La stratégie c'est d'abord une intuition
La démarche stratégique n'est pas une démarche mécanique qui relève de la seule logique rationnelle classique. Certains auteurs, comme Daniel Haumont, estime même qu'elle sollicite en priorité l' intuition.
Pendant longtemps cependant les méthodes d'analyse stratégique sont restées sous l'emprise de la pensée positiviste, cherchant à prendre des décisions constamment sécurisées par les techniques quantitativistes (Etudes de marché, analyses démographiques, etc...)
Ces méthodes se sont surtout développées dans les années 70 à travers l'émergence du Management par Objectif (Drucker, Gélinier) à une époque où l'incertitude des marchés était encore relativement faible. Entre 70 et 80, on commence à parler de plans à géométrie variable à travers la technique des scénarios. Puis dans les années 80 apparaît la méthode, très prometteuse, dite du projet d'entreprise. Hélas, celle-ci a progressivement disparu sous la pression des enjeux concurrentiels et des exigences de plus en plus élevées des actionnaires, enfermant les acteurs dans un horizon temporel de plus en plus court.
Aujourd'hui dans un monde complexe et incertain, de nombreux travaux (Kim et Mauborgne, Osterwalter et Pigneur, Vestraete,Marchesnay, etc..) s'accordent à reconnaître la nécessité de penser autrement les stratégies de développement. Dans ces nouvelles approches, l'intuition prend une place de choix.
Le siècle des lumières a mis en doute cette fonction pour glorifier un mode de raisonnement fondé sur ce les philosophes appellent "la causalité linéaire". Celle - ci explique les phénomènes comme étant la conséquence d'une cause unique et logique qu'il est possible d'identifier. "Ceci arrive à cause de cela". Autrement dit, si nous connaissons la cause principale des problèmes, nous pouvons parvenir à les maîtriser.
Cette conception a le mérite de simplifier l'analyse mais ne s'avère pas toujours opérante. Elle entraîne, paradoxalement, les acteurs à se contenter de solutions superficielles plutôt que sur des solutions durables. Stephane Lupasco parle à ce sujet de "Tiers exclu" , en ce sens qu'elle conduit à éliminer une partie de la complexité du réel dans le raisonnement.
Considérer par exemple qu'un ulcère d'estomac est causé uniquement par une inflammation des tissus empêche rarement la récidive. Expliquer la baisse de compétitivité des entreprises par le seul coût du travail conduit à des solutions absurdes : "Travailler plus pour gagner plus" ou pire encore le pacte de responsabilité (2014) qui part de l'hypothèse qu'en baissant le coût du travail, les entreprises investiront et que la création d'emplois repartira.
Pour l'analyse systémique qui s'oppose au modèle analytique que nous venons de décrire, les causes sont souvent multiples ; on parle alors de causalité multifactorielle. Non seulement ces causes sont multiples mais sont toujours en interdépendance, c'est à dire qu'elles s'influencent les unes les autres. On parle alors dans ce cas de causalité multifactorielle circulaire.
Or la démarche stratégique amène ceux qui s'en préoccupent à manipuler dans leur esprit de multiples variables qui sont remises fréquemment en cause du fait des changements permanents de l'environnement.
Beaucoup de dirigeants ne connaissent pas les évangiles de la stratégie d'entreprise diffusées par l'académie. Et pourtant leur choix sont souvent pertinents. La preuve est que non seulement leurs entreprises survivent dans un environnement menaçant mais aussi qu'elles se développent.
L'hypothèse que nous faisons est qu'ils mobilisent d'autres fonctions cognitives que celles qui sont valorisées par le système éducatif institutionnel dominant. Parfois, pour certains d'entre eux, ces fonctions, sans doute naturellement hypertrophiées, semblent même les avoir mis en difficultés dans leur apprentissage scolaires. Ils ne peuvent pas toujours expliquer leur choix, mais ils "sentent" quelle est la direction à prendre. Ils savent aussi en changer quand c'est nécessaire. Si leurs choix ne reposent pas toujours sur une rationalité, ils s’appuient sur ce qu'on appelle l'intuition.
Celle - ci est difficilement explicable. Elle est soudaine et fulgurante. C'est en tout cas de cette façon que Platon la définit : "L'intuition est la saisie immédiate de la vérité de l'idée". Pour le philosophe Henry, "l'intuition est la propriété que possède la vie de se sentir elle-même hors de toute idée, représentation".
