originale pour son époque, son approche du conflit et de la négociation est aujourd’hui relativement courante. La Bostonienne a en effet parmi ses héritiers directs Robert Fisher et William Ury, auteurs de best-sellers depuis vingt ans. On trouve dans Constructive Conflict (Metcalf & Urwick 1941 : 36 et suiv.) les principales phases de la « négociation raisonnée » développée par le Harvard Negotiation Project.
Nous reviendrons sur cette approche, qui reste étonnamment moderne, quatre-vingts ans après son premier énoncé. Mais nous allons d’abord montrer comment Follett concevait le conflit et comment elle a construit cette conception, en nous intéressant à deux de ses trois domaines d’action et de Recherche : le travail social (social work) (7) et le management (le troisième étant La science politique).
1.4 Le travail social
Follett a travaillé pendant vingt-cinq ans sur le terrain, notamment à Roxbury, l’un des pires quartiers de Boston. Elle y a créé et organisé avec succès des structures sociales – maisons de quartier, clubs de jeunes, services d’éducation populaire et d’orientation professionnelle – destinées à faciliter l’intégration de populations immigrées de fraîche date. Dans le même temps elle participait à des associations civiques comme la Boston Equal Suffrage Association for Good Government, qui militaient en faveur du droit de vote pour les femmes, ou le Comité pour les Alternatives au Saloon, qui combattait l’alcoolisme. Elle a également représenté l’« intérêt public » dans des commissions tripartites chargées de statuer sur les salaires et les conditions de travail ou de régler des conflits sociaux dans les entreprises.
Cette période de sa vie est capitale pour sa formation : elle a permis à la brillante étudiante en sciences politiques d’accumuler une expérience unique sur l’individu, le fonctionnement des collectivités, les relations humaines et sociales, la démocratie formelle et réelle à tous les niveaux. La qualité de ses travaux sur l’individu et le groupe, le conflit, le management des entreprises, repose sur sa longue expérience de terrain et sur sa capacité à l’analyser, à prendre du recul et à conjuguer les observations faites dans des milieux très variés.
La négociation était une de ses activités quotidiennes. Follett réussit à arracher aux édiles, à force de discussions, de persuasion, de mobilisation des réseaux sur lesquels elle pouvait s’appuyer dans les milieux influents de Bos- ton, la mise à disposition de bâtiments scolaires, en dehors des heures de cours, pour abriter les activités de ses centres sociaux. Par ailleurs, pour se faire respecter par les jeunes – souvent en grande difficulté matérielle et morale – dont elle cherchait à faire de bons citoyens américains, elle ne disposait que de son charisme personnel et de sa force de persuasion. Enfin la négociation était fréquemment à l’ordre du jour avec les donateurs.
La jeune Mary et son amie Isobel Briggs se dépensaient sans compter pour améliorer le sort des ouvriers fraîchement immigrés des quartiers pauvres de Boston et pour éduquer leurs enfants, mais elles ne disposaient pas d’une fortune personnelle leur permettant de financer seules leurs activités. Elles avaient besoin du soutien de mécènes (8) qu’il fallait périodiquement convaincre de la nécessité d’ouvrir un nouveau centre, de l’urgence d’embaucher un directeur qualifié ou de l’importance de subventionner des travaux de recherche. Les ressorts psychologiques amenant un « Brahmane » bostonien à signer un chèque ou un père de famille calabrais à permettre à sa fille de s’engager dans l’apprentissage d’un métier étaient différents, et Follett tirait de toutes ces situations des enseignements qui nourrissaient sa réflexion sur le conflit et la négociation.
1.5 Le management et les relations sociales
Un autre volet de ses activités, de 1920 à 1922, fut son rôle de « public representative » dans différents organismes chargés de prévenir ou régler des conflits du travail, comme le Massachusetts Minimum Wage Board », qui avait pour mission de faire appliquer la loi récente (1912) sur le salaire minimum des femmes. Même si le Board n’avait qu’un rôle consultatif, son poids était réel, grâce à la pression sociale qu’il réussissait à exercer ; pour chaque cas qui lui était soumis, la décision finale était débattue en séance publique, et si une entreprise ne respectait pas une décision, son attitude était portée à la connaissance du grand public. Les minutes des débats montrent que Follett y était très active, et qu’elle y peaufinait ses théories sur la négociation, en particulier sur l’approche intégrative.
Dès ses premiers travaux en science politique, Follett était allée chercher ses informations à la source, interviewant de nombreux parlementaires et d’anciens présidents de la Chambre des représentants pour écrire son premier ouvrage (Follett, 1896). Une méthode révolutionnaire pour une jeune étudiante de l’époque, qu’elle a continué à utiliser dans les années 1920, en profitant de ses excellents rapports au sein du Board avec des industriels, des hauts fonctionnaires, des propriétaires de grands magasins, pour pénétrer dans les usines et les bureaux.
Elle savait écouter. Son ami, le docteur Richard Cabot nous rapporte qu’elle était « a creative listener and a creative questioner ». Elle parlait avec les gens, toujours et partout – professeurs, syndicalistes, PDG, chefs du personnel, contremaîtres, mais aussi conducteurs de bus, serveuses, ouvriers d’usine. Ceux qui l’ont connu affirment qu’elle avait un don : susciter la confiance et la confidence. Spontanément, des gens qu’elle ne connaissait pas lui disaient plus de choses qu’à leur meilleur ami.
C’est à cette époque qu’elle se passionne pour l’organisation, le management, la gestion du personnel, les conflits sociaux. Les textes qu’elle publiera à partir de 1924 s’appuient sur cette expérience considérable : vingt-cinq années de travail social de terrain, et de liens à tous les niveaux avec le monde des entreprises. Les écrits qui nous restent sont hélas peu nombreux : un livre, Creative Experience, et surtout ses conférences dans les séminaires du Bureau of Personnel Administration et de la Taylor Society, à New York, ainsi qu’en Grande Bretagne, à la London School of Economics et dans le cadre des Rowntree Conferences à Oxford.
1.6 Les recherches de Mary Parker Folett sur le conflit :
Mary Parker Follett (1868-1933) est tombée dans un relatif oubli au lendemain de sa mort, alors qu’elle était une Importante conférencière et une consultante recherchée, aussi bien dans son pays qu’en Angleterre, et une figure intellectuelle de « l’ère progressiste ». Cette éclipse a duré plus de soixante ans, jusqu’à ce que Pauline Graham (1995) réalise une remarquable réédition de ses conférences, commentées par les plus grands auteurs : Drucker, Rosabeth Moss Kanter, Henry Mintzberg, Warren Bennis et quelques autres. Cet événement a été suivi par la publication de nombreux travaux universitaires, la création d’une fondation à Boise, Idaho, et la réédition de plusieurs de ses œuvres, aux États-Unis et en Grande Bretagne.
