Les managers, eux-mêmes, reconnaîssent aisément qu'ils sont souvent peu équipés pour prendre en charge la dimension humaine de leur activité. Il n'y a qu'à examiner la part que prend les sciences humaines dans leur formation initiale ou continue, pour constater qu'elle est bien inférieure en durée et en coéfficient à celle des sciences dures comme la gestion et le marketing. Pourtant, chacun admet que l'humain est la ressource essentielle dans une entreprise.
Sur ce plan, donc, il faut bien observer que chacun se débrouille avec sa propre expérience. Mais cela relève d'un " bricolage " plus ou moins efficace selon son charisme personnel. Il existe, certes, dans les grandes entreprises notamment, des programmes de formation prestigieux mais ceux-ci relèvent d'une approche strictement comportementaliste. Ils prétendent donner des outils opératoires qu'il suffirait d'appliquer mécaniquement en fonction des situations pour obtenir un résultat, comme s'il s'agissait d'une simple technique. L'exemple des pratiques mises en oeuvre par Orange) illustre de façon caricaturale cette croyance presque magique en leur pouvoir. Les formateurs expliquaient aux managers comment susciter une séparation non souhaitée et comment gérer en une séance le deuil engendré par celle-ci. A chaque étape du processus, les managers étaient censés adopter telle ou telle attitude.
Ces approches comportementalistes, pourtant si séduisantes, apparaissent de plus en plus, à la lumière de nombreux travaux de recherche comme de simples outils de manipulation relevant d'une certaine perversité. Il semble qu'elles aient fait leur temps et que d'autres sources d'inspiration soient, comme ailleurs, nécessaires. Jean-Pierre Legoff) ne les épargne pas en les traitant d'instruments relevant d'une " barbarie douce " ; Vincent de Gaulejac - développe de son coté une critique tout aussi radicale en montrant qu'elles contribuent à une aliénation bien supérieure que celle qu'imposait le taylorisme puisqu'il s'agit d'une captation de l'imaginaire des individus ; Anne Marie Dujarier complète cette analyse en montrant que c'est l'Idéal du Moi des individus, c'est-à-dire une des instances les plus intimes de leur psychisme qui est mis en péril dans cette histoire tandis que David Courpasson s'intéresse aux cadres qui se rebellent contre ce modèle qui tend à dominer la société du travail toute entière.
Nous partageons ces analyses perspicaces mais notre souci n'est pas d'en rester à la critique. Notre ambition est de fournir des alternatives, ou tout au moins de tenter des sorties épistémologiques. Ce qui fonde depuis le début les sciences de gestion ce n'est pas l'humain mais le profit. A partir de ce moment tout est faussé. Les sciences de gestion semblent en effet confrontées à un pathétique paradoxe anthropologique. Elles utilisent pour mobiliser les énergies humaines un paradigme relevant des sciences positivistes. Si celui est particulièrement adapté pour la construction et la réparation des machines, il est évidemment peu pertinent pour comprendre la complexité de la réalité humaine.
Nous sommes convaincus que les sciences humaines fondamentales peuvent considérablement ouvrir et enrichir le paradigme étroit et mécaniste des sciences de gestion. Elles n'offrent pas de certitudes tant les points de vue sont multiples et contradictoires. Elles ne relèvent pas d'une position dogmatique mais problématique. Et c'est précisément parce qu'elles ne sont pas des sciences exactes, qu'elles invitent à une interrogation permanente qui peut contribuer à éclairer peu à peu les consciences et à exacerber les intelligences.
Georges Trepo, professeur émérite à HEC Management a bien voulu apporter son soutien à cette démarche en présentant de façon accessible et très pédagogique les principes fondateurs d'une discipline encore considérée comme sulfureuse par " les mécaniciens de la gestion " : la psychanalyse. Le lecteur découvrira peut-être avec surprise que celle-ci offre de nouvelles perspectives dans la compréhension des phénomènes humains dans les organisations productives. Les concepts qu'elle propose peuvent permettre aux managers de faire face avec plus de distance à certaines situations humaines complexes qu'il rencontre dans sa pratique. 5 lecons complétées par une série de webconférences seront ainsi proposées à nos lecteurs.
Dans ce numéro, nous continuons également à nous interroger sur le concept de valeur qui inspire l'essentiel de nos stratégies. Ce concept a connu, à travers son histoire, des interprétations variées selon les idéologies gestionnaires dominantes du moment. C'est une question essentielle a explorer pour tous les décideurs, ne serait-ce que pour mieux identifier dans quel modèle, ils se situent pour bâtir l'avenir d'une entreprise ou d'une nation. Il y a aujourd'hui des conceptions " schizoïdes " qui ne peuvent conduire qu'au désastre et d'autres au succès. Cette exploration, qui relèvent souvent du tatonnement, nous apparait aujourd'hui comme une urgence.
Enfin dans Le Temps des Valeurs, nous nous interrogeons sur la nécessité de mobiliser de nouvelles ressources cognitives et ses implications sur le rôle des managers de proximité. Nous sommes dans une mutation sans précédent des règles du jeu de l'économie. Cette situation n'est pas sans conséquences sur la logique classique qui nous domine, sur ce que les philosophes appelent " l'Organon " de tous nos raisonnements, déterminant nos manières de penser, d'évaluer, de juger et de décider. Nous montrons dans cet article que non seulement, le nouvel environnement économique nous impose de penser différemment mais aussi de concevoir l'autorité sur un mode plus démocratique si nous voulons bénéficier du " don " des idées de nos collaborateurs. Déjà en 1984, Matsushita, nous avait prévenu que nous avions un gros travail à faire ....