Kant nous précise qu'elle passe par les sens : "Il faut distinguer intuition empirique et intuition pure ; l'intuition empirique est relative au contenu de la sensation". L'intuition pure, quant à elle, est relative à la sensibilité qu'il définit comme " la capacité de recevoir (réceptivité) des représentations par la manière dont nous sommes affectés par des objets". Dans les deux cas, c'est une affaire de sensibilité.
Pour Jean-Paul Sartre, il ne s'agit d'opposer la rationalité à l'intuition puisqu' elle serait, selon lui, à l'origine de tout raisonnement ; "Il n’est d’autre connaissance qu’intuitive. La déduction et le discours, improprement appelés connaissance, ne sont que des instruments qui conduisent à l’intuition".... L'intuition est ainsi au début comme à la fin de toute entreprise philosophique car c'est par elle qu'en dernière instance, nous donnons notre assentiment à une thèse plutôt qu'à une autre".
S'appuyant sur les travaux du psychanalyste Carl Gustave Yung,, Meryem Lesaget démontre dans son livre le Manager intuitif (2013 - 3° édition ) que l'entreprise à privilégié une approche largement plus orientée sur les valeurs du pragmatisme immédiat (animus) que sur les valeurs de la sensibilité (anima). Elle nous invite à la prendre enfin au sérieux.
Pendant longtemps cependant les méthodes d'analyse stratégique sont restées sous l'emprise de la pensée positiviste, cherchant à prendre des décisions constamment sécurisées par les techniques quantitativistes (Etudes de marché, analyses démographiques, etc...)
Ces méthodes se sont surtout développées dans les années 70 à travers l'émergence du Management par Objectif (Drucker, Gélinier) à une époque où l'incertitude des marchés était encore relativement faible. Entre 70 et 80, on commence à parler de plans à géométrie variable à travers la technique des scénarios. Puis dans les années 80 apparaît la méthode, très prometteuse, dite du projet d'entreprise. Hélas, celle-ci a progressivement disparu sous la pression des enjeux concurrentiels et des exigences de plus en plus élevées des actionnaires, enfermant les acteurs dans un horizon temporel de plus en plus court.
Aujourd'hui dans un monde complexe et incertain, de nombreux travaux (Kim et Mauborgne, Osterwalter et Pigneur, Vestraete,Marchesnay, etc..) s'accordent à reconnaître la nécessité de penser autrement les stratégies de développement. Dans ces nouvelles approches, l'intuition prend une place de choix.
Le siècle des lumières a mis en doute cette fonction pour glorifier un mode de raisonnement fondé sur ce les philosophes appellent "la causalité linéaire". Celle - ci explique les phénomènes comme étant la conséquence d'une cause unique et logique qu'il est possible d'identifier. "Ceci arrive à cause de cela". Autrement dit, si nous connaissons la cause principale des problèmes, nous pouvons parvenir à les maîtriser.
Cette conception a le mérite de simplifier l'analyse mais ne s'avère pas toujours opérante. Elle entraîne, paradoxalement, les acteurs à se contenter de solutions superficielles plutôt que sur des solutions durables. Stephane Lupasco parle à ce sujet de "Tiers exclu" , en ce sens qu'elle conduit à éliminer une partie de la complexité du réel dans le raisonnement.
Considérer par exemple qu'un ulcère d'estomac est causé uniquement par une inflammation des tissus empêche rarement la récidive. Expliquer la baisse de compétitivité des entreprises par le seul coût du travail conduit à des solutions absurdes : "Travailler plus pour gagner plus" ou pire encore le pacte de responsabilité (2014) qui part de l'hypothèse qu'en baissant le coût du travail, les entreprises investiront et que la création d'emplois repartira.
Pour l'analyse systémique qui s'oppose au modèle analytique que nous venons de décrire, les causes sont souvent multiples ; on parle alors de causalité multifactorielle. Non seulement ces causes sont multiples mais sont toujours en interdépendance, c'est à dire qu'elles s'influencent les unes les autres. On parle alors dans ce cas de causalité multifactorielle circulaire.
Or la démarche stratégique amène ceux qui s'en préoccupent à manipuler dans leur esprit de multiples variables qui sont remises fréquemment en cause du fait des changements permanents de l'environnement.