1.2 Une intellectuelle qui agit, une femme d'action qui pense
Pour Mary Parker Follett, « la création est toujours le fruit d’une activité concrète, jamais, sauf très partiellement, d’une activité intellectuelle » (Metcalf & Urwick 1941 : 143). Toute sa vie, elle a mis en pratique cette affirmation, construisant son œuvre par des allers et retours constants entre une réflexion théorique nourrie de tout ce qui était publié en anglais, français ou allemand des deux côtés de l’Atlantique, et une pratique sur laquelle elle exerçait un sens aigu de l’observation et un remarquable esprit critique.
An- cienne étudiante de Radcliffe College, annexe féminine d’Harvard (l’Université proprement dite était alors réservée aux garçons), elle évoluait dans un milieu intellectuellement stimulant et vivait dans le quartier de Beacon Street à Boston, où elle avait pour voisins et amis la fine fleur de l’intelligentsia américaine. Elle a travaillé et débattu avec des politistes comme Herbert Croly (2), des juristes comme Louis D. Brandeis, Olivier W. Holmes ou Roscoe Pound (3). Elle était proche de William James (4), le philosophe américain le plus important de l’époque.
Elle avait une connaissance très complète de tous les courants de la psychologie, et se réfère notamment au Gestaltisme, développé par des chercheurs de l’école de Francfort émigrés aux États-Unis – Kurt Koffka, Wolfgang Köhler, Max Wertheimer –, et prolongé par les travaux de Kurt Lewin, au béhaviorisme de John B. Watson (5) et Edwin B. Holt (6), et à la psycha- nalyse, introduite aux États-Unis par James Jackson Putman, qui anime entre 1890 et 1909, à Boston, un cercle où se retrouvent William James et Morton Prince. Mary Parker Follett n’avait probablement pas lu Freud, mais connaissait ses théories grâce à Holt.
1.3 L'apôtre de la 3° voie
Aux États-Unis, Follett est aujourd’hui considérée avant tout comme une pionnière de la démocratie participative, et son livre le plus réédité est The New State. En France, son travail le plus connu est Constructive Conflict, une conférence qu’elle prononça pour la première fois en janvier 1925 devant le Bureau of Personnel Administration, à New York et qui lui vaut parfois le qualificatif d’« apôtre de la troisième voie ». Très originale pour son époque, son approche du conflit et de la négociation est aujourd’hui relativement courante. La Bostonienne a en effet parmi ses héritiers directs Robert Fisher et William Ury, auteurs de best-sellers depuis vingt ans. On trouve dans Constructive Conflict (Metcalf & Urwick 1941 : 36 et suiv.) les principales phases de la « négociation raisonnée » développée par le Harvard Negotiation Project.
Nous reviendrons sur cette approche, qui reste étonnamment moderne, quatre-vingts ans après son premier énoncé. Mais nous allons d’abord montrer comment Follett concevait le conflit et comment elle a construit cette conception, en nous intéressant à deux de ses trois domaines d’action et de Recherche : le travail social (social work) (7) et le management (le troisième étant La science politique).
1.4 Le travail social
Follett a travaillé pendant vingt-cinq ans sur le terrain, notamment à Roxbury, l’un des pires quartiers de Boston. Elle y a créé et organisé avec succès des structures sociales – maisons de quartier, clubs de jeunes, services d’éducation populaire et d’orientation professionnelle – destinées à faciliter l’intégration de populations immigrées de fraîche date. Dans le même temps elle participait à des associations civiques comme la Boston Equal Suffrage Association for Good Government, qui militaient en faveur du droit de vote pour les femmes, ou le Comité pour les Alternatives au Saloon, qui combattait l’alcoolisme. Elle a également représenté l’« intérêt public » dans des commissions tripartites chargées de statuer sur les salaires et les conditions de travail ou de régler des conflits sociaux dans les entreprises.
Cette période de sa vie est capitale pour sa formation : elle a permis à la brillante étudiante en sciences politiques d’accumuler une expérience unique sur l’individu, le fonctionnement des collectivités, les relations humaines et sociales, la démocratie formelle et réelle à tous les niveaux. La qualité de ses travaux sur l’individu et le groupe, le conflit, le management des entreprises, repose sur sa longue expérience de terrain et sur sa capacité à l’analyser, à prendre du recul et à conjuguer les observations faites dans des milieux très variés.
La négociation était une de ses activités quotidiennes. Follett réussit à arracher aux édiles, à force de discussions, de persuasion, de mobilisation des réseaux sur lesquels elle pouvait s’appuyer dans les milieux influents de Bos- ton, la mise à disposition de bâtiments scolaires, en dehors des heures de cours, pour abriter les activités de ses centres sociaux. Par ailleurs, pour se faire respecter par les jeunes – souvent en grande difficulté matérielle et morale – dont elle cherchait à faire de bons citoyens américains, elle ne disposait que de son charisme personnel et de sa force de persuasion. Enfin la négociation était fréquemment à l’ordre du jour avec les donateurs.
La jeune Mary et son amie Isobel Briggs se dépensaient sans compter pour améliorer le sort des ouvriers fraîchement immigrés des quartiers pauvres de Boston et pour éduquer leurs enfants, mais elles ne disposaient pas d’une fortune personnelle leur permettant de financer seules leurs activités. Elles avaient besoin du soutien de mécènes (8) qu’il fallait périodiquement convaincre de la nécessité d’ouvrir un nouveau centre, de l’urgence d’embaucher un directeur qualifié ou de l’importance de subventionner des travaux de recherche. Les ressorts psychologiques amenant un « Brahmane » bostonien à signer un chèque ou un père de famille calabrais à permettre à sa fille de s’engager dans l’apprentissage d’un métier étaient différents, et Follett tirait de toutes ces situations des enseignements qui nourrissaient sa réflexion sur le conflit et la négociation.
1.5 Le management et les relations sociales
Un autre volet de ses activités, de 1920 à 1922, fut son rôle de « public representative » dans différents organismes chargés de prévenir ou régler des conflits du travail, comme le Massachusetts Minimum Wage Board », qui avait pour mission de faire appliquer la loi récente (1912) sur le salaire minimum des femmes. Même si le Board n’avait qu’un rôle consultatif, son poids était réel, grâce à la pression sociale qu’il réussissait à exercer ; pour chaque cas qui lui était soumis, la décision finale était débattue en séance publique, et si une entreprise ne respectait pas une décision, son attitude était portée à la connaissance du grand public. Les minutes des débats montrent que Follett y était très active, et qu’elle y peaufinait ses théories sur la négociation, en particulier sur l’approche intégrative.
Dès ses premiers travaux en science politique, Follett était allée chercher ses informations à la source, interviewant de nombreux parlementaires et d’anciens présidents de la Chambre des représentants pour écrire son premier ouvrage (Follett, 1896). Une méthode révolutionnaire pour une jeune étudiante de l’époque, qu’elle a continué à utiliser dans les années 1920, en profitant de ses excellents rapports au sein du Board avec des industriels, des hauts fonctionnaires, des propriétaires de grands magasins, pour pénétrer dans les usines et les bureaux.
