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Le Temps de la Strategie

3.49 Et si, avec l'AFNOR, l'économie régénérative était en train de s'institutionnaliser...


Quand l'AFNOR plaide pour une redirection écologique de l'économie ?

Un nouveau chapitre s’ouvre pour l’AFNOR avec la publication de l’AFNOR Spec 2315 qui porte sur  une étude  dédiée à l’économie régénérative. Longtemps associée à des normes soutenant des modèles productivistes, l’institution se lance aujourd’hui dans la pré-conception d'un nouveau référentiel orienté  sur les pratiques économiques visant à  restaurer les écosystèmes et renforcer la résilience sociale et économique. Un tournant notable pour une organisation qui a longtemps travaillé dans le cadre d’un paradigme plus classique de création de valeur.

Un référentiel pour une économie en 3D

L’économie régénérative se distingue par sa capacité à intégrer trois dimensions essentielles : écologique, sociale et économique. Ce référentiel propose des principes et des actions concrètes pour favoriser une transition économique compatible avec les limites planétaires, dont six sur neuf sont aujourd’hui dépassées. Loin de simplement réduire les impacts, l’économie régénérative cherche à restaurer les écosystèmes et à contribuer positivement à la société.

Parmi les exemples français, H2X en Bretagne illustre cette approche en développant une production d’hydrogène décarboné adaptée aux besoins locaux, comme la mobilité et le chauffage. De son côté, Mob-Ion mise sur des scooters modulaires fabriqués en France, limitant l’extraction de matières premières et créant des emplois locaux non délocalisables.

Une transition collaborative et territoriale

Le projet de référentiel insiste sur la coopération comme pilier central. Mathieu Vérillaud, d’Axa Climate, rappelle que "la coopération va au-delà de la collaboration ponctuelle : elle engage les parties prenantes dans des projets qui les dépassent". Cet aspect est essentiel pour inscrire les projets dans une dynamique territoriale, où l’interaction entre entreprises, collectivités et acteurs locaux devient un levier de transformation durable.

Dans le textile, des initiatives comme Virgocoop et Laines paysannes montrent comment des filières locales peuvent régénérer les territoires tout en respectant les spécificités culturelles et écologiques. Ces coopératives démontrent qu’il est possible de recréer de la valeur sans exploiter davantage les ressources naturelles.

Vers une refonte des modèles comptables

Un des défis majeurs de l’économie régénérative est d’inscrire ses principes dans des cadres comptables adaptés. Aujourd’hui, la comptabilité est souvent tournée vers des cycles courts et des indicateurs financiers classiques. Pour Christian Bruère, président de Mob-Ion, "le régénératif ne cherche pas la performance immédiate, mais la robustesse". Il appelle à une évolution des règles, notamment en permettant des amortissements sur des durées plus longues, adaptés aux cycles de vie étendus des produits durables.

Isabelle Delannoy, co-autrice du référentiel, va plus loin en plaidant pour une comptabilité "multi-capitaux" qui reconnaîtrait la valeur écologique et sociale sans la réduire à des équivalents monétaires. Une idée ambitieuse, mais essentielle pour aligner les pratiques économiques avec les exigences de durabilité.

Un premier pas, mais des questions subsistent...

L’AFNOR Spec 2315 marque une avancée importante pour clarifier et structurer l’économie régénérative. Cependant, ce projet référentiel soulève des questions sur la capacité des institutions et des entreprises à aller au-delà des intentions pour engager des transformations profondes. Comment garantir que cette initiative ne reste pas un exercice théorique ? Comment inciter les grandes entreprises à embrasser ces pratiques sur le long terme alors qu'elles sont la plupart du temps inscrites dans un modèle de capitalisme à court terme ?

L’économie régénérative propose une alternative crédible et nécessaire aux modèles économiques actuels. Si cette démarche est effectivement soutenue par des actions concrètes et des engagements mesurables, elle pourrait devenir un levier majeur de transformation économique et écologique en France et au-delà. 

