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Les 4 Temps du Management

Le Temps de la Strategie

3.4 Faites vous-mêmes le diagnostic stratégique de votre entreprise (3) - Aspects humains


1. Le facteur humain dans la performance économique de l'entreprise

Dans le paradigme de la compétitivité Prix, la variable " Ressources Humaines " a été longtemps considérée comme une simple variable d'ajustement comptable. Dans une économie fondée sur l'innovation et la connaissance, le facteur humain redevient incontournable. Le Client n'est pas seulement sensible au prix mais aussi aux avantages associés aux produits : garantie, financements, services, etc.

Dans cette perspective, la Valeur Client ne dépend plus des seuls investissements matériels mais de l'intelligence de l'offre.

La tertiarisation de l'économie a également contribué à rendre ce facteur plus stratégique. Quand près de 80% des coûts sont occupés par les frais de personnel, ils deviennent un levier important pour la performance économique de l'entreprise.

2. Les 2 P de la GPPEC

Initiée dans les années 1980 par Martine Aubry en partenariat avec le cabinet Développement et Emplois, la Gestion Préventive et Prévisionnelle des Emplois et des Compétences propose un modèle originale d'analyse d'un système de gestion des ressources humaines.

Ce modèle a à l'origine une double ambition :
- susciter une démarche de prévisions dans la gestion des effectifs et des âges.
- et une démarche préventive pour anticiper les risques et favoriser la création d'emplois durables.

Le législateur a aujourd'hui curieusement enlevé le premier P de " préventive " pour ne laisser que le second de " prévisionnelle ".

Est-ce la recherche d'un effet cosmétique pour rendre le concept phonétiquement plus esthétique ? ou le signe d'un recentrage sur les aspects de gestion quantitative et démographique des effectifs ?

Cette disparition est un peu étonnante quand on constate le nombre d'emplois détruits en France.

3. Les 4 étapes du diagnostic d'un système de gestion des ressources humaines

Selon ces promoteurs, la GPPEC propose un processus d'analyse structuré en 4 étapes :
1. Analyse des Ressources Humaines existantes.
2. Formalisation du projet stratégique de l'entreprise.
3. Identification des besoins futurs en emplois et en compétences.
4. Conception d'un schéma directeur.

4. Les 6 points clés de l'analyse des ressources humaines existantes

L’analyse des ressources humaines existantes s'organise autour de 6 points clés qu'il convient d'emblée de préciser avant de les explorer plus en détail :
1. Audit des salariés.
2. Analyse quantitative des Emplois et des Qualifications.
3. Analyse des rémunérations et des statuts.
4. Analyse qualitative des Emplois et des Compétences.
5. Cartographie des relations sociales.
6. Sécurisation juridique.

4.1. De l'audit des salariés au baromètre social :

Il y a deux façons d'envisager la démarche de GPPEC :
- soit comme un acte de gestion prévisionnelle.
- soit comme un objet de médiation permettant de construire des consensus sociaux entre les acteurs, notamment autour des logiques de performance et de compétences.

Dans le premier cas, il s 'agit d'une analyse réalisée par le DRH en concertation avec la direction générale et financière pour prévoir les effectifs et les compétences futures en fonction de prévisions essentiellement démographiques.
Dans le second, il s'agit d'intégrer une stratégie de combat et déclencher une mobilisation générale. C'est surtout sur cette deuxième hypothèse que nous insisterons.

Un collectif humain est avant tout une communauté d'émotions et de rêves. C'est en tout cas, ce que prétendent des sociologues comme Eugène Enriquez ou des psychanalyses comme Didier Anzieu. Les dirigeants charismatiques illustrent bien cette affirmation. La dynamique qu'ils instaurent est directement liée au rêve qu'ils savent faire partager et à la relation souvent très émotionnelle qu'ils tissent avec leurs collaborateurs.

Gustave Le Bon avait déjà, avant Freud dans " Psychologie des Foules " montré l'étonnant fonctionnement émotionnel des groupes humains en mettant en évidence, notamment comment le " Surmoi collectif " s'affaiblissait au profit d'une amplicification de " l'Idéal du Moi ".

Henry Laborit, l'inventeur de la Chlorpromazine, a montré que lorsque les individus ou un groupe humain étaient confrontés de façon trop prolongée à une situation " d'Inhibition d'Action ", la souffrance s'installait. Pour lui " l'Inhibition d'Action " est la source de toutes les pathologies physiques, psychologiques ou sociales.

Dans la vie au travail, les efforts de chacun ne sont pas toujours couronnés de succès ou tout simplement l'occasion d'une reconnaissance. Les situations " d'Inhibition d'Action " sont donc fréquentes et répétées.