Elle savait écouter. Son ami, le docteur Richard Cabot nous rapporte qu’elle était « a creative listener and a creative questioner ». Elle parlait avec les gens, toujours et partout – professeurs, syndicalistes, PDG, chefs du personnel, contremaîtres, mais aussi conducteurs de bus, serveuses, ouvriers d’usine. Ceux qui l’ont connu affirment qu’elle avait un don : susciter la confiance et la confidence. Spontanément, des gens qu’elle ne connaissait pas lui disaient plus de choses qu’à leur meilleur ami.
C’est à cette époque qu’elle se passionne pour l’organisation, le management, la gestion du personnel, les conflits sociaux. Les textes qu’elle publiera à partir de 1924 s’appuient sur cette expérience considérable : vingt-cinq années de travail social de terrain, et de liens à tous les niveaux avec le monde des entreprises. Les écrits qui nous restent sont hélas peu nombreux : un livre, Creative Experience, et surtout ses conférences dans les séminaires du Bureau of Personnel Administration et de la Taylor Society, à New York, ainsi qu’en Grande Bretagne, à la London School of Economics et dans le cadre des Rowntree Conferences à Oxford.
1.6 Les recherches de Mary Parker Folett sur le conflit :
Entre 1922 et 1924, Follett a beaucoup réfléchi sur le thème du conflit. Elle a en particulier travaillé avec Eduard Christian Lindeman (1885-1953), un chercheur atypique, d’une grande énergie et d’une grande créativité, qui reste aujourd’hui encore une figure marquante de la formation continue et de l’éducation des adultes, après avoir lui aussi connu une période de purgatoire après sa mort (9)
Au printemps de 1922, Lindeman enseignait dans un « College » de jeunes filles à Greensboro, en Caroline du Nord. Libéral, il était menacé par le Ku Klux Klan local, et ne voulait pas rester dans le Sud. Follett avait en projet une étude du conflit social, dont elle parla à Herbert Croly. Ce dernier avait fondé trois ans plus tôt la New School for Social Research, et se rendait compte que ses professeurs avaient du mal à mener de front enseignement et recherche, alors que c’était l’une des finalités de l’école. Il se montra donc intéressé par le projet, que Follett lui proposa de mener en association avec Lindeman. Dorothy Straight, la riche héritière qui soutenait financièrement la New School for Social Research, accepta de les subventionner.
Le programme de recherches fut mis sur pied par les deux amis avec l’aide d’Alfred Dwight Sheffield10 pendant un séminaire que Follett organisa dans sa maison de campagne, à Putney (Vermont). Ces quelques jours au vert furent très productifs, et Lindeman en gardait le souvenir d’un des temps les plus forts de sa vie intellectuelle. Les trois amis avaient posé une série de questions sur le conflit, et en avaient beaucoup débattu (11) : de quelle nature est le conflit social ?
Quelle est la relation entre la situation et l’évolution de la situation ? Comment évoluent les objectifs ? Quelle est la relation entre le compromis et l’intégration ? Dans quelle mesure la charge émotionnelle des mots empêche-t-elle les relations humaines ? Comment les préoccupations de long et de court terme entrent-elles en conflit ? Quelle est la nature de la représentativité ? Quelle distinction doit-on faire entre le leader et l’expert ? Etc.
À la suite de ce séminaire, Follett et Lindeman créent un « Comité pour l’étude de la nature constructive du conflit », logé dans les locaux de The New Republic à New York. Sheffield se retire du projet, Croly et Straight n’ayant pas accepté de financer plus de deux chercheurs. Chacun travaille de son côté. Un an plus tard, Follett écrit à Lindeman qu’elle dispose d’environ soixante-dix pages sur le conflit, où elle pose toutes les questions et tous les problèmes qu’elle souhaite étudier de façon détaillée. Elle donne comme titre
A ce manuscrit : « Tout ce que je ne sais pas sur le conflit » (12).
Pour diverses raisons, les deux amis ne parviendront pas à réaliser leur projet initial : écrire en commun le livre exposant les résultats de leurs tra-vaux. Ce sont deux ouvrages qui paraîtront en 1924 : Creative Experience, de Follett, et Social Discovery, de Lindeman.
Les trois cent vingt pages de Creative Experience aurait mérité d’être travaillé plus longtemps. Mais Follett, habituellement si exigeante envers elle-même, avait alors de graves soucis de santé, et le pronostic de ses médecins était inquiétant. Elle termina la rédaction à marches forcées, avant une grave opération.
Impressionnant et novateur aux yeux de la quasi- totalité des critiques (13), le livre reste néanmoins en-deça des ambitions de Follett, qui aurait aimé approfondir, entre autres, la « réaction circulaire » (circular response) et le processus d’intégration, et qui écrivait en avril 1924 à Harold Laski « Mon prochain livre traitera du conflit »14. Cela ne l’empêcha pas d’être très remarquée, et la Bostonienne fut « submergée de demandes de conférences publiques et de consultations privées sur leurs propres problèmes (15) par les dirigeants d’entreprises. Elle entama alors une carrière de consultante et de conférencière en management qui allait constituer sa principale activité pendant les neuf années qu’il lui restait à vivre. Hélas, l’ouvrage annoncé sur le conflit ne verra jamais le jour (16).
Au printemps de 1922, Lindeman enseignait dans un « College » de jeunes filles à Greensboro, en Caroline du Nord. Libéral, il était menacé par le Ku Klux Klan local, et ne voulait pas rester dans le Sud. Follett avait en projet une étude du conflit social, dont elle parla à Herbert Croly. Ce dernier avait fondé trois ans plus tôt la New School for Social Research, et se rendait compte que ses professeurs avaient du mal à mener de front enseignement et recherche, alors que c’était l’une des finalités de l’école. Il se montra donc intéressé par le projet, que Follett lui proposa de mener en association avec Lindeman. Dorothy Straight, la riche héritière qui soutenait financièrement la New School for Social Research, accepta de les subventionner.
Le programme de recherches fut mis sur pied par les deux amis avec l’aide d’Alfred Dwight Sheffield10 pendant un séminaire que Follett organisa dans sa maison de campagne, à Putney (Vermont). Ces quelques jours au vert furent très productifs, et Lindeman en gardait le souvenir d’un des temps les plus forts de sa vie intellectuelle. Les trois amis avaient posé une série de questions sur le conflit, et en avaient beaucoup débattu (11) : de quelle nature est le conflit social ?
Quelle est la relation entre la situation et l’évolution de la situation ? Comment évoluent les objectifs ? Quelle est la relation entre le compromis et l’intégration ? Dans quelle mesure la charge émotionnelle des mots empêche-t-elle les relations humaines ? Comment les préoccupations de long et de court terme entrent-elles en conflit ? Quelle est la nature de la représentativité ? Quelle distinction doit-on faire entre le leader et l’expert ? Etc.
À la suite de ce séminaire, Follett et Lindeman créent un « Comité pour l’étude de la nature constructive du conflit », logé dans les locaux de The New Republic à New York. Sheffield se retire du projet, Croly et Straight n’ayant pas accepté de financer plus de deux chercheurs. Chacun travaille de son côté. Un an plus tard, Follett écrit à Lindeman qu’elle dispose d’environ soixante-dix pages sur le conflit, où elle pose toutes les questions et tous les problèmes qu’elle souhaite étudier de façon détaillée. Elle donne comme titre
A ce manuscrit : « Tout ce que je ne sais pas sur le conflit » (12).
