Introduction : « Toute pensée est la pensée de quelque chose » (B. Husserl)
Depuis la publication du livre d'Isaac Getz (Liberté & Cie Co- écrit avec Brian M. Carney), présentant diverses entreprises ayant mis en place un type de management alternatif, le concept d'entreprise libérée n'en finit pas d'alimenter la rumeur, suscitant de fortes espérances dans les milieux du management, qu'ils soient académiques ou empiriques.
Les exemples très convaincants présentés dans cet ouvrage, comme Harley Davidson, Morning Star Gore, aux USA, Semco au Brésil, Le Ministère Belge de la Sécurité Sociale en Belgique, Chronoflex, Poult, Sol, Favi, en France, etc..., pour ne citer que les plus connus, nous amèneraient à penser qu'une nouvelle forme radicalement différente de manager les collaborateurs serait en train d’émerger. Un mouvement s’est même constitué pour favoriser sa diffusion: le MOM. (Mouvement pour l’Organisation et le Management du XXIème siècle).
Comme leur nom l’indique les entreprises libérées tentent de remettre en question un certain nombre de principes qui surdéterminent la relation de travail. En quelques mots, il s’agit de remettre en question la manière traditionnelle qu’a eu le pouvoir de circuler dans l’entreprise en donnant plus d’autonomie aux acteurs et en leur faisant confiance sur leur capacité à prendre des responsabilités « augmentées » (Desjonqueres, 2014).
Le mouvement suscite des espérances fortes, mais cette exaltation n’est pas sans interroger les observateurs attentifs qui suivent à la trace depuis longtemps les modes managériales, qui se sont succédé au fil du temps. Les promoteurs de cette philosophie, en effet, citent rarement les théories ou les auteurs qui les ont inspirés comme si, ce mouvement était né de lui – même, s’était d’une certaine façon auto-engendré.
Pourtant les signifiés de l’histoire ont une épistémologie. Ils n’apparaissent pas de façon soudaine. Ils s’inscrivent dans un courant qui commencent par des ruissellements théoriques pour donner lieu ensuite à un fleuve qui se traduit en doctrine (Gilbert Durand, 2000). « Nos enfants croiront avoir de l'imagination, ils n'auront que des réminiscences". Cette phrase de Saint – Simon, père de l’industrialisme illustre la problématique que nous nous efforcerons d’explorer en tentant de retrouver les sources qui originent ce mouvement émergent porteur d’espérance pour l’avenir du travail.
Pour réaliser cette anamnèse nous nous proposons de revisiter 4 types de travaux : Les recherches réalisées par le sociologue Philippe Trouve sur les utopies d’entreprises, celles du CERAS sur la doctrine sociale de l’église, la philosophie de la personne fondée par Emmanuel Mounier, ainsi que les publications plus empiriques d’auteurs qui ont marqué la doxa managériale ces trente dernières années.
Ce travail de recherche ne prétend pas à l’exhaustivité tant le nombre et la diversité des sources d’inspiration sont nombreuses. Celles – ci, d’ailleurs, se sont révélées au fur et à mesure de la recherche. Si, au départ, nous avons commencé par des auteurs déjà repérés par d’autres chercheurs, nous avons pris le parti de nous concentrer sur ceux qui n’avaient pas fait l’objet d’une publication particulière dans les travaux que nous avions rencontrés.
En articulant sur un courant historique plus ancien, ce qui semble se présenter comme un nouveau « précipité mythique » (Gilbert Durand, 1996), il s’agira de montrer que le jeune mouvement des entreprises libérées a des fondements plus profonds que les présentations parfois romanesques qui en sont faites. Il est porteur d’une anthropologie essentielle que les approches gestionnaires pragmatiques ont sans doute par inconscience trop longtemps ignorée. C’est d’ailleurs peut – être cet enfermement dans le seul paradigme positiviste qui explique aujourd’hui les rêves de liberté qu’il réveille.
Nous nous appuierons également sur les hypothèses de Roland Barthes qui nous invitent à considérer avec prudence et intelligence les objets médiatisés de la « société du spectacle » (Debord 1967). Cela nous permettra d’explorer de quoi le signifiant « d’entreprises libérées » est-il le signifié ? Il est présenté avec trop d’emphase et suscite trop de fascination pour ne pas s’interroger sur les projections imaginaires dont notre désir le colore. On tentera, alors, de repérer, avec curiosité, quelles éventuelles idéologies se trouvent cachées derrière « les pantomimes surjouées » (Barthes, 1970) des présentations qui en sont souvent faites. L’exercice est délicat car en manipulant l’objet, nous risquons de le détruire. Mais, comme nous le conseille Barthes, lui-même nous devrons le respecter. Il faudra pour cela « lui laisser tout son poids et le restituer encore mystifié ».