Pour Fréderic Perls, fondateur de la gestalt-thérapie, l'impossibilité de transformer ses émotions en actions satisfaisantes entraîne une accumulation d'émotions non déchargées.

Wilhem Reich, contemporain de Freud, dont on n'entend plus beaucoup parlé, parlerait de " stase émotionnelle".

Les 4 émotions fondamentales sont : la peur, la colère, la tristesse, la joie.

Un groupe humain engagé dans une situation de performance est toujours confronté à des moments de tension. Le problème le plus fréquemment rencontré en entreprise est l'insuffisance de régulation. Les régulations se font alors souvent sur le mode de l'explosion et du conflit.

Les acteurs accumulent ce qu' Eric Berne appelle des " timbres " et alimentent une collection : " la collection de timbres ". Dans les systèmes de management peu régulés chacun accumule des " émotions inachevées " qui viennent peu à peu parasiter la rationalité. on parle de phénomène de " rationalité limitée ".

Un groupe humain " encombré d'émotions " produit des " jeux relationnels " plus ou moins dramatiques qui empoisonnent le climat social de l'entreprise. Les acteurs en souffrance passeront plus de temps à tenter d'éliminer cette " stase " sous forme de rumeurs, ruminations clandestines qu'à lutter pour les enjeux réels de l'entreprise. On entre alors dans ce que Kets de Vries a appelé " l'entreprise névrosée ".

Pour rétablir l'équilibre émotionnel, deux méthodes peuvent être envisagées :
1. L'approche " cathartique " qui consiste à interviewer individuellement ou en petits groupes les acteurs en prenant des notes très exhaustives sur leurs perceptions de la vie de l'entreprise. Ces interviews se déroulent dans le cadre d'entretiens semi-directifs, voire non directifs qui reposent sur une conception maïeutique du dialogue. Il ne s'agit pas en effet d'enquêter mais d'accéder à la subjectivité des personnes, si elles nous y autorisent.
Après avoir traité les informations recueillies sous forme d'analyse thématique de contenu, on organisera une restitution publique en proposant d'approfondir certaines questions en groupe de travail à l'aide de la " bonne vieille méthode " de résolution de problèmes que les lois Auroux avaient en leurs temps vivement utilisée pour faciliter l'expression collective des salariés.

On pourra compléter cette approche qualitative par un sondage quantitatif très facile à mettre en place avec les technologies Internet. Ce qui est toujours étonnant dans ce genre d'exercice, c'est que les techniques quantitatives souvent très laborieuses ne font que confirmer ce qu'un auditeur peut percevoir en quelques entretiens.

Les salariés ont besoin qu'on les considère, avant tout, comme des personnes et non comme des marchandises ou de simples objets de gestion. C'est en prenant en compte leurs attentes et donc leur subjectivité, qu'ils pourront, en tant que sujet, donner le meilleur d'eux-mêmes.

Après avoir audité un échantillon représentatif des salariés, il est possible d'identifier quelques indicateurs de progrès social qui pourront faire l'objet de régulation ultérieure.

4.2 L'Analyse quantitative des Emplois et des Qualifications

Il s'agit ici simplement de transformer certaines données tirées du fichier du personnel en histogrammes ou camemberts pour étudier des variables quantitatives liées principalement à la démographie des acteurs. C'est ainsi qu'on s'intéressera à :
- L'évolution des effectifs sur 3 ans.
- Les effectifs par catégorie de personnels, par statut, par fonction.
- La pyramide des âges.
- L'absentéisme.
- Les effectifs par type de contrats, par société.
- La part de la sous-traitance et de l'intérim dans la structure des emplois.
- Des Ratios spécifiques comme CA / Effectif ou VA / Effectifs avec comparaison avec la concurrence.
- La structure des qualifications : nombre de CAp, BEP, BAC, BTS, DUT, etc.

Beaucoup d'entreprises ont négligé cet aspect et se trouvent aujourd'hui confrontées à des départs massifs à la retraite sans avoir anticipé ces départs. On retrouve ce phénomène, parfois même, au niveau d'une filière professionnelle tout entière, comme par exemple les banques. Cette négligence a deux conséquences : d'une part un risque de perte de savoir-faire et d'autre part des difficultés de recrutement car, quand toute une filière, se trouve en pénurie, les nouveaux entrants ne sont pas en nombre suffisant pour combler le manque de candidats sur une durée aussi courte.