Beaucoup de dirigeants ne connaissent pas les évangiles de la stratégie d'entreprise diffusées par l'académie. Et pourtant leur choix sont souvent pertinents. La preuve est que non seulement leurs entreprises survivent dans un environnement menaçant mais aussi qu'elles se développent.
L'hypothèse que nous faisons est qu'ils mobilisent d'autres fonctions cognitives que celles qui sont valorisées par le système éducatif institutionnel dominant. Parfois, pour certains d'entre eux, ces fonctions, sans doute naturellement hypertrophiées, semblent même les avoir mis en difficultés dans leur apprentissage scolaires. Ils ne peuvent pas toujours expliquer leur choix, mais ils "sentent" quelle est la direction à prendre. Ils savent aussi en changer quand c'est nécessaire. Si leurs choix ne reposent pas toujours sur une rationalité, ils s’appuient sur ce qu'on appelle l'intuition.
Celle - ci est difficilement explicable. Elle est soudaine et fulgurante. C'est en tout cas de cette façon que Platon la définit : "L'intuition est la saisie immédiate de la vérité de l'idée". Pour le philosophe Henry, "l'intuition est la propriété que possède la vie de se sentir elle-même hors de toute idée, représentation".
Kant nous précise qu'elle passe par les sens : "Il faut distinguer intuition empirique et intuition pure ; l'intuition empirique est relative au contenu de la sensation". L'intuition pure, quant à elle, est relative à la sensibilité qu'il définit comme " la capacité de recevoir (réceptivité) des représentations par la manière dont nous sommes affectés par des objets". Dans les deux cas, c'est une affaire de sensibilité.
Pour Jean-Paul Sartre, il ne s'agit d'opposer la rationalité à l'intuition puisqu' elle serait, selon lui, à l'origine de tout raisonnement ; "Il n’est d’autre connaissance qu’intuitive. La déduction et le discours, improprement appelés connaissance, ne sont que des instruments qui conduisent à l’intuition".... L'intuition est ainsi au début comme à la fin de toute entreprise philosophique car c'est par elle qu'en dernière instance, nous donnons notre assentiment à une thèse plutôt qu'à une autre".
S'appuyant sur les travaux du psychanalyste Carl Gustave Yung,, Meryem Lesaget démontre dans son livre le Manager intuitif (2013 - 3° édition ) que l'entreprise à privilégié une approche largement plus orientée sur les valeurs du pragmatisme immédiat (animus) que sur les valeurs de la sensibilité (anima). Elle nous invite à la prendre enfin au sérieux.
La stratégie doit être au service d'une vision
La stratégie est souvent confondue avec la vision. Mais elle n'est en réalité qu'un moyen au service d'un futur désirable et réalisable. Le désir et la vision précèdent donc la stratégie.
La construction de cette représentation de l'avenir structurante pour l'action collective ne va pas de soi. C'est un processus complexe qui combine autant d'éléments relevant à la fois de la rationalité que de l'intuition sensible. L'expérience montre qu'il est toujours fâcheux de négliger l'une d'entre elles.
Ce qui nous intéresse ici, c'est d'explorer la partie la plus mystérieuse : celle de sa conception. S'il existe de nombreux outils de modélisation de la stratégie, les processus qui génèrent la vision reste encore largement inconnus. Nous ne prétendons pas ici résoudre totalement cet énigme mais identifier quelques points clés utiles à la compréhension de son apparition.
Les prolégomènes ressemblent d'ailleurs étrangement avec l'activité du chercheur confronté à une question de recherche. Celle - ci commence toujours par une phase d'exploration et de tâtonnement. A ce stade, les représentations ne sont pas stabilisées. Il s'agit d'abord de bien définir la problématique, puis de recueillir un maximum d'informations provenant d'univers et de disciplines diversifiées pour ensuite les combiner entre elles jusqu'à ce qu'émerge une "intuition" de la direction à prendre. Selon le cadre de références sur lequel on s'appuie , on n'arrive d'ailleurs pas forcément aux mêmes résultats.
Mais il y a une différence avec l'activité mentale du chercheur car les dirigeants sont également inspirés dans leurs choix stratégiques par leurs convictions; en d'autres termes par leurs valeurs. Vouloir rester indépendant par exemple est d'avantage l'expression d'une valeur que le résultat d'une analyse , privilégier la compétitivité prix ou hors prix n'est pas sans lien avec la doctrine du salut comme l'a montré Emmanuel Todd (1999). Le pur intérêt n'est pas le seul mobile qui pousse les acteurs dans leurs décisions économiques. Le poids des idéaux joue un rôle tout aussi déterminant. A côté de l'intellect calculateur, Il y a donc d'autres paramètres qui interviennent.
