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Les 4 Temps du Management

Le Temps de la Strategie

3.34 Nouveau Monde, nouvelles opportunités pour l'économie française

La mondialisation de l'économie qui est apparue comme une calamité dans les années 2000 offre aujourd'hui des opportunités de développement économiques insoupconnées. Grâce à elle, plus de 2 à 3 milliars d'individus ont vu leur niveau de vie s'améliorer et leur pouvoir d'achat, pour certains d'entre eux, nettement progressé. Si nous parvenons à nous extraire de nos modèles passés et à adopter de nouveaux modes de penser, de belles perspectives sont devant nous. Le temps n'est plus à la désespérance mais au redéveloppement stratégique sur des bases nouvelles. Ce sont ces perspectives prometteuses que nous nous efforçons dans cet article d'explorer.


1. Les trentes glorieuses sont peut-être devant nous ?

3.34 Nouveau Monde, nouvelles opportunités pour l'économie française
- L’économie française à l’épreuve de la mondialisation

L'économie française connait aujourd'hui un affaiblissement continu de sa croissance (-0,1% en 2008 ; -3,1% en 2009 ; 1,7 en 2010 ; 0,1% en 2012) et une aggravation significative du chômage (10,6% au premier trimestre 2013). En perdant près de 50% de ses salariés entre 1971 et 2010, le secteur industriel est le plus touché. Par ailleurs, depuis 2002, le solde du commerce extérieur ne cesse de se dégrader pour atteindre fin 2012, 62 milliards d'euros. La France voit ses parts de marché se réduire pour passer en valeur de 5,1% des échanges dans le monde à 3,4%. Cette tendance se confirme également au niveau européen puisqu'elle passe de 8,5 % des échanges en valeur à 6,1 (Rapport Carrez - 3805 - Assemblée Nationale 2011). Selon le très sérieux classement de l'IMD, la France est passée de la 23° place en 2003 à la 29° place en 2012 (sur 329 critères).

- L’économie française a un problème de positionnement

Les causes de cette situation commencent aujourd'hui à être enfin bien identifiées. Selon Patrick Arthus et Marie Paule Virard (2012), l'économie française est positionnée sur un niveau de gamme moyen avec des prix relativement élevés. (L'exemple du secteur automobile est hélas de ce point de vue particulièrement éloquent). Ce positionnement ambigu l'amène à rencontrer de plein fouet la concurrence des pays à bas coût de main d'œuvre.

40 ans d'années d'échec de nos politiques économiques sur Vidéo Xerfi avec Patrick Artus

- Des choix stratégiques discutables

Les choix stratégiques qui ont été privilégiés jusqu'à présent pour préserver la compétitivité de la France apparaissent aujourd'hui comme plus que discutables. Certains dirigeants se sont acharnés à développer la productivité à outrance pour survivre dans la guerre des prix tandis que les gouvernements successifs ont choisi de relancer l'économie par des politiques keynésiennes financées par l'accroissement des dépenses de l'état et la relance de la consommation intérieure.Ces choix, à la fois micro-économiques et macro-économiques se traduisent fin 2012 par un déficit public cumulé de 1974 à 2012 de 1789, 4 milliard d'euros. Il était de 2 Milliards 686 000 en 1975 et de 82,7 milliards pour la seule année 2012.
La préférence française pour la compétitivité prix et la relance par la demande, si elle a permis de résister aux conséquences des différents chocs pétroliers (1973 - 1979 - 2008) et à celles de la crise des subprimes (2008 - 2009), n'a absolument pas contribuer à relancer la croissance. Or, la France a absolument besoin de celle-ci pour réduire le chômage et reprendre (ou tout au moins conserver) sa place dans l'ordre économique mondial.

