Plus une population est éduquée, informée, plus elle exige, avant d'obéir, éventuellement, de comprendre pourquoi on lui demande de le faire. On peut donner des ordres à des ignorants passifs ; à des intelligences autonomes, il faut donner du sens ; plus même, il faut y ajouter du souffle. Désormais, les injonctions émises sur un ton viril, accompagnées d'un militaire " coup de menton ", font plutôt rigoler ou, pire, flanque la trouille : on se demande si le supérieur, qui en est réduit à de tels comportements d'avant-hier, ne serait pas un clone de ce sergent borné et inconséquent que chante merveilleusement Graeme Allwright : " Et ce vieux con nous dit d'avancer…", alors qu'il précipite sa patrouille vers la catastrophe.
Manifestement, ce n'est ni le rôle ni la compétence des Universités ou des Grandes Ecoles de préparer ou de sélectionner ce type de femmes ou d'hommes capables de susciter l'adhésion lucide de collaborateurs à un projet, à une aventure, à une action, en favorisant la compréhension de sa nécessité, de son utilité, de la valeur qu'elle ajoute, et en créant chez autrui le désir d’y contribuer personnellement (chacun voit qu'il ne s'agit pas ici d'évoquer le côté " susucre " de la triste et pavlovienne motivation mais, pour reprendre les mots chers à Jacques Chaize, de faire en sorte que ces collaborateurs décident librement de devenir auteurs et acteurs de leur propre engagement). Grandes Ecoles et Universités forment des " sachants ", qui ne sont censés maîtriser uniquement que des savoirs et des savoir-faire. Mais, comme nul ne l'ignore, c'est grâce aux exemples rencontrés (parents, profs, amis…), aux vicissitudes de la vie et aux épreuves surmontées, voire au sport, que se forgent peu à peu cette altérité dynamique, cette aptitude à écouter et à convaincre, cette capacité d'entraînement qui seules permettront demain d'amener des équipes à vouloir relever les défis de plus en plus acrobatiques de l'entreprise.
Dans une société de la connaissance, de l'hyper communication et de la surinformation où, la montée de l’individualisme et le scepticisme ambiant risquent de pousser chacun à récuser toute injonction, dont il n'aurait pas compris les raisons, toute consigne dont il n'aurait pas saisi ce qu'elle lui apporte, tout interdit dont ne lui apparaîtraient pas les avantages, ce type de savoir-être va devenir essentiel dans la conduite des aventures humaines et, singulièrement, dans celle de nos entreprises.
Le mot " leadership " (déjà moins pauvre que " commandement " ou " direction ") traduit imparfaitement cette capacité à donner du sens et du souffle : il laisse sous-entendre, qu'avec un peu de charisme, on pourrait forcer les réticences, emporter les adhésions, voire, manipuler les sentiments pour pousser des collaborateurs à l'action : outre, qu'on ne peut pas attendre de tout dirigeant qu'il soit charismatique, la manipulation ne trompe plus aujourd'hui que le manipulateur tant les grosses ficelles de certaines formes de management sont désormais connues de tous.
Le mot " leadership " (déjà moins pauvre que " commandement " ou " direction ") traduit imparfaitement cette capacité à donner du sens et du souffle : il laisse sous-entendre, qu'avec un peu de charisme, on pourrait forcer les réticences, emporter les adhésions, voire, manipuler les sentiments pour pousser des collaborateurs à l'action : outre, qu'on ne peut pas attendre de tout dirigeant qu'il soit charismatique, la manipulation ne trompe plus aujourd'hui que le manipulateur tant les grosses ficelles de certaines formes de management sont désormais connues de tous.
On ne peut donner que ce qu'on a : donner du sens et du souffle suppose qu'on en possède soi-même et qu'on ne soit pas simplement un de ces brillants diplômés élevés " hors sol " comme ces élites hydroponiques qu'on voit si souvent à la tête de grandes organisations et qui finissent par stériliser celles-ci et ceux qui s'y trouvent. Recruter les oiseaux rares qui demain seront capables de diffuser sens et souffle dans nos entreprises, voilà un défi stratégique pour les dirigeants d'aujourd'hui. Comme les diplômes ne nous disent en rien si leurs titulaires possèdent ou non ce type de capacité et qu'en outre les " conseils en curriculum vitae " donnés par les Ecoles ou les cabinets de recrutement ont rendu tous les CV également alléchants et donc peu significatifs, le défi sera de taille. Personnellement, je ne connais pas de recettes magiques mais je peux communiquer aux lecteurs des " 4 Temps du Management " un des enseignements pratiques de ma longue vie professionnelle : si, pour un poste quelconque de votre entreprise, vous avez le choix entre le Major d'HEC et celui qui a été reçu dernier, n'hésitez pas, prenez le dernier : au lieu de limiter sa jeunesse à bûcher livres et dossiers pour la vaine gloriole de sortir en tête, voilà quelqu'un qui aura su réussir l'épreuve sans y perdre la joie de faire du sport, de la musique, des voyages, de multiplier le nombre de ses amis et, le cas échéant, de militer pour des causes ; il y a de bonnes chances que ce soit un " vivant " ; seuls les " vivants " savent donner du sens et du souffle.