La construction de cette représentation de l'avenir structurante pour l'action collective ne va pas de soi. C'est un processus complexe qui combine autant d'éléments relevant à la fois de la rationalité que de l'intuition sensible. L'expérience montre qu'il est toujours fâcheux de négliger l'une d'entre elles.
Ce qui nous intéresse ici, c'est d'explorer la partie la plus mystérieuse : celle de sa conception. S'il existe de nombreux outils de modélisation de la stratégie, les processus qui génèrent la vision reste encore largement inconnus. Nous ne prétendons pas ici résoudre totalement cet énigme mais identifier quelques points clés utiles à la compréhension de son apparition.
Les prolégomènes ressemblent d'ailleurs étrangement avec l'activité du chercheur confronté à une question de recherche. Celle - ci commence toujours par une phase d'exploration et de tâtonnement. A ce stade, les représentations ne sont pas stabilisées. Il s'agit d'abord de bien définir la problématique, puis de recueillir un maximum d'informations provenant d'univers et de disciplines diversifiées pour ensuite les combiner entre elles jusqu'à ce qu'émerge une "intuition" de la direction à prendre. Selon le cadre de références sur lequel on s'appuie , on n'arrive d'ailleurs pas forcément aux mêmes résultats.
Mais il y a une différence avec l'activité mentale du chercheur car les dirigeants sont également inspirés dans leurs choix stratégiques par leurs convictions; en d'autres termes par leurs valeurs. Vouloir rester indépendant par exemple est d'avantage l'expression d'une valeur que le résultat d'une analyse , privilégier la compétitivité prix ou hors prix n'est pas sans lien avec la doctrine du salut comme l'a montré Emmanuel Todd (1999). Le pur intérêt n'est pas le seul mobile qui pousse les acteurs dans leurs décisions économiques. Le poids des idéaux joue un rôle tout aussi déterminant. A côté de l'intellect calculateur, Il y a donc d'autres paramètres qui interviennent.
Cette vision est le résultat d'un processus heuristique et participatif
Comme le chercheur, le stratège fait appel à ses capacités d'invention, puisqu'il s'agit d'inventer un futur qui n'existe pas encore. En ce sens, il s'agit bien d'une activité heuristique car on procède par hypothèses provisoires et évaluations successives tout en envisageant que celles - ci évoluent au long de la réflexion. La conception heuristique semble particulièrement adaptée pour qualifier ce type de raisonnement dans la mesure où elle permet de manipuler de nombreuses variables qui peuvent changer en cours de route. Elle est très proche du processus onirique dans le sens où elle fonctionne essentiellement par le biais d'associations.
Mais la conception dominante a tendance a attribuer au seul dirigeant cette capacité. Meryem Lesaget insiste sur le fait que cette conception insulaire et aristocratique est aujourd'hui dépassée. Dans un environnement complexe, il est indispensable d'associer tous les membres de la communauté car chacun, de la place qu'il occupe, a un regard différent qui peut enrichir la pensée d'un seul individu aussi perspicace, soit-il ! Elle plaide pour une vision stratégique qui soit le résultat d'une réflexion collective : "Les meilleures visions ne peuvent être le fruit des cogitations ou inspirations du (seul) président directeur général". Elle est aussi l'expression en action des idéaux qui animent la communauté de travail : "La vision parle de ce que l' entreprise et les personnes osent imaginer quand elles sont animées d'un fort idéal et d'un désir commun d'accéder au plus élevé, au plus noble de leur activité et de leur raison d'être"....
Dans cette perspective, le rôle du dirigeant est d'être davantage un inspirateur plutôt qu'un "maître à penser", doté de pouvoir divinatoire. Son rôle est d'apporter les idées de départ et de libérer les capacités oniriques de toutes les parties prenantes. en d'autres termes de faire rêver le collectif. Le rêve dont nous parlons ne doit être en aucun cas un fantasme hallucinatoire. Il s'agit d'une représentation d'un futur non pas probable mais possible.