- 4 leviers possibles pour le redéveloppement stratégique

Selon BFM, c'est en 10 ans, plus de 60 rapports qui ont été publiés sur la compétitivité des entreprises françaises. Des points vue très hétérogènes, voire souvent contradictoires ont été exprimés. On peut dégager, cependant, de ces travaux 4 pistes principales de redéveloppement :
- Christian Blanc (2002) montre clairement que dans une économie essoufflée par la guerre des prix, l'innovation à forte valeur ajoutée devient le facteur clé de succès sur lequel les managers doivent désormais se concentrer. Il faut donc s'orienter vers la compétitivité hors prix. Cela passe par la mobilisation de l'intelligence collective. Il propose de créer des clusters pour favoriser un rapprochement des entreprises entre elles et avec les laboratoires de recherche et ou les établissements d'enseignements. En 2011, les pôles de compétitivité ont labellisé plus de 2500 projets mais tous les analystes s’accordent pour considérer que les PME et encore plus les TPE sont sous représentées. Cependant, sur le plan de la recherche développement, des progrès significatifs peuvent être fait, car la France, malgré un taux d’épargne plus élevé que ses voisins européens n’a investi en 2011 que 2,25 % du PIB en deçà de l’objectif fixé par l’union européenne à 3% et surtout moins que l’Allemagne qui investit 2,82% la même année ou que la Suède qui y consacre 3, 37% de son PIB.
- Le Rapport Carrez (2011) met l'accent sur la faiblesse de notre commerce extérieur. Seules 5% de nos entreprises exportent des produits français. Il y a donc là un formidable levier de croissance, d'autant plus important à actionner que les nouveaux pays en développement (BRIC) connaissent aujourd'hui une évolution significative de leur pouvoir d'achat avec l'augmentation de leur PIB.
- Un récent rapport de la Fevad sur le e-commerce réalisé par Catherine Barba (2011) semble très prometteur pour les années à venir avec le développement des technologies mobiles et des réseaux sociaux. Un chiffre peut confirmer cet enthousiasme : en 2012, Le e-commerce en Europe a atteint 305 milliards contre 254 milliards en 2011. Cette forte dynamique de croissance devrait se prolonger au moins jusqu’en 2020.
- Le rapport de l’équipe de Christian de Pertuis démontre qu’entre 2020 et 2050 l’économie verte devrait générer de nombreuses innovations technologiques et par conséquent de nouveaux emplois

- La nécessité de sortir du paradigme de la compétitivité prix

Pendant les 30 glorieuses, il suffisait d’anticiper les besoins potentiels des consommateurs pour lancer une production de masse. La rentabilité reposait sur l’effet de volume. Cette conception s’inspirait des théories économiques dites de l’école classique (Smith, Ricardo, Marx), qui considéraient que la valeur d’échange d’un produit dépendait directement de la quantité de travail qu’il fallait fournir pour le fabriquer.
Dans une économie ouverte, ce modèle rencontre aujourd’hui, des concurrents redoutables capables de conjuguer les techniques de pointe les plus avancées avec un faible coût du travail. Il devient donc de plus en plus difficile, voire impossible, de se battre sur les prix. De nombreuses entreprises ont payé très cher, l’attachement à ce modèle, entraînant d’importantes destructions d’emplois.

- La nécessité de revisiter notre conception de la valeur

Pour survivre et se développer,Kim et Mauborgne (2005) nous conseillent de sortir au plus vite de ce qu'ils appellent " l’océan rouge " de la concurrence. Dans leur ouvrage traduit en 41 langues, ces 2 auteurs américains, invitent les entrepreneurs à orienter leurs stratégies vers plus de différenciation. Ils leurs proposent diverses méthodologies visant à créer de nouvelles offres ayant de la " Valeur pour le Client ". Pour être plus précis, c’est dans la pertinence du rapport entre l’utilité du produit ou du service avec son prix que réside désormais le succès d’une offre que le prix lui-même. Une entreprise comme Nespresso, filiale du groupe Nestlé a magnifiquement su combiner ces facteurs.
La mutation vers le modèle de la compétitivité hors prix repose sur une autre conception de la valeur. Cette conception dite subjective a été déjà été théorisée par des économistes hétérodoxes comme Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781), Jean-Baptiste Say (1767-1832) ou Léon Walras (1834-1910). Elle propose de considérer la valeur non pas comme un ensemble de coûts qu’il s’agit d’additionner pour calculer un prix mais comme le résultat de 5 facteurs : le besoin, l’utilité, la rareté, du désir et certaines circonstances.
Dans cette nouvelle configuration, les acteurs économiques doivent envisager différemment l'action entrepreneuriale. Les épreuves subies par les entreprises " euthanasiées " par la compétitivité prix comme les survivants, nous montrent qu'il est temps d'adopter d'autres façons de concevoir le développement. Nous sommes, à l'évidence dans une métamorphose des paradigmes et des principes qui ont jusqu'à présent inspirés les stratégies de développement.