Dans cet article, notre recherche se concentrera essentiellement sur les sources philosophiques et idéologiques qui semblent souterrainement avoir inspiré cette émergence. Mais, chemin faisant, nous ne pourrons résister à la tentation herméneutique de faire quelques hypothèses sur ce qui s’exprime à travers elle.
Les exemples très convaincants présentés dans cet ouvrage, comme Harley Davidson, Morning Star Gore, aux USA, Semco au Brésil, Le Ministère Belge de la Sécurité Sociale en Belgique, Chronoflex, Poult, Sol, Favi, en France, etc..., pour ne citer que les plus connus, nous amèneraient à penser qu'une nouvelle forme radicalement différente de manager les collaborateurs serait en train d’émerger. Un mouvement s’est même constitué pour favoriser sa diffusion: le MOM. (Mouvement pour l’Organisation et le Management du XXIème siècle).
Comme leur nom l’indique les entreprises libérées tentent de remettre en question un certain nombre de principes qui surdéterminent la relation de travail. En quelques mots, il s’agit de remettre en question la manière traditionnelle qu’a eu le pouvoir de circuler dans l’entreprise en donnant plus d’autonomie aux acteurs et en leur faisant confiance sur leur capacité à prendre des responsabilités « augmentées » (Desjonqueres, 2014).
Le mouvement suscite des espérances fortes, mais cette exaltation n’est pas sans interroger les observateurs attentifs qui suivent à la trace depuis longtemps les modes managériales, qui se sont succédé au fil du temps. Les promoteurs de cette philosophie, en effet, citent rarement les théories ou les auteurs qui les ont inspirés comme si, ce mouvement était né de lui – même, s’était d’une certaine façon auto-engendré.
Pourtant les signifiés de l’histoire ont une épistémologie. Ils n’apparaissent pas de façon soudaine. Ils s’inscrivent dans un courant qui commencent par des ruissellements théoriques pour donner lieu ensuite à un fleuve qui se traduit en doctrine (Gilbert Durand, 2000). « Nos enfants croiront avoir de l'imagination, ils n'auront que des réminiscences". Cette phrase de Saint – Simon, père de l’industrialisme illustre la problématique que nous nous efforcerons d’explorer en tentant de retrouver les sources qui originent ce mouvement émergent porteur d’espérance pour l’avenir du travail.
Pour réaliser cette anamnèse nous nous proposons de revisiter 4 types de travaux : Les recherches réalisées par le sociologue Philippe Trouve sur les utopies d’entreprises, celles du CERAS sur la doctrine sociale de l’église, la philosophie de la personne fondée par Emmanuel Mounier, ainsi que les publications plus empiriques d’auteurs qui ont marqué la doxa managériale ces trente dernières années.
Ce travail de recherche ne prétend pas à l’exhaustivité tant le nombre et la diversité des sources d’inspiration sont nombreuses. Celles – ci, d’ailleurs, se sont révélées au fur et à mesure de la recherche. Si, au départ, nous avons commencé par des auteurs déjà repérés par d’autres chercheurs, nous avons pris le parti de nous concentrer sur ceux qui n’avaient pas fait l’objet d’une publication particulière dans les travaux que nous avions rencontrés.
En articulant sur un courant historique plus ancien, ce qui semble se présenter comme un nouveau « précipité mythique » (Gilbert Durand, 1996), il s’agira de montrer que le jeune mouvement des entreprises libérées a des fondements plus profonds que les présentations parfois romanesques qui en sont faites. Il est porteur d’une anthropologie essentielle que les approches gestionnaires pragmatiques ont sans doute par inconscience trop longtemps ignorée. C’est d’ailleurs peut – être cet enfermement dans le seul paradigme positiviste qui explique aujourd’hui les rêves de liberté qu’il réveille.
