1. Les écarts entre les attentes des managers et les comportements des collaborateurs sont inévitables
Dans la mesure où une organisation est une aventure collective, elle ne peut pas faire l'économie de règles prescrites. Ces règles s’expriment à travers des objectifs) à atteindre, des rôles à exercer, des procédures à pratiquer, etc. Cependant, celles-ci sont rarement spontanément intégrées par les individus. Elles sont, la plupart du temps, interprétées, colorées par la subjectivité des acteurs. Ce processus de déformation est d’autant plus important que les managers ont sous-estimé ce que nous avons appelé " la structuration des identités ". Cette relation que Lacan qualifierait volontiers de fondamentalement " hallucinatoire " peut générer dans certains cas des écarts de comportements par rapport aux attentes et aux besoins.
Un dirigeant de PME a embauché récemment deux cadres de direction. Sa PME est en croissance forte et pris par le feu de l'action, il a consacré peu de temps à la structuration identitaire. Il espérait, à travers ce recrutement, déléguer la fonction commerciale qui reposait uniquement sur lui, pour se consacrer à ce qu'il intéresse le plus : la recherche-développement. Très vite, il constate que ces nouveaux collaborateurs, pourtant confirmés, passent plus de temps dans leur bureau à affiner une stratégie commerciale, déjà validée, plutôt qu'à prospecter de nouveaux clients, mission pour laquelle ils avaient été recrutés. Ils prennent parfois des initiatives qui surprennent sa rationalité, comme l'achat d'abonnement national à Air France alors que l'entreprise est sur un marché régional, ou pire encore, un projet de partenariat avec un concurrent des plus ambigus. Le dirigeant n'en a pas été averti, non par malveillance mais par ignorance des enjeux.
L'irritation commence à monter dans la conscience du dirigeant. Une collection de timbres (E. Berne) est en train de s'annoncer. Cette situation se prolongeant, la colère commence à s'accumuler... Le dirigeant se demande alors, comment faire pour sortir de cette impasse. Les salaires de ces " hauts potentiels " sont importants et il voit sa trésorerie fondre comme neige au soleil. Il hésite entre " pousser une gueulante " qui aurait le mérite de le soulager ou convoquer les " récalcitrants " par lettre recommandée à un entretien d'avertissement.
Redoutant un passage à l'acte qui risquerait d'être orageux, il se contente, pour l'instant, d'écrire des lettres recommandées qui ne sortent pas de son ordinateur. Que pouvons-nous lui conseiller pour sortir de ce dilemme
Un dirigeant de PME a embauché récemment deux cadres de direction. Sa PME est en croissance forte et pris par le feu de l'action, il a consacré peu de temps à la structuration identitaire. Il espérait, à travers ce recrutement, déléguer la fonction commerciale qui reposait uniquement sur lui, pour se consacrer à ce qu'il intéresse le plus : la recherche-développement. Très vite, il constate que ces nouveaux collaborateurs, pourtant confirmés, passent plus de temps dans leur bureau à affiner une stratégie commerciale, déjà validée, plutôt qu'à prospecter de nouveaux clients, mission pour laquelle ils avaient été recrutés. Ils prennent parfois des initiatives qui surprennent sa rationalité, comme l'achat d'abonnement national à Air France alors que l'entreprise est sur un marché régional, ou pire encore, un projet de partenariat avec un concurrent des plus ambigus. Le dirigeant n'en a pas été averti, non par malveillance mais par ignorance des enjeux.
L'irritation commence à monter dans la conscience du dirigeant. Une collection de timbres (E. Berne) est en train de s'annoncer. Cette situation se prolongeant, la colère commence à s'accumuler... Le dirigeant se demande alors, comment faire pour sortir de cette impasse. Les salaires de ces " hauts potentiels " sont importants et il voit sa trésorerie fondre comme neige au soleil. Il hésite entre " pousser une gueulante " qui aurait le mérite de le soulager ou convoquer les " récalcitrants " par lettre recommandée à un entretien d'avertissement.