Cette analyse est profondément intéressante quand on la met en relation avec les théories de Didier Anzieu sur "Le groupe et l'inconscient" (1984). ou celles de René Kaês sur "l'appareil psychique groupal" (2007). Il est vraiment regrettable que les gestionnaires en soient si éloignés. Elles leurs permettraient de valider certaines intuitions que l'utopiste Charles Fourrier (1772 - 1837) avait en son temps pressenties en considérant "qu'une entreprise est un espace social de mise en commun harmonieuse des passions" à travers la création du phalanstère.
Pour Didier Anzieu, le groupe est par nature traversé par les émotions, les passions; c'est aussi "un lieu de fomentation des images". Du point de vue de la dynamique psychique, "entrer dans un groupe, c'est entrer dans un rêve" (1984:53"); "Les individus vont à des groupes de la même façon que dans leur sommeil, ils entrent en rêve". C'est un espace où chacun espère (inconsciemment) réaliser tous ses rêves (désirs).
René Kaës (2007: 105) enrichit cette définition en une organisation comme "un appareil psychique groupal" structuré autour de 5 principes :
1°) Un groupe n'est pas seulement une collection d'individus. C'est un phénomène spécifique en soi car une construction psychique commune et partagée s'opère entre les individus. L'appareil psychique groupal est le résultat d'un arrangement combinatoire des psychés individuelles.
2°) L'appareil psychique groupal accompli un travail spécifique : Il lie, assemble, accorde entre elles et conflictualise des parts de la psyché individuelle mobilisées pour construire le groupe;
3°) L'appareil psychique groupal n'est pass l'extrapolation de l'appareil psychique individuel. Il est une structure indépendante des psychés qu'il assemble selon ses lois propres, il possède sa propre organisation et son propre fonctionnement. Les processus qui gouvernent la réalité psychique commune et partagée sont tributaires d'une logique différente de celle qui gouverne l'individu;
4°) C'est un tel appareillage qui constitue la réalité psychique de et dans le groupe. Celle - ci s'organise selon les modalités où "le commun" et le "partagé" prévalent sur le "privé" et le "différent" .
5°) L'appareil psychique individuel se forme pour une part, dans cet appareillage, il en procède et s'y transforme. Il s'en différencie et, dans certains conditions, il acquiert son autonomie propre.
Si on veut s'engager dans une démarche de vision stratégique partagée et communautaires, telle que nous le recommande Meryem Lesaget, ces théories présentent un réel intérêt.
Mais la conception dominante a tendance a attribuer au seul dirigeant cette capacité. Meryem Lesaget insiste sur le fait que cette conception insulaire et aristocratique est aujourd'hui dépassée. Dans un environnement complexe, il est indispensable d'associer tous les membres de la communauté car chacun, de la place qu'il occupe, a un regard différent qui peut enrichir la pensée d'un seul individu aussi perspicace, soit-il ! Elle plaide pour une vision stratégique qui soit le résultat d'une réflexion collective : "Les meilleures visions ne peuvent être le fruit des cogitations ou inspirations du (seul) président directeur général". Elle est aussi l'expression en action des idéaux qui animent la communauté de travail : "La vision parle de ce que l' entreprise et les personnes osent imaginer quand elles sont animées d'un fort idéal et d'un désir commun d'accéder au plus élevé, au plus noble de leur activité et de leur raison d'être"....
Dans cette perspective, le rôle du dirigeant est d'être davantage un inspirateur plutôt qu'un "maître à penser", doté de pouvoir divinatoire. Son rôle est d'apporter les idées de départ et de libérer les capacités oniriques de toutes les parties prenantes. en d'autres termes de faire rêver le collectif. Le rêve dont nous parlons ne doit être en aucun cas un fantasme hallucinatoire. Il s'agit d'une représentation d'un futur non pas probable mais possible.
Cette analyse est profondément intéressante quand on la met en relation avec les théories de Didier Anzieu sur "Le groupe et l'inconscient" (1984). ou celles de René Kaês sur "l'appareil psychique groupal" (2007). Il est vraiment regrettable que les gestionnaires en soient si éloignés. Elles leurs permettraient de valider certaines intuitions que l'utopiste Charles Fourrier (1772 - 1837) avait en son temps pressenties en considérant "qu'une entreprise est un espace social de mise en commun harmonieuse des passions" à travers la création du phalanstère.
Pour Didier Anzieu, le groupe est par nature traversé par les émotions, les passions; c'est aussi "un lieu de fomentation des images". Du point de vue de la dynamique psychique, "entrer dans un groupe, c'est entrer dans un rêve" (1984:53"); "Les individus vont à des groupes de la même façon que dans leur sommeil, ils entrent en rêve". C'est un espace où chacun espère (inconsciemment) réaliser tous ses rêves (désirs).