Pour diverses raisons, les deux amis ne parviendront pas à réaliser leur projet initial : écrire en commun le livre exposant les résultats de leurs tra-vaux. Ce sont deux ouvrages qui paraîtront en 1924 : Creative Experience, de Follett, et Social Discovery, de Lindeman.
Les trois cent vingt pages de Creative Experience aurait mérité d’être travaillé plus longtemps. Mais Follett, habituellement si exigeante envers elle-même, avait alors de graves soucis de santé, et le pronostic de ses médecins était inquiétant. Elle termina la rédaction à marches forcées, avant une grave opération.
Impressionnant et novateur aux yeux de la quasi- totalité des critiques (13), le livre reste néanmoins en-deça des ambitions de Follett, qui aurait aimé approfondir, entre autres, la « réaction circulaire » (circular response) et le processus d’intégration, et qui écrivait en avril 1924 à Harold Laski « Mon prochain livre traitera du conflit »14. Cela ne l’empêcha pas d’être très remarquée, et la Bostonienne fut « submergée de demandes de conférences publiques et de consultations privées sur leurs propres problèmes (15) par les dirigeants d’entreprises. Elle entama alors une carrière de consultante et de conférencière en management qui allait constituer sa principale activité pendant les neuf années qu’il lui restait à vivre. Hélas, l’ouvrage annoncé sur le conflit ne verra jamais le jour (16).
2 Les idées de Follett sur le conflit et la négociation
- Éloge de la diversité
Pour Follett, chaque individu est unique, avec ses compétences, ses forces, ses faiblesses, son parcours, son expérience, sa vision du monde. Il réagit à sa façon à son environnement. Cette diversité est précieuse. Pour faire progresser la société, ou plus modestement pour faire fonctionner au mieux une organisation, il faut profiter au maximum des apports de chacun. Et commencer par n’en rien perdre.
Si donc, lors d’une confrontation d’idées ou d’intérêts entre deux hommes ou deux groupes, l’un des deux renonce contre son gré à ses convictions, sous l’effet, par exemple, de la contrainte physique, économique ou morale, il aura perdu la partie, mais le vainqueur aussi aura perdu, par- ce qu’il aurait gagné plus et plus durablement s’ils avaient réussi à trouver ensemble une solution respectant leur diversité.
Follett préconise donc une approche évitant de sacrifier les précieuses différences qui font la richesse d’une société, tout en parvenant à un accord Entre des points de vue éloignés, voire opposés. C’est une voie exigeante, dont elle souligne la difficulté auprès de ses interlocuteurs, les prévenant que dans bien des cas il faudra se rabattre sur des solutions moins satisfaisantes.
Contrairement à la présentation qui en est parfois faite, il ne s’agit pas d’un simple exercice de « résolution de problème ». Il y a dans un conflit, des enjeux, et chacun doit défendre et faire triompher le maximum de ses désirs et de ses convictions. La condition préalable pour y réussir est d’accepter sereinement l’existence des conflits. Ce n’est pas la règle aujourd’hui, ce l’était encore moins à l’époque de Follett.
Si donc, lors d’une confrontation d’idées ou d’intérêts entre deux hommes ou deux groupes, l’un des deux renonce contre son gré à ses convictions, sous l’effet, par exemple, de la contrainte physique, économique ou morale, il aura perdu la partie, mais le vainqueur aussi aura perdu, par- ce qu’il aurait gagné plus et plus durablement s’ils avaient réussi à trouver ensemble une solution respectant leur diversité.
Follett préconise donc une approche évitant de sacrifier les précieuses différences qui font la richesse d’une société, tout en parvenant à un accord Entre des points de vue éloignés, voire opposés. C’est une voie exigeante, dont elle souligne la difficulté auprès de ses interlocuteurs, les prévenant que dans bien des cas il faudra se rabattre sur des solutions moins satisfaisantes.
Contrairement à la présentation qui en est parfois faite, il ne s’agit pas d’un simple exercice de « résolution de problème ». Il y a dans un conflit, des enjeux, et chacun doit défendre et faire triompher le maximum de ses désirs et de ses convictions. La condition préalable pour y réussir est d’accepter sereinement l’existence des conflits. Ce n’est pas la règle aujourd’hui, ce l’était encore moins à l’époque de Follett.
1.2 L'habituel rejet du conflit:
Dans les usines, les magasins et les bureaux, l’idéal était alors de construire des organisations harmonieuses. « Avant les années 1960, les théories du management et de l’organisation avaient tendance à ignorer le conflit, dans leur frénésie à trouver les meilleures façons de concevoir et de structurer les organisations pour en maximiser l’efficacité » (Bazerman & Lewicki, 1983). Le conflit était un dysfonctionnement.
L’exemple le plus frappant, de ce côté de l’Atlantique, est celui du seul auteur français universellement connu et cité par les manuels de management du monde entier : Henri Fayol, dont les principes ont nourri l’enseignement de l’organisation pendant la plus grande partie du vingtième siècle. Il range « les grèves et tous les obstacles d’ordre social » parmi les accidents et catastrophes naturelles, ne relevant pas de la « fonction administrative », mais de la « fonction de sécurité », au même titre que « le vol, l’incendie, l’inondation » (Fayol, 1916). Et il les réprime durement.
En 1881, Directeur de la mine de Commentry, il fait aligner contre les mineurs en grève « plusieurs brigades de gendarmerie et quatre compagnies de la ligne » et pratique le lock-out. « Les ouvriers mineurs de Commentry, qui ont quitté le travail inopinément et sans donner leur quinzaine, seront réglés le 18 courant et pour solde de tout travail fait par eux. Les ouvriers désireux de reprendre le travail peuvent se présenter au bureau de la mine, à partir de demain pour y contracter de nouveaux engagements » (Peaucelle, 2003). On est surpris de la radicalité des réactions d’un homme par ailleurs apprécié, honnête et intelligent. Il se déclare prêt à « expliquer » les problèmes de gestion à un syndicat « groupant la majorité et légalement constitué » – ce qui est pure spéculation intellectuelle : un tel syndicat n’existait pas dans la Compagnie des mines de Commentry, Fourchambault et Decazeville.
On trouve fréquemment chez les dirigeants cette illusion profondément ancrée, qu’il suffit d’« expliquer », et que négocier n’a pas de sens, compte tenu de l’asymétrie d’information. En décembre 1995, le Premier ministre français était victime de ce syndrome, et refusa longtemps de véritables négociations, ce qui aggrava sensiblement le conflit et fit de ce mouvement social le plus grave qu’ait connu le pays depuis 1968. Plusieurs analyses en ont été faites (17).
