Petite analyse du bassin sémantique des 10 dernières années avec Google Trends dans le champs du Management
Lors du colloque sur les entreprises libérées organisé en Juillet 2016 par le groupe PEOPLE de l'ESC Clermont, c'est le professeur Georges Trepo qui nous a rappelé que le management était constitué d'une succession de modes.
L'anthropologue Gilbert Durand nous invite à concevoir les modes comme des "précipités mythiques" qui sont fabriquées par l'imaginaire social. Ces précipités surviennent quand "les institutions n'ont pas suivi le lent mouvement des visions du monde", en d'autres termes les grandes transformations de la société. C'est ce retard entre l'imaginaire collectif et l'évolution des institutions qui expliquent l'apparition de modes ou mythèmes à l'état d'explosion.
Ces précipités mythiques sont des "signifiés" qui peuvent être décodés mais surtout prévisibles. Production de l'imaginaire, ils utilisent le même langage que les rêves. Pour les comprendre, il ne faut donc pas les prendre à la lettre mais comme l'expression des forces sociales profondément enfouies, si l'on en croit le sociologue Michäel V. Dandrieux dans l'inconscient collectif.
Pour nous faire comprendre le trajet qu'ils réalisent avant de se manifester, Gilbert Durand utilise la métaphore du fleuve. Avant d'atteindre ce stade qui correspond à la manifestation concrète du mythe dans la société, il y au départ des ruisseaux qui vont s'agréger avant de devenir, en se rassemblant à leur tour peu à peu un fleuve (Durand, 1996:85). Cette évolution peut se repérer à travers les discours qui vont constituer des bassins sémantiques.
Google Trends est un excellent outil pour comprendre, à travers les mots les plus utilisés dans un bassin sémantique donné, les problématiques qui traversent les communautés humaines. En reprenant la chronologie de 5 tendances qui ont traversé ces 10 dernières années "le bassin sémantique" du Management, en France, on peut faire le constat suivant :
L'anthropologue Gilbert Durand nous invite à concevoir les modes comme des "précipités mythiques" qui sont fabriquées par l'imaginaire social. Ces précipités surviennent quand "les institutions n'ont pas suivi le lent mouvement des visions du monde", en d'autres termes les grandes transformations de la société. C'est ce retard entre l'imaginaire collectif et l'évolution des institutions qui expliquent l'apparition de modes ou mythèmes à l'état d'explosion.
Ces précipités mythiques sont des "signifiés" qui peuvent être décodés mais surtout prévisibles. Production de l'imaginaire, ils utilisent le même langage que les rêves. Pour les comprendre, il ne faut donc pas les prendre à la lettre mais comme l'expression des forces sociales profondément enfouies, si l'on en croit le sociologue Michäel V. Dandrieux dans l'inconscient collectif.
Pour nous faire comprendre le trajet qu'ils réalisent avant de se manifester, Gilbert Durand utilise la métaphore du fleuve. Avant d'atteindre ce stade qui correspond à la manifestation concrète du mythe dans la société, il y au départ des ruisseaux qui vont s'agréger avant de devenir, en se rassemblant à leur tour peu à peu un fleuve (Durand, 1996:85). Cette évolution peut se repérer à travers les discours qui vont constituer des bassins sémantiques.
Google Trends est un excellent outil pour comprendre, à travers les mots les plus utilisés dans un bassin sémantique donné, les problématiques qui traversent les communautés humaines. En reprenant la chronologie de 5 tendances qui ont traversé ces 10 dernières années "le bassin sémantique" du Management, en France, on peut faire le constat suivant :
- Entre 2005 et 2011, c'est le thème de la souffrance au travail qui connait la croissance la plus forte avec un pic en 2007 et une baisse significative fin 2013
- A partir de 2012, c'est le le thème d' "L'entreprise libérée" qui se développe pour atteindre son pic le plus élevé en décembre 2016.
- Le thème de "l'agilité" semble se superposer sur la courbe de l'entreprise libérée, avec semble t - il une plus grande robustesse puisqu'il en 2017 il semble entrer en redéveloppement.
- A partir de 2017, le thème de "l'impertinence" semble émerger. Il est également comme l'agilité le résultat d'une tendance longue. Nous posons l'hypothèse qu'il est un héritier de celui de l'entreprise libérée.
- Tandis que se prépare depuis déjà de nombreuses années, une révolution digitale de grande ampleur qui va sans doute exploser avec une très grande intensité entre 2017 et 2018 dans les organisations.
L'impact de l'ordre symbolique sur les modes de communication
La manière qu'ont les acteurs d'entrer en relation et de communiquer avec l'Autre dans leur quotidien est surdéterminée par l'ordre symbolique qui les précède. On doit au structuralisme , fondé par Levi Strauss d'avoir avancé l'hypothèse d'un ordre symbolique fondateur de la sociabilité. L'Homme vit en société.
Cet ordre est inconscient. Il organise les relations entre les humains sans qu'ils s'en rendent compte. Sa première fonction est de permettre la différenciation entre les genres. entre les générations, entre les âges (enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse),. Il définit les modalités de coopération et d'échange entre les humains, ritualise la violence et enfin la mort.
Il constitue l'ordonnancement de base qui définit ce qui est proscrit et ce qui est prescrit pour vivre ou survivre ensemble. Il rend possible la vie en société en structurant le système de représentations des individus dans des domaines très variés de l'existence humaine. Pour l'anthropologue Philippe Descola, c'est lui qui procure à l'Homme « des schèmes formels et universels profondément inscrits dans son esprit" (La lettre du Collège de France, hors série, 2008, p.4).
En ce sens, Il constitue une forme de pensée élémentaire appelée par Levi-Strauss "Pensée sauvage" parce qu'elle se situe en deça du psychisme individuel à l'origine de la vie mentale et de la vie émotionnelle. Celle - ci est pré codées par une matrice culturelle.
Le philosophe Bernard Ibal dans un article paru en exclusivité dans les 4 Temps du Management résume clairement cette dimension en expliquant ceci : "L’homme n’est pas sujet. Je ne pense pas, je suis pensé par l’ordre symbolique de ma langue. Je n’agis pas, je suis agi par l’ordre symbolique ".
Cet ordre est inconscient. Il organise les relations entre les humains sans qu'ils s'en rendent compte. Sa première fonction est de permettre la différenciation entre les genres. entre les générations, entre les âges (enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse),. Il définit les modalités de coopération et d'échange entre les humains, ritualise la violence et enfin la mort.
Il constitue l'ordonnancement de base qui définit ce qui est proscrit et ce qui est prescrit pour vivre ou survivre ensemble. Il rend possible la vie en société en structurant le système de représentations des individus dans des domaines très variés de l'existence humaine. Pour l'anthropologue Philippe Descola, c'est lui qui procure à l'Homme « des schèmes formels et universels profondément inscrits dans son esprit" (La lettre du Collège de France, hors série, 2008, p.4).
En ce sens, Il constitue une forme de pensée élémentaire appelée par Levi-Strauss "Pensée sauvage" parce qu'elle se situe en deça du psychisme individuel à l'origine de la vie mentale et de la vie émotionnelle. Celle - ci est pré codées par une matrice culturelle.