Redoutant un passage à l'acte qui risquerait d'être orageux, il se contente, pour l'instant, d'écrire des lettres recommandées qui ne sortent pas de son ordinateur. Que pouvons-nous lui conseiller pour sortir de ce dilemme
2. Les solutions de niveau 1 : mener d'urgence un entretien de recadrage
Dans ce genre de situation, la colère n'est pas bonne conseillère car elle consiste souvent à se défouler sur les personnes ; ce qui a pour conséquence d'affaiblir l'estime d'elles-mêmes. Cette attitude conduit généralement les acteurs dans des situations conflictuelles), qui peuvent se terminer par une rupture toujours douloureuse.
Il importe d'inviter son collaborateur dans un entretien, dont le motif doit être cordialement présenté. " Je souhaiterais vous voir pour qu'on prenne le temps d'affiner votre mission ou vos objectifs) car je me demande si nous ne sommes pas en train de prendre une mauvaise direction. Il faut agir pendant qu'il en est encore temps ".
Dans l'entretien il est important de rappeler les enjeux dans lesquels l'entreprise se situe avant de se concentrer sur les faits et non sur les qualités des personnes : " Notre stratégie est la suivante... Le problème que nous rencontrons actuellement est le suivant... Voilà ce qui se passe... Qu'en pensez-vous ? " ou " Quel est votre point de vue ? "... Pensez-vous qu'il soit pertinent de continuer sur ce mode ? Il est important que l'entretien soit vécu comme un temps de réflexion visant à revenir à la rationalité, plutôt qu'au défoulement des émotions. Généralement, cet exercice de mise en perspective, suffit pour ramener le sujet dans la bonne direction...
Il est cependant nécessaire de conclure l'entretien par des décisions et un plan d'action avec l'engagement) de refaire le point prochainement en fixant un rendez-vous précis. On peut, si besoin, confirmer cet entretien par une lettre en gardant évidemment le double.
Daniel Eppling et Laurent Magnien, consultants chez Krauthammer International, dans leur livre " Quel manager êtes-vous ? " proposent aussi des solutions qui vont dans ce sens. Ils insistent sur le fait de pouvoir mettre le collaborateur face au " réel " tout en veillant à préserver, dans un premier temps en tout cas, la qualité de la relation. Ils distinguent 4 attitudes possibles qui correspondent pour eux à des niveaux de compétences managériales bien identifiées :
1. Le manager réagit et indique immédiatement au collaborateur ce qui lui pose problème ou l'irrite.
2. Le manager convoque son collaborateur et lui impose le changement à mettre en oeuvre.
3. Le manager analyse avec son collaborateur le problème et suggère des solutions.
4. Le manager s'appuie sur la méthode de résolution de problèmes et construit avec son collaborateur un plan d'action.
Le Moigne fait appel à la métaphore du " hors jeu " pour gérer ce type d'incident. Il suggère d'accorder 3 cartons jaunes au joueur avant d'envisager une expulsion " immédiate et fulgurante " après la 3° reprise en main.
Un entretien de recadrage doit être un entretien d'aide et de progrès. Les salariés ont droit à l'erreur. Il ne s'agit pas seulement de sanctionner mais de s'appuyer sur le problème pour faire grandir le collaborateur. La première étape est d'abord une étape maïeutique. Si les choses devaient s'envenimer, il serait alors préférable de s'appuyer sur les règles du droit social pour traiter le problème. (Convocation par lettre recommandée, 48h avant l'entretien, puis confirmation du motif du litige, 24h après l'entretien, avec mise à pied et ou licenciement pour faute professionnelle ou grave).
Face à une dérive, le pire consiste à ne rien faire. Les autres membres sont toujours lucides, dans ce genre de situation. Ils apprécieront qu'un manager soit le garant de la rationalité du groupe et de l'équité entre ses membres. Ne rien faire peut s'assimiler à " non assistance " à personne en danger.
Il importe d'inviter son collaborateur dans un entretien, dont le motif doit être cordialement présenté. " Je souhaiterais vous voir pour qu'on prenne le temps d'affiner votre mission ou vos objectifs) car je me demande si nous ne sommes pas en train de prendre une mauvaise direction. Il faut agir pendant qu'il en est encore temps ".