Sans nous y attarder, nous pouvons pointer deux travers contre lesquels Follett prévenait ses auditeurs : la sous-estimation, confinant parfois au mépris, des partenaires, à qui l’on veut à toute force « expliquer », puisque « s’ils ne sont pas d’accord, c’est qu’ils n’ont rien compris », et la difficulté à réévaluer ses propres objectifs parce qu’on est persuadé d’avoir raison.
1.3 Une autre vision du conflit
Pour Follett, élevée dans la tradition quaker, aucun individu n’est supérieur à un autre. Simplement, tous ne sont pas à la même place dans la société ou dans l’entreprise, et chacun joue son rôle, avec son propre talent, ses propres compétences. Un ouvrier n’a ni les connaissances ni l’expérience qu’il faut pour définir une stratégie d’entreprise. De son côté, le Directeur général est incapable de faire fonctionner les machines que connaît parfaitement son salarié : il lui manque un savoir-faire qu’on ne peut acquérir que par une lon- gue pratique. Pour se développer, la société a besoin des compétences des deux hommes.
Quand deux individus ou deux groupes ont un différend, il n’y a donc aucune raison de supposer a priori que l’un a raison et l’autre tort. Simplement, ils ont des intérêts, des objectifs, des horizons différents. Chacun dispose d’informations que l’autre n’a pas, et interprète à sa façon les informations qu’ils ont en commun. Les obstacles les plus difficiles à surmonter sont la méfiance, les arrière-pensées que chacun prête à l’autre, et les pièges du langage.
1.4 Les trois façons de régler un conflit
Celui qui voit le conflit avec les yeux de Fayol ne peut avoir qu’une envie : l’éviter ou l’éliminer par tous les moyens. Mary Parker Follett considère que cette tentation est dangereuse, puisque « Ce que les gens entendent souvent par « éliminer les conflits » est en fait « éliminer la diversité ». Mais ce n’est pas la même chose.
Nous pouvons souhaiter abolir les conflits, mais nous ne pouvons pas supprimer la diversité. […] Le conflit n’est pas nécessairement l’expression brutale et coûteuse d’incompatibilités, mais un processus normal par lequel des différences précieuses pour la société s’affirment et font progresser tous ceux qui sont concernés » (Follett, 1924 : 300).
Donc, le conflit n’est ni bon ni mauvais, c’est la manifestation d’une différence, l’expression naturelle de la diversité indispensable à la vie. Il faut simplement chercher à en tirer le meilleur parti. Follett explique à ses auditoires que pour traiter un conflit, il y a trois méthodes : la domination (ou, symétriquement, la soumission), le compromis et l’intégration (18).
La façon la plus facile d’en finir, c’est la domination : le plus fort impose son point de vue, ou le plus faible s’incline de lui-même devant la volonté de son adversaire. Cette solution est rapide, et satisfaisante du point de vue du vainqueur. Mais elle sacrifie la précieuse diversité, et peut être dangereuse, à terme. Follett donne l’exemple des suites de la première guerre mondiale. Les Alliés ont imposé leurs conditions à l’Allemagne… : quel sera l’avenir de cette victoire obtenue sur le tapis vert, mais étroitement dépendante de celle des armes ?
Comme Keynes, qui prévoyait une guerre « détruisant la civilisation et les progrès de notre génération » (Keynes, 1919), la Bostonienne avait compris que le germe d’un conflit futur avait été planté. C’est peut-être le philosophe Alain qui a le mieux analysé, en terme de négociation, ce malheureux exemple : « Que sera pour l’Allemagne la force de payer dans 10 ans, dans 20 ans ? Problème difficile, mais où l’on s’enfonce afin d’oublier l’autre problème. Quelle sera notre puissance à nous faire payer dans 10 ans, dans 20 ans ? Il est pourtant clair qu’à mesure que la première puissance augmente, la seconde diminue. Et quand la force obtiendrait maintenant des promesses, c’est toujours la force qui en réglera l’exécution. Il n’y a nul respect dû à la force ; et toute promesse imposée est nulle » (Alain, 1924 : 1-7).
Dans ses textes, Follett ne s’attarde donc pas sur la domination, considérant, comme Alain, que cette méthode simple et parfois brutale de traiter les conflits n’est guère satisfaisante. Le compromis mérite plus d’attention. Dans les entreprises, c’est la méthode la mieux admise de régler un conflit.
Les deux parties cèdent chacune un peu, abandonnent une partie de leurs objectifs, de leurs ambitions, de leurs « désirs »… et repartent mécontentes d’avoir dû en rabattre. Tôt ou tard le différend reviendra sur le tapis, sur les mêmes thèmes, avec les mêmes motifs : on a repoussé l’issue, mais on n’a pas progressé. « Le compromis est temporaire et vain. Il signifie habituellement qu’on reporte le problème. La vérité ne se situe pas “entre” les deux positions » (Follett, 1924 : 56).
Follett reconnaît toutefois qu’on ne peut éviter d’avoir recours à cette méthode, par exemple lors du « bargaining », la négociation rituelle sur l’évolution des salaires dans les entreprises américaines. Mais elle pense que le compromis ne fait pas progresser la qualité de la relation sociale.
Améliorer cette qualité, renforcer la relation, suppose que l’on trouve jour après jour, mois après mois, des solutions satisfaisantes aux multiples différends qui surviennent entre les individus ou les groupes. S’appuyant sur les théories freudiennes sur le refoulement, elle considère même le compromis comme nuisible : le jour où le problème ainsi « réglé » resurgira, ce sera avec « les résultats les plus désastreux » (Follett, 1924 : 164).
L’approche qui a la faveur de Follett, c’est l’intégration. C’est la plus difficile des trois. Il faut faire preuve d’imagination : « l’intégration suppose de l’invention », alors que « le compromis ne crée rien, il s’arrange avec ce qui existe déjà ; l’intégration crée quelque chose de nouveau » (Metcalf & Urwick, 1941 : 35).
L’ambition est de « sortir par le haut », en cherchant ce qui peut satisfaire les intérêts légitimes des deux parties, ce sur quoi l’on va pouvoir se mettre d’accord sans arrière-pensée. Il ne s’agit pas de renoncer – provisoire- ment ou en façade – à une part de ses désirs, mais de les satisfaire par l’explication réciproque, la réévaluation de ses objectifs et la créativité. Follett explique bien que le succès de la démarche ne supprime pas tout conflit. Mais lorsqu’un nouveau désaccord se fera jour, ce sera sur un autre point : « Ce conflit-là est réglé et le prochain se produira à un niveau plus élevé ».
A l’aide de quelques exemples, elle explique sa conception de l’intégration. L’histoire de la fenêtre de la bibliothèque est célèbre. « Un jour, dans une des petites salles de la bibliothèque de Harvard, quelqu’un voulait ouvrir la fenêtre, et je souhaitais qu’elle reste fermée. Nous avons ouvert la fenêtre de la salle voisine, où il n’y avait personne. Ce n’était pas un compromis, puisque aucun de nous deux n’a renoncé à son souhait ; nous avons eu chacun ce que nous voulions en réalité. Car je ne tenais pas particulièrement à rester dans une pièce fermée. Simplement, je ne voulais pas que le vent du nord me tombe directement dessus. De la même façon, l’autre occupant ne tenait pas à ce qu’on ouvre une fenêtre particulière ; il souhaitait simplement que la salle soit plus aérée » (Metcalf & Urwick, 1941 : 115).