Résumé des 4 principaux chapitres du livre blanc sur l'économique régénérative réalisé par l'AFNOR

1. Définitions et concepts

L'économie régénérative se définit comme un modèle d'activités favorisant l'intégrité et la vitalité des écosystèmes, humains et non-humains. Ce paradigme repose sur la triple régénération : écologique (restaurer les fonctions naturelles), sociale (favoriser le bien-être, l'emploi et les communautés), et économique (créer une prospérité durable). Les écosystèmes sont présentés comme des systèmes interconnectés (vivants, sociaux, techniques), où les flux de matière, d'énergie, et d'informations sont continus. Les services écologiques, comme l'approvisionnement (nourriture, eau), la régulation (climat), et les apports socio-culturels (esthétiques, éducatifs), sont essentiels au renouvellement des ressources. L'économie régénérative dépasse l'économie linéaire extractive en intégrant les cycles naturels et les limites planétaires. Elle repose sur une coévolution entre activités humaines et milieux, valorisant des approches comme le "Donut Economics" et le respect des limites biogéochimiques identifiées par le Stockholm Resilience Centre.

2. Se situer dans un continuum de stratégies

Ce chapitre explore les quatre paradigmes économiques : exploiter, réparer, préserver, et régénérer, en les situant dans un continuum évolutif. L’économie d’exploitation repose sur la domination de la nature, ignorant souvent ses impacts environnementaux et sociaux. La réparation intervient lorsque des dommages sont compensés ou restaurés, mais souvent de manière isolée ou différée. La préservation cherche à maintenir le statu quo des écosystèmes en limitant les impacts, mais reste passive vis-à-vis des évolutions nécessaires. En revanche, la régénération s’inscrit dans une logique systémique visant des impacts positifs nets. Elle crée une boucle vertueuse où les projets renforcent les capacités des milieux à générer de la valeur écologique, sociale et économique, en retour. Ce paradigme engage une approche holistique, intégrant des principes comme la coévolution, la symbiose, et la synchronisation avec les rythmes naturels. Des exemples concrets et des références académiques (Hahn et Tampe, Raworth) enrichissent l’analyse.

3. Spécifications pour l’opérationnalisation des projets régénératifs

Le chapitre offre un guide pratique pour concevoir et mettre en œuvre des projets régénératifs. Les projets doivent être enracinés dans leur territoire (biorégion), valoriser les flux locaux de ressources, et adopter une gouvernance partagée. La conception itérative et adaptative permet de coévoluer avec le milieu. Le diagnostic initial inclut l’analyse des cycles hydrologiques, des sols, des matériaux locaux, et des ressources humaines disponibles. Des exemples comme les écoquartiers (BedZED, Marseille) montrent comment les flux locaux peuvent être intégrés dans l’aménagement. La gouvernance implique toutes les parties prenantes, avec une répartition équitable de la valeur créée. Les modèles économiques doivent favoriser la création de communs et s’adapter aux capacités du milieu. Le chapitre identifie aussi des leviers (collaboration intersectorielle, innovations techniques) et des freins (manque de données, coûts initiaux) pour guider les acteurs vers une transition efficace.

4. Critères pour une économie régénérative

Ce chapitre établit des critères précis pour mesurer et orienter les contributions régénératives des projets. Ces critères incluent la restauration des fonctions écologiques (biodiversité, qualité de l’eau et des sols), l’amélioration des conditions sociales (emploi durable, inclusion), et la rentabilité économique à long terme. Les méthodologies proposées s’appuient sur des indicateurs spécifiques (bilan carbone, empreinte hydrique) et encouragent une approche participative. La régénération est envisagée comme une progression dynamique, avec des outils pour ajuster les pratiques en fonction des retours d’expérience. Une attention particulière est accordée à la cohérence entre les impacts directs et indirects des projets. Le chapitre recommande des expérimentations locales et des partenariats publics-privés pour développer des modèles reproductibles et pérennes, tout en alignant ces initiatives avec les objectifs de durabilité mondiale.

5. Conclusion

La conclusion appelle à un changement de paradigme économique en faveur de la régénération, pour répondre aux crises environnementales, sociales et économiques. Elle insiste sur la nécessité d'intégrer des pratiques régénératives dans toutes les sphères économiques, en valorisant les contributions locales et sectorielles. Le référentiel proposé dans ce document offre une base pour guider les organisations dans cette transition, tout en soulignant que chaque projet doit s'adapter à son contexte. Les bénéfices incluent non seulement la restauration écologique mais aussi le renforcement du lien social et la prospérité économique. La conclusion invite à expérimenter, coopérer et partager les apprentissages pour construire une économie réellement alignée avec les cycles naturels. Ce référentiel, pensé pour être évolutif, constitue une première étape vers une standardisation des pratiques régénératives, en France et à l’international.

Pour consulter ce projet de nouveau référentiel en construction à l'AFNOR 

Webinaire : Economie régénérative : Du guide à la pratique par Initiatves Durables


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