Dans l'entretien il est important de rappeler les enjeux dans lesquels l'entreprise se situe avant de se concentrer sur les faits et non sur les qualités des personnes : " Notre stratégie est la suivante... Le problème que nous rencontrons actuellement est le suivant... Voilà ce qui se passe... Qu'en pensez-vous ? " ou " Quel est votre point de vue ? "... Pensez-vous qu'il soit pertinent de continuer sur ce mode ? Il est important que l'entretien soit vécu comme un temps de réflexion visant à revenir à la rationalité, plutôt qu'au défoulement des émotions. Généralement, cet exercice de mise en perspective, suffit pour ramener le sujet dans la bonne direction...
Il est cependant nécessaire de conclure l'entretien par des décisions et un plan d'action avec l'engagement) de refaire le point prochainement en fixant un rendez-vous précis. On peut, si besoin, confirmer cet entretien par une lettre en gardant évidemment le double.
Daniel Eppling et Laurent Magnien, consultants chez Krauthammer International, dans leur livre " Quel manager êtes-vous ? " proposent aussi des solutions qui vont dans ce sens. Ils insistent sur le fait de pouvoir mettre le collaborateur face au " réel " tout en veillant à préserver, dans un premier temps en tout cas, la qualité de la relation. Ils distinguent 4 attitudes possibles qui correspondent pour eux à des niveaux de compétences managériales bien identifiées :
1. Le manager réagit et indique immédiatement au collaborateur ce qui lui pose problème ou l'irrite.
2. Le manager convoque son collaborateur et lui impose le changement à mettre en oeuvre.
3. Le manager analyse avec son collaborateur le problème et suggère des solutions.
4. Le manager s'appuie sur la méthode de résolution de problèmes et construit avec son collaborateur un plan d'action.
Le Moigne fait appel à la métaphore du " hors jeu " pour gérer ce type d'incident. Il suggère d'accorder 3 cartons jaunes au joueur avant d'envisager une expulsion " immédiate et fulgurante " après la 3° reprise en main.
Un entretien de recadrage doit être un entretien d'aide et de progrès. Les salariés ont droit à l'erreur. Il ne s'agit pas seulement de sanctionner mais de s'appuyer sur le problème pour faire grandir le collaborateur. La première étape est d'abord une étape maïeutique. Si les choses devaient s'envenimer, il serait alors préférable de s'appuyer sur les règles du droit social pour traiter le problème. (Convocation par lettre recommandée, 48h avant l'entretien, puis confirmation du motif du litige, 24h après l'entretien, avec mise à pied et ou licenciement pour faute professionnelle ou grave).
Face à une dérive, le pire consiste à ne rien faire. Les autres membres sont toujours lucides, dans ce genre de situation. Ils apprécieront qu'un manager soit le garant de la rationalité du groupe et de l'équité entre ses membres. Ne rien faire peut s'assimiler à " non assistance " à personne en danger.
3. Les solutions de niveau 2 : structurer les identités avec les méthodes de management
Le recadrage de niveau 1 a, bien sûr, son utilité mais il s'inscrit plus dans une logique de réaction que d'action. Si le manager en reste là, il est fort probable que le symptôme resurgisse. Sur le plan de l'analyse systémique, il faut entendre ces dysfonctionnements comme des signes signifiant une défaillance des systèmes plutôt que des individus.
Dans le cas de la PME que nous venons de décrire, un autre travail complémentaire est nécessaire. Il est important de profiter l'occasion pour redéfinir les fonctions) et les procédures. Dans le cas évoqué dans le paragraphe précédent, c'est d'ailleurs ce qui a été fait avec profit pour permettre une résolution durable des problèmes et une remobilisation des énergies.
La structuration des identités par un travail sur les définitions de fonction est souvent présentée par certains sociologues comme une nouvelle source d'aliénation dans la mesure où les outils interviennent au niveau de l'imaginaire des personnes. Cette critique est certes pertinente mais c'est oublier dans quelles circonstances se trouvent les acteurs. Ils sont impliqués dans une guerre économique impitoyable. Leur efficacité est déterminante. Elle dépend de leur capacité à développer une véritable intelligence de l'action. C'est dans ce sens qu'il faut considérer l'intérêt des approches managériales. On peut s'interroger sur ce que les sociologues cherchent à dénoncer à travers ces pratiques. Est ce bien le management qui est en cause ? N'est-ce pas plutôt une critique du capitalisme ultralibéral qui est leur cible ?
