Pour mener les hommes en meilleure liberté, il faut soi-même se définir comme libre et se donner les pratiques qui en témoignent. Mais chacun est implicitement et inconsciemment prisonnier de son éducation, de sa formation, de son héritage de valeurs, de « vertus » présumées et surtout, de manière plus immédiate, de ses peurs et de ses pulsions.
La liberté d’esprit et de pratique n’est pas un choix idéologique ou intellectuel. Elle transparaît dans une qualité de présence faite d’aisance dans les processus d’attention, la disponibilité à l’imprévisible comme au prévisible et l’opportunité des interventions échappant souvent au calcul. Cela tient certes du don à improviser, mais il faut également un développement hors normes de la capacité à questionner, à s’étonner, à agir promptement ou attendre le temps qu’il faut, à tenir fermement, et parfois durablement, un cap contre le vent et enfin à savoir changer d’avis sans peur ni honte.
La liberté est également faite de sérénité face aux contretemps, aux déconvenues et même aux drames. Elle est cette disponibilité « plastique » qui permet une adaptation aux situations changeantes, nouvelles ou imprévues. Elle est ouverte sans craintes aux débats, aux confrontations, aux trahisons et elle est même en capacité de décisions douloureuses qu’elle sait inscrire dans le registre du juste, de l’équitable et du partage émotionnel. Cette liberté, mise en pratique constante, devient de plus en plus intelligible par une large majorité des partenaires et des collaborateurs.
Cette complexité, apparemment simple par l’évidence du fonds et de la pratique, se concrétise par le soin quotidien apporté à de multiples petits détails dans l’écoute, la communication, la vigilance aux inflexions émotionnelles, l’attention aux imprécisions, aux manques et aux oublis. Tout cela sans l’obsession paranoïde de perfections, l’attente de justifications systématiques ou les théâtralisations, les dérobades et les travestissements truqueurs du jeu hystérique. Cet intérêt manifeste et constant demeure subtil, discret et improvisé. Il s’entretient seulement par la curiosité et la vivacité d’esprit qui transcende projets absolutistes, grands principes et même bons sentiments.
Il est fort peu de dirigeants qui soient préparés par destins ou études à cette intelligence immédiate, plus d’observation, de réaction discrète et de contact effectif que de méthode et de stratégie. Elle ne s’oppose en rien aux fins productives de l’entreprise et à ses axes de réussite. Le sens de l’efficace se fait même davantage implicite pour chacun lorsque l’attention portée à chaque individualité (et à tous !) inspire une autorité, devenant plus institutionnelle que personnelle, qui soutient l’aventure humaine collective. Elle détermine un mythe suffisamment partagé autour de l’appartenance, de l’enseigne, du lieu et du réseau. Comme dans les jeux des enfants, la réalité se pare d’enchantements.
L’essence intime de cette liberté managériale ne saurait se définir. Elle est aux antipodes de l’expertise formelle et des compétences formelles dûment catégorisées. C’est la personne même du dirigeant qui fait sens directeur. Son absence ou son départ ne laissent pas l’équipage orphelin. La trace directrice introjectée est devenue commune. Les continuités de l’humain et ses survies immémoriales sont probablement dues à cette aptitude à conserver l’empreinte des directions de valeur. Certains esprits sont bien plus inspirateurs par leur apport d’intelligence que les méthodes d’école seulement fortes de savoir-faire et de savoir y faire.
Maints chercheurs en Sciences de gestion, confrontés à l’impasse de l’opérationnel conjugué souvent jusqu’à la violence, imaginent un concept « d’intelligence émotionnelle », recours majeur posé comme « deus ex machina ». Cette intelligence hypothétique, libérée des formes opérationnelles de la mise en acte, est citée partout. Mais elle apparait peu dans sa nature discrète et intime. Elle témoigne fort rarement de ses vertus discrètes et toujours singulières et subjectives dans le discours académique. Elle existe certes, car quelquefois certains d’entre nous se montrent fort « intelligents » dans l’interface « humain/objet », en dépit de pressions « opérationnelles », impérieuses et justifiées, les poussant à la hâte, à l’improvisation ou à diverses formes de communication manipulatrice ou de bricolage opportuniste. Cette résistance est secrète comme toute résistance aux violences de la réalité, toujours totalitaire lorsqu’elle est prise à la lettre.
Mais qui donc saurait former à l’articulation, habile ou désastreuse, toujours hasardeuse et intuitive, des ressentis et des situations ? Qui osera mettre sa subjectivité en jeu dans ses pratiques ? Les sciences de gestion sont ici sans réponse. Cette capacité inventive toujours innovante n’est rien d’autre que « l’intelligence » émergeant du vécu, certes toujours émue, mais sachant discerner le pertinent et l’opportun comme se donner les limites et les prudences. Il n’est pas certain qu’elle se veuille « stratégique », aspirant à la reconnaissance par promotion ou élection. Elle n’est pas non plus avide, supputant les gains de ses « coups gagnants ». L’intelligence est libre d’enjeux. Elle les délègue aux sots et aux profiteurs malicieux. Tartuffe gagne souvent par élection ou promotion, on le démasque fort peu. Mais est-il intelligent ? Les groupes humains ont besoin (et peut-être même de plus en plus !) de cette capacité intelligente « honnête », qui relève plus du sens commun que des enseignements de haute école. Elle fait face avec inventivité aux surprises déconcertantes faisant contrepied à tout ce que l’on croit acquis. Et à terme elle se partage.
