Résumé :
Quand on remonte de Toul vers le Nord-Ouest, le paysage n'est pas sans grandeur. Ce sont de larges creux boisés ; et la vue découvre à vingt ou trente kilomètres quelque crête plus sévère. Le canon grondait en avant de nous, comme un orage lointain ; nous entendions cela depuis Toul ; ce n'était pour moi qu'une sorte d'éloquence. Nul parmi nous ne savait rien de la guerre ; nous étions une demi douzaine de volontaires ; les autres étaient des meneurs de chevaux qui n'iraient pas au delà des premières écuries, ceux-là mêmes qui rapportaient périodiquement au quartier de Joigny les plus absurdes nouvelles. C'était le commencement d'octobre de l'an quatorze ; les lignes venaient de se fixer dans cette région-là là après un combat où nous avions eu l'avantage, et où nous poussions vers l’Ouest ; mais nous n'en avions nulle idée. Simplement Gontier me disait, en montrant le terrain à droite et à gauche de la route : " Il paraît que nos batteries sont quelque part par là. " Nous imaginions donc l'ennemi derrière une crête lointaine ornée de beaux arbres alignés dans lesquels on voyait une grande brèche, et par la brèche se montrait un ballon en forme de cigare. Je guettais cette sorte d'embrasure sinistre ; or nous nous trompions de beaucoup. Ce menaçant horizon, nous l'eûmes sous les pieds pendant de longs mois. J'avais encore du chemin à faire, avec quatre chevaux en main, avant de sentir l'odeur de la guerre.
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