L’intégration n’est pas applicable dans toutes les situations. Follett donne l’exemple de deux hommes amoureux de la même femme, celui de deux fils voulant chacun la maison familiale après la mort de leurs parents ; le conflit est totalement (dans le premier cas) ou partiellement (dans le second) passionnel ou pour le moins sentimental.
L’intégration est une approche de gens raisonnables ayant des intérêts en commun et ne souhaitant pas que le conflit provoque entre eux une rupture grave et durable. C’est le plus souvent le cas dans les entreprises et autres organisations, où les acteurs ont des relations ambivalentes, puisqu’ils sont séparés par des intérêts conflictuels et liés par des intérêts communs.
Un employeur et ses salariés ont en commun leur souhait de voir l’entreprise prospérer, même s’ils sont en désaccord sur le partage de la valeur ajoutée ou sur les conditions de travail. Un contremaître et ses ouvriers ont en commun de vouloir résoudre un problème de fabrication « dans les règles de l’art », mais le premier s’attachera aux aspects économiques, les seconds à la méthode et à la qualité telle qu’ils la conçoivent.
Un directeur de production et un directeur commercial ont intérêt à la prospérité de l’entreprise par la maîtrise de ses coûts et par le développement de ses ventes ; le producteur insistera sur le premier terme, le commercial sur le second, mais ils chercheront ensemble la solution permettant à chacun d’atteindre les objectifs qui lui ont été fixés par la direction générale. Dans tous ces cas l’intégration est la méthode appropriée.
Nous ne développerons pas en détail les techniques préconisées par Follett. Nous avons souhaité avant tout rappeler ses principes et évoquer le parcours qui lui a permis non seulement de les construire, mais de convaincre de leur bien-fondé des managers souvent dubitatifs quand elle commençait à les exposer. Ils ressortaient convaincus et prêts à les mettre en œuvre dès le lendemain, si l’on en croit Lyndall Urwick, qui raconte, évoquant leur première rencontre : « Elle commença à me parler. Et en deux minutes j’étais à ses pieds, où je suis resté pour le reste de sa vie. » (19).
Pour aller plus loin avec un article plus approfondi de Marc Mousli
Dans les usines, les magasins et les bureaux, l’idéal était alors de construire des organisations harmonieuses. « Avant les années 1960, les théories du management et de l’organisation avaient tendance à ignorer le conflit, dans leur frénésie à trouver les meilleures façons de concevoir et de structurer les organisations pour en maximiser l’efficacité » (Bazerman & Lewicki, 1983). Le conflit était un dysfonctionnement.
L’exemple le plus frappant, de ce côté de l’Atlantique, est celui du seul auteur français universellement connu et cité par les manuels de management du monde entier : Henri Fayol, dont les principes ont nourri l’enseignement de l’organisation pendant la plus grande partie du vingtième siècle. Il range « les grèves et tous les obstacles d’ordre social » parmi les accidents et catastrophes naturelles, ne relevant pas de la « fonction administrative », mais de la « fonction de sécurité », au même titre que « le vol, l’incendie, l’inondation » (Fayol, 1916). Et il les réprime durement.
En 1881, Directeur de la mine de Commentry, il fait aligner contre les mineurs en grève « plusieurs brigades de gendarmerie et quatre compagnies de la ligne » et pratique le lock-out. « Les ouvriers mineurs de Commentry, qui ont quitté le travail inopinément et sans donner leur quinzaine, seront réglés le 18 courant et pour solde de tout travail fait par eux. Les ouvriers désireux de reprendre le travail peuvent se présenter au bureau de la mine, à partir de demain pour y contracter de nouveaux engagements » (Peaucelle, 2003). On est surpris de la radicalité des réactions d’un homme par ailleurs apprécié, honnête et intelligent. Il se déclare prêt à « expliquer » les problèmes de gestion à un syndicat « groupant la majorité et légalement constitué » – ce qui est pure spéculation intellectuelle : un tel syndicat n’existait pas dans la Compagnie des mines de Commentry, Fourchambault et Decazeville.
On trouve fréquemment chez les dirigeants cette illusion profondément ancrée, qu’il suffit d’« expliquer », et que négocier n’a pas de sens, compte tenu de l’asymétrie d’information. En décembre 1995, le Premier ministre français était victime de ce syndrome, et refusa longtemps de véritables négociations, ce qui aggrava sensiblement le conflit et fit de ce mouvement social le plus grave qu’ait connu le pays depuis 1968. Plusieurs analyses en ont été faites (17).
Sans nous y attarder, nous pouvons pointer deux travers contre lesquels Follett prévenait ses auditeurs : la sous-estimation, confinant parfois au mépris, des partenaires, à qui l’on veut à toute force « expliquer », puisque « s’ils ne sont pas d’accord, c’est qu’ils n’ont rien compris », et la difficulté à réévaluer ses propres objectifs parce qu’on est persuadé d’avoir raison.
1.3 Une autre vision du conflit
Pour Follett, élevée dans la tradition quaker, aucun individu n’est supérieur à un autre. Simplement, tous ne sont pas à la même place dans la société ou dans l’entreprise, et chacun joue son rôle, avec son propre talent, ses propres compétences. Un ouvrier n’a ni les connaissances ni l’expérience qu’il faut pour définir une stratégie d’entreprise. De son côté, le Directeur général est incapable de faire fonctionner les machines que connaît parfaitement son salarié : il lui manque un savoir-faire qu’on ne peut acquérir que par une lon- gue pratique. Pour se développer, la société a besoin des compétences des deux hommes.
Quand deux individus ou deux groupes ont un différend, il n’y a donc aucune raison de supposer a priori que l’un a raison et l’autre tort. Simplement, ils ont des intérêts, des objectifs, des horizons différents. Chacun dispose d’informations que l’autre n’a pas, et interprète à sa façon les informations qu’ils ont en commun. Les obstacles les plus difficiles à surmonter sont la méfiance, les arrière-pensées que chacun prête à l’autre, et les pièges du langage.
1.4 Les trois façons de régler un conflit
Celui qui voit le conflit avec les yeux de Fayol ne peut avoir qu’une envie : l’éviter ou l’éliminer par tous les moyens. Mary Parker Follett considère que cette tentation est dangereuse, puisque « Ce que les gens entendent souvent par « éliminer les conflits » est en fait « éliminer la diversité ». Mais ce n’est pas la même chose.
Nous pouvons souhaiter abolir les conflits, mais nous ne pouvons pas supprimer la diversité. […] Le conflit n’est pas nécessairement l’expression brutale et coûteuse d’incompatibilités, mais un processus normal par lequel des différences précieuses pour la société s’affirment et font progresser tous ceux qui sont concernés » (Follett, 1924 : 300).