Mais nous voici dans un temps où marketing et chiffre font foi. L’exigence de l’image, l’obsession de la rentabilité et la peur de perdre quoi que ce soit de l’acquis rendent improbables la liberté d’esprit et les pratiques managériales libérées.
La liberté d’esprit et de pratique n’est pas un choix idéologique ou intellectuel. Elle transparaît dans une qualité de présence faite d’aisance dans les processus d’attention, la disponibilité à l’imprévisible comme au prévisible et l’opportunité des interventions échappant souvent au calcul. Cela tient certes du don à improviser, mais il faut également un développement hors normes de la capacité à questionner, à s’étonner, à agir promptement ou attendre le temps qu’il faut, à tenir fermement, et parfois durablement, un cap contre le vent et enfin à savoir changer d’avis sans peur ni honte.
La liberté est également faite de sérénité face aux contretemps, aux déconvenues et même aux drames. Elle est cette disponibilité « plastique » qui permet une adaptation aux situations changeantes, nouvelles ou imprévues. Elle est ouverte sans craintes aux débats, aux confrontations, aux trahisons et elle est même en capacité de décisions douloureuses qu’elle sait inscrire dans le registre du juste, de l’équitable et du partage émotionnel. Cette liberté, mise en pratique constante, devient de plus en plus intelligible par une large majorité des partenaires et des collaborateurs.
Cette complexité, apparemment simple par l’évidence du fonds et de la pratique, se concrétise par le soin quotidien apporté à de multiples petits détails dans l’écoute, la communication, la vigilance aux inflexions émotionnelles, l’attention aux imprécisions, aux manques et aux oublis. Tout cela sans l’obsession paranoïde de perfections, l’attente de justifications systématiques ou les théâtralisations, les dérobades et les travestissements truqueurs du jeu hystérique. Cet intérêt manifeste et constant demeure subtil, discret et improvisé. Il s’entretient seulement par la curiosité et la vivacité d’esprit qui transcende projets absolutistes, grands principes et même bons sentiments.
Il est fort peu de dirigeants qui soient préparés par destins ou études à cette intelligence immédiate, plus d’observation, de réaction discrète et de contact effectif que de méthode et de stratégie. Elle ne s’oppose en rien aux fins productives de l’entreprise et à ses axes de réussite. Le sens de l’efficace se fait même davantage implicite pour chacun lorsque l’attention portée à chaque individualité (et à tous !) inspire une autorité, devenant plus institutionnelle que personnelle, qui soutient l’aventure humaine collective. Elle détermine un mythe suffisamment partagé autour de l’appartenance, de l’enseigne, du lieu et du réseau. Comme dans les jeux des enfants, la réalité se pare d’enchantements.
L’essence intime de cette liberté managériale ne saurait se définir. Elle est aux antipodes de l’expertise formelle et des compétences formelles dûment catégorisées. C’est la personne même du dirigeant qui fait sens directeur. Son absence ou son départ ne laissent pas l’équipage orphelin. La trace directrice introjectée est devenue commune. Les continuités de l’humain et ses survies immémoriales sont probablement dues à cette aptitude à conserver l’empreinte des directions de valeur. Certains esprits sont bien plus inspirateurs par leur apport d’intelligence que les méthodes d’école seulement fortes de savoir-faire et de savoir y faire.
Maints chercheurs en Sciences de gestion, confrontés à l’impasse de l’opérationnel conjugué souvent jusqu’à la violence, imaginent un concept « d’intelligence émotionnelle », recours majeur posé comme « deus ex machina ». Cette intelligence hypothétique, libérée des formes opérationnelles de la mise en acte, est citée partout. Mais elle apparait peu dans sa nature discrète et intime. Elle témoigne fort rarement de ses vertus discrètes et toujours singulières et subjectives dans le discours académique. Elle existe certes, car quelquefois certains d’entre nous se montrent fort « intelligents » dans l’interface « humain/objet », en dépit de pressions « opérationnelles », impérieuses et justifiées, les poussant à la hâte, à l’improvisation ou à diverses formes de communication manipulatrice ou de bricolage opportuniste. Cette résistance est secrète comme toute résistance aux violences de la réalité, toujours totalitaire lorsqu’elle est prise à la lettre.
Mais qui donc saurait former à l’articulation, habile ou désastreuse, toujours hasardeuse et intuitive, des ressentis et des situations ? Qui osera mettre sa subjectivité en jeu dans ses pratiques ? Les sciences de gestion sont ici sans réponse. Cette capacité inventive toujours innovante n’est rien d’autre que « l’intelligence » émergeant du vécu, certes toujours émue, mais sachant discerner le pertinent et l’opportun comme se donner les limites et les prudences. Il n’est pas certain qu’elle se veuille « stratégique », aspirant à la reconnaissance par promotion ou élection. Elle n’est pas non plus avide, supputant les gains de ses « coups gagnants ». L’intelligence est libre d’enjeux. Elle les délègue aux sots et aux profiteurs malicieux. Tartuffe gagne souvent par élection ou promotion, on le démasque fort peu. Mais est-il intelligent ? Les groupes humains ont besoin (et peut-être même de plus en plus !) de cette capacité intelligente « honnête », qui relève plus du sens commun que des enseignements de haute école. Elle fait face avec inventivité aux surprises déconcertantes faisant contrepied à tout ce que l’on croit acquis. Et à terme elle se partage.
Mais nous voici dans un temps où marketing et chiffre font foi. L’exigence de l’image, l’obsession de la rentabilité et la peur de perdre quoi que ce soit de l’acquis rendent improbables la liberté d’esprit et les pratiques managériales libérées.