Par jean - Jacques Pluchard
Contrairement à l’autorité parentale qui est réputée être « sans modèles », l’autorité managériale a évolué en fonction de nombreux modèles qualifiés successivement « d’administration », de « gestion » puis de « management ». Les sources et les formes de l’autorité varient selon la taille de l’entreprise (de la start’up au groupe international), et de son type d’activité (de la low à la hightech), mais aussi de son statut (familial, actionnarial, coopératif) et/ou de sa phase de développement (de la création au déclin), mais les attributs culturels de l’autorité hérités des histoires nationales se rapprochent sous l’effet de la globalisation des marchés et de la délocalisation des activités des groupes industriels et de services.
Au cours des 2e et 3e révolutions industrielles, l’autorité managériale a été principalement exercée par une « technostructure » (Galbraith, 1967), constituée de managers professionnels, qui a construit des modèles d’organisation (pyramidal, staff and line, matriciel…), des systèmes d’incitation (financière et non financière) et des types de contrats de travail (salarial, intérimaire, de services…) de plus en plus sophistiqués.
A partir des années 1980, la domination des marchés financiers a imposé une gouvernance des firmes par les actionnaires et a partiellement déconstruit les anciens modèles, en « aplatissant » (downsizig) – voire en inversant (reversing) – les pyramides hiérarchiques, en introduisant un management par projets (Giard, Midler, Garel, 2004) et en érigeant l’entreprise en projet plus ou moins immatériel (Desreumeaux, Brechet, 2022). Les progrès de l’internet et de l’Intelligence Artificielle ont contribué à « phygitaliser » les postes de travail et à développer le travail à distance. Ces innovations technologiques et organisationnelles ont favorisé la floraison de nouveaux modèles de management. L’entreprise est ainsi devenue « sans usines » (fabless), digitale, responsable, partenariale, inclusive, solidaire, à mission, libérée… Ces mutations des environnements technique et socio-économique des entreprises, de leurs visions stratégiques et de leurs modèles organisationnels, ont suscité une perte de repères et entraîné une crise de l’autorité de ses dirigeants et managers.
Ces dérives ont été d’autant plus marquées qu’elles ont été souvent traduites par des injonctions paradoxales portant sur les principes du management, l’organisation de l’entreprise, l’organisation du travail et la culture managériale, qui ont été notamment relevées dans les derniers ouvrages de management rédigés par ses praticiens.
Sur les principes du management, les auteurs conseillent de se comporter à la fois en « homo economicus et en homo strategicus » (Martinet, 2022), de « servir à la fois les actionnaires et le bien commun » (Tirole, 2016), de « penser globalement et d’agir localement » (Stephen, 2004), de « faire du profit tout en sauvant la planète » (Pieret, Latorre, 2022), d’être « libérés mais de se conformer aux règles et aux normes » (Karsenty, 2022), « d’assumer des responsabilités à la fois économiques, sociales et environnementales » (Pluchart, 2019), de « métamorphoser l’entreprise pour plus de croissance » (Miquet-Marty, 2017)...
Sur l’organisation de l’entreprise, les dirigeants recommandent « d’assumer des responsabilités à la fois économiques, sociales et environnementales » (de Gueniveau, Gangloff, 2022), « d’organiser l’entreprise comme un projet » (Desreumaux, Brechet, 2018), de « relocaliser les activités et d’optimiser la chaîne de valeur » (Dufourcq, 2022), « d’être à la fois autonomes et connectés » (Joly, Lambert, 2022), de « fermer les usines pour gagner plus » (Kerdellant, 2016) …
Sur l’organisation du travail, les sociologues analysent « le sens de l’honneur et la souffrance au travail » (d’Iribarne, 2022) et les managers préconisent de « créer des emplois et développer l’Intelligence Artificielle » (Pluchart, 2020), de « travailler à distance et d’être solidaires » et de « travailler moins et gagner plus » (Izard, 2021), de « repenser le contrat social et réformer le code du travail » (Pierret, Latorre, 2022 ; Martinot, Morel, 2013) …
Sur la culture managériale, les leaders prônent « d’atteindre le risque 0 et d’avoir droit à l’erreur » (Audin et al, 2016 ), «d’agir à court terme et de planifier à long terme » (Durance, Monti, 2018), de « développer son ego et de cultiver l’humilité » (Gist, 2021), de « gérer simplement dans un monde complexe » (Bourigeaud, Brun, 2016), de «travailler en équipe et de suivre les procédures » (Bersinger, 2019), de « toucher le cœur et l’esprit des travailleurs» (Joly, Lambert, 2022)…
Ces types de discours basés sur des injonctions paradoxales sont autant de défis à la logique pouvant affecter la confiance entre l’émetteur et le récepteur, et même la santé mentale de ce dernier. Leur pratique a en effet des effets contradictoires: elle « imprègne la société dans une dynamique pathogène au service du pouvoir » (Gaulejac, Hanique, 2015), mais elle est aussi une « source d’énergie favorable au changement » (Barus-Michel, 2013). Étant « souffrance et énergie », ses effets peuvent être pathogènes et/ou thérapeutiques.