Donc, le conflit n’est ni bon ni mauvais, c’est la manifestation d’une différence, l’expression naturelle de la diversité indispensable à la vie. Il faut simplement chercher à en tirer le meilleur parti. Follett explique à ses auditoires que pour traiter un conflit, il y a trois méthodes : la domination (ou, symétriquement, la soumission), le compromis et l’intégration (18).
La façon la plus facile d’en finir, c’est la domination : le plus fort impose son point de vue, ou le plus faible s’incline de lui-même devant la volonté de son adversaire. Cette solution est rapide, et satisfaisante du point de vue du vainqueur. Mais elle sacrifie la précieuse diversité, et peut être dangereuse, à terme. Follett donne l’exemple des suites de la première guerre mondiale. Les Alliés ont imposé leurs conditions à l’Allemagne… : quel sera l’avenir de cette victoire obtenue sur le tapis vert, mais étroitement dépendante de celle des armes ?
Comme Keynes, qui prévoyait une guerre « détruisant la civilisation et les progrès de notre génération » (Keynes, 1919), la Bostonienne avait compris que le germe d’un conflit futur avait été planté. C’est peut-être le philosophe Alain qui a le mieux analysé, en terme de négociation, ce malheureux exemple : « Que sera pour l’Allemagne la force de payer dans 10 ans, dans 20 ans ? Problème difficile, mais où l’on s’enfonce afin d’oublier l’autre problème. Quelle sera notre puissance à nous faire payer dans 10 ans, dans 20 ans ? Il est pourtant clair qu’à mesure que la première puissance augmente, la seconde diminue. Et quand la force obtiendrait maintenant des promesses, c’est toujours la force qui en réglera l’exécution. Il n’y a nul respect dû à la force ; et toute promesse imposée est nulle » (Alain, 1924 : 1-7).
Dans ses textes, Follett ne s’attarde donc pas sur la domination, considérant, comme Alain, que cette méthode simple et parfois brutale de traiter les conflits n’est guère satisfaisante. Le compromis mérite plus d’attention. Dans les entreprises, c’est la méthode la mieux admise de régler un conflit.
Les deux parties cèdent chacune un peu, abandonnent une partie de leurs objectifs, de leurs ambitions, de leurs « désirs »… et repartent mécontentes d’avoir dû en rabattre. Tôt ou tard le différend reviendra sur le tapis, sur les mêmes thèmes, avec les mêmes motifs : on a repoussé l’issue, mais on n’a pas progressé. « Le compromis est temporaire et vain. Il signifie habituellement qu’on reporte le problème. La vérité ne se situe pas “entre” les deux positions » (Follett, 1924 : 56).
Follett reconnaît toutefois qu’on ne peut éviter d’avoir recours à cette méthode, par exemple lors du « bargaining », la négociation rituelle sur l’évolution des salaires dans les entreprises américaines. Mais elle pense que le compromis ne fait pas progresser la qualité de la relation sociale.
Améliorer cette qualité, renforcer la relation, suppose que l’on trouve jour après jour, mois après mois, des solutions satisfaisantes aux multiples différends qui surviennent entre les individus ou les groupes. S’appuyant sur les théories freudiennes sur le refoulement, elle considère même le compromis comme nuisible : le jour où le problème ainsi « réglé » resurgira, ce sera avec « les résultats les plus désastreux » (Follett, 1924 : 164).
L’approche qui a la faveur de Follett, c’est l’intégration. C’est la plus difficile des trois. Il faut faire preuve d’imagination : « l’intégration suppose de l’invention », alors que « le compromis ne crée rien, il s’arrange avec ce qui existe déjà ; l’intégration crée quelque chose de nouveau » (Metcalf & Urwick, 1941 : 35).
L’ambition est de « sortir par le haut », en cherchant ce qui peut satisfaire les intérêts légitimes des deux parties, ce sur quoi l’on va pouvoir se mettre d’accord sans arrière-pensée. Il ne s’agit pas de renoncer – provisoire- ment ou en façade – à une part de ses désirs, mais de les satisfaire par l’explication réciproque, la réévaluation de ses objectifs et la créativité. Follett explique bien que le succès de la démarche ne supprime pas tout conflit. Mais lorsqu’un nouveau désaccord se fera jour, ce sera sur un autre point : « Ce conflit-là est réglé et le prochain se produira à un niveau plus élevé ».
A l’aide de quelques exemples, elle explique sa conception de l’intégration. L’histoire de la fenêtre de la bibliothèque est célèbre. « Un jour, dans une des petites salles de la bibliothèque de Harvard, quelqu’un voulait ouvrir la fenêtre, et je souhaitais qu’elle reste fermée. Nous avons ouvert la fenêtre de la salle voisine, où il n’y avait personne. Ce n’était pas un compromis, puisque aucun de nous deux n’a renoncé à son souhait ; nous avons eu chacun ce que nous voulions en réalité. Car je ne tenais pas particulièrement à rester dans une pièce fermée. Simplement, je ne voulais pas que le vent du nord me tombe directement dessus. De la même façon, l’autre occupant ne tenait pas à ce qu’on ouvre une fenêtre particulière ; il souhaitait simplement que la salle soit plus aérée » (Metcalf & Urwick, 1941 : 115).
L’intégration n’est pas applicable dans toutes les situations. Follett donne l’exemple de deux hommes amoureux de la même femme, celui de deux fils voulant chacun la maison familiale après la mort de leurs parents ; le conflit est totalement (dans le premier cas) ou partiellement (dans le second) passionnel ou pour le moins sentimental.
L’intégration est une approche de gens raisonnables ayant des intérêts en commun et ne souhaitant pas que le conflit provoque entre eux une rupture grave et durable. C’est le plus souvent le cas dans les entreprises et autres organisations, où les acteurs ont des relations ambivalentes, puisqu’ils sont séparés par des intérêts conflictuels et liés par des intérêts communs.
Un employeur et ses salariés ont en commun leur souhait de voir l’entreprise prospérer, même s’ils sont en désaccord sur le partage de la valeur ajoutée ou sur les conditions de travail. Un contremaître et ses ouvriers ont en commun de vouloir résoudre un problème de fabrication « dans les règles de l’art », mais le premier s’attachera aux aspects économiques, les seconds à la méthode et à la qualité telle qu’ils la conçoivent.
Un directeur de production et un directeur commercial ont intérêt à la prospérité de l’entreprise par la maîtrise de ses coûts et par le développement de ses ventes ; le producteur insistera sur le premier terme, le commercial sur le second, mais ils chercheront ensemble la solution permettant à chacun d’atteindre les objectifs qui lui ont été fixés par la direction générale. Dans tous ces cas l’intégration est la méthode appropriée.
Nous ne développerons pas en détail les techniques préconisées par Follett. Nous avons souhaité avant tout rappeler ses principes et évoquer le parcours qui lui a permis non seulement de les construire, mais de convaincre de leur bien-fondé des managers souvent dubitatifs quand elle commençait à les exposer. Ils ressortaient convaincus et prêts à les mettre en œuvre dès le lendemain, si l’on en croit Lyndall Urwick, qui raconte, évoquant leur première rencontre : « Elle commença à me parler. Et en deux minutes j’étais à ses pieds, où je suis resté pour le reste de sa vie. » (19).