- La vocation des établissements d’enseignement supérieurs en sciences de gestion

Les sciences de gestion se définissent comme des sciences de l''action. Les établissements d'enseignement supérieurs ont pour vocation d'en assurer une la diffusion pour former des managers efficaces. ils ont un rôle essentiel à jouer dans l'anticipation des nouveaux modèles à promouvoir. C'est en tout cas l'engagement qu'à choisi d'affirmer le groupe France Business School à travers 6 constats déterminants pour le redéveloppement stratégique des entreprises françaises :
1°) L'affaiblissement progressif mais inexorable des indicateurs quantitatifs de l'économie comme la subjectivité des salariés caractérisée par la montée de la souffrance au travail sont des " signes signifiants " l'urgence de changer de modèle de développement.
2°) Dans une économie devenue " schumpétérienne ", il apparaît nécessaire de restaurer la figure de l'entrepreneur. C'est lui qui par son initiative et ses capacités heuristiques peut redonner un élan à une économie qui s'est appuyée pour résister sur des managers gestionnaires. Si ceux-ci ont eu leur utilité dans le modèle de la compétitivité prix et quand les entreprises voyaient leurs marges régresser, leur rôle semble moins prioritaire dans une économie de l'innovation qui repose, avant tout, sur la capacité de créativité des acteurs.
3°) Loin de constituer une malédiction définitive, la mondialisation offre de formidables opportunités de développement aux entreprises françaises. Il existe de nombreux besoins à couvrir dans les pays en développement où émerge peu à peu une classe moyenne avec un pouvoir d'achat grandissant. De réelles opportunités d'affaires peuvent donc être envisagées à ce niveau.
4°) En 100 ans, les sciences ont révolutionné la vie des individus et des nations ; A chaque fois, elles ont provoqué des points d'inflexions stratégiques majeurs qui ont permis la création de nouveaux marchés. Parmi celles-ci la révolution Internet est en train de modifier en profondeur les règles du jeu. Une petite entreprise, où qu'elle soit située peut vendre à l'ensemble de la planète ses produits.
5°) La sensibilité des consommateurs aux impacts écologiques des productions et des consommations constituent également un facteur sérieux à prendre en compte dans la conception des nouveaux produits et services.
6°) Enfin, ces changements ne peuvent vraiment être intégrés sans mobiliser de nouvelles ressources cognitives et concevoir de nouvelles façons d'exercer l’autorité.

Ces constats constituent clairement autant de métamorphoses auxquelles les entreprises et leurs dirigeants doivent se préparer.

2. Pourquoi choisir de se concentrer sur les PME, voire les TPE

- La passion téléologique des entrepreneurs

Les PME comme les TPE sont généralement peu présentes dans les clusters de compétitivité. Ce sont pourtant elles qui présentent le potentiel entrepreneurial le plus élevé. Souvent sous capitalisées, leur véritable atout repose sur " la passion téléologique " du dirigeant. C’est en tout cas le point de vue de Jean-René Fourtou et Jean-Christian Fauvet qui distinguent " l’entrepreneur " de l’agent, au sens sartrien du terme, dans la mesure où il refuse de subir l’histoire mais au contraire tente de la créer.

L’acte d’entreprendre exalte le sentiment d’exister et l’emporte sur la jouissance de l’instant présent. L’entrepreneur est constamment dans une projection vers le futur. Entreprendre est toujours un effort vers une fin jamais atteinte mais qui place l’individu en mouvement. Toute entreprise est un défi au présent. L’entrepreneur mettra toute son énergie dans l’action pour que son rêve devienne réalité et ne soit pas illusion. Pour un entrepreneur " la passion du projet l’emportera toujours sur la raison du budget " (- Alter, 2000, ? -)

La dynamique entrepreneuriale reste largement une terra incognita et la logique " compétence ") si adaptée pour définir le manager gestionnaire semble peu opérante pour caractériser la capacité à entreprendre. L’alchimie du capital et du travail ne peut se faire sans la médiation pneumatologique de l’entrepreneur. C’est son désir persévérant qui rend possible cette impossible association, car pour que le rêve devienne réalité, il faut en effet insister, persister. Il faut du temps pour que l’esprit s’incarne dans le réel. L’entrepreneur est toujours à l’origine de quelque chose. Par son initiative, " il déplie l’être, le sort de ses plis ; ou mieux c’est l’être qui se déplie à travers lui " (Leibniz,1691). Entreprendre est une aventure existentielle dans laquelle l’individu risque son capital, son identité et l’estime de lui-même. C’est une expérience extrême (Lièvre, 2004), qui engage la profondeur de sa conscience. On ne peut y entrer sans un désir ardent.