Le philosophe Bernard Ibal dans un article paru en exclusivité dans les 4 Temps du Management résume clairement cette dimension en expliquant ceci : "L’homme n’est pas sujet. Je ne pense pas, je suis pensé par l’ordre symbolique de ma langue. Je n’agis pas, je suis agi par l’ordre symbolique ".
L'ordre symbolique se construit en premier lieu dans les relations familiales primitives
Selon la psychanalyse, l’inscription de l’ordre symbolique se fait pour l’être humain dans son inconscient : c’est là qu’il renonce à la nature (l’inceste) pour accéder à la culture. Celle - ci se réalise dans les relations primitives familiales à travers la traversée du complexe d'oedipe qui amène peu à peu l'enfant, grâce à la médiation de la présence d'un tiers ( le père), à renoncer à être celui qui comble le manque de la mère. C’est le temps de la castration symbolique qui rend possible le fait de supporter des limites et le retournement du sujet vers l'Autre.
Pour Lacan, tant que l'enfant reste prisonnier du désir de la mère, il est identifié au phallus qui lui manque. Le père par son intervention va priver l'enfant de cette exclusivité. S'il parvient à se faire préférer par la mère, il devient ce phallus dont la mère est privée. Elle ne peut l'obtenir qu'à travers le père. C'est une règle qui devient alors Loi pour l'enfant qu'il enfouit grâce au refoulement dans son inconscient. Le "non du père" ne libère pas seulement l'enfant de la mère mais aussi la mère de l'enfant car ce phallus (ce manque ontologique) dont elle est privée, elle peut l'obtenir par le père qui en est investi.
Ce processus de renoncement est déterminant car c'est lui qui va permettre tous les autres. En intégrant "la Loi du Père" l'enfant apprend à renoncer à la toute puissance qu'il éprouvait dans une relation plus ou moins symbiotique à la mère. Il assimile qu'il est n'est plus le tout qui comblait le manque de celle qui le contenait. Il devient un sujet autonome.
En limitant, canalisant, les tendances spontanées et les pulsions de l'enfant, le père va permettre l'instauration dans le psychisme de l'enfant de l'Interdit de l'Inceste. Cette opération sera à l'origine de la création dans le Moi d'une nouvelle instance: le Surmoi dont la fonction principale sera de permettre le refoulement et la sublimation. La mère ne peut difficilement jouer ce rôle car elle est totalement orientée sur le soin de l'enfant. Il est difficile d'être à la fois maternant et interdisant.
Mais le comportement du Père n'est pas neutre. En imposant des limites à la relation avec la mère, il impose des frustrations. Cela peut générer de l'agressivité de la part de l'enfant. Il est important qu'il occupe sa position d'autorité avec délicatesse et non violence pour constituer un idéal de conduite auquel l'enfant pourra s'identifier. Le psychiatre Patrick Juignet rappelle combien cet aspect est important pour permettre au Surmoi de s'assouplir.
Mais si l'enfant consent à faire le sacrifice d'un renoncement à la pulsion, ce n'est pas gratuit. Dans "L’homme Moïse et la religion monothéiste", Freud rappelle "qu' il attend en récompense d’en être aimé davantage". La conscience de cet amour qu'il recevra en échange lui permettra de construire une autre instance "l'idéal du Moi". Celle - ci aura un rôle déterminant dans l'amour que le sujet pourra se porter à lui même, c'est à dire dans son narcissisme fondamental (ou estime inconditionnelle).
Devenant ce sujet enfin en devenir, qui est parvenu à se libérer de la tentation du retour en arrière dans lequel risquait de le maintenir l'imaginaire maternel sans la présence libératrice du père, les parents pourront enfin projeter sur l'enfant leurs rêves secrets. C'est dans ce miroir d'attentes idéalisées que l'Idéal du Moi pourra se développer et constituer la force motrice dont l'individu aura tant besoin tout pour exister. Car l'enfant qui naît n'est pas fait pour rester "la chose " de la mère mais pour avoir une vie propre.
Ainsi en contribuant à la différenciation entre la mère et l'enfant, l'intégration de l'ordre symbolique dans le Moi du sujet lui donne la possibilité d'être auteur de sa propre existence. C'est le tiers qui rend possible cette libération. Cet Autre constitue aussi pour l'enfant la première expérience qu'il fera de l'autorité. C'est grâce à elle qu'il pourra devenir "auteur" de lui même.
Le processus de différenciation s'achèvera au moment de l'adolescence au cours de laquelle il s'agira pour lui de se séparer définitivement des modèles à la fois aimés et haïs des parents qui l'ont accompagné dans cette construction; mais il en restera toujours quelque chose: Il sera à la fois différent et le même ...
A travers le modèle du complexe de l'Oedipe, la psychanalyse nous propose une première définition de l'autorité comme capacité à rendre l'Autre comme Auteur et Acteur de sa propre existence.
Pour Lacan, tant que l'enfant reste prisonnier du désir de la mère, il est identifié au phallus qui lui manque. Le père par son intervention va priver l'enfant de cette exclusivité. S'il parvient à se faire préférer par la mère, il devient ce phallus dont la mère est privée. Elle ne peut l'obtenir qu'à travers le père. C'est une règle qui devient alors Loi pour l'enfant qu'il enfouit grâce au refoulement dans son inconscient. Le "non du père" ne libère pas seulement l'enfant de la mère mais aussi la mère de l'enfant car ce phallus (ce manque ontologique) dont elle est privée, elle peut l'obtenir par le père qui en est investi.
Ce processus de renoncement est déterminant car c'est lui qui va permettre tous les autres. En intégrant "la Loi du Père" l'enfant apprend à renoncer à la toute puissance qu'il éprouvait dans une relation plus ou moins symbiotique à la mère. Il assimile qu'il est n'est plus le tout qui comblait le manque de celle qui le contenait. Il devient un sujet autonome.
En limitant, canalisant, les tendances spontanées et les pulsions de l'enfant, le père va permettre l'instauration dans le psychisme de l'enfant de l'Interdit de l'Inceste. Cette opération sera à l'origine de la création dans le Moi d'une nouvelle instance: le Surmoi dont la fonction principale sera de permettre le refoulement et la sublimation. La mère ne peut difficilement jouer ce rôle car elle est totalement orientée sur le soin de l'enfant. Il est difficile d'être à la fois maternant et interdisant.
Mais le comportement du Père n'est pas neutre. En imposant des limites à la relation avec la mère, il impose des frustrations. Cela peut générer de l'agressivité de la part de l'enfant. Il est important qu'il occupe sa position d'autorité avec délicatesse et non violence pour constituer un idéal de conduite auquel l'enfant pourra s'identifier. Le psychiatre Patrick Juignet rappelle combien cet aspect est important pour permettre au Surmoi de s'assouplir.
Mais si l'enfant consent à faire le sacrifice d'un renoncement à la pulsion, ce n'est pas gratuit. Dans "L’homme Moïse et la religion monothéiste", Freud rappelle "qu' il attend en récompense d’en être aimé davantage". La conscience de cet amour qu'il recevra en échange lui permettra de construire une autre instance "l'idéal du Moi". Celle - ci aura un rôle déterminant dans l'amour que le sujet pourra se porter à lui même, c'est à dire dans son narcissisme fondamental (ou estime inconditionnelle).