Ce que nous retenons cependant des critiques apportées, par ce courant de pensée, c'est que ces outils doivent faire l'objet d'une " délibération " (Florence Osty), car ce sont en réalité de micro-espaces de négociation.
Une des solutions, dans ce cas, consistera à réaliser une interview auprès de chacun des collaborateurs pour leur demander comment ils " voient " leur fonction puis de mener un processus de validation groupal. C'est d'ailleurs ce qui a été fait en ajoutant également une clarification des délégations avec un tableau de délégation.
Dans le cas de la PME que nous venons de décrire, un autre travail complémentaire est nécessaire. Il est important de profiter l'occasion pour redéfinir les fonctions) et les procédures. Dans le cas évoqué dans le paragraphe précédent, c'est d'ailleurs ce qui a été fait avec profit pour permettre une résolution durable des problèmes et une remobilisation des énergies.
La structuration des identités par un travail sur les définitions de fonction est souvent présentée par certains sociologues comme une nouvelle source d'aliénation dans la mesure où les outils interviennent au niveau de l'imaginaire des personnes. Cette critique est certes pertinente mais c'est oublier dans quelles circonstances se trouvent les acteurs. Ils sont impliqués dans une guerre économique impitoyable. Leur efficacité est déterminante. Elle dépend de leur capacité à développer une véritable intelligence de l'action. C'est dans ce sens qu'il faut considérer l'intérêt des approches managériales. On peut s'interroger sur ce que les sociologues cherchent à dénoncer à travers ces pratiques. Est ce bien le management qui est en cause ? N'est-ce pas plutôt une critique du capitalisme ultralibéral qui est leur cible ?
Ce que nous retenons cependant des critiques apportées, par ce courant de pensée, c'est que ces outils doivent faire l'objet d'une " délibération " (Florence Osty), car ce sont en réalité de micro-espaces de négociation.
Une des solutions, dans ce cas, consistera à réaliser une interview auprès de chacun des collaborateurs pour leur demander comment ils " voient " leur fonction puis de mener un processus de validation groupal. C'est d'ailleurs ce qui a été fait en ajoutant également une clarification des délégations avec un tableau de délégation.
4. Les solutions de niveau 3 et 4 : Le projet d'entreprise
L'égarement comportemental des salariés au niveau 1, peut aussi, être considéré comme un déficit de structuration des niveaux 3 et 4. L'interprétation des rôles sera d'autant plus empreinte de subjectivité que les acteurs auront une vision floue de la stratégie et des valeurs clés qui orientent l'entreprise. Des réunions de niveau 3 visant à présenter la stratégie et à la discuter peuvent compléter efficacement le processus de structuration identitaire. Une charte des valeurs clés peut constituer un heureux complément.
L'ensemble de ces actions qui reposent sur des méthodologies spécifiques visent à renforcer ce qu'Eugène Enriquez appelle " l'organisation contenante ". Pour cet auteur, la fonction première d'une organisation est de permettre à chacun des membres de la communauté de déposer les parties archaïques (pulsions- idéaux) de sa personnalité pour ouvrir la voie de la sublimation). Ce processus fera l'objet d'une investigation plus approfondie quand nous aborderons le concept, nous espérons très novateur, d'organisation " actantielle ".
L'ensemble de ces actions qui reposent sur des méthodologies spécifiques visent à renforcer ce qu'Eugène Enriquez appelle " l'organisation contenante ". Pour cet auteur, la fonction première d'une organisation est de permettre à chacun des membres de la communauté de déposer les parties archaïques (pulsions- idéaux) de sa personnalité pour ouvrir la voie de la sublimation). Ce processus fera l'objet d'une investigation plus approfondie quand nous aborderons le concept, nous espérons très novateur, d'organisation " actantielle ".