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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.58 B (Suite) Intégrer la communication non violente dans sa pratique de manager par Philippe Garric


La demande

"Qui ne demande rien... risque d'avoir ce qu'il ne veut pas !" Philippe Garric 

L'objectif de cette étape est de clarifier et d'exprimer ce qui me rendrait la vie plus belle. 

Plus globalement, cette étape est celle de la stratégie visant à : 
 
- Transformer sa vie (demande adressée à Soi). 
- Collaborer avec l’Autre (demande adressée à l’Autre). 
- Lâcher-prise (renoncer – faire le deuil).  
 
Je ne reviendrai pas sur l'intérêt de la demande et les points de vigilance ont été développés dans le chapitre précédent sur la demande. 
 
Pour mémoire, les critères d'une demande efficace sont : 
  • Concrète et précise. 
  • En lien avec mon besoin ou le but poursuivi. 
  • Exprimée sous la forme d'une question (négociable) telle que "Est-ce que tu es  d'accord  de... ?"  ou  bien  "As-tu  une  objection à ... ?". 
  • Formulée positivement. - Claire sur les notions de temps : ici et maintenant ou éventuellement à l'avenir. 
  • "Réaliste et réalisable".  
 
Par ailleurs, en communication consciente, il existe trois types de demandes : 
 
– La demande d'action : le but est que l'autre (ou nous-mêmes) réalise une action qui nourrirait notre besoin.
Exemple : "Est-ce que tu es d'accord de me faire une copie du dossier pour cet après-midi ?" ou "As-tu une objection à ce que je te réponde à 17 heures ?". 
 
– La demande de reformulation : le but est de s'assurer que l'autre a réellement entendu et compris ce que nous venons de dire. Si autrui reçoit un autre message que celui que nous souhaitons lui transmettre, nous avons intérêt à le clarifier le plus rapidement possible avant d'aller plus loin.
Exemple : "Je voudrais être sûr de m'être correctement exprimé. Est-ce que tu es d'accord de me dire ce que tu comprends de ce que je viens de dire ?". 
 
– La demande de connexion : le but est de vérifier quel impact émotionnel nos propos ont sur l'autre. En effet, si ceux-ci deviennent pour l'autre un élément déclencheur d'une émotion intense, il peut ne plus vouloir ou pouvoir nous écouter ou ne pas répondre à notre demande.
Exemple : "Comment est-ce que tu reçois ce que je viens de dire ? Comment te sens-tu avec ça ? Comment est-ce que tu réagis à cela ?" 


L'expression de soi

L'expression de soi se fera de la manière suivante : 
 
  • Observation de l’élément déclencheur : 
"Lorsque j'observe, je vois, j'entends, je lis, je me dis que.., je goûte, je sens (une odeur), je touche..."
  • Perception du signal (sentiment) : 
"Je me sens, je suis, j'éprouve, je ressens..." 
  • Connexion au besoin enjeu : 
"Parce que j'ai un besoin de... / Parce que ce qui est important pour moi, c'est.../ Parce que ce qui est en jeu pour moi, c'est.../ Parce que ce qui est touché chez moi c'est..."
  • Expression de la demande :
"Est-ce que tu es d'accord de... ?"  "Est-ce que tu as une objection à... ?" 
Lors de l'expression, nous pouvons choisir l'ordre dans lequel nous exprimons ce qui est vivant pour nous. 

Quelques exemples de formulation :

Le but n'est pas de vous livrer des phrases toutes faites, mais simplement des exemples de formulation pour vous donner une idée de vers quoi nous allons. 
- "Quand je vois tes chaussettes dans l'escalier (Observation), je suis contrarié (Sentiment) parce que j'ai un besoin d'ordre Besoin). Est-ce que tu es d'accord de les mettre dans la panière à linge sale ? (Demande)"  

- "Après la journée que j'ai eue (O), je suis épuisé (S). J'aimerais un peu d'aide (B). Est-ce que tu veux bien mettre la table d'ici une demi-heure ? (D)" 

- "Lorsque le groupe ne me demande pas mon avis sur la manière de résoudre ce problème (O), je suis triste (S) et déçu (S) parce que j'ai à cœur de contribuer à la bonne marche de l'entreprise (B) et j'ai envie d'avoir ma place dans ce groupe (B). Est-ce que tu as une objection à ce que je vous fasse partager mes propositions ? 