Devenant ce sujet enfin en devenir, qui est parvenu à se libérer de la tentation du retour en arrière dans lequel risquait de le maintenir l'imaginaire maternel sans la présence libératrice du père, les parents pourront enfin projeter sur l'enfant leurs rêves secrets. C'est dans ce miroir d'attentes idéalisées que l'Idéal du Moi pourra se développer et constituer la force motrice dont l'individu aura tant besoin tout pour exister. Car l'enfant qui naît n'est pas fait pour rester "la chose " de la mère mais pour avoir une vie propre.
Ainsi en contribuant à la différenciation entre la mère et l'enfant, l'intégration de l'ordre symbolique dans le Moi du sujet lui donne la possibilité d'être auteur de sa propre existence. C'est le tiers qui rend possible cette libération. Cet Autre constitue aussi pour l'enfant la première expérience qu'il fera de l'autorité. C'est grâce à elle qu'il pourra devenir "auteur" de lui même.
Le processus de différenciation s'achèvera au moment de l'adolescence au cours de laquelle il s'agira pour lui de se séparer définitivement des modèles à la fois aimés et haïs des parents qui l'ont accompagné dans cette construction; mais il en restera toujours quelque chose: Il sera à la fois différent et le même ...
A travers le modèle du complexe de l'Oedipe, la psychanalyse nous propose une première définition de l'autorité comme capacité à rendre l'Autre comme Auteur et Acteur de sa propre existence.
Le rôle des institutions dans la transmission de l'ordre symbolique
Avec Gérard Mendel, on conçoit que le stade de l'oedipe est le moment de l'irruption de l'ordre social dans la psyché des individus.
Or celui - ci, à travers l'histoire n'a jamais fonctionné de manière identique. Il évolue en fonction des angoisses et des désirs qui traverse la société du moment. L'imago paternelle, par exemple a subit de profondes transformations. Entre la description que fait Freud du chef de la horde primitive et la vision actuelle du leader bienveillant, qui est en train de se répandre dans les entreprises, il existe un écart considérable.
Au début du XX°siècle, la figure du père était caractérisée par une certaine rigueur , voire une certaine sévérité. Dans le cercle familiale, c'était lui qui au final imposait ses décisions. Le rôle de la femme était surtout associé à celui de mère au service du groupe familiale plutôt qu'à celui d'une réalisation personnelle. Il a fallu la rébellion explosive de Mai 68 pour voir les rôles se transformer peu à peu...
Cet imaginaire social produit des comportements collectifs qui évoluent au fil du temps. Michel Foucault a montré que les institutions avaient un rôle de modélisation et de reproduction. Dans les écoles comme dans les usines, chacun devait respecter les consignes édictées par "des supérieurs" qu'ils soient nommées "maîtres" dans les écoles ou "chefs" dans les ateliers.
Le but de l'enseignement scolaire n'était pas de former des personnes créatives mais des élèves dociles et obéissants. "Il y avait dit Alain, un enseignement qui avait pour but de séparer ceux qui sauront et gouverneront de ceux qui ignoreront et obéiront'. Il fallait donc organiser un tri en mettant en place des concours, des examens dont le but n'est pas seulement de vérifier si les compétences sont acquises mais de sélectionner et d'éliminer.
A cette époque, le but de l'éducation n'est pas d'amplifier les individus mais de récompenser leur aptitude à se soumettre sans discuter pour les uns ou à commander sans état d'âme pour les autres. Cette sélection impitoyable commencera dès les cycles primaires dans le but de faire émerger des élites disposant de capacités cognitives bien conformes aux normes du moment. C'est elles dont les entreprises ont besoin pour développer leur compétitivité prix.
Sur le plan des instances psychiques, c'est le Surmoi qui sera ici particulièrement exalté. Un bon manager sera celui qui pourra la mobiliser avec aisance. Bourdieu a montré, à travers le concept d'habitus, que cette facilité était aussi liée à la classe sociale d'appartenance du sujet.
Cette dynamique ne sera pas sans conséquences sur les échanges ordinaires dans les organisations. Ceux qui détiennent le pouvoir seront aussi ceux qui possèdent " le logos", c'est à dire la capacité à penser et à parler, tandis que "les opprimés" eux en seront plus ou moins privés.
Les grandes difficultés qu'ont rencontrées les salariés pour s'exprimer sur leurs conditions de travail lors de la mise en place des groupes d'expression initiés par la loi Auroux (1982) sont là pour en témoigner ...au point d'ailleurs d'avoir totalement disparus du paysage managérial.
Or celui - ci, à travers l'histoire n'a jamais fonctionné de manière identique. Il évolue en fonction des angoisses et des désirs qui traverse la société du moment. L'imago paternelle, par exemple a subit de profondes transformations. Entre la description que fait Freud du chef de la horde primitive et la vision actuelle du leader bienveillant, qui est en train de se répandre dans les entreprises, il existe un écart considérable.
Au début du XX°siècle, la figure du père était caractérisée par une certaine rigueur , voire une certaine sévérité. Dans le cercle familiale, c'était lui qui au final imposait ses décisions. Le rôle de la femme était surtout associé à celui de mère au service du groupe familiale plutôt qu'à celui d'une réalisation personnelle. Il a fallu la rébellion explosive de Mai 68 pour voir les rôles se transformer peu à peu...
Cet imaginaire social produit des comportements collectifs qui évoluent au fil du temps. Michel Foucault a montré que les institutions avaient un rôle de modélisation et de reproduction. Dans les écoles comme dans les usines, chacun devait respecter les consignes édictées par "des supérieurs" qu'ils soient nommées "maîtres" dans les écoles ou "chefs" dans les ateliers.
Le but de l'enseignement scolaire n'était pas de former des personnes créatives mais des élèves dociles et obéissants. "Il y avait dit Alain, un enseignement qui avait pour but de séparer ceux qui sauront et gouverneront de ceux qui ignoreront et obéiront'. Il fallait donc organiser un tri en mettant en place des concours, des examens dont le but n'est pas seulement de vérifier si les compétences sont acquises mais de sélectionner et d'éliminer.
A cette époque, le but de l'éducation n'est pas d'amplifier les individus mais de récompenser leur aptitude à se soumettre sans discuter pour les uns ou à commander sans état d'âme pour les autres. Cette sélection impitoyable commencera dès les cycles primaires dans le but de faire émerger des élites disposant de capacités cognitives bien conformes aux normes du moment. C'est elles dont les entreprises ont besoin pour développer leur compétitivité prix.
Sur le plan des instances psychiques, c'est le Surmoi qui sera ici particulièrement exalté. Un bon manager sera celui qui pourra la mobiliser avec aisance. Bourdieu a montré, à travers le concept d'habitus, que cette facilité était aussi liée à la classe sociale d'appartenance du sujet.
Cette dynamique ne sera pas sans conséquences sur les échanges ordinaires dans les organisations. Ceux qui détiennent le pouvoir seront aussi ceux qui possèdent " le logos", c'est à dire la capacité à penser et à parler, tandis que "les opprimés" eux en seront plus ou moins privés.