Nous nous appuierons également sur les hypothèses de Roland Barthes qui nous invitent à considérer avec prudence et intelligence les objets médiatisés de la « société du spectacle » (Debord 1967). Cela nous permettra d’explorer de quoi le signifiant « d’entreprises libérées » est-il le signifié ? Il est présenté avec trop d’emphase et suscite trop de fascination pour ne pas s’interroger sur les projections imaginaires dont notre désir le colore. On tentera, alors, de repérer, avec curiosité, quelles éventuelles idéologies se trouvent cachées derrière « les pantomimes surjouées » (Barthes, 1970) des présentations qui en sont souvent faites. L’exercice est délicat car en manipulant l’objet, nous risquons de le détruire. Mais, comme nous le conseille Barthes, lui-même nous devrons le respecter. Il faudra pour cela « lui laisser tout son poids et le restituer encore mystifié ».
Dans cet article, notre recherche se concentrera essentiellement sur les sources philosophiques et idéologiques qui semblent souterrainement avoir inspiré cette émergence. Mais, chemin faisant, nous ne pourrons résister à la tentation herméneutique de faire quelques hypothèses sur ce qui s’exprime à travers elle.
1. L’apport des entrepreneurs utopistes
Les travaux de Philippe Trouve (2006, 2007, 2008) sur les utopies d’entreprise ont montré que ces conceptions, certes minoritaires, existent depuis longtemps.
i[1.1 Charles Fourier : Les entreprises sont des lieux de passion]i
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C’est probablement François Marie Charles Fourrier (1772- 1837) qui, en France, théorisera le premier une forme d’organisation collective fondée sur le respect des passions des individus : les phalanstères.
Ses propositions partent d’une critique de la société industrielle naissante de l’époque. Son indignation repose sur le fait qu’on aliène les individus si on ne tient pas compte de leurs passions.
Pour lui chaque personne doit exister et œuvrer selon ses affinités. Il faut donc organiser la société en créant des communautés de personnes qui partageraient les mêmes passions. Ils appellent ces communautés « Les phalanstères » dont la vocation serait de rassembler 1620 personnes « réunies passionnément par identité de gout ».
Concernant la répartition des dividendes : 5 à 6/12e seraient alloués pour le travail, 4/12e pour le capital et 2 à 3/12e pour le talent. Chaque individu toucherait un revenu minimum garanti dès l’âge de 3 ans – moins le cout de services que sa présence aurait occasionné dans la communauté. Le solde positif ne serait distribué qu’en fin d’année, et seulement à leur majorité pour les mineurs. Il propose également la création de crèches pour enfants dans le but de libérer les femmes de la seule activité domestique.
Avec quelques mécènes fortunés, il tente de réaliser de son vivant la création de plusieurs communautés mais beaucoup périclitent du fait de disputes internes et de non - respect des prescriptions fondamentales qu’il avait édictées. Une seule cependant va rendre cette utopie concrète : c’est l’aventure de Jean – Baptiste André Godin (1817-1888).
Ses propositions partent d’une critique de la société industrielle naissante de l’époque. Son indignation repose sur le fait qu’on aliène les individus si on ne tient pas compte de leurs passions.
Pour lui chaque personne doit exister et œuvrer selon ses affinités. Il faut donc organiser la société en créant des communautés de personnes qui partageraient les mêmes passions. Ils appellent ces communautés « Les phalanstères » dont la vocation serait de rassembler 1620 personnes « réunies passionnément par identité de gout ».
Concernant la répartition des dividendes : 5 à 6/12e seraient alloués pour le travail, 4/12e pour le capital et 2 à 3/12e pour le talent. Chaque individu toucherait un revenu minimum garanti dès l’âge de 3 ans – moins le cout de services que sa présence aurait occasionné dans la communauté. Le solde positif ne serait distribué qu’en fin d’année, et seulement à leur majorité pour les mineurs. Il propose également la création de crèches pour enfants dans le but de libérer les femmes de la seule activité domestique.
Avec quelques mécènes fortunés, il tente de réaliser de son vivant la création de plusieurs communautés mais beaucoup périclitent du fait de disputes internes et de non - respect des prescriptions fondamentales qu’il avait édictées. Une seule cependant va rendre cette utopie concrète : c’est l’aventure de Jean – Baptiste André Godin (1817-1888).
1.2 Jean-Baptiste André Godin ou la création de la cité idéale
Inspiré par les théories de Fourrier, ce serrurier de métier ouvre un petit atelier de fabrication de poêles en fonte de fer pour lequel il a déposé un brevet(1840). Son invention rencontre un succès de marché qui lui permet de créer deux sites de production : l’un à Guise en France et un autre près de Bruxelles en Belgique.