- Keynes ou Schumpeter, il faut choisir !

Les théories économiques se sont peu intéressées à ce facteur. Elles se présentent généralement de façon abstraite et désincarnée. La théorie classique est de ce point de vue particulièrement négligeante : Elle met exclusivement l’accent sur l’équilibre entre l’offre et la demande, sans jamais évoquer l’acteur. Pourtant l’économie est avant tout l’expression de la passion. C’est le grand mérite d’un économiste qualifié d’hétérodoxe comme Schumpeter d’avoir remis en exergue le rôle central de l’entrepreneur dans la création de richesse. " L’entrepreneur est un homme dont les horizons économiques sont vastes et dont l’énergie est suffisante pour bousculer la propension à la routine et réaliser des innovations ". Schumpeter (1911 in Théorie de l'évolution économique). Pierre André Julien et Pierre Marchenay (1997) résument parfaitement cette fonction sociétale : " L’esprit d’entreprise peut être défini comme l’aptitude d’un individu, d’un groupe social, d’une communauté à prendre des risques pour engager des capitaux (pour investir, voire s’investir) dans une sorte d’aventure (" une entreprise "), consistant à apporter quelque chose de neuf (l’innovation), de créatif, ceci en employant et en combinant de la façon la plus performante possible des ressources diverses ".

- Le réveil des projets économiques dormants

C’est sur cette hypothèse que nous avons déjà travaillé dans les années 1995-1997 en mettant en place un projet innovant en matière de création d’emplois. Ce projet financé à l’époque par la DRTEFP d’Auvergne consistait à faire " émerger " sur un territoire un certain nombre de projets économiques dormants. L’action recherche a commencé par un sondage sur plus de 2200 entrepreneurs du territoire. 120 entrepreneurs de PME ont répondu positivement à cette offre en acceptant d’être visités par une équipe de consultants. 30 projets innovants ont été modélisés dans les règles de l’art et une vingtaine ont été mis en œuvre par des cadres au chômage (de longue durée) qui ont accepté de passer en dépense active, avec l’appui des pouvoirs publics, en s’investissant dans le projet. En cas de réussite du projet, les entrepreneurs s’engageaient à embaucher le cadre qui s’était consacré à son développement. Cette démarche a permis la création de 20 emplois de cadres à partir d’une logique de création d’activités nouvelles. C’est d’une certaine façon certains aspects de ce projet qui sont repris dans cette proposition en insistant plus particulièrement sur deux éléments à l’époque moins évident : la compétitivité hors prix et le choix des managers de projet (Casalegno, 2011).

- Le plus fort potentiel de création d’emplois se trouvent dans les PME et TPE

Il est intéressant d’observer que cette expérimentation a porté pour la totalité sur des entreprises de 20 à 49 salariés. La sélection par la taille s’est opérée de manière spontanée, sans qu’elle soit préméditée. Cela semble confirmer les travaux de Frédéric Bougrain (2004 :147-164) qui a constaté que sur 313 projets déposés à l’ANVAR, c’étaient les entreprises de 20 à 49 salariés qui proposaient le plus de projets. On peut poser l’hypothèse que c’est certainement sur ce segment que le potentiel entrepreneurial est le plus élevé et donc les sources de création d’emplois les plus importantes.
Par contre, le taux de succès des projets est moins élevé que celui des entreprises de 50 à 99 salariés ou celles qui sont intégrées dans un groupe régional. Ce qui prouve qu’elles ont une force entrepreneuriale plus grande mais qu’elles ont besoin d’appuis conseil pour réussir à conclure positivement leur démarche.