- "La liberté (B) est si importante pour moi que je suis contrarié (S) d'entendre que vous ne voulez pas être là (O). Qu'est-ce que ca vous fait quand je vous dis cela ? (D)" 

Gagnant dans le désordre.

2.58 B  (Suite) Intégrer la communication non violente dans sa pratique de manager par Philippe Garric
Je me suis rendu compte que l'utilisation du processus, systématiquement, dans le même ordre, faisait parfois réagir l'autre. Lorsque ce dernier repère une forme ou un type de mots qui se répète, il arrive qui se "braque", c'est dire qu'il n'entend plus le message, mais se questionne sur "Pourquoi il me parle comme cela ?". La forme devient alors un obstacle à un échange authentique. 
 
Je vous propose donc de voir quelques "astuces" pour rendre le processus plus "transparent". 
 
- Privilégiez des formulations comme "Je suis..." plutôt que "Je me sens" ou "J'éprouve". 
 
- Remplacez "J'ai un besoin de..." par "Ce qui est important pour mi, c'est..." ou "Ce dont il est question c'est de...". L'important est que le mot qui suit soit bien un besoin. 
 
- Traduisez le besoin en quelques mots. Par exemple, au lieu de "J'ai un besoin de liberté", dites "J'ai envie de choisir ma manière d'agir". 
 
- Changez l'ordre des quatre étapes dans la phrase : 
 
  •  Lorsque je lis le guide de montage de ce meuble suédois (O), je suis perdu (S) parce que j'ai un besoin de comprendre (B) comment il se monte. Est-ce que tu veux bien m'expliquer ? (D)
  • J'ai un besoin de comprendre (B) comment ce meuble suédois se monte. Du coup, je  me sens perdu (S), quand je lis le manuel de montage de ce meuble suédois (O). Est-ce que tu es d'accord de me l'expliquer ? (D)
  • Est-ce que tu es d'accord de m’expliquer comment monter ce meuble suédois? (D). En effet, je me sens perdu (S) lorsque je lis le manuel de montage (O). J'ai un besoin de comprendre.
  • Je me sens perdu (S) quand je lis le manuel de montage de ce meuble suédois (O). J'ai besoin de comprendre (B) comment il se monte. Est-ce que tu es d'accord de me l'expliquer ? (D)
  • Etc. 
 
N.B. : Plus une personne est sous tension, plus sa capacité d'attention est faible. Il est donc judicieux, dans ce cas, de démarrer ma phrase par le besoin (pour être sûr qu'il soit entendu). 

Une particularité : l'expression de la colère

Lorsque nous sommes en colère, il peut être aidant de trouver la pensée racine. Celle-ci se manifeste sous des formules comme "Il est irrespectueux" ou "Il devrait tenir ses engagements" ou "Après tout ce que j'ai pour lui, il ne devrait pas ce comporter ainsi". 

Cette pensée racine nous permet ensuite, plus facilement d'identifier le besoin en jeu. 

Et quand la Vie est belle ?

À l'époque où je commençais à mettre en œuvre ce processus, un ami m'a fait cette réflexion :
"Que tu t'interroges quand ça ne va pas, pourquoi pas ! Mais que tu t'interroges aussi quand ça va bien, franchement à quoi ça sert ?". 

C'est au fond une excellente question ! Quel intérêt y a-t-il à se questionner sur nos besoins satisfaits, sur nos sentiments agréables et sur les éléments déclencheurs qui y sont liés ? 