René Kaës (2007: 105) enrichit cette définition en une organisation comme "un appareil psychique groupal" structuré autour de 5 principes :
1°) Un groupe n'est pas seulement une collection d'individus. C'est un phénomène spécifique en soi car une construction psychique commune et partagée s'opère entre les individus. L'appareil psychique groupal est le résultat d'un arrangement combinatoire des psychés individuelles.
2°) L'appareil psychique groupal accompli un travail spécifique : Il lie, assemble, accorde entre elles et conflictualise des parts de la psyché individuelle mobilisées pour construire le groupe;
3°) L'appareil psychique groupal n'est pass l'extrapolation de l'appareil psychique individuel. Il est une structure indépendante des psychés qu'il assemble selon ses lois propres, il possède sa propre organisation et son propre fonctionnement. Les processus qui gouvernent la réalité psychique commune et partagée sont tributaires d'une logique différente de celle qui gouverne l'individu;
4°) C'est un tel appareillage qui constitue la réalité psychique de et dans le groupe. Celle - ci s'organise selon les modalités où "le commun" et le "partagé" prévalent sur le "privé" et le "différent" .
5°) L'appareil psychique individuel se forme pour une part, dans cet appareillage, il en procède et s'y transforme. Il s'en différencie et, dans certains conditions, il acquiert son autonomie propre.
Si on veut s'engager dans une démarche de vision stratégique partagée et communautaires, telle que nous le recommande Meryem Lesaget, ces théories présentent un réel intérêt.
Les techniques narrative d'animation au service de la stratégie d'entreprise
Pour créer cette dynamique imaginaire collective, le manager doit à fois posséder des techniques appropriées mais aussi créer des dispositifs pertinents qui permettent à chacun d'apporter sa contribution. Parmi celles - ci, l'approche narrative retient l'attention.
Elle se déroule à travers des réunions de travail qui consistent à écrire en commun le roman de l'entreprise en s'appuyant sur le passé, le présent et la vision du futur comme intention. Les outils utilisés peuvent être à la fois des temps de discussion autour de thèmes clés et ou la réalisation de dessins individuels et collectifs destinés à libérer l'imagination et les idéaux des acteurs. A travers cette démarche, ceux - ci deviennent peu à peu les héros d'une histoire porteurs d'une vision qui devront affronter des obstacles pour rendre réel ce qu'ils auront ensemble rêvés.
Selon Michael Doyle, le processus s'organise autour de 5 étapes:
0°) Quels sont nos principaux soucis du moment ? Que se passerait il si le pire arrivait ? Quel plan d'actions mettre en place à très court terme ? Cette étape 0 peut surprendre. En fait il s'agit d'éliminer les soucis du moment pour bâtir un projet qui ne soit pas une simple réaction à des problèmes présents mais une véritable pro-action dans le futur.
1°) Ici et Maintenant : Il s'agit de faire ni plus ni moins qu'un diagnostic de l'existant. Tous les outils d'analyse stratégique classique peuvent avoir leur utilité surtout s'ils sont abordés dans leur forme heuristique
2°) Récrire le passé : Cette étape consiste à retracer l'historique de l'entreprise depuis son démarrage en retrouvant les temps forts de son existence: les réussites comme les épreuves . Ce travail sur les souvenirs collectif est destiné à révéler les les compétences et les valeurs mises en oeuvre à l' occasion de ces "moments d'exception".
3°) Scruter l'environnement futur: On s'interrogera ici sur les tendances de fond qui traversent le secteur d'activité ? Quelles seront les grandes évolutions politiques, économiques, sociétales, technologiques, écologiques, législatives ? (cf. Méthode PESTEL). Les méthodes de propective développées en particulier par Michel Godet peuvent avoir ici une réelle utilité pour réveiller les capacités d'anticipation ? Les techniques d'analyse sémantique ont leur intérêt en "reniflant" les tendances émergentes ; l'étude des pratiques marginales ou alternatives sont également intéressantes : les groupes marginaux constituant souvent des espaces d'utopie qui préfigurent les activités de demain (Exemple: la sensibilité des écologistes extrémistes des années 70 se retrouvent aujourd'hui dans les comportement d'achats des consommateurs de plus en plus sensible aux modes de culture ou de production utilisés, etc...Dans la société NEC, au Japon, un groupe de jeunes salariés a même pour mission d'imaginer le prochain siècle et de présenter leur rapport deux fois par an au comité de direction.