- Sur la durée, ce sont les Pme et Tpe qui sont le plus créatrices d’emplois

Sur le plan de l’emploi, il est utile de rappeler que les PME, au sens de l’Insee (entre 1 et 499) représentent 99,9% des entreprises contre seulement 1% pour celles de 500 salariés et plus. Elles représentent en termes d’emplois 70,3% de l’effectif salarial avec une augmentation significative depuis 1976 du nombre de création d’emplois pour les micro-entreprises de 1 à 9 salariés et les PE de 10 à 49 salariés. (Divry, Trouvé, 2004). Les taux d’emplois sont en effet passés entre 1976 et 2000 de 18,4% à 24,6% pour les PME de 1-9 salariés, de 24,6% à 28,2 % alors qu’il a régressé sur cette période pour les entreprises de 200 à 499 en passant de 14,1 à 12, 7% et pour les entreprises de 500 salariés et plus, il est passé de 20,7 à 11,6%. Il a peu progressé dans les entreprises de 50 à 199 salariés avec un taux de 22,2 à 22,8%. Sur la durée, ce sont bien les PME et les TPE qui ont été les plus créatrices d’emplois. (Traitement des sources Unedic - 2001). C’est donc bien sur elles qu’il serait utile de concentrer les efforts.

3 Clarifier ce qu’est l’innovation

Le fil conducteur privilégié dans ce programme est l’innovation. Cependant, il est important de préciser ce terme car dans l’expérience " Emergence " (comme dans celle d’Ardan à laquelle nous avons également participé), ce terme à fait l’objet d’une certaine confusion.

- Effort de définition

On distingue traditionnellement " l’innovation incrémentale " de " l’innovation de rupture ". L’innovation incrémentale se traduit par des modifications progressives et continues dans les activités tandis que l’innovation de rupture repose un changement plus radical dit de " niveau 2 ". Une démarche qualité, par exemple, relève d’une orientation incrémentale. Il en est de même d’une nouvelle approche très appréciée actuellement dans de nombreuses entreprises : " Le Lean Management ". D’inspiration japonaise (Kaizen), celle-ci consiste à définir chaque jour de petits progrès qui donnent lieu à une évaluation quotidienne.
Ce type d’innovations introduit certes du " neuf dans un contexte " établi " (Bienaymé, 1994) mais ne change en rien les fondements du système. Il s’agit davantage d’une orientation productiviste qui génère à ce titre peu d’emplois, voire parfois le contraire.
L’innovation de rupture se caractérise, au contraire, par l’introduction d’un changement radical soit au niveau des activités (produits ou services), soit au niveau des marchés (Export), soit au niveau des modes de distribution (E-commerce), ou encore mieux les 3 à la fois. Elle est indissociable d’une recherche de plus grande valeur ajoutée. Elle s’inscrit en ce sens dans le modèle de la compétitivité hors prix.

Ce modèle est porteur en lui-même d’une rupture avec celui qui a été jusqu’à présent privilégié, pire encouragé par les institutions.

- Sortir du prêt à penser académique

Dans cette nouvelle perspective, Il ne s’agit plus d’accroître les parts de marché de l’entreprise mais d’inventer de nouvelles sources de création de valeur. Cette orientation privilégie avant tout les capacités d’exploration plutôt que celles d’exécution, jusqu’à présent valorisées. Cela passe par une plus grande compréhension, voire intuition des besoins potentiels des clients non encore pourvus par les offres existantes. C’est une approche qui sort du prêt à penser académique, souvent dogmatique pour mobiliser l’inventivité.
L’approche classique est très largement inspirée d’une conception concurrentielle et quantophrénique de la stratégie. Elle propose de se comparer en permanence aux concurrents (Benchmarking) pour tenter de lui prendre des parts soit en le dominant par les coûts soit par la différenciation. Dans les deux cas, les compétiteurs sont enfermés dans le même paradigme. Peu à peu les marchés se saturent, l’offre dépasse la demande entrainant une intensification de la lutte concurrentielle qui conduira à l’effondrement des plus faibles.

