Histoires et Metaphores

Le danger

(ou le sens de la coopération et l'art du vivre ensemble)


Il était une fois, il y a bien longtemps, dans le temps où tout le monde vivait dans des villages, un rituel saisonnier d’initiation dirigé par le Grand Sage du Village. Chaque personne du village qui avait 21 printemps devenait alors un homme. Contrairement à ce qui se passait dans bien d’autres villages, et dans bien d’autres pays, tous réussissaient l’épreuve mais chacun à sa façon. Et chacun selon ce qu’il était.
 
Jean-François était content. Au cours d’un mystérieux rituel auquel il n’avait pas compris grand-chose, on lui avait confié une tâche. Enfin, on avait reconnu son talent et il était engagé officiellement comme le chercheur de dangers du village. Les yeux fixés aux siens, le Grand Sage lui avaient dit : " Dorénavant, tu es responsable de trouver et de prévenir tous les dangers du village. De jour et de nuit, d’été ou d’hiver, pour les hommes ou les femmes, les enfants et les adultes. Va et reviens dans 7 jours m’informer de l’avancement de ton projet. "
 
En sortant de la hutte du Grand Sage du Village, Jean-François leva les yeux et vit le cours d’eau qui serpentait à travers le village. Quel danger ! Il fallait mettre une longue clôture. Ou encore mieux, détourner complètement la rivière pour qu’elle passe loin du village. Et la montagne si proche de la hutte communautaire ! Quel risque d’éboulis ! Il fallait la clôturer aussi. Ou mieux encore, la déménager loin du village. Et la forêt qui s’approchait jusqu'au puits communautaire ! Il contenait sans doute des animaux dangereux ! Il fallait clôturer là aussi, ou mieux encore abattre tous les arbres jusqu'à loin du village.
 
C’est ainsi que Jean-François fit pendant 7 jours et 7 nuits des plans élaborés incluant une multitude de clôtures, d’abattage d’arbres, de détournement de cours d’eau et de déménagement de montagne. Il en vint à conclure que c’était trop dangereux que les hommes se rencontrent car ils pourraient se battre, trop dangereux d’avoir des enfants car ils créent du désordre et peuvent mettre le feu dans le village, trop dangereux de laisser les hommes et les femmes se côtoyer car cela éveillerait des passions, des jalousies, des infidélités, et encore plus d’enfants !
 
Lorsqu'il fait son rapport au Grand Sage du Village, Jean-François était plutôt fier de son projet. Certes, il était coûteux, mais il y avait tellement de dangers ! 
 
Le Grand Sage l’écouta attentivement. Lorsque Jean-François s’arrêta, il sourit gentiment et lui dit : " Bien. Tu as cherché le danger et tu as trouvé le danger. Maintenant je te donne une autre mission, encore plus importante.  
 
Tu seras le chercheur de sécurité. Tu es responsable de trouver et de promouvoir toutes les sources de sécurité du village. Bien des villageois ont survécus aux dangers que tu as découverts. Cherche comment. Et enseigne-le aux autres. De jour et de nuit, d’été ou d’hiver, pour les hommes ou les femmes, les enfants et les adultes. Cherches comment développer la sécurité dans notre village. "
 
D’abord désorienté, Jean-François quitta la hutte du Grand Sage du Village en se demandant ce qu’il pouvait faire. Mais il savait où commencer. Il alla voir les plus anciens du village, ceux qui avaient survécus à tous les dangers. Il les questionna et il eut leur aide et ils travaillèrent tous ensemble. C’est ainsi que tous les villageois apprirent à nager, à bien éduquer leurs enfants, à pêcher et à chasser et aussi à écrire et à lire, à dessiner et à chanter pour avertir tous ceux qui viennent des dangers les plus importants. 
 
Et ils vécurent heureux, longtemps et aussi en sécurité que possible, compte tenu qu’il est dangereux d’être en vie. Mais encore plus dangereux de ne pas être vivant le temps qu’on est vivant. 
 
- Bruno Fortin -
 

Source : psychologue.levillage.org   (rubrique : histoires inspirantes)  

 

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