Les grandes difficultés qu'ont rencontrées les salariés pour s'exprimer sur leurs conditions de travail lors de la mise en place des groupes d'expression initiés par la loi Auroux (1982) sont là pour en témoigner ...au point d'ailleurs d'avoir totalement disparus du paysage managérial.
Il est temps de se libérer de la névrose managériale !
Les nouvelles formes de compétitivité que les entreprises doivent désormais mettre en place ne sont plus compatibles avec les anciennes manière de faire et de vivre ensemble dans les organisations. Pour innover, en effet, il est nécessaire de décloisonner, de fonctionner en réseau, de prendre des initiatives, de faire remonter des idées, bref de collaborer !
Cela a beaucoup de conséquences concrètes en termes de comportements quotidiens puisque d'une posture de compétition il faut passer à la coopération . C'est bien une métanoïa qui doit s'opérer.
Ce renversement a pris des formes diverses. Certains l'ont associé à l'idée d'une libération, d'autres d'une responsabilisation. Les deux termes ont leur importance car ils sont l'un et l'autre les 2 cotés d'un même changement. Le premier met l'accent sur la nécessité de se dégager des formes traditionnelles de l'autorité tandis que le second invite les acteurs à devenir auteur à part entière d'une oeuvre à laquelle il contribue.
Mais pour que cette transformation soit possible, un lourd et long travail d'accompagnement est généralement nécessaire. Pour les managers cela passe par l'adoption d'une position basse tandis que pour les collaborateurs par la capacité à exprimer un avis, à faire des propositions et parfois à exprimer un point de vue contraire.
Cela suppose que les acteurs, quelle que soit leur place, soient capables de "se libérer" du transfert névrotique engendré par les apprentissages passés qui ont commencé dans la structure familiale, ont été amplifiés par les pratiques éducatives, valorisés par les institutions et enfin encouragés dans la vie professionnelle. Cela ne relève pas de l'incantation mais d'une renégociation ontologique avec l'ancien ordre symbolique qui a jusqu'à présent structuré les consciences individuelles.
Cette transformation demande du temps; temps que Winnicott qualifierait de transitionnel au cours duquel, il est nécessaire de s'appuyer sur des objets transitionnels. C'est sans doute ce qui explique l'attrait actuel qu'exercent, depuis quelques années, les techniques de coaching adressées généralement aux managers et les méthodes agiles davantage destinées aux équipes opérationnelles.
Sans utiliser le terme de névrose managériale, Gérard Mendel (1968) décrit de façon particulièrement précise comment les institutions éducatives ont contribué à générer un véritable "écrasement du Moi" (1968:150) par " le surmenage, le système répressif et coercitif" qui se traduisent concrètement par des souffrances physiques et psychiques chez les apprenants.
Pour Mendel, les formes pédagogiques traditionnelles ont des effets secondaires non négligeables. Non seulement elles favorisent l'apprentissage de la docilité et de la rivalité entre les membres d'un groupe mais elles découragent l'initiative, la réflexion critique, la prise de risque (1968:158).
Elles contribuent aussi à créer un clivage entre ceux qui "sauront et gouverneront et ceux qui ignoreront et obéiront" mais le pire c'est qu'elles vont perturber la relation du Moi de l'enfant à son Idéal du Moi en le mettant constamment à l'épreuve d'un système d'évaluation fondé sur un jugement plutôt que sur l'accompagnement.
La formation scolaire d'un individu s'étale sur une période de 10 à 15 ans, entre la fin du conflit oedipien et la puberté. Durant cette durée dite de latence, l'enfant va opérer "des identifications successives aux maîtres, aux pères spirituels, etc... qui viendront remanier et diversifier le Moi post - oedipien, héritier de l'identification paternelle". Ces identifications viendront influencer de façon non négligeable la structure du Moi initial. et auront des conséquences significatives sur sa conception de l'Autorité.
L'auteur d'une "Histoire de l'Autorité" nous alerte, aussi, sur le fait que les expériences et les imagos qui nous sont proposés ne permettent guère l'apprentissage de l'autonomie, de la responsabilité ou de la coopération. "Elle équivaut, et nous pesons ici les mots, à un grave traumatisme psychique faisant régresser le sujet au stade génital auquel il est parvenu, tout au moins, au stade anal"(Mendel, 19868:161). En termes plus simple, elles contribuent à fabriquer "un emmerdeur" plus soucieux de surveiller et de punir" que d'amplifier et faire grandir ! .
" Le stade anal ... est caractérisé sur le plan libidinal, non par l'amour de l'Objet, mais par le désir de l'asservir, de le retenir, de le maîtriser. De même que le sujet étroitement dépendant de ses objets est incapable d'accéder à une véritable liberté psycho-affective ni à l'autonomie, il lui faudra veiller jalousement à ce que ceux-ci ne puissent devenir libres. Le sujet fixé à ce stade aura la même position envers son objet libidinal que l'avare quant à son or."
Toujours pour Gérard Mendel , le système scolaire porte une lourde responsabilité dans la construction psycho-sociale d'un individu.
Les figures d'autorité "traditionnelles" à laquelle les écoliers, les étudiants sont confrontées les font régresser au stade anal, générant une intense frustration. Celle - ci sera d'autant plus grande qu'ils aspirent à la liberté et l'autonomie.
Le "terrorisme culturel et psycho-affectif scolaire" (Mendel, 1968: 162) donnera lieu a trois phénomènes :
- Une agressivité intense réactionnelle de nature sadique qui trouvera plaisir dans la souffrance qu'elle imposera à l'objet
- Un narcissisme malsain qui poussera le sujet à chercher sa satisfaction dans la transgression
- La recherche d'un père social surpuissant qui devra protéger le sujet de sa propre violence en faisant respecter un ordre hyper autoritaire
Ceci est encore plus vrai pour les nouvelles générations qui ont évolué dans des structures familiales où les rôles ont beaucoup évolué vers plus d'équité. Les pédagogues qui sont encastrés dans ses pratiques reconnaîtront certainement les points ici énoncés.
Cela a beaucoup de conséquences concrètes en termes de comportements quotidiens puisque d'une posture de compétition il faut passer à la coopération . C'est bien une métanoïa qui doit s'opérer.
Ce renversement a pris des formes diverses. Certains l'ont associé à l'idée d'une libération, d'autres d'une responsabilisation. Les deux termes ont leur importance car ils sont l'un et l'autre les 2 cotés d'un même changement. Le premier met l'accent sur la nécessité de se dégager des formes traditionnelles de l'autorité tandis que le second invite les acteurs à devenir auteur à part entière d'une oeuvre à laquelle il contribue.
Mais pour que cette transformation soit possible, un lourd et long travail d'accompagnement est généralement nécessaire. Pour les managers cela passe par l'adoption d'une position basse tandis que pour les collaborateurs par la capacité à exprimer un avis, à faire des propositions et parfois à exprimer un point de vue contraire.