- Concevoir une stratégie " océan bleu "

Kim et Mauborgne proposent de s'affranchir de cette conception darwinienne " d’océan rouge ". en créant des " océans bleus ". Il faut pour cela, disent-ils, effectuer " des sauts de valeur " en suscitant une demande entièrement nouvelle. De nombreuses entreprises ont déjà ouvert la voie. Parmi les plus grandes et les plus célèbres, on peut citer Apple, Body Shop, EBay, Swatch, Nespresso ; parmi les PME, on peut mettre en valeur celles qui ont su résister au tsunami de la mondialisation comme Thuasne dans le textile ou, Parrot dans l’électronique.
La création de saut de valeur consiste à proposer aux marchés des singularités qui permettent à la fois de capter l’attention des clients actuels et surtout de réveiller celles des consommateurs potentiels. Cela suppose que les acteurs aient la capacité d’entrer en divergence avec les règles du jeu dominantes. Cette conception stratégique fondée sur la singularité est particulièrement adaptée aux petites organisations (Marchesnay,2004) qui n’ont généralement pas les ressources financières suffisantes pour se positionner sur les marchés de masse mais dispose de " spécificités qu’on ne trouve souvent nulle part ailleurs " pour occuper des niches.

- " Small is beautifull "

Dans une grande entreprise, c’est généralement au service de R & D, qu’on confie la mission de créer de nouvelles sources de création de valeur. Dans une PME, voire une TPE, les processus d’innovation sont plus imprévisibles. Même si, c’est souvent le dirigeant qui les énoncent, elles sont la plupart du temps des " intuitions créatrices " qui émergent de l’effervescence des interactions sociales collectives.

L’ambition du programme Mutatis est précisément de réveiller ces intuitions créatrices, de les analyser, de les hiérarchiser pour les transformer si besoin en projets concrets créateurs de richesse et d’emplois.

4 Contre le chômage, on a tout essayé…, sauf ce qui marche !

Pour lutter contre le chômage, de nombreuses politiques ont été mises en œuvre sans toutefois donner des résultats durablement satisfaisants.

- Rapide histoire du chômage :

Entre 1945 et 1975, le taux de chômage est faible (2% en moyenne) tandis que le taux de croissance économique se situe entre 5 et 7%. Le premier choc pétrolier (1973) et surtout le second (1979), associés à une montée de la concurrence vont remettre en question cette situation confortable dite de " plein emploi ". C’est, en effet, à partir de cette période, que le nombre de chômeurs va passer de 100 000 en 1973 à 3,224 millions en mars 2013. Depuis 1984, le taux de chômage n’aura jamais été inférieur à 8%. La moyenne des 3 dernières années (2010-2012) aura été de 9,7%.
Ces chiffres ne reflètent que partiellement l’ampleur du problème puisqu’il n’intègre pas les personnes en formation, ni les personnes en temps partiel subi. En réalité, si on prend en compte les catégories A, B, C on arrive à un total cumulé de 4,7millions de salariés en " mal emploi " (sur une population active de 26 millions de salariés).

- Quelques caractéristiques du chômage de masse

Le chômage des plus jeunes (15-24 ans) comme celui des séniors connait également une progression sensible : + 9,8% pour les premiers et +15,1 % pour les plus de 50 ans fin 2012.
Pour 53 % des chômeurs, la durée du chômage dépasse 1 an et 18,6% elle est de plus de 2 ans. 31% de cette catégorie ont plus de 50 ans.
Les cadres connaissent une situation moins problématique. Ils représentent 17,4% de la population active et leur taux de chômage n’est que de 4%. Il était cependant de 3,8 en 2011.
Les perspectives pour l’année 2013 recensés par l’enquête " Besoins en Main d’œuvre " réalisé par Pôle Emploi confirme cette mélancolie puisqu’on constate une légère baisse des intentions d’embauche, plus forte évidemment dans les secteurs et régions industriels. Les cadres ne seront pas épargnés puisqu’on constate un recul des intentions les concernant par rapport à 2012.

De façon générale, il faut bien conclure que la plupart des indicateurs de l’emploi sont dans le rouge.