"Je ne suis pas obligé d'aller mal pour aller mieux" 

C'est bien parce qu'un de nos besoins est touché que nous nous sentons bien ou mal. Cela peut sembler une évidence lorsque nous nous sentons mal d'agir pour satisfaire nos besoins. Pour autant, lorsque nous nous sentons bien, prendre conscience de ce qui est vivant en nous va me permettre de : 
  • Goûter davantage le plaisir et le bonheur présent. 
  • Veiller à satisfaire davantage nos besoins. 
  • Étoffer la liste des stratégies pour les satisfaire. 
  • Reproduire les conditions qui ont satisfait nos besoins. 
  • Partager avec l'autre ce qui nous rend la vie plus belle. 
  •  Permettre à l'autre d'avoir davantage conscience de ce qui nous la rend plus belle. 
  • Nous apprendre à sentir ce qu'est un besoin "en plein" et de l'ancrer dans notre corps. 


L'empathie

2.58 B  (Suite) Intégrer la communication non violente dans sa pratique de manager par Philippe Garric
"Ventre affamé n’a pas d’oreilles" 

Empathie vient de la racine grecque "pathos" qui signifie "souffrir - ressentir" et du préfixe "em" qui signifie "avec". Étymologiquement l'empathie signifie "souffrir avec". 

Lors d'une conférence à Nantes en février 2003, Marshall Rosenberg en donnait la définition suivante : "L’empathie, c’est la présence. Une présence pleine vis-à-vis de ce qui est vivant dans la personne à ce moment précis. Et ne rien ramener du passé. Plus on connaît la personne, plus c’est difficile d’être en empathie. Plus vous avez étudié la psychologie, plus il va être difficile de vraiment témoigner de l’empathie. 

Dans l’empathie vous ne parlez pas du tout. Vous parlez avec les yeux. C’est votre corps qui parle. Si vous prononcez quelques mots, c’est parce que vous n’êtes pas vraiment sûr d’être avec l’autre. Alors peut-être que vous allez prononcer quelques mots, mais les mots eux-mêmes ne sont pas de l’empathie. L’empathie, c’est quand l’autre personne ressent la connexion avec ce qu’il y a de vivant en elle."  

L'attitude de la personne qui donne de l'empathie est comparable à la posture du surfeur par rapport à la vague. S'il est en avance ou en retard sur la vague, il la perd. Le surfeur comme la personne qui donne de l'empathie doit aller avec ce qui est là, ici et maintenant. 

L'empathie n'est pas : sympathiser, être d'accord, conseiller, consoler, minimiser, valoriser, encourager, etc. 

L'empathie (comme l'auto-empathie : empathie envers soi-même) va permettre : 
  • De sortir du discours mental. 
  • D'être davantage connecté avec le vivant en nous et chez l'autre. 
  • D'apaiser nos émotions désagréables. 
  • De goûter davantage nos émotions agréables. 


De ses Maux à mes mots

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Même si, dans l'empathie, "c'est notre corps qui parle", nous serons parfois amenés à nous exprimer. 

Ainsi, nous pouvons avoir envie de vérifier si ce que nous percevons de ce que l'autre vit est bien ce qu'il vit. Dans d'autres cas, notre interlocuteur peut vouloir s'assurer que nous comprenons bien ce qui se passe pour lui. 

Alors, nous allons faire un reflet empathique : une reformulation de ce que nous percevons de ce qui est vivant chez l'autre. Le but n'est pas de tomber juste du premier coup, mais de manifester d'une autre manière notre attention à l'autre et de nous assurer que nous sommes toujours avec la "vague". Lors du reflet empathique, la reformulation est principalement centrée sur les sentiments et les besoins de l'autre (plutôt que sur ses pensées).  

Comme nous ne sommes pas l'autre, nous pouvons seulement faire des hypothèses sur ce qui se passe en lui. Le reflet empathique prendra donc la forme d'une question.  

Exemple : "Est-ce que tu es choqué quand tu l'entends dire que tu es un incapable parce qu'au fond tu as besoin de davantage de considération ?", "Est-ce que tu as un tel besoin de liberté que tu es frustré quand elle t'interdit de sortir ?" ou "Quand tu reçois ces fleurs, est-ce que tu es touché parce que cela comble ton besoin d'amour ?". 