Cela suppose que les acteurs, quelle que soit leur place, soient capables de "se libérer" du transfert névrotique engendré par les apprentissages passés qui ont commencé dans la structure familiale, ont été amplifiés par les pratiques éducatives, valorisés par les institutions et enfin encouragés dans la vie professionnelle. Cela ne relève pas de l'incantation mais d'une renégociation ontologique avec l'ancien ordre symbolique qui a jusqu'à présent structuré les consciences individuelles.
Cette transformation demande du temps; temps que Winnicott qualifierait de transitionnel au cours duquel, il est nécessaire de s'appuyer sur des objets transitionnels. C'est sans doute ce qui explique l'attrait actuel qu'exercent, depuis quelques années, les techniques de coaching adressées généralement aux managers et les méthodes agiles davantage destinées aux équipes opérationnelles.
Sans utiliser le terme de névrose managériale, Gérard Mendel (1968) décrit de façon particulièrement précise comment les institutions éducatives ont contribué à générer un véritable "écrasement du Moi" (1968:150) par " le surmenage, le système répressif et coercitif" qui se traduisent concrètement par des souffrances physiques et psychiques chez les apprenants.
Pour Mendel, les formes pédagogiques traditionnelles ont des effets secondaires non négligeables. Non seulement elles favorisent l'apprentissage de la docilité et de la rivalité entre les membres d'un groupe mais elles découragent l'initiative, la réflexion critique, la prise de risque (1968:158).
Elles contribuent aussi à créer un clivage entre ceux qui "sauront et gouverneront et ceux qui ignoreront et obéiront" mais le pire c'est qu'elles vont perturber la relation du Moi de l'enfant à son Idéal du Moi en le mettant constamment à l'épreuve d'un système d'évaluation fondé sur un jugement plutôt que sur l'accompagnement.
La formation scolaire d'un individu s'étale sur une période de 10 à 15 ans, entre la fin du conflit oedipien et la puberté. Durant cette durée dite de latence, l'enfant va opérer "des identifications successives aux maîtres, aux pères spirituels, etc... qui viendront remanier et diversifier le Moi post - oedipien, héritier de l'identification paternelle". Ces identifications viendront influencer de façon non négligeable la structure du Moi initial. et auront des conséquences significatives sur sa conception de l'Autorité.
L'auteur d'une "Histoire de l'Autorité" nous alerte, aussi, sur le fait que les expériences et les imagos qui nous sont proposés ne permettent guère l'apprentissage de l'autonomie, de la responsabilité ou de la coopération. "Elle équivaut, et nous pesons ici les mots, à un grave traumatisme psychique faisant régresser le sujet au stade génital auquel il est parvenu, tout au moins, au stade anal"(Mendel, 19868:161). En termes plus simple, elles contribuent à fabriquer "un emmerdeur" plus soucieux de surveiller et de punir" que d'amplifier et faire grandir ! .
" Le stade anal ... est caractérisé sur le plan libidinal, non par l'amour de l'Objet, mais par le désir de l'asservir, de le retenir, de le maîtriser. De même que le sujet étroitement dépendant de ses objets est incapable d'accéder à une véritable liberté psycho-affective ni à l'autonomie, il lui faudra veiller jalousement à ce que ceux-ci ne puissent devenir libres. Le sujet fixé à ce stade aura la même position envers son objet libidinal que l'avare quant à son or."
Toujours pour Gérard Mendel , le système scolaire porte une lourde responsabilité dans la construction psycho-sociale d'un individu.
Les figures d'autorité "traditionnelles" à laquelle les écoliers, les étudiants sont confrontées les font régresser au stade anal, générant une intense frustration. Celle - ci sera d'autant plus grande qu'ils aspirent à la liberté et l'autonomie.
Le "terrorisme culturel et psycho-affectif scolaire" (Mendel, 1968: 162) donnera lieu a trois phénomènes :
- Une agressivité intense réactionnelle de nature sadique qui trouvera plaisir dans la souffrance qu'elle imposera à l'objet
- Un narcissisme malsain qui poussera le sujet à chercher sa satisfaction dans la transgression
- La recherche d'un père social surpuissant qui devra protéger le sujet de sa propre violence en faisant respecter un ordre hyper autoritaire
Ceci est encore plus vrai pour les nouvelles générations qui ont évolué dans des structures familiales où les rôles ont beaucoup évolué vers plus d'équité. Les pédagogues qui sont encastrés dans ses pratiques reconnaîtront certainement les points ici énoncés.
Que faut - il désapprendre pour se libérer ?
Dans les Années 1980, 3 auteurs Chris Argiris, Peter Senge et Donald A. Schön nous invitent à considérer les organisations comme des lieux de création, diffusion et capitalisation de connaissances. Leur conception est fortement inspirée par la théorie des systèmes et les théories cognitivistes. Elle donne naissance à des pratiques managériales centrées sur le développement des savoirs à partir des problématiques concrètes rencontrées par les acteurs dans les situations de travail. Le terme d'organisation apprenante a été retenu pour qualifier cette orientation.
Ce sont surtout les acteurs liés aux systèmes d'informations qui se sont emparés de cette théorie qui a disparu assez rapidement des radars parce très abstraite et compliquée dans sa mise en oeuvre.
Mais ce qui surprend dans ce type d'approche c'est l'exclusion de la dimension émotionnelle. Or l'entreprise ne se réduit pas à un système abstrait qu'on peut modéliser avec des codes graphiques. C'est un espace où les acteurs éprouvent des désirs, des émotions, des affects. Les managers en savent quelque chose qui eux doivent si souvent les réguler dans leurs équipes.
Eux mêmes, en tant que figure d'autorité, (censés comme l'analyste "tout savoir") ont une charge émotionnelle massive à porter. Leur propre stress lié aux responsabilités qu'ils doivent assurer et les transferts massifs dont ils sont l'objet de la part de leurs collaborateurs.
Le concept de transfert en psychanalyse permet de comprendre le poids énorme de la charge d'affective qu'ils ont à porter. Ils n'en pas la plupart du temps conscience.
Dans le modèle hiérarchique classique, les collaborateurs vont transférer sur eux des affects qu'ils ont déjà plus ou moins éprouvés avec des personnes qui ont compté dans leur propre histoire. Ces personnes sont bien entendu le père et ou la mère mais aussi tous les représentants de l'autorité qui ont marqué leur imaginaire. La psychanalyste Claude Almos utilise l'image de portementeau pour illustrer ce processus.
Ainsi quand un collaborateur arrive dans une entreprise. Il arrive avec une histoire plus ou moins prégnante, plus ou moins consciente qui va conditionner son comportement vis à vis de l'autorité. Celui - ci est liée aux apprentissages que le sujet a dû assimiler pour être accepté; il est amplifié par le contrat de subordination qui crée une dépendance entre la figure d'autorité et le sujet lui même. L'expérience de Milgram, mise en oeuvre au début des années 60), résume cette problématique. Elle met en évidence la difficulté qu'ont les sujet à se rebeller contre l'autorité.
Ce comportement de soumission que plus de 65% des personnes ont mis en oeuvre à l' occasion de cette expérience met clairement en évidence cette notion de transfert qui se traduit dans la relation avec un représentant de l'autorité par une attitude de dépendance et de faible autonomie. Le concept de soumission librement consentie proposée par Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (1987) traduit bien les effets du transfert.