4°) Rêver l'entreprise à long terme : C'est sans doute l'aspect le plus audacieux de la méthode autant dans le fond que dans la forme. Michael Doyle conseille non pas de se projeter dans le futur à partir du présent ou du passé mais à faire l'effort de se mettre dans le futur pour regarder la distance à parcourir : " On n'imagine pas le futur, on en vient".
5°) Bâtir la stratégie : il s'agit maintenant de définir les grandes étapes pour parvenir à mettre en oeuvre cette vision. Cette étape se traduira également par des objectifs à atteindre, des projets à engager, des valeurs à cultiver, etc...
6°) Anticiper les obstacles : Devenir créateur d'une histoire est un acte volontaire et guerrier. Jean - René Fourtou, alors PDG de Vivendi rappelait à ce sujet qu'une entreprise " est une citée en lutte économique". Il est important de développer un certain discernement sur les épreuves que l'entreprise devra traverser pour réussir son projet. La matrice des Facteurs de Réussite peut présenter ICI une certaine utilité.
7°) Concevoir l'architecture du changement : Pour réussir cette stratégie, l'intention ne suffira pas. Il est important que l'organisation et la culture soit en ligne avec la stratégie. Cela nécessitera de nombreux changement et aura d'inévitables conséquences sur les processus , les compétences et les méthodes de travail .
Ce qui est important de souligner dans cette démarche c'est que le souci stratégique soit partagé à tous les niveaux de l'entreprise , même si évidemment c'est la direction qui assumera les décisions et les managers l'animation au quotidien de la vie du projet.
Elle se déroule à travers des réunions de travail qui consistent à écrire en commun le roman de l'entreprise en s'appuyant sur le passé, le présent et la vision du futur comme intention. Les outils utilisés peuvent être à la fois des temps de discussion autour de thèmes clés et ou la réalisation de dessins individuels et collectifs destinés à libérer l'imagination et les idéaux des acteurs. A travers cette démarche, ceux - ci deviennent peu à peu les héros d'une histoire porteurs d'une vision qui devront affronter des obstacles pour rendre réel ce qu'ils auront ensemble rêvés.
Selon Michael Doyle, le processus s'organise autour de 5 étapes:
0°) Quels sont nos principaux soucis du moment ? Que se passerait il si le pire arrivait ? Quel plan d'actions mettre en place à très court terme ? Cette étape 0 peut surprendre. En fait il s'agit d'éliminer les soucis du moment pour bâtir un projet qui ne soit pas une simple réaction à des problèmes présents mais une véritable pro-action dans le futur.
1°) Ici et Maintenant : Il s'agit de faire ni plus ni moins qu'un diagnostic de l'existant. Tous les outils d'analyse stratégique classique peuvent avoir leur utilité surtout s'ils sont abordés dans leur forme heuristique
2°) Récrire le passé : Cette étape consiste à retracer l'historique de l'entreprise depuis son démarrage en retrouvant les temps forts de son existence: les réussites comme les épreuves . Ce travail sur les souvenirs collectif est destiné à révéler les les compétences et les valeurs mises en oeuvre à l' occasion de ces "moments d'exception".
3°) Scruter l'environnement futur: On s'interrogera ici sur les tendances de fond qui traversent le secteur d'activité ? Quelles seront les grandes évolutions politiques, économiques, sociétales, technologiques, écologiques, législatives ? (cf. Méthode PESTEL). Les méthodes de propective développées en particulier par Michel Godet peuvent avoir ici une réelle utilité pour réveiller les capacités d'anticipation ? Les techniques d'analyse sémantique ont leur intérêt en "reniflant" les tendances émergentes ; l'étude des pratiques marginales ou alternatives sont également intéressantes : les groupes marginaux constituant souvent des espaces d'utopie qui préfigurent les activités de demain (Exemple: la sensibilité des écologistes extrémistes des années 70 se retrouvent aujourd'hui dans les comportement d'achats des consommateurs de plus en plus sensible aux modes de culture ou de production utilisés, etc...Dans la société NEC, au Japon, un groupe de jeunes salariés a même pour mission d'imaginer le prochain siècle et de présenter leur rapport deux fois par an au comité de direction.
