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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
Un webzine pour explorer en profondeur les innovations managériales...

Les 4 Temps du Management




Actualités du Management

Philopag : réconcilier Philosophie et Management

Voir les voeux du site de Philomag valables pour 2017 et les autres années 

1.Se libérer du besoin de plaire  (Human Dynamics Consciousness)
 
Il n’est pas trop difficile, avec l’âge, d’accepter qu’on ne puisse pas plaire à tout le monde.
 
Plus difficile cependant est d’accepter de ne pas être apprécié, respecté ou reconnu par ceux-là même au service desquels on travaille au quotidien.
 
Or, c’est un fait historique qui se vérifie dans toutes les cultures : ceux qui tentent de transformer la dynamique d’un groupe sont souvent trahis, chassés, voire assassinés, au propre ou au figuré, par les membres du groupe, même si la transformation est finalement réalisée et bonne pour le groupe.
 
« La lumière ne se fait que sur les tombes » chantait Ferré.
 
L’œuvre fondamentale et encore trop peu connue de René Girard – qui nous a quitté cette année – sur le désir mimétique m’a mieux aidé à comprendre pourquoi.
 
De même que l’œuvre de Machiavel, célèbre mais souvent très mal comprise.
 
Girard m’a éclairé également quant aux liens qui ont existé de tous temps entre la violence et le sacré.
 
Il m’a aidé à comprendre un peu mieux certaines des sources de l’intégrisme et du Djihadisme qui sévissent actuellement, et des pistes possibles pour les dépasser.
 
Ces lectures et les expériences de cette année m’ont surtout appris à me libérer un peu plus de ce besoin de plaire et à continuer, à mon niveau, à œuvrer pour chaque collègue.
 
Y compris pour ceux qui, par crainte ou espoir d’obtenir des faveurs futures, agissent parfois inconsciemment contre les intérêts mêmes de notre organisation.
 
Cette recherche, jamais définitivement acquise, de lucidité bienveillante n’est pas seulement« éthique ».
 
Elle donne également énergie et paix intérieure.
 
Elle aide à rester déterminé, à voir et à faire ce que la situation requiert, tout simplement.
 
2. Se libérer du besoin de contrôler la situation (Eco-systemic Consciousness)
 
Nous sommes programmés pour vouloir contrôler nos vies et, dans une certaine mesure, celles des autres.
 
En tant que managers, nous pensons être experts en contrôle.
 
Alors que, fondamentalement, nous ne contrôlons rien : à tout moment, une catastrophe peut balayer ce que nous avons construit pendant des années, sur le plan personnel comme professionnel, emporter nos vies ou celles de ceux qui nous sont chers.
 
En être conscient ne conduit pas au défaitisme ou à l’apathie : cela conduit simplement à adopter une attitude moins violente face au réel, face aux autres et face à nous-mêmes.
 
A cet égard, François Jullien a magnifiquement illustré dans le «Traité de l’efficacité» deux conceptions fort différentes de l’efficacité :
la conception héritée de la philosophie grecque, « téléologique », qui nous pousse à écarter, souvent de façon violente pour notre environnement, tous les obstacles entre nous et le but que nous nous sommes fixés ;
la conception héritée de la philosophie chinoise (et indienne), « adaptative », qui nous invite à observer d’abord l’environnement, à concevoir de façon lucide les situations auxquelles il peut naturellement mener et à épouser le chemin qui conduira avec le moins d’efforts possibles à une situation satisfaisante pour nous ou notre groupe.
L’approche chinoise de l’efficacité n’est pas seulement plus respectueuse de notre environnement et de nous-mêmes.
 
Elle permet aussi de mieux saisir les opportunités inattendues et de plus en plus fréquentes dans la « société fluide » chère à Joël de Rosnay : elle nous invite à «surfer la vie».
 
Cette dernière année, j’ai pu apprécier tout particulièrement les bienfaits d’une telle approche.
 
Elle m’a permis, à plusieurs occasions, de saisir des opportunités sans lesquelles j’aurais pu être malmené, sans lesquelles j’aurais pu m’égarer.
 
Elle m’a permis de mieux appliquer les préceptes de l’adaptive leadership (« give the work back to the people », « get on the balcony », « orchestrate the conflict », « modulate the stress », « protect the voices without authority »,…) chers à Ronald Heifetz, dont je rumine l’oeuvre depuis plus de 10 ans.
 
Plus important encore, cet abandon du besoin compulsif de contrôle m’a donné régulièrement la sensation d’être en phase avec un «flow», un flux de vie qui me traverse et me dépasse, comme il traverse tout être et toute chose.
 
Ainsi, en plongeant sans peur dans le torrent de la vie, dans le «cosmos torrentiel» cher à Whitehead – découvert cette année via PhiloMa –, et en me laissant emporter par lui, je me sens parfois porté par cette énergie infinie, inépuisable qui traverse et unit tout, ou plutôt, qui est tout.   
 
3.Se libérer du besoin de croire en la puissance de ma volonté (Purpose Consciousness)
 
Notre volonté de puissance nous porte facilement à croire en la puissance de notre volonté.
 
Des courants de pensée à la mode aujourd’hui pourraient laisser penser qu’il suffit de croire « de toute son âme » qu’une chose arrive pour qu’elle arrive réellement.
 
Tout en étant toujours plus convaincu que les pensées et l’énergie que chacun de nous dégage influencent le monde, il me semble potentiellement dangereux de poursuivre avec une volonté trop intense les buts que je me donne.
 
Pourquoi ? Parce que ces buts sont le plus souvent temporaires, contingents, et voués, comme tout le reste, au néant.
 
Les grands spirituels invitent au contraire à « accueillir avec joie ce qui est ».
 
Ce qui ne veut pas dire que je peux m’asseoir et attendre que cela se passe : il s’agit plutôt d’agir, et de faire de mon mieux, en fonction de ce que la situation requiert, tout en acceptant avec joie ce qui advient.
 
Agir de la sorte implique une forme de détachement, même dans l’engagement.
 
C’est ce qui m’attire particulièrement dans le Bouddhisme Zen, tels qu’en parlent des maîtres tel Eric Rommeluère, que j’ai découvert cette année.
 
Et cela m’a aidé également ces derniers mois à m’engager avec sérénité dans la défense publique de notre SPF.
 
Sans prétendre pour autant être libre de toute peur, je ressens une liberté croissante à subordonner ma volonté et les objectifs que je poursuis, pour les autres et pour moi-même, à une énergie qui me dépasse.
 
A poursuivre, avec engagement et détachement à la fois, le simple objectif d’être autant que possible en harmonie avec la vie, avec ce qui est.
 
Cette attitude, cette liberté, est nourrie par une conscience croissante que chacun de nous, chaque être, et même chaque chose, est à la fois « rien » et « tout » dans l’unité indivisible du tout.
 
Cette conscience, qui me semble traverser tous les mouvements mystiques et spirituels, constitue peut-être l’une des clés les plus belles et les plus simples d’un bonheur durable.
 
Elle est magnifiquement résumée dans un « haïku » de Sri Nisargadatta Maharaj, que m’a partagé un ami cette année :
 
"Quand je vois que je ne suis rien, c'est la sagesse.
Quand je vois que je suis tout, c'est l'amour.
Entre les deux ma vie s'écoule."
 
Laurent
+324786214 20
ledoux.laurent@gmail.com