A l'inverse, il est intéressant de constater que lorsqu'on donne à un individu une responsabilité, cela peut l'emmener à ressentir une jouissance à asservir autrui. L'expérience dite de Stanford, bien que controversée, du professeur américain Philipp Zimbardo semble le confirmer.
En 1971, il recrute 24 hommes à priori matures et mentalement stables. 9 d’entre eux se voient attribuer un rôle de prisonnier, 9 autres celui de gardien de prison. La répartition des rôles a été faite de manière totalement aléatoire, sans considération de la personnalité des participants. Les 6 derniers sujets sont simplement là comme remplaçants éventuels des gardiens. Les prisonniers sont appelés par des numéros et regroupés par 3 dans les cellules. Ils doivent obéir à certaines règles, comme dans une vraie prison. Les gardiens, eux, portent des lunettes miroirs qui dissimulent leurs regards. Ils sont anonymes et ont toute autorité sur les prisonniers excepté la violence physique.
En quelques heures seulement, les acteurs l’ambiance se dégrade complètement. Les gardes prennent leurs rôles très au sérieux, abusant verbalement et psychologiquement les « prisonniers ». Parfois, ils leur infligent des brutalités physiques pour punir leurs fautes. Certains iront mêmes jusqu’à obliger les prisonniers à uriner et déféquer dans un seau placé dans la cellule. Ils leur confisquent également leurs matelas (les forçant à dormir à même le béton), et imposent même à certains prisonniers de dormir nus afin de les humilier encore plus. Au cours des 6 jours qu’a duré l’expérience (elle devait initialement durer 2 semaines), les figurants jouant les gardes se sont ainsi transformés en véritables bourreaux. 1/3 d'entre eux avaient présentés des tendances sadiques.
50 personnes suivaient par ailleurs l'expérience (des étudiants, des amis et des membres de la famille, des psychologues, un prêtre, "un protecteur des citoyens". Personne n'a réagit pour remettre en cause les comportements immoraux de certains gardiens. Seul un remplaçant, le « prisonnier 416 », a vraiment agi face à la tournure dramatique qu’avait pris l’expérience. Il a entamé une grève de la faim en guise de protestation, ce qui l’a amené a être isolé du reste des prisonniers et enfermé dans un placard.
Ces deux expériences mettent bien en évidence la puissance des apprentissages psychologiques et sociaux qui imprègnent les relations managers - managé(e)s.
Ce sont surtout les acteurs liés aux systèmes d'informations qui se sont emparés de cette théorie qui a disparu assez rapidement des radars parce très abstraite et compliquée dans sa mise en oeuvre.
Mais ce qui surprend dans ce type d'approche c'est l'exclusion de la dimension émotionnelle. Or l'entreprise ne se réduit pas à un système abstrait qu'on peut modéliser avec des codes graphiques. C'est un espace où les acteurs éprouvent des désirs, des émotions, des affects. Les managers en savent quelque chose qui eux doivent si souvent les réguler dans leurs équipes.
Eux mêmes, en tant que figure d'autorité, (censés comme l'analyste "tout savoir") ont une charge émotionnelle massive à porter. Leur propre stress lié aux responsabilités qu'ils doivent assurer et les transferts massifs dont ils sont l'objet de la part de leurs collaborateurs.
Le concept de transfert en psychanalyse permet de comprendre le poids énorme de la charge d'affective qu'ils ont à porter. Ils n'en pas la plupart du temps conscience.
Dans le modèle hiérarchique classique, les collaborateurs vont transférer sur eux des affects qu'ils ont déjà plus ou moins éprouvés avec des personnes qui ont compté dans leur propre histoire. Ces personnes sont bien entendu le père et ou la mère mais aussi tous les représentants de l'autorité qui ont marqué leur imaginaire. La psychanalyste Claude Almos utilise l'image de portementeau pour illustrer ce processus.
Ainsi quand un collaborateur arrive dans une entreprise. Il arrive avec une histoire plus ou moins prégnante, plus ou moins consciente qui va conditionner son comportement vis à vis de l'autorité. Celui - ci est liée aux apprentissages que le sujet a dû assimiler pour être accepté; il est amplifié par le contrat de subordination qui crée une dépendance entre la figure d'autorité et le sujet lui même. L'expérience de Milgram, mise en oeuvre au début des années 60), résume cette problématique. Elle met en évidence la difficulté qu'ont les sujet à se rebeller contre l'autorité.
Ce comportement de soumission que plus de 65% des personnes ont mis en oeuvre à l' occasion de cette expérience met clairement en évidence cette notion de transfert qui se traduit dans la relation avec un représentant de l'autorité par une attitude de dépendance et de faible autonomie. Le concept de soumission librement consentie proposée par Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (1987) traduit bien les effets du transfert.
A l'inverse, il est intéressant de constater que lorsqu'on donne à un individu une responsabilité, cela peut l'emmener à ressentir une jouissance à asservir autrui. L'expérience dite de Stanford, bien que controversée, du professeur américain Philipp Zimbardo semble le confirmer.
En 1971, il recrute 24 hommes à priori matures et mentalement stables. 9 d’entre eux se voient attribuer un rôle de prisonnier, 9 autres celui de gardien de prison. La répartition des rôles a été faite de manière totalement aléatoire, sans considération de la personnalité des participants. Les 6 derniers sujets sont simplement là comme remplaçants éventuels des gardiens. Les prisonniers sont appelés par des numéros et regroupés par 3 dans les cellules. Ils doivent obéir à certaines règles, comme dans une vraie prison. Les gardiens, eux, portent des lunettes miroirs qui dissimulent leurs regards. Ils sont anonymes et ont toute autorité sur les prisonniers excepté la violence physique.
En quelques heures seulement, les acteurs l’ambiance se dégrade complètement. Les gardes prennent leurs rôles très au sérieux, abusant verbalement et psychologiquement les « prisonniers ». Parfois, ils leur infligent des brutalités physiques pour punir leurs fautes. Certains iront mêmes jusqu’à obliger les prisonniers à uriner et déféquer dans un seau placé dans la cellule. Ils leur confisquent également leurs matelas (les forçant à dormir à même le béton), et imposent même à certains prisonniers de dormir nus afin de les humilier encore plus. Au cours des 6 jours qu’a duré l’expérience (elle devait initialement durer 2 semaines), les figurants jouant les gardes se sont ainsi transformés en véritables bourreaux. 1/3 d'entre eux avaient présentés des tendances sadiques.
50 personnes suivaient par ailleurs l'expérience (des étudiants, des amis et des membres de la famille, des psychologues, un prêtre, "un protecteur des citoyens". Personne n'a réagit pour remettre en cause les comportements immoraux de certains gardiens. Seul un remplaçant, le « prisonnier 416 », a vraiment agi face à la tournure dramatique qu’avait pris l’expérience. Il a entamé une grève de la faim en guise de protestation, ce qui l’a amené a être isolé du reste des prisonniers et enfermé dans un placard.
Ces deux expériences mettent bien en évidence la puissance des apprentissages psychologiques et sociaux qui imprègnent les relations managers - managé(e)s.