Sensible aux idées de Fourier qu’il a découvert en 1842, il décide de mettre sa fortune au service du bien commun en créant autour de son usine de Guise, un espace social alternatif à la société bourgeoise capitaliste : le familistère. Outre des logements de fonction, des lavoirs et des magasins d’approvisionnements réservés aux ouvriers de ses fabriques, il crée une école obligatoire et gratuite, un théâtre, une piscine et une bibliothèque. Tous les salariés de l’entreprise ont accès aux mêmes avantages sans distinction de statut. Il met également en place un système de redistribution des revenus équitable entre tous les acteurs de l’entreprise. La construction du Familistère de Guise s'étend de 1859 à 1884. Au cours de cette période, l'activité de la manufacture se développe considérablement pour employer jusqu'à 1 500 personnes. Une expérience similaire sera également développée autour de son usine belge, à Laeken.
Dans cette histoire, il est à noter que Jean- Baptise André Godin a fait preuve d’une grande persévérance, animé par des convictions profondes, puisque déjà en 1855, il avait participé financièrement à la création d’un phalanstère au Texas animé par Victor Considérant, un économiste disciple de Fourier. Cet engagement lui avait coûté à l’époque près d’un tiers de sa fortune personnelle.
Sensible aux idées de Fourier qu’il a découvert en 1842, il décide de mettre sa fortune au service du bien commun en créant autour de son usine de Guise, un espace social alternatif à la société bourgeoise capitaliste : le familistère. Outre des logements de fonction, des lavoirs et des magasins d’approvisionnements réservés aux ouvriers de ses fabriques, il crée une école obligatoire et gratuite, un théâtre, une piscine et une bibliothèque. Tous les salariés de l’entreprise ont accès aux mêmes avantages sans distinction de statut. Il met également en place un système de redistribution des revenus équitable entre tous les acteurs de l’entreprise. La construction du Familistère de Guise s'étend de 1859 à 1884. Au cours de cette période, l'activité de la manufacture se développe considérablement pour employer jusqu'à 1 500 personnes. Une expérience similaire sera également développée autour de son usine belge, à Laeken.
Dans cette histoire, il est à noter que Jean- Baptise André Godin a fait preuve d’une grande persévérance, animé par des convictions profondes, puisque déjà en 1855, il avait participé financièrement à la création d’un phalanstère au Texas animé par Victor Considérant, un économiste disciple de Fourier. Cet engagement lui avait coûté à l’époque près d’un tiers de sa fortune personnelle.
1.3 Robert Owen : seule la communauté socialiste peut faire grandir les individus
En Angleterre, pratiquement à la même époque que François Marie Charles Fourrier, nait Robert Owen (1771- 1758). Fils d’un quincailler et receveur des Postes, il se marie en 1797 avec Caroline Dale, la fille ainée du riche propriétaire d’un des plus grandes filatures de la région de Glasgow. Avec ses associés, il rachète la filature pour transformer radicalement son organisation et son management. Ces changements n’ont pas seulement pour but d’améliorer la productivité de ses usines ; c’est aussi l’occasion de mettre en œuvre ses convictions sociales. La période s’y prête d’autant plus que le secteur du textile connait une croissance économique exceptionnelle.
Il est convaincu avant l’heure que c’est la communauté qui détermine le comportement des individus plutôt que leur soi-disant personnalité. Si on veut donc bénéficier de leur engagement, il faut mettre en place des conditions de vie décentes, respectueuses et plus équitables. C’est ce qu’il fait sur le site industriel de New Lanark qu’il transforme en village coopératif. Il veut montrer à travers cette expérimentation la valeur de ses idées socialisantes. Il offre à ses employé(e)s des rémunérations plus importantes qu’ailleurs ; vantant le mérite des repas pris en commun, il crée l’équivalent des premiers restaurants d’entreprise ; il réduit le temps de travail, notamment des enfants à 10h 30 par jour ; il crée plusieurs écoles où chaque enfant peut bénéficier de soins vigilants et d’une attention bienveillante ; écoles qu’il transforme, le soir, en centres de formation, de dialogue et de loisirs pour adulte.
Il défend l’idée que la réussite se partage entre tous ceux qui y ont contribué et que c’est le bonheur qui conditionne la performance des salariés. Il la défend, dans toute l’Angleterre, avec une énergie sans faille et un prosélytisme acharné.
