La " trahison des économistes " est, pour Jean-Luc Gréau, essentiellement intellectuelle : il s’agit de " pratiques opportunistes " qui saisissent " des fragments de réflexions des grands maîtres " (dont on revendique l’héritage), tout en les détachant de leur contexte ; de libres interprétations de Smith, Mill, Schumpeter… " oubliant " Malthus, " ruinant " Keynes (qui, selon Jean-Luc Gréau, n’a prôné ni le laxisme inflationniste ni l’excès de redistribution). Les économistes contemporains sont mis à rude épreuve. Les désillusions sont à la hauteur des espérances que la politique économique a fait naître : envolées les promesses de réponse claire et de choix pertinents pour les grandes questions (emploi, retraite, compétitivité…). Le " négationnisme économique " progresse, en raison de la peur d’un chaos imminent. La diversité est perçue comme un désordre et le " consensus " cher aux praticiens apparaît comme un rejet des débats de fond. L’auteur apporte des éléments de réponse aux questions posées par la nouvelle économie : promouvoir des idées nationales sans alignement automatique sur les standards internationaux ; rechercher les réalités cachées dans l’économie réelle ; défendre les intérêts et les valeurs de l’Europe… L’humilité doit demeurer la règle : les " grands anciens ", Keynes et Popper, n’ont-ils pas les premiers évoqué les limites de leur science ? Rien n’est donc perdu, notamment grâce aux apports d’autres disciplines, comme la psychanalyse ou la philosophie.
Jean-Luc Gréau soulève une problématique récurrente depuis la succession de crises économiques engendrée par la libéralisation de l’économie au cours des années 1980. Au-delà du titre provocateur, le livre est un brillant exercice intellectuel rédigé par un auteur prolifique, économiste expert auprès des organisations patronales.
Source : Cercle Turgot