On peut s'interroger sur les bouleversements déclenchés dans leur subjectivité quand certaines "entreprises" se libèrent, parfois brutalement des modèles traditionnels. Comment les individus peuvent - ils supporter une telle rupture ? Qu'est ce qui facilite l'adhésion ou le rejet ? De quoi l'individu doit - il se séparer pour s'adapter ?
Il y a bien une double exploration à mener :
- Du côté des managers invités à occuper différemment la position d'autorité
- Du coté des collaborateurs encouragés à s'exprimer plus librement et à prendre des initiatives
Dans une organisation traditionnelle, la contradiction, la controverse ne sont guère tolérées. Tout est fait au contraire pour les éviter. C'est dans l'ordre symbolique dominant de fonctionner ainsi.
Celui qui occupe la position d'autorité interprète généralement la critique comme une attaque personnelle tandis que le collaborateur qui souhaiterait s'exprimer peut ressentir de la culpabilité à le faire car il a été formaté dès le banc de l'école à se taire s'il n'est pas en accord. C'est aussi dans les règles de la culture française de marquer son respect en refoulant ce qu'on à dire à dire surtout quand on ne partage pas le même point de vue que celui de son " supérieur".
Celui qui occupe la position d'autorité interprète généralement la critique comme une attaque personnelle tandis que le collaborateur qui souhaiterait s'exprimer peut ressentir de la culpabilité à le faire car il a été formaté dès le banc de l'école à se taire s'il n'est pas en accord. C'est aussi dans les règles de la culture française de marquer son respect en refoulant ce qu'on à dire à dire surtout quand on ne partage pas le même point de vue que celui de son " supérieur".
L'impertinence constructive, une solution pour sortir de l'ambiguïté des relations manageurs - managés
On demande aux collaborateurs de s'engager pleinement dans les enjeux de l'entreprise. Cela passe par un investissement personnel important qui conduit à faire sien des problématiques qui en réalité appartiennent à l'organisation. En s'impliquant, le salarié réduit la distance entre l'entreprise et lui même. Cela le conduit à avoir une relation passionnelle avec elle. Norbert Alter (2000:57) nous rappelle que si l'individu s'investit avec tant ardeur, c'est parce que le travail représente pour lui " le moyen de réaliser l'idéal qu'il se fait de lui même" et par conséquent de nourrir l'estime de lui même ( qui rappelons le a besoin d'être en permanence nourrie).
En tant que personne engagée, le salarié(e) a donc des choses à dire. L'expression est facile quand il ou elle est dans l'adhésion. Il est plus difficile quand le point de vue est différent, voire contraire. Or la contradiction est inévitable puisque les prescriptions ne peuvent définir totalement le réel. Des régulations permanentes sont nécessaires. Cela passe par la pratique des feedbacks considérés en systémique comme une nécessité pour l'équilibre des systèmes.
On parle beaucoup dans les formations de l'importance pour les managers de donner des feedbacks positifs ou négatifs à leurs collaborateurs. Les formateurs restent assez discrets à propos des feedbacks que pourraient faire leurs collaborateurs. La conception hiérarchique dominante est la plupart du temps descendante et finalement peu interactive. Accepter la symétrie des relations suppose la réciprocité des points de vue. C'est une manière concrète de faire vivre le principe démocratique : un Homme, une voix. Point n'est besoin de faire une scop pour le vivre ; cela passe par le quotidiennes des relations de travail.
Le don n'est guère possible durablement sans le contre - don qui se traduira ici par le droit en tant que personne de donner son point de vue. C'est en acceptant le point de vue de son subordonné que le manager pourra, en définitive, payer sa dette. Dans les sociétés étudiées par Marcel Mauss, le refus du don est perçue comme une offense. C'est même, dans certaines tribus, un cas de guerre.
D'une certaine façon, c'est bien ce qui se passe dans certaines organisations quand le point de vue des collaborateurs ne peut s'exprimer et être entendu. Cela génère une agressivité sournoise qui se transforme en jeux d'attaque compromettant parfois de façon définitive la coopération et la confiance.
Quand les salarié(e)s ou une catégorie de salari(é)es ne peuvent participer à l'échange, ils sont en situation d'exclusion. Ils deviennent alors spectateurs de leur propre action. Cette schizoïdie, si elle se prolonge peut conduire à la "lassitude" (Alter, 2000: 250). Peu à peu dans ce déséquilibre, le salarié va se sentir de passage...
Les démarches de libération ou de responsabilisation ne peuvent faire l'économie d'explorer avec lucidité ce dilemme....Il n'est pas possible de sauter à pieds joints dessus. La mise en place d'une véritable démarche de libération passe par une transformation profonde des modes d'interaction des acteurs dans le quotidien.
En tant que personne engagée, le salarié(e) a donc des choses à dire. L'expression est facile quand il ou elle est dans l'adhésion. Il est plus difficile quand le point de vue est différent, voire contraire. Or la contradiction est inévitable puisque les prescriptions ne peuvent définir totalement le réel. Des régulations permanentes sont nécessaires. Cela passe par la pratique des feedbacks considérés en systémique comme une nécessité pour l'équilibre des systèmes.
On parle beaucoup dans les formations de l'importance pour les managers de donner des feedbacks positifs ou négatifs à leurs collaborateurs. Les formateurs restent assez discrets à propos des feedbacks que pourraient faire leurs collaborateurs. La conception hiérarchique dominante est la plupart du temps descendante et finalement peu interactive. Accepter la symétrie des relations suppose la réciprocité des points de vue. C'est une manière concrète de faire vivre le principe démocratique : un Homme, une voix. Point n'est besoin de faire une scop pour le vivre ; cela passe par le quotidiennes des relations de travail.
Le don n'est guère possible durablement sans le contre - don qui se traduira ici par le droit en tant que personne de donner son point de vue. C'est en acceptant le point de vue de son subordonné que le manager pourra, en définitive, payer sa dette. Dans les sociétés étudiées par Marcel Mauss, le refus du don est perçue comme une offense. C'est même, dans certaines tribus, un cas de guerre.
D'une certaine façon, c'est bien ce qui se passe dans certaines organisations quand le point de vue des collaborateurs ne peut s'exprimer et être entendu. Cela génère une agressivité sournoise qui se transforme en jeux d'attaque compromettant parfois de façon définitive la coopération et la confiance.
Quand les salarié(e)s ou une catégorie de salari(é)es ne peuvent participer à l'échange, ils sont en situation d'exclusion. Ils deviennent alors spectateurs de leur propre action. Cette schizoïdie, si elle se prolonge peut conduire à la "lassitude" (Alter, 2000: 250). Peu à peu dans ce déséquilibre, le salarié va se sentir de passage...
Les démarches de libération ou de responsabilisation ne peuvent faire l'économie d'explorer avec lucidité ce dilemme....Il n'est pas possible de sauter à pieds joints dessus. La mise en place d'une véritable démarche de libération passe par une transformation profonde des modes d'interaction des acteurs dans le quotidien.