- Tour d’horizon des politiques de l’emploi mis en œuvre à ce jour

L’historique des différentes mesures qui ont été mises en place pour favoriser la création d’emplois ou sa défense depuis 1993 est très révélateur de la conception du modèle de compétitivité qui a inspiré les différents gouvernements qu’ils soient de droite comme de gauche.
Toutes les mesures proposées reposent principalement sur l’allégement des cotisations sociales, c’est-à-dire sur la réduction du coût du travail considéré comme la principale cause de la perte de compétitivité des entreprises françaises.
- En 1993, c’est la loi Balladur qui entraîne une réduction totale des cotisations d’allocation familiale, ce qui représente un allégement de 5,4% du coût du travail
- En 1996, c’est la Loi Juppé qui prend le relais en ramenant les charges sociales des salaires inférieurs à 1,33 du smic à 28% au lieu de 38%.
- En 1998, puis 2000 ce sont les Loi Aubry 1 et 2 qui accordent aux entreprises acceptant de diminuer leur temps de travail une baisse des cotisations supplémentaires de 29%
- Enfin en 2003, c’est la Loi Fillon qui vise à unifier les mesures très hétérogènes favorisées par la mise en place des 35h permettant une baisse des cotisations de 26% pour les salaires ne dépassant pas 1,6 fois le SMIG. Une majoration de cet allégement est également attribuée en fonction de la taille de l’entreprise. Les 4 premières heures supplémentaires par semaine ne seront également pas soumis à cotisation ni à l’imposition.

Pour résumer cette analyse entre 1993 et 2003 le cout du travail a été baissé de 19,4%.

Cette observation amène plusieurs remarques :
- Dans certains secteurs particulièrement exposés, ces allégements n’ont pas, pour autant, permis d’éviter la destruction de nombreux emplois. L’exemple du textile est à ce sujet particulièrement révélateur puisque la filière comprenait en 1990 encore 589000 salariés pour se retrouver en 2013 à 60 000. Ces allégements ont visiblement eu un rôle plus défensif qu’offensif.
- Ils ont encouragés implicitement les entrepreneurs à persister dans la compétitivité prix alors qu’il aurait été plus pertinent, à cette époque, d’aller vers le hors prix. Il en était encore temps…
- L’allègement des cotisations sociales n’est pas sans conséquences sur la rémunération différée que représente la protection sociale. En privilégiant cette source, on puise en réalité sur la valeur crée par le travail pour le salarié. Dans ce modèle, ce sont en réalité les salariés qui financent partiellement le modèle de [la compétitivité prix.
- Par ailleurs avec l’allongement de la durée de la vie et l’augmentation inéluctable des dépenses de santé et de retraite, les besoins en financement de la protection sociale ne peuvent que s’accroître. Continuer à réduire les cotisations sociales liées au travail semble donc paradoxal. Des propositions ont été faites pour trouver d’autres modes de financement comme l’augmentation de la CSG ou encore la TVA dite sociale mais les marges de manœuvre sont aussi à ce niveau limitées car elles engendreraient une diminution du pouvoir d’achat et ou une augmentation des prix.
- Plutôt que de réduire le coût du travail, la question qui se pose vraiment c’est bien de donner plus de valeur au travail en offrant des produits et de services de valeur. Les pays d’Europe du Nord ont d’ailleurs ouvert la voie car leur modèle économique est précisément orienté dans cette direction depuis longtemps.
- Le tout récent " Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi " semble infléchir cette orientation exclusivement concentrée sur le modèle de la compétitivité prix. Il incite les entreprises à développer l’innovation par le biais d’un " Crédit Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi " (CICE) qui offre un crédit d’impôts équivalent à 4% de la masse salariale en 2013 et 6% en 2014 pour tous les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic Euros. Il crée également une Banque Public d’Investissement dont la vocation sera de soutenir les projets de développement proposés par les entreprises.

Ces deux mesures phares parmi les 35 envisagées rejoignent l’analyse qui inspire le projet Mutatis. Celui-ci peut compléter heureusement ces dispositifs, notamment pour les PME qui auront moins de ressources internes pour développer leurs projets.