Son action génère une certaine notoriété auprès du gouvernement qui le sollicite pour proposer des solutions visant à réduire la misère et le chômage. Dans son rapport, il plaide pour la création de villages industriels de 1200 habitants au maximum au sein desquels les chômeurs pourraient assurer leur subsistance et contribuer à la prospérité du pays. Ses propositions sont largement inspirées de l’expérience qu’il mène à New Lanark qu’il cherche en fait à généraliser à l’ensemble du pays et pourquoi pas dans un deuxième temps au monde… « Le passage de l’ancien au nouveau système doit devenir universel »… Mais celles – ci ne reçurent pas un accueil aussi favorable qu’il l’aurait espéré. Il fut accueilli poliment mais son rapport fut enterré dans un tiroir !
Cependant, ces difficultés n’empêchèrent pas Robert Owen de continuer à diffuser ses idées. Entre 1817 et 1824, il voyage en Europe pour rencontrer un grand nombre de personnalités éminentes espérant obtenir des appuis pour la création de ces fameux villages industriels coopératifs. Mais malgré son extrême engagement, ses multiples tentatives échouèrent….
Mais décidément rien n’arrête notre homme ! Puisque ni l’Angleterre, ni l’Europe ne voulaient pas de ses idées, il irait aux Etats Unis. Dès son arrivée, en 1824, il y rencontre un accueil enthousiaste et fait des conférences dans tout le pays avec le même succès. Il recueille beaucoup d’argent ce qui lui permet de racheter la propriété de la communauté des Trappistes. La communauté comprenait un village et 30 000 arpents de terres cultivées. Il paye la somme de 30 000 livres sterling, hasardant une grande partie de sa propre fortune.
Il invite les « hommes travailleurs et de bonne foi de toutes les nations » à venir participer à la création d’une civilisation nouvelle : La New Harmony est officiellement crée le 1ier Mai 1825 avec près de 800 personnes. Malheureusement celle – ci dut se dissoudre après 7 tentatives de constitutions. L’échec a été interprété comme la conséquence d’une trop grande hétérogénéité des publics impliqués dans l’aventure. Il était difficile, en effet de faire coopérer, des intellectuels, issus de la bourgeoisie avec des « hommes et des femmes aux idées grossières, irréfléchies et extravagantes ou bien pis, des vagabonds qui voient dans la dernière hérésie l’occasion de gains pécuniaires ou, le masque commode d’une conduite immorale ».
Loin de se décourager Robert Owen part au Mexique pour négocier la concession d’un nouveau territoire mais le projet une fois de plus n’aboutit pas. Il continue alors ses pérégrinations aux Etats Unis puis revient en Angleterre tout aussi déterminé à changer la société.
Pendant son absence la société anglaise a beaucoup évolué et ces disciples ont largement diffusé ses idées en les enrichissant. Parmi ceux – ci, Williams Thomson publie notamment un livre qui marque l’opinion des salariés comme des patrons progressistes : « Enquête sur les principes de la distribution de la richesse ».
Des sociétés coopératives se sont créées réunissant des groupes d’artisans qualifiés. Elles commencent à se regrouper en fédération pour apporter du soutien et de l’aide à ses membres. C’est la naissance du mutualisme coopératif.
Pendant cette période, le mouvement coopératif envisageait de créer « une place de marché fondé sur l’échange des fruits du travail. Le principe de fonctionnement est simple : Chaque ouvrier, quel que soit son secteur, apporterait les fruits de son travail à la coopérative en échange de bons du travail basés sur l’estimation des coûts des matières premières et du temps nécessaire à leur fabrication. C’est l’invention, avant l’heure des systèmes d’échanges locaux mais imaginé comme toujours avec Owen à grande échelle. Hélas la crise de 1834 ne permit pas le développement du modèle.
L’idée d’un syndicat national rassemblant tous les ouvriers d’un même métier ou d’une même industrie fait aussi son chemin. Owen va mettre toute son énergie à sa fondation mais une fois de plus ses idées démesurément généreuses entraineront son éviction. Il voulait intituler ce nouveau syndicat Association unifiée britannique et étrangère du travail, de l’humanité et du savoir dans le but de réconcilier toutes les classes sociales dans tout le pays.
De 1835 à 1844, Owen publie deux ouvrages qui ont une audience limitée à ses disciples : « Le livre du nouveau monde moral » et « Les mariages célébrés par les prêtres du vieux monde immoral ». En 1843, son vieux rêve de communauté socialiste le reprend. Il récolte des fonds et loue à Queenwood 500 arpents de terre sur lesquels il construit de magnifiques habitations. Mais sa politique trop dispendieuse entraina la dissolution de ce nouveau mouvement. En 1845, Owen alla rejoindre ses fils aux Etats Unis où il continua avec la même ardeur à défendre sa position sur un mode de plus en plus messianique. Il meurt le 17 décembre 1858.