4.3 L’analyse des rémunérations et des statuts ou l'archéologie du pacte social

Quand on revisite de façon un peu sérieuse les fichiers de personnel, il est très fréquent de constater que les statuts, les fonctions et les rémunérations ne sont pas en cohérence.
Cette situation a plusieurs causes : l'entreprise a pu procéder par croissance externe très rapide et les conditions d'emplois et de rémunérations n'ont pas été harmonisées ou tout simplement les attributions de rémunérations se sont faites au petit bonheur en fonction des émotions du moment ou des modes. Il est en tout cas très difficile pour un salarié de se retrouver avec un collègue qui gagne plus sans que l'on puisse comprendre les raisons d'un tel écart. Les salariés sont très sensibles à la notion d'équité et ne pas respecter ce principe c'est construire une communauté de travail qui repose sur l'arbitraire.

Pour reparamétrer les rémunérations et les mettre en cohérence, la convention collective est d'une aide précieuse. Elle donne des critères pour classifier les emplois et les peser. Généralement ce travail doit faire l'objet d'un consensus et passe par la mise en place d'un comité participatif qui négociera au cas par cas le lien entre rémunération et classification.

4.4 L'analyse qualitative des Emplois et des Compétences

L'analyse des compétences existantes est certainement l'un des aspects les plus intéressants de la démarche. Elle passe par une première phase de définition des métiers. On regroupe les fonctions généralement nombreuses en Emplois Types et on les définit de façon participative, dans le cadre du groupe de pilotage, à l'aide d'une méthodologie commune. La méthode ETED a fait ses preuves et fournis un cadre généralement bien accepté :

- Mission : A quoi sert le métier ou l'emploi type ?
- Domaines d'Activités Majeures.
- Description des tâches par activités.
- Réseau de relations (hiérarchiques-fonctionnelles).
- Structuration du Temps par Domaines d'Activités Majeures.
- Tendances d'évolution du métier en lien avec l'évolution de l'environnement et de la stratégie d'entreprise.
- Aire de mobilités : de ce métier vers quels autres métiers peut-on aller ?

On pourra s'appuyer sur le référentiel ROME et sur des interviews pour bien contextualiser les métiers.

A cette première définition devra s'ajouter la liste des compétences nécessaires pour être performant dans ses métiers. Les compétences s 'organisent généralement en trois familles : Savoir - Savoir-Faire - Savoir-être.

L'ensemble de ces outils (référentiels métiers + référentiels de compétences) constituent ce qu'on peut appeler le dictionnaire des Emplois et des Compétences de l'entreprise. Il s'agit d'un véritable référentiel de performance définissant les besoins qualitatifs de l'entreprise.

Ces outils permettront un premier positionnement des compétences détenues par les acteurs et permettront déjà d'identifier des besoins de formation.

Sur la question de l'évaluation des compétences de nombreuses questions se posent :
- doit-on systématiquement associer les acteurs ?
- doit-on se concentrer sur les compétences individuelles ou collectives ?
- n'est-il pas plus pertinent de travailler sur un nombre limité de compétences plutôt que sur une liste trop exhaustive ?

Il est important dans ce domaine de ne pas faire d'usine à gaz mais de rester sur des outils simples et pragmatiques.

[Ci-après un exemple de mise en place de démarche "compétences" dans une institution de soin qui a été bâtie à partir des outils utilisés par le personnel dans un service de soins de longue durée et non à partir d'un " métier "]

4.5 Cartographie des relations sociales

A ce stade, il est intéressant de repérer les jeux d'alliances ou d'opposition entre les acteurs. L'approche crozérienne qu’a opérationnalisée le professeur Philippe Trouvé, publié dans le livre " La Stratégie Du Projet Latéral " Dunod). Une entreprise n'est jamais un groupe homogène. Elle est constituée de groupes ayant des intérêts souvent divergents en équilibre instable et provisoire. Le pacte social n'est jamais définitif; il est le résultat de compromis permanents.

4.6 La sécurisation juridique

En plongeant dans l'analyse des " Ressources Humaines" existantes, on constate souvent que les aspects juridiques n'ont pas toujours été suivis de façon rigoureuse. Il est opportun dans ce cas de faire appel à un spécialiste de droit social pour sécuriser la relation employeur-employé et réduire le risque de litiges en réalisant un audit juridique de respect des normes sociales.

5. En guise de synthèse provisoire

Un diagnostic se conclue par une liste de points forts et de points à améliorer. Pour ces derniers, il conviendra de les hiérarchiser à l'aide de la méthode multi-critère de prise de décision pour se concentrer sur les 20% les plus importants.

Un diaporama pour en savoir plus sur la GPPEC

N.B Attention ce fichier est très long à charger car il est très lourd. Il vous faut deux minutes de patience avant de pouvoir le visualiser.

 



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