5 Pour développer des projets innovants, il faut aussi du temps et des compétences disponibles

- Les PME sous souvent confrontées à une très forte pression du quotidien

Si les PME sont des espaces de créativité, elles sont souvent sous la pression du quotidien. Une enquête longitudinale sur10 ans que nous avons réalisée avec l’Institut de l’Expansion entre 1996 et 2010 a montré que le rapport aux temps n’est pas sans lien avec la façon dont les entreprises fabriquaient leur valeur ajoutée. Les dirigeants qui étaient inscrits dans la compétitivité prix se caractérisaient par une pression perçue très forte laissant peu de disponibilité pour penser le futur. A contrario, les dirigeants d' entreprises dont la valeur ajoutée était forte disposaient d’une plus grande disponibilité pour se consacrer à l’anticipation. Les premiers se déclaraient enfermés dans une logique de réactivité alors que les seconds se situaient davantage dans une logique de pro-action.
Sur les 6000 entreprises interrogées, 85% d’entre elles se considéraient être dans le court terme. Cette situation organisationnelle n’est pas sans lien avec la difficulté à développer des projets relevant du moyen long terme. La plupart du temps, les dirigeants interrogés avouaient avoir de réelles difficultés à libérer du temps pour se consacrer aux projets futurs ou à trouver des collaborateurs disponibles pour cela. Seules les entreprises ayant une valeur ajoutée plus forte que celles de leurs concurrents déclaraient pouvoir consacrer du temps à l’anticipation et avoir les ressources pour le faire.

- La nécessité de trouver des ressources disponibles en temps et en compétences

En matière de temps, Robert Castel) distingue " les individus par excès " et " les individus par défaut ". Cette métaphore est intéressante pour caractériser les acteurs sur occupés (au point parfois de risquer le " burn out ") et ceux qui en déficit d’activités. La démarche Mutatis repose sur la conciliation des temps entre ceux qui en possèdent et ceux qui en manquent, entre ceux qui sont dans l’hyperactivité et ceux qui sont en attente ou en inhibition d’action.
Si les entreprises manquent de temps, elles n’ont, par ailleurs, pas toujours les compétences) disponibles pour développer des projets innovants. C’est pourquoi, il est nécessaire de chercher ailleurs ces ressources. Les étudiants des grandes écoles comme les cadres au chômage disposent de temps et de compétences adaptés à ce type d’enjeux.

En résumé : 4 leviers pour redévelopper la compétivitivité des entreprises françaises

Le maintien et plus encore le redéveloppement de la compétitivité des entreprises françaises reposent sur au moins 4 facteurs bien identifiés :
- La compétitivité hors prix qui consiste à créer plus de valeur pour le client, le rendant ainsi moins sensible au prix
- L'exportation : seulement 5% de nos entreprises exportent. Il existe donc un formidable levier de redéveloppement en exportant le " made in france " dans les pays en développement dont le pouvoir d'achat est en croissance permanente favorisant l'émergence d'une classe moyenne
- L'orientation sur le E-commerce dont la croissance moyenne ces 3 dernières années a été de 84%
- L'intégration dans la conception des produits et des services de la dimension " développement durable "


 

Bibliographie


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Commentaires articles
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27.Posté par BJELCEVIC DIMITRI le 13/03/2020 22:50 | Alerter
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A travers cet article, force est de constater que malgré 40 années d'inertie politique marquées par une compétitivité accrue, de l'individualisme, de l'immédiateté et une féroce compétition-prix, un avenir économique nouveau se profile et redonne de l'espoir.
En effet il est temps de réfléchir et ...

26.Posté par GREGORY LASNE le 20/02/2020 22:00 | Alerter
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Et si on reprenait l'histoire au début? Cette histoire collective qui débute lorsqu'on a trois ans. Ce lundi de septembre où nous avons posé notre premier pied dans une salle de classe de petite section de maternelle. 15 ans d'éducation, de formatage intellectuel. 15 ans à subir l'injonction. 15 ...

25.Posté par VAILLS Raphaël le 17/02/2020 22:44 | Alerter
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Cet article pointe parfaitement les différents enjeux que devra relever l’économie Française pour faire face à la mondialisation et aux différentes mutations qui s’opèrent dans notre société. Il nous encourage à réfléchir sur les opportunités de développement économiques, sur l’enjeu de l’innovat...

24.Posté par Stéphanie GUILLAUME le 14/02/2020 13:57 | Alerter
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Cet article pose un constat critique du système économique français actuel qui s’essouffle (système qui a pourtant fait ses preuves pendant quelques années). Les besoins actuels de la société sont largement satisfaits avec une offre supérieure à la demande ce qui pose un problème majeur de croiss...

23.Posté par yannick Charbonnel le 12/02/2020 21:50 | Alerter
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La lecture de cette article montre bien la fin d’un modèle ou seule la valeur « argent » des produits et du travail fourni a de l’importance, il faut absolument redéfinir les échelles de valeurs. Les produits ne peuvent plus être réduit à leur prix de vente mais plus à la satisfaction qu’il appor...

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