L'impertinence constructive est une compétence qui peut se développer
On doit à Louis Gallois, alors PDG d'EADS l'expression de "l'impertinence constructive". Il s'adressait à de jeunes ingénieurs les exhortant, lors d'une conférence, à s'exprimer plus librement.
Antoine Raymond, PDG de la société ARaymond, entreprise leader de la fixation par clippage ou collage la définit "comme l'aptitude à parler de n'importe quel sujet dans le but de construire des alternatives, d'est à dire d'aider, d'améliorer" rajoutons : sans blesser autrui.
Agnès Muir-Poulle, professeure associée au groupe GEM de Grenoble dans son livre " Petit traité d'impertinence constructive " (2015) la présente comme la capacité "à d'exprimer avec courage, respect et intelligence son point de vue quand on est en désaccord. C'est une compétence qui pourrait favoriser un dialogue plus fertile dans les organisations".
"Etre impertinent constructif, c’est se sentir plus en accord avec soi-même. Je ne comprends pas, je demande. J’ai une idée, je la propose. Je ne suis pas d’accord ou je trouve qu’on exagère, je le dis. Je pense que le délai donné n’est pas réaliste, je le fais savoir. C’est être dans des rapports beaucoup plus simples, avec des réponses immédiates. C’est se sentir satisfait, fier de travailler en équipe. C’est rentrer le soir chez soi avec de l’énergie pour sa vie privée. C’est pouvoir se sentir en possession de sa vie. Ce qui se répercute de façon positive dans les entreprises : elles vont avoir des collaborateurs qui expriment, partagent, testent des idées. C’est aussi de la créativité à tous les niveaux. Tout cela, en remettant le respect de l’homme et le développement des talents de chacun au centre." (Agnès Muir-Poulle, 2015)
Antoine Raymond, PDG de la société ARaymond, entreprise leader de la fixation par clippage ou collage la définit "comme l'aptitude à parler de n'importe quel sujet dans le but de construire des alternatives, d'est à dire d'aider, d'améliorer" rajoutons : sans blesser autrui.
Agnès Muir-Poulle, professeure associée au groupe GEM de Grenoble dans son livre " Petit traité d'impertinence constructive " (2015) la présente comme la capacité "à d'exprimer avec courage, respect et intelligence son point de vue quand on est en désaccord. C'est une compétence qui pourrait favoriser un dialogue plus fertile dans les organisations".
"Etre impertinent constructif, c’est se sentir plus en accord avec soi-même. Je ne comprends pas, je demande. J’ai une idée, je la propose. Je ne suis pas d’accord ou je trouve qu’on exagère, je le dis. Je pense que le délai donné n’est pas réaliste, je le fais savoir. C’est être dans des rapports beaucoup plus simples, avec des réponses immédiates. C’est se sentir satisfait, fier de travailler en équipe. C’est rentrer le soir chez soi avec de l’énergie pour sa vie privée. C’est pouvoir se sentir en possession de sa vie. Ce qui se répercute de façon positive dans les entreprises : elles vont avoir des collaborateurs qui expriment, partagent, testent des idées. C’est aussi de la créativité à tous les niveaux. Tout cela, en remettant le respect de l’homme et le développement des talents de chacun au centre." (Agnès Muir-Poulle, 2015)
Risquons un référentiel pour développer cette compétence, il faudrait être capable de :
- Prendre conscience de ses propres émotions dans l'interaction avez autrui :
- Pourquoi n'ai - je rien dit alors que j'étais en désaccord ou que j'avais un point de vue à exprimer ?
- Pourquoi n'ai je pas oser ?
- De quoi ai - je eu peur ?
- Qu'ai - je ressenti dans mon corps ?
- Qu'ai je imaginé ?
2. Se souvenir de situations où déjà très tôt je n'osais pas prendre la parole ?
- Quelles situation en particulier
- Y avait - il un risque à prendre la parole ?
- Est ce que d'autres membres de la famille n'osait pas prendre la parole ?
3. Mobiliser les ressources permettant d' affronter avec sérénité cette circonstance
- Quelles sont les situations dans la vie où j'ai fait preuve de courage
- Qu'ai je ressenti à ces occasions ?
4. Identifier le bon moment pour intervenir
- L'interlocuteur est - il capable ce que j'ai à lui dire à cet instant ?
- Différer l'expression en cas de nécessité
5. Exprimer des faits avec précisions
- Décrire la situation de façon la plus factuelle
- Ne pas utiliser cette situation pour vider son sac
6. Argumenter avec intelligence
- Illustrer avec des exemples
- Utiliser des métaphores pour faire comprendre
- Demander à l'interlocuteur de se mettre à la place
7. Se différencier de la pression de conformité exercée par le groupe
- Supporter l'isolement lié à une posture singulière
- Ne pas renoncer à son propre système de valeur
Pour terminer un premier exercice :
- Faites la liste de toutes les situations ou acteurs envers lesquels vous estimez avoir besoin de vous exprimer
- Choisissez - en une en particulier facile à résoudre
- Quelles sont les émotions que vous avez ressenties à cette occasion ?
- Quels risques avez vous ressentis ?
- Qu'est ce que vous gagneriez à vous exprimer ?
- Quels changements concrets cela pourrait générer dans la relation ?
- Comment pourriez vous le dire ?
- Qu'est ce qu'il faudrait surtout éviter de faire
- Visualisez - vous en train de le dire de la façon qui convient
- Entraînez-vous en mettant deux chaises l'une en face de l'autre et faites parler les deux personnages (Vous et l'Autre)
La conférence d'Agnès Muir-Poulle (Démarrage à la minute 10)
Conclusion
Les "libérateurs d'entreprise" comme J.F Zobrist, Isaac Getz, Alexandre Gérard, Jean- François Godin, Robert Owen, Adriano Olivetti ont fait preuve d'impertinence constructive pour innover. Pour inventer de nouveaux modèles, il faut commencer par la remise en cause de l'existant. Mais pour que celle - ci soit entendue, cela suppose que nous soyons capables d'exprimer notre point de vue de manière supportable pour l'interlocuteur.
Il devient donc aujourd'hui nécessaire d'adopter de nouveaux comportements langagiers (Lacroix, 2010). La première étape consistera à observer la façon dont nous entrons en interaction avec autrui. Parvenons - nous aussi souvent que nous le voudrions à communiquer, c'est à dire à "créer un monde commun". Cela n'est pas si sûr !
A l'heure où les entreprises ont besoin de se réinventer sur de nombreux plans, le rétablissement du débat, voire parfois de la contradiction a une utilité : celle de faire émerger des idées nouvelles auxquelles aucun des protagonistes n'avaient conscience avant la discussion.
Il devient donc aujourd'hui nécessaire d'adopter de nouveaux comportements langagiers (Lacroix, 2010). La première étape consistera à observer la façon dont nous entrons en interaction avec autrui. Parvenons - nous aussi souvent que nous le voudrions à communiquer, c'est à dire à "créer un monde commun". Cela n'est pas si sûr !
A l'heure où les entreprises ont besoin de se réinventer sur de nombreux plans, le rétablissement du débat, voire parfois de la contradiction a une utilité : celle de faire émerger des idées nouvelles auxquelles aucun des protagonistes n'avaient conscience avant la discussion.