Sur ce plan, donc, il faut bien observer que chacun se débrouille avec sa propre expérience. Mais cela relève d'un " bricolage " plus ou moins efficace selon son charisme personnel. Il existe, certes, dans les grandes entreprises notamment, des programmes de formation prestigieux mais ceux-ci relèvent d'une approche strictement comportementaliste. Ils prétendent donner des outils opératoires qu'il suffirait d'appliquer mécaniquement en fonction des situations pour obtenir un résultat, comme s'il s'agissait d'une simple technique. L'exemple des pratiques mises en oeuvre par Orange) illustre de façon caricaturale cette croyance presque magique en leur pouvoir. Les formateurs expliquaient aux managers comment susciter une séparation non souhaitée et comment gérer en une séance le deuil engendré par celle-ci. A chaque étape du processus, les managers étaient censés adopter telle ou telle attitude.
Ces approches comportementalistes, pourtant si séduisantes, apparaissent de plus en plus, à la lumière de nombreux travaux de recherche comme de simples outils de manipulation relevant d'une certaine perversité. Il semble qu'elles aient fait leur temps et que d'autres sources d'inspiration soient, comme ailleurs, nécessaires. Jean-Pierre Legoff) ne les épargne pas en les traitant d'instruments relevant d'une " barbarie douce " ; Vincent de Gaulejac - développe de son coté une critique tout aussi radicale en montrant qu'elles contribuent à une aliénation bien supérieure que celle qu'imposait le taylorisme puisqu'il s'agit d'une captation de l'imaginaire des individus ; Anne Marie Dujarier complète cette analyse en montrant que c'est l'Idéal du Moi des individus, c'est-à-dire une des instances les plus intimes de leur psychisme qui est mis en péril dans cette histoire tandis que David Courpasson s'intéresse aux cadres qui se rebellent contre ce modèle qui tend à dominer la société du travail toute entière.
Nous partageons ces analyses perspicaces mais notre souci n'est pas d'en rester à la critique. Notre ambition est de fournir des alternatives, ou tout au moins de tenter des sorties épistémologiques. Ce qui fonde depuis le début les sciences de gestion ce n'est pas l'humain mais le profit. A partir de ce moment tout est faussé. Les sciences de gestion semblent en effet confrontées à un pathétique paradoxe anthropologique. Elles utilisent pour mobiliser les énergies humaines un paradigme relevant des sciences positivistes. Si celui est particulièrement adapté pour la construction et la réparation des machines, il est évidemment peu pertinent pour comprendre la complexité de la réalité humaine.
Nous sommes convaincus que les sciences humaines fondamentales peuvent considérablement ouvrir et enrichir le paradigme étroit et mécaniste des sciences de gestion. Elles n'offrent pas de certitudes tant les points de vue sont multiples et contradictoires. Elles ne relèvent pas d'une position dogmatique mais problématique. Et c'est précisément parce qu'elles ne sont pas des sciences exactes, qu'elles invitent à une interrogation permanente qui peut contribuer à éclairer peu à peu les consciences et à exacerber les intelligences.
Georges Trepo, professeur émérite à HEC Management a bien voulu apporter son soutien à cette démarche en présentant de façon accessible et très pédagogique les principes fondateurs d'une discipline encore considérée comme sulfureuse par " les mécaniciens de la gestion " : la psychanalyse. Le lecteur découvrira peut-être avec surprise que celle-ci offre de nouvelles perspectives dans la compréhension des phénomènes humains dans les organisations productives. Les concepts qu'elle propose peuvent permettre aux managers de faire face avec plus de distance à certaines situations humaines complexes qu'il rencontre dans sa pratique. 5 lecons complétées par une série de webconférences seront ainsi proposées à nos lecteurs.
Dans ce numéro, nous continuons également à nous interroger sur le concept de valeur qui inspire l'essentiel de nos stratégies. Ce concept a connu, à travers son histoire, des interprétations variées selon les idéologies gestionnaires dominantes du moment. C'est une question essentielle a explorer pour tous les décideurs, ne serait-ce que pour mieux identifier dans quel modèle, ils se situent pour bâtir l'avenir d'une entreprise ou d'une nation. Il y a aujourd'hui des conceptions " schizoïdes " qui ne peuvent conduire qu'au désastre et d'autres au succès. Cette exploration, qui relèvent souvent du tatonnement, nous apparait aujourd'hui comme une urgence.
Enfin dans Le Temps des Valeurs, nous nous interrogeons sur la nécessité de mobiliser de nouvelles ressources cognitives et ses implications sur le rôle des managers de proximité. Nous sommes dans une mutation sans précédent des règles du jeu de l'économie. Cette situation n'est pas sans conséquences sur la logique classique qui nous domine, sur ce que les philosophes appelent " l'Organon " de tous nos raisonnements, déterminant nos manières de penser, d'évaluer, de juger et de décider. Nous montrons dans cet article que non seulement, le nouvel environnement économique nous impose de penser différemment mais aussi de concevoir l'autorité sur un mode plus démocratique si nous voulons bénéficier du " don " des idées de nos collaborateurs. Déjà en 1984, Matsushita, nous avait prévenu que nous avions un gros travail à faire ....