N.B. Parfois nous pensons manifester de l'empathie à une personne par des formules comme "Je comprends bien ce que tu vis...". Cette formule ne rassure que nous ! L'autre ne "sent" pas qu'il est "rejoint là où il est"  parce que cette formule ne manifeste pas clairement ce que nous comprenons. 

En plus, dans la plupart des cas, "Je comprends bien ce que tu vis..." est suivie par "Mais" : " Je comprends bien ce que tu vis, mais...". "Mais" signifie "Non". C'est comme si ce qui est avant le "mais" (l'autre) avait moins d'importance que ce qui est après (nous). Un bon point de départ pour un dialogue de sourds ! 

Le reflet empathique

Le reflet empathique se fera de la manière suivante : 
 
  • Observation de l’élément déclencheur : 
"Lorsque j'observe, tu vois, tu entends, je lis, tu te dis que.., tu goûtes, tu sens (une odeur), tu touches..."
  • Perception du signal (sentiment) : 
"Est-ce que tu te sens, tu es, tu éprouves, tu ressens..."
  • Connexion au besoin enjeu : 
"Est-ce parce que tu as un besoin de... / Parce que ce qui est important pour toi, c'est.../ Parce que ce qui est en jeu pour toi, c'est.../ Parce que ce qui est touché chez toi c'est..."
  • Expression de la demande :
"Est-ce que ta demande est... ? "
Lors du reflet empathique, nous pouvons choisir l'ordre dans lequel nous reformulons ce qui semble être vivant chez l'autre. 

Le reflet empathique : exemples de formulation.

Le but est simplement de proposer des exemples de formulation pour vous permettre d'avoir une idée de vers quoi nous allons, et pas de vous donner des phrases toutes faites.

Les questions qui sont enchaînées ici partent de l'idée que la personne qui reçoit cette empathie a répondu "oui" à la précédente. Dans le cas contraire, nous aurions fait une autre proposition. Nous ne sommes pas tenus de tomber juste du premier coup ! 
  • "Est-ce que tu te sens triste (S) quand tes enfants n'appellent pas aussi souvent que tu le voudrais lorsqu'ils sont chez leur père (O) ? Est-ce parce que tu as besoin d'amour (B) ?
  • "Est-ce que tu souhaites t'exprimer librement (B) ? Du coup, est-ce que tu es hors de toi (S) quand quelqu'un met des mots sur ce que tu vis (O) ?"
  • "Est-ce que tu as tant de travail que tu paniques à l'idée de ne pas avoir fini ce soir ? Est-ce que tu veux de l'aide ? Est-ce que ta demande est que je propose à Philippe de t'aider ou que je t'offre une demi-journée supplémentaire ?" 

Bibliographie



Présentation de l'auteur : Philippe Garric

Après des études universitaires techniques et commerciales, Philippe Garric occupe pendant plus de dix ans différentes fonctions commerciales (Vente et achat) dans le négoce industriel ainsi que le négoce d’acier et d’inox.
Il dirige ensuite deux centres de formation en management, ressources humaines et développement personnel basé à Grenoble, Lyon puis Clermont-Ferrand.

En plus de son expérience, Philippe intègre dans sa pratique professionnelle différentes approches de développement du potentiel humain (Analyse Transactionnelle dans le champ des organisations, Communication NonViolente selon le processus de Marshall Rosenberg, Master en Programmation NeuroLinguistique, Sociocratie, Ennéagramme, langage non-verbal, etc.).

Il est notamment diplômé de l’Institut de Coaching International de Genève. 
Depuis 20 ans, Philippe Garric intervient en tant qu’ingénieur pédagogique, formateur en relations humaines, management, relations commerciales et communication interpersonnelle auprès des entreprises et des organisations publiques ou associatives. Il est aussi thérapeute, préparateur mental et coach dans le domaine personnel, professionnel et sportif. 
 
Philippe est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « Comment se rendre la Vie plus belle ? » (Éditions Lulu).

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