Au cours des 2e et 3e révolutions industrielles, l’autorité managériale a été principalement exercée par une « technostructure » (Galbraith, 1967), constituée de managers professionnels, qui a construit des modèles d’organisation (pyramidal, staff and line, matriciel…), des systèmes d’incitation (financière et non financière) et des types de contrats de travail (salarial, intérimaire, de services…) de plus en plus sophistiqués.
A partir des années 1980, la domination des marchés financiers a imposé une gouvernance des firmes par les actionnaires et a partiellement déconstruit les anciens modèles, en « aplatissant » (downsizig) – voire en inversant (reversing) – les pyramides hiérarchiques, en introduisant un management par projets (Giard, Midler, Garel, 2004) et en érigeant l’entreprise en projet plus ou moins immatériel (Desreumeaux, Brechet, 2022). Les progrès de l’internet et de l’Intelligence Artificielle ont contribué à « phygitaliser » les postes de travail et à développer le travail à distance. Ces innovations technologiques et organisationnelles ont favorisé la floraison de nouveaux modèles de management. L’entreprise est ainsi devenue « sans usines » (fabless), digitale, responsable, partenariale, inclusive, solidaire, à mission, libérée… Ces mutations des environnements technique et socio-économique des entreprises, de leurs visions stratégiques et de leurs modèles organisationnels, ont suscité une perte de repères et entraîné une crise de l’autorité de ses dirigeants et managers.
Ces dérives ont été d’autant plus marquées qu’elles ont été souvent traduites par des injonctions paradoxales portant sur les principes du management, l’organisation de l’entreprise, l’organisation du travail et la culture managériale, qui ont été notamment relevées dans les derniers ouvrages de management rédigés par ses praticiens.
Sur les principes du management, les auteurs conseillent de se comporter à la fois en « homo economicus et en homo strategicus » (Martinet, 2022), de « servir à la fois les actionnaires et le bien commun » (Tirole, 2016), de « penser globalement et d’agir localement » (Stephen, 2004), de « faire du profit tout en sauvant la planète » (Pieret, Latorre, 2022), d’être « libérés mais de se conformer aux règles et aux normes » (Karsenty, 2022), « d’assumer des responsabilités à la fois économiques, sociales et environnementales » (Pluchart, 2019), de « métamorphoser l’entreprise pour plus de croissance » (Miquet-Marty, 2017)...
Sur l’organisation de l’entreprise, les dirigeants recommandent « d’assumer des responsabilités à la fois économiques, sociales et environnementales » (de Gueniveau, Gangloff, 2022), « d’organiser l’entreprise comme un projet » (Desreumaux, Brechet, 2018), de « relocaliser les activités et d’optimiser la chaîne de valeur » (Dufourcq, 2022), « d’être à la fois autonomes et connectés » (Joly, Lambert, 2022), de « fermer les usines pour gagner plus » (Kerdellant, 2016) …
Sur l’organisation du travail, les sociologues analysent « le sens de l’honneur et la souffrance au travail » (d’Iribarne, 2022) et les managers préconisent de « créer des emplois et développer l’Intelligence Artificielle » (Pluchart, 2020), de « travailler à distance et d’être solidaires » et de « travailler moins et gagner plus » (Izard, 2021), de « repenser le contrat social et réformer le code du travail » (Pierret, Latorre, 2022 ; Martinot, Morel, 2013) …
Sur la culture managériale, les leaders prônent « d’atteindre le risque 0 et d’avoir droit à l’erreur » (Audin et al, 2016 ), «d’agir à court terme et de planifier à long terme » (Durance, Monti, 2018), de « développer son ego et de cultiver l’humilité » (Gist, 2021), de « gérer simplement dans un monde complexe » (Bourigeaud, Brun, 2016), de «travailler en équipe et de suivre les procédures » (Bersinger, 2019), de « toucher le cœur et l’esprit des travailleurs» (Joly, Lambert, 2022)…
Ces types de discours basés sur des injonctions paradoxales sont autant de défis à la logique pouvant affecter la confiance entre l’émetteur et le récepteur, et même la santé mentale de ce dernier. Leur pratique a en effet des effets contradictoires: elle « imprègne la société dans une dynamique pathogène au service du pouvoir » (Gaulejac, Hanique, 2015), mais elle est aussi une « source d’énergie favorable au changement » (Barus-Michel, 2013). Étant « souffrance et énergie », ses effets peuvent être pathogènes et/ou thérapeutiques.
InjonctionsParadoxales.mp3 (4.65 Mo)
Présentation de l'auteur
Jean-Jacques Pluchart est professeur émérite à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne (Laboratoires PRISM et GREGOR), membre de l'Association des Directeurs Financiers et de Contrôle de gestion (DFCG), de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF) et du cercle Turgot.
Il a publié une cinquantaine d'ouvrages et une centaine d'articles sur diverses questions économiques et managériales contemporaines
Il a publié une cinquantaine d'ouvrages et une centaine d'articles sur diverses questions économiques et managériales contemporaines