4°) Rêver l'entreprise à long terme : C'est sans doute l'aspect le plus audacieux de la méthode autant dans le fond que dans la forme. Michael Doyle conseille non pas de se projeter dans le futur à partir du présent ou du passé mais à faire l'effort de se mettre dans le futur pour regarder la distance à parcourir : " On n'imagine pas le futur, on en vient".
5°) Bâtir la stratégie : il s'agit maintenant de définir les grandes étapes pour parvenir à mettre en oeuvre cette vision. Cette étape se traduira également par des objectifs à atteindre, des projets à engager, des valeurs à cultiver, etc...
6°) Anticiper les obstacles : Devenir créateur d'une histoire est un acte volontaire et guerrier. Jean - René Fourtou, alors PDG de Vivendi rappelait à ce sujet qu'une entreprise " est une citée en lutte économique". Il est important de développer un certain discernement sur les épreuves que l'entreprise devra traverser pour réussir son projet. La matrice des Facteurs de Réussite peut présenter ICI une certaine utilité.
7°) Concevoir l'architecture du changement : Pour réussir cette stratégie, l'intention ne suffira pas. Il est important que l'organisation et la culture soit en ligne avec la stratégie. Cela nécessitera de nombreux changement et aura d'inévitables conséquences sur les processus , les compétences et les méthodes de travail .
Ce qui est important de souligner dans cette démarche c'est que le souci stratégique soit partagé à tous les niveaux de l'entreprise , même si évidemment c'est la direction qui assumera les décisions et les managers l'animation au quotidien de la vie du projet.
Les cartographies heuristiques au service de la vision partagée
Une carte heuristique permet de créer une représentation visuelle d'un processus de pensée individuelle ou collective. Elle est particulièrement efficace pour libérer les capacités d'associativité et de combinaison des acteurs. Elle peut se faire sur un grand mur blanc ou une grande feuille de papier de façon manuelle ou avec des logiciels spécialisés (Comme Mindjet).
La carte peut se construire de façon totalement spontanée ou se structurer autour de catégories provenant d'un cadre de référence méthodologique préétabli. (Comme les exemples qui suivront).
Une carte heuristique se construit de la façon suivante :
Les techniques de niveau 1sont basées sur l'associativité et la combinaison
1°) Mettre eu centre de la feuille ou de l'espace mural le thème de la réflexion
2°) Identifier les idées forces autour de la bulle centrale (Ces idées forces peuvent être remplacées par des catégories)
3°) Faire éclater les bulles des idées forces ou des catégories en arborescence les plus abondantes possibles
4°) Établir des liens entre certaines idées en utilisant des traits de couleurs
5°) Colorer certaines associations
6°) Dessiner ou utiliser des images métaphoriques quand l'inspiration s'affaiblit
Les technique de niveau 2 sont relèvent du concasse ou du décalage
- Prendre la liste de et passer la carte au tamis des verbes de la liste d'Osborn en notant les associations qui se déclenche au fur et à mesure de l'opération de concassage
- Ou utiliser la méthode des 6 chapeaux de Bono
- Ou constituer un jeu de cartes de personnages célèbres puis tirer au hasard et voir en quoi le personnage choisi peut susciter d'autres associations
La carte peut se construire de façon totalement spontanée ou se structurer autour de catégories provenant d'un cadre de référence méthodologique préétabli. (Comme les exemples qui suivront).
Une carte heuristique se construit de la façon suivante :
Les techniques de niveau 1sont basées sur l'associativité et la combinaison
1°) Mettre eu centre de la feuille ou de l'espace mural le thème de la réflexion
2°) Identifier les idées forces autour de la bulle centrale (Ces idées forces peuvent être remplacées par des catégories)
3°) Faire éclater les bulles des idées forces ou des catégories en arborescence les plus abondantes possibles
4°) Établir des liens entre certaines idées en utilisant des traits de couleurs
5°) Colorer certaines associations
6°) Dessiner ou utiliser des images métaphoriques quand l'inspiration s'affaiblit
Les technique de niveau 2 sont relèvent du concasse ou du décalage
- Prendre la liste de et passer la carte au tamis des verbes de la liste d'Osborn en notant les associations qui se déclenche au fur et à mesure de l'opération de concassage
- Ou utiliser la méthode des 6 chapeaux de Bono
- Ou constituer un jeu de cartes de personnages célèbres puis tirer au hasard et voir en quoi le personnage choisi peut susciter d'autres associations