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Actualités du Management

ArcelorMittal: "il est certain que des usines vont fermer"

Le site de Florange, en Lorraine est à l'arrêt, sans date de reprise de l'activité. La direction d'ArcelorMittal explique qu'elle n'a pas assez de demande, les syndicats disent le contraire... Quelle est la situation d'ArcelorMittal aujourd'hui ?

Gilles Le Blanc, professeur d'économie au Cerna, le Centre d'économie industrielle des Mines ParisTech : Ils n'ont pas de vraies difficultés financières, mais l'activité d'acier a toujours été cyclique. Et aujourd'hui s'y ajoute la crise. ArcelorMittal a connu de 2006 à 2008 un haut de cycle avec un volume de production fort et des prix élevés. Ensuite, elle était en bas de cycle et a dû faire face à la crise : les volumes et les prix ont baissé. Et ils ont plus baissé en Europe qu'aux Etats-Unis et dans les pays émergents. La difficulté réside dans l'ajustement de la capacité de production selon le cycle.

Les syndicats tout comme la direction ont en quelque sorte raison, puisqu'au quatrième trimestre, la demande d'acier - et notamment l'acier plat qui est produit à Florange - en Europe a diminué. Mais cette demande doit remonter dans les prochains mois.

La crise en Europe est-elle la seule explication ?

Gilles Le Blanc : Les utilisateurs de l'acier plat sont les secteurs de l'emballage et de l'automobile. Et ce dernier ne va pas au mieux en France.

Concernant l'emballage, comme la production de cannettes, le volume et l'activité ne bougent pas trop, mais les prix ne sont pas très favorables. Et ArcelorMittal a trois sites de production en Europe dans ce domaine et les met en concurrence.

Il y a aussi une spécificité européenne. Alors qu'ArcelorMittal gagne de l'argent au niveau mondial, il perd de l'argent en Europe. C'est dû à la crise dans son ensemble et aux difficultés du marché de l'automobile. Les constructeurs automobiles français produisent de moins en moins en France. Auparavant, les sites de sidérurgie en Lorraine fournissaient les usines du Nord, de l'Est et de la région parisienne. Aujourd'hui le groupe fait un comparatif de chaque site et il veut privilégier les sites "sur l'eau", comme Dunkerque ou Fos-sur-Mer pour s'approvisionner en matière première. Les ajustements sur la capacité de production se font sur les sites à l'intérieur des terres. Mais à terme, personne n'est dupe, tout le monde sait que les productions européennes vont fermer. Pour l'instant il n'y a que Liège qui doit fermer, mais il est certain que d'autres vont fermer.

Dans cette compétition, ce qui domine, ce sont les coûts globaux des sites et le transport. Cela ne peut être compensé que si le site est à proximité des marchés finaux, ce qui était le cas avant dans l'Est. Ou si le site dispose d'une sécurité technologique. Comme à Hayange, tout à coté de Florange, où Tata Steel produit des rails pour train à grande vitesse, ce qui n'est développé que là-bas. Mais ce n'est pas le cas à Florange.

Est-ce que, finalement, on peut prédire la fin de la sidérurgie en France ?

Gilles Le Blanc : Non, il y aura toujours de la sidérurgie en France. Mais la question est : pour quel produit ? Les usines d'acier plat ont un gros volume de production, avec presque 5.000 personnes à Florange quand l'usine tournait à fond. Mais compte tenu des perspectives de croissance et de sa localisation géographique, leur survie à terme est très menacée. A coté de l'automobile, la sidérurgie au sens large comprend la production d'acier inoxydable, comme ce que fait Aperam, des tubes sans soudure de Vallourec, des aciers spéciaux à destination d'établissements de santé ou de l'aéronautique que produit AscoMetal. Ce sont des entreprises qui marchent bien, qui exportent même parfois. Elles sont rentables et augmentent leurs effectifs. Mais ce sont des usines qui ont des volumes bien moins importants que celles qui produisent pour l'automobile et emploient moins de monde. A Hayange, il y a 400 à 500 salariés.

En France, les sites de Fos et Dunkerque devraient rester. Mais le poids économique et symbolique de la fermeture de ces deux haut-fourneaux en Lorraine est important, parce qu'il s'agit des derniers haut-fourneaux en Lorraine. Il y a 40 ans, il y en avait 50 à 60. C'est un processus qui a commencé il y a 30 ans. Mais aujourd'hui il reste entre 25.000 et 40.000 emplois dans ce secteur en France. La question de la fin de la sidérurgie, je l'ai déjà entendue il y a 20 ans !

Par Jessica Dubois