Pour aller plus loin avec un article plus approfondi de Marc Mousli
Notes de bas de pages
1. Courriel : mousli.marc@orange.fr
2. Herbert Croly (1869-1930), directeur du journal New Republic de 1914 à 1930, auteur de The Pro- mise of American Life (1909) et Progressive Democracy (1914).
3. Louis Dembitz Brandeis (1856-1941) surnommé « l’avocat du peuple », et Olivier Wendell Holmes (1841-1935) ont été juges à la Cour suprême. Roscoe Pound (1870-1964) fut doyen de la Harvard Law School. Ils ont joué tout trois un rôle important dans l’évolution juridique des États- Unis, défendant et théorisant la sociological jurisprudence.
4. William James (1842-1910) a étudié la médecine, puis s’est tourné vers la psychologie (ses Principles of Psychology, sortis en 1890, ont fait date). Il s’intéresse ensuite à la philosophie, qu’il enseigne à Harvard de 1885 à 1907, développant deux doctrines qui influenceront beaucoup Mary Parker Follett : le pragmatisme et le pluralisme.
5. Aux États-Unis, le chef de file du behaviorisme était John Broadus Watson (1878-1958), qui a pu- blié Psychology as the Behaviorist Views It en 1912, et Behavior en 1914.
6. Edwin Bissel Holt (1873-1946), disciple de William James, professeur à Harvard. On lui doit notamment The New Realism, Edwin B. Holt (dir), London & New York, Macmillan, 1912 ; The Concept of Consciousness, London, George Allen & Cy, Ltd, 1914 et The Freudian Wish and its Place in Ethics, New York, Henry Holt & Co, 1915
7. Social work : ensemble d’activités, largement bénévoles, tenant une place importante dans la vie des Américains de l’époque : « La pratique du travail social était divisée, conceptuellement, en cinq champs : l’organisation de la communauté, la criminologie, la santé publique, l’entreprise, le bien-être de la famille et de l’enfant. Le travail social psychiatrique s’y ajouta et devint bientôt une pratique importante et en rapide croissance ». Elizabeth L. Leonard (1991).
8. Notamment Pauline Agassiz Shaw, fille de Louis Agassiz, Professeur de zoologie et de géologie à Harvard et ami de William James.
Parmi les textes publiés sur Lindeman, on peut citer la biographie de David Stewart : Adult Learning in America: Eduard Lindeman and his agenda for lifelong education, Malabar (Fl) Krieger Pub. Cy, 1987, ainsi que celle écrite par sa fille, Elizabeth L. Leonard (1991).
10. Alfred Dwight Sheffield (1871-1961), professeur à Wellesley College, l’un des fondateurs du Col- lege des syndicats à Boston en 1919.
11. Raconté par Lindeman dans un article écrit après la mort de Follett : Mary Parker Follett , in Sur- vey Graphic, 23, (2), février 1934, p. 86, 87.
12 Lettre du 4 avril 1923 de Follett à Lindeman
13. Les recensions furent nombreuses et élogieuses, avec une seule fausse note : celle de Russel Gordon Smith, de l’Université de Columbia.
14. Tonn, 2003 : 387.
15. Lettre de Mary Follett à F. Melian Stawell, citée par Fox (1970 : 143). Follett avait demandé à Katharine Furse, l’amie avec qui elle vivait à Londres, de détruire ses papiers après sa mort. Dame Katharine exécuta ponctuellement cette dernière volonté. Lyndall Urwick réussit juste à sauver le texte de quelques conférences – en volant les documents avant que la (trop) fidèle amie n’ait le temps de les brûler.
16. Touraine (1996) dans ses réflexions sur la grève de décembre 1995, et surtout Ghazal & Halifa (1997) dans lequel Michel Ghazal applique la grille qu’il utilise pour ses cours de négociation. Le comportement du gouvernement Juppé y est examiné sur un plan strictement technique : « Tout ce qu’il faut faire pour rater ses négociations. »
17. Touraine (1996) dans ses réflexions sur la grève de décembre 1995, et surtout Ghazal & Halifa (1997) dans lequel Michel Ghazal applique la grille qu’il utilise pour ses cours de négociation. Le comportement du gouvernement Juppé y est examiné sur un plan strictement technique : « Tout ce qu’il faut faire pour rater ses négociations. »
18. Elle n’en développe pas une quatrième : l’évitement. On peut voir dans cette absence l’influence du pragmatisme de William James, pour qui l’approche pragmatique consistait à essayer d’expli- quer chaque notion en envisageant ses conséquences pratiques. L’évitement n’a guère de conséquences propres en terme d’action. L’une des parties peut choisir cette méthode parce que ses liens avec l’autre sont tellement faibles qu’elle peut sans inconvénient l’ignorer, ou que la perspective de cesser toute relation à la suite d’un différend non réglé la laisse indifférente. Cette tactique mérite d’être étudiée, mais cela nous éloignerait de Follett.
19. Lettre du 5 août 1970 de L. Urwick à Avrum I. Cohen, (Cohen 1971 : 177).
Bibliographie
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Présentation de l'auteur
Consultant en prospective stratégique et territoriale, Marc Mousli intervient à l’Ecole Française de Prospective . Il a exercé également des activités de dirigeant et de manager en entreprise, essentiellement dans le secteur du transport. Il collabore, par ailleurs, régulièrement avec le mensuel Alternatives économiques et a publié plusieurs ouvrages abordant des questions au carrefour de l'économique et du social.
Cet article est un extrait de son livre « Les grandes figures du management », paru aux éditions "Les petits matins" en septembre 2010 qu'il a approfondi dans son livre « Diriger au-delà du conflit, Mary Follett, pionnière du management, Village mondial, 2002.
Le lecteur trouvera en fin d'article une conférence qu'il a réalisée sur le même thème en 2017 pour l'Association des Professeurs en Economie et Gestion ainsi qu'une étude de 52 pages plus approfondie que l'article en fichier PDF publiée sous la forme d'un cahier de recherche éditée par le Lipsor (Laboratoire d'investigation en Prospective Stratégie et Organisation).
Pour aller plus loin avec un article plus approfondi de Marc Mousli
Cet article est un extrait de son livre « Les grandes figures du management », paru aux éditions "Les petits matins" en septembre 2010 qu'il a approfondi dans son livre « Diriger au-delà du conflit, Mary Follett, pionnière du management, Village mondial, 2002.
Le lecteur trouvera en fin d'article une conférence qu'il a réalisée sur le même thème en 2017 pour l'Association des Professeurs en Economie et Gestion ainsi qu'une étude de 52 pages plus approfondie que l'article en fichier PDF publiée sous la forme d'un cahier de recherche éditée par le Lipsor (Laboratoire d'investigation en Prospective Stratégie et Organisation).
Pour aller plus loin avec un article plus approfondi de Marc Mousli