Introduction
Emmanuel Carré, aujourd'hui, directeur pédagogique du Groupe IGS et Thierry Roques (DEA Sc Gestion, IEP Bordeaux) professeur au Département Affaires et Développement International de Ecole de Management de Bordeaux ont depuis longtemps exploré de nombreuses méthodes de créativité. Ils ont, notamment fondé en 1998, le Laboratoire CREA au sein du Groupe ESC Bordeaux où ils ont pu les mettre en pratique auprès de nombreuses entreprises partenaires. C'est le résultat de leur recherche - action qu'ils nous autorisent à diffuser dans la lettre des 4 Temps du Management
Si vous avez manqué le début : Emmanuel Carré et Thierry Roques nous proposent depuis trois numéros de gravir les marches de la PIRAMIDE créative. Après avoir abordé précédemment le tandem P-I (perception - investigation) et la Réflexion sur les Aptitudes à la créativité (R-A), ils poursuivent ici leur description des Méthodes d'Invention et de Découverte (M.I.D).
Si vous avez manqué le début : Emmanuel Carré et Thierry Roques nous proposent depuis trois numéros de gravir les marches de la PIRAMIDE créative. Après avoir abordé précédemment le tandem P-I (perception - investigation) et la Réflexion sur les Aptitudes à la créativité (R-A), ils poursuivent ici leur description des Méthodes d'Invention et de Découverte (M.I.D).
A chaque étape du processus créatif (préparation, incubation, illumination, vérification), notre esprit manipule et transforme son " matériel mental ", c'est-à-dire ses connaissances, ses souvenirs) ou ses émotions en recourant à des procédés intellectuels complexes, souvent conscients, logiques et rationnels mais aussi parfois flous, intuitifs et inconscients. La boîte à outils que nous proposons d'ouvrir contient quelques instruments destinés à faciliter l'apparition et l'expression de connexions à l'intérieur de notre potentiel d'idéation. Elle est ainsi constituée d'outils formels permettant à tout moment du processus d'utiliser - en le transformant - une partie de notre " réservoir " de représentations symboliques.
Celui-ci se remplit au quotidien de la somme des expériences, émotions, réflexions, témoignages, souvenirs, habitudes que nous échangeons avec notre environnement. Que ce soit dans des disciplines à fort potentiel d'abstraction (mathématiques, stratégie, synthèses historiques) ou dans la pratique régulière de nos loisirs (sport, cuisine, lectures, mots croisés, énigmes policières,...), comme dans une foule d'autres circonstances (professionnelles, spirituelles,...) nous structurons ainsi nos connexions nerveuses en assimilant et accumulant une très grande quantité de stimuli. Une étude béhavioriste de ce mécanisme conclurait que c'est le traitement de ces stimuli qui engendre un comportement particulier.
Une approche systémique indiquerait aussi que notre comportement influence en retour, sous forme rétroactive, certaines de nos prédispositions à agir. L'idéal pour procéder à un classement des instruments formels qui contribuent à la transformation de notre " matériel mental " serait de concevoir un labyrinthe dans lequel on pourrait se promener par liens hypertexte, à l'image des connexions synaptiques de notre cerveau... La page d'un ouvrage nous impose pourtant de travailler dans un mode plan, et réduit l'expression de nos idées à deux dimensions. Le recours aux outils sagement rangés dans leur compartiment peut et doit s'affranchir de cette logique formelle. La créativité nous impose même de les utiliser à la lettre mais surtout dans l'esprit, de les comprendre pour mieux les détourner, de les abandonner pour mieux s'en servir, de les croiser pour les démêler.
Deux cordes sont fixées au plafond. Elles sont trop éloignées pour que l'on puisse saisir l'une en tenant l'autre. On dispose d'un marteau, d'un téléphone et d'une paire de ciseaux. En utilisant les outils à notre disposition, comment peut-on attacher les extrémités des deux cordes ? (On peut choisir de téléphoner à un ami bricoleur. On peut aussi utiliser le fil du téléphone pour allonger la corde la plus courte. En accrochant n'importe quel outil, on peut mettre la corde en mouvement, comme un balancier et la réceptionner en tenant l'autre. Il est également possible de couper rageusement la corde avec les ciseaux et de chercher une autre solution. Par exemple ne les accrocher au plafond que quand elles sont reliées...)
L'exemple ci-contre illustre les vertus de la métaphore. D'ailleurs un vieil adage) nous enseigne que " une image vaut mieux qu'un long discours ". Par chance (n'est-ce pas ?), la métaphore appartient à la première catégories d'approches que nous souhaitons présenter...
L'exemple ci-contre illustre les vertus de la métaphore. D'ailleurs un vieil adage) nous enseigne que " une image vaut mieux qu'un long discours ". Par chance (n'est-ce pas ?), la métaphore appartient à la première catégories d'approches que nous souhaitons présenter...
1. Les démarches analogiques
Elles consistent à formuler des idées en cherchant des points communs ou des différences entre plusieurs contextes. Nous avons vu dans le chapitre consacré à la perception qu'une partie de ce travail nous est familière : face à un objet ou un problème, nous procédons souvent par comparaison avec les éléments que nous connaissons déjà pour nous forger une représentation acceptable (- selon le principe de " la bonne forme " emprunté à la Gestalt -). C'est ainsi que nous parlons des " dents " d'un peigne, du " pied " de la table, d'une personnalité " brillante ", ou d'un échange " chaleureux " en évoquant des sujets qui ne possèdent pas physiquement les propriétés indiquées.
Les démarches analogiques visent à prolonger et systématiser ce principe. George Prince et William J.J. Gordon, deux auteurs américains, ont proposé une méthode baptisée synectique (étymologie grecque : mise en commun d'éléments hétérogènes.) fondée sur la transformation d'objets ou de concepts à partir d'une devise : " rendre le familier étrange et rendre l'étrange familier ". Cette distinction permet de rendre compte de deux fonctions complémentaires contenues dans les démarches analogiques : elles possèdent à la fois une valeur heuristique et une finalité didactique. Dans le premier cas, elles peuvent aider le chercheur à dépasser le conformisme de sa perception en provoquant l'imagination ; dans le second cas, elle l'invitent à une représentation simplifiée de données complexes. Alfred Hitchcock utilise la fonction heuristique (et en la circonstance fantastique) de l'analogie lorsqu'il met en scène le complot angoissant fomenté par Les Oiseaux) Niels Bohr recourt aux vertus pédagogiques de l'analogie lorsqu'il représente la structure de l'atome à partir de la gravitation des astres dans le système solaire. Gordon et Prince proposent une typologie des outils de la synectique en quatre catégories : l'analogie directe, l'analogie symbolique, l'analogie fantastique et l'analogie personnelle.
1.1 L'analogie directe
Elle consiste à comparer ou substituer tout ou en partie des caractéristiques de l'objet de la recherche avec les éléments d'un objet apparenté. La proximité entre les deux objets tient généralement à des ressemblances physiques : le système vertébral peut servir de référentiel pour l'inventeur qui veut améliorer la souplesse d'un support (comme dans le cas des bras articulés des lampes d'architecte), le fonctionnement de la rétine peut permettre de perfectionner un système d'obturateur pour un appareil photo, la teigne de bardane qui s'accroche aux vêtements amène le principe de fixation par Velcro (c'est-à-dire littéralement velours-crochet).
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