En dehors du développement économique de son entreprise, toutes les tentatives communautaires échouèrent. Owen a cependant un rôle déterminant en Angleterre dans la construction du mouvement ouvrier.
.
Les similitudes entre les utopistes français et Owen sont nombreuses. Tous, en effet, considèrent que :
- L’homme est une fin et non un moyen ;
- Le travail est une source de bonheur ;
- La richesse doit être redistribuée de façon plus équitable ;
- La dimension communautaire doit l’emporter sur l’intérêt individuel ;
- L’ordre social doit être changé en instaurant des relations plus démocratiques dans l’entreprise.
Il est convaincu avant l’heure que c’est la communauté qui détermine le comportement des individus plutôt que leur soi-disant personnalité. Si on veut donc bénéficier de leur engagement, il faut mettre en place des conditions de vie décentes, respectueuses et plus équitables. C’est ce qu’il fait sur le site industriel de New Lanark qu’il transforme en village coopératif. Il veut montrer à travers cette expérimentation la valeur de ses idées socialisantes. Il offre à ses employé(e)s des rémunérations plus importantes qu’ailleurs ; vantant le mérite des repas pris en commun, il crée l’équivalent des premiers restaurants d’entreprise ; il réduit le temps de travail, notamment des enfants à 10h 30 par jour ; il crée plusieurs écoles où chaque enfant peut bénéficier de soins vigilants et d’une attention bienveillante ; écoles qu’il transforme, le soir, en centres de formation, de dialogue et de loisirs pour adulte.
Il défend l’idée que la réussite se partage entre tous ceux qui y ont contribué et que c’est le bonheur qui conditionne la performance des salariés. Il la défend, dans toute l’Angleterre, avec une énergie sans faille et un prosélytisme acharné.
Son action génère une certaine notoriété auprès du gouvernement qui le sollicite pour proposer des solutions visant à réduire la misère et le chômage. Dans son rapport, il plaide pour la création de villages industriels de 1200 habitants au maximum au sein desquels les chômeurs pourraient assurer leur subsistance et contribuer à la prospérité du pays. Ses propositions sont largement inspirées de l’expérience qu’il mène à New Lanark qu’il cherche en fait à généraliser à l’ensemble du pays et pourquoi pas dans un deuxième temps au monde… « Le passage de l’ancien au nouveau système doit devenir universel »… Mais celles – ci ne reçurent pas un accueil aussi favorable qu’il l’aurait espéré. Il fut accueilli poliment mais son rapport fut enterré dans un tiroir !
Cependant, ces difficultés n’empêchèrent pas Robert Owen de continuer à diffuser ses idées. Entre 1817 et 1824, il voyage en Europe pour rencontrer un grand nombre de personnalités éminentes espérant obtenir des appuis pour la création de ces fameux villages industriels coopératifs. Mais malgré son extrême engagement, ses multiples tentatives échouèrent….
Mais décidément rien n’arrête notre homme ! Puisque ni l’Angleterre, ni l’Europe ne voulaient pas de ses idées, il irait aux Etats Unis. Dès son arrivée, en 1824, il y rencontre un accueil enthousiaste et fait des conférences dans tout le pays avec le même succès. Il recueille beaucoup d’argent ce qui lui permet de racheter la propriété de la communauté des Trappistes. La communauté comprenait un village et 30 000 arpents de terres cultivées. Il paye la somme de 30 000 livres sterling, hasardant une grande partie de sa propre fortune.
Il invite les « hommes travailleurs et de bonne foi de toutes les nations » à venir participer à la création d’une civilisation nouvelle : La New Harmony est officiellement crée le 1ier Mai 1825 avec près de 800 personnes. Malheureusement celle – ci dut se dissoudre après 7 tentatives de constitutions. L’échec a été interprété comme la conséquence d’une trop grande hétérogénéité des publics impliqués dans l’aventure. Il était difficile, en effet de faire coopérer, des intellectuels, issus de la bourgeoisie avec des « hommes et des femmes aux idées grossières, irréfléchies et extravagantes ou bien pis, des vagabonds qui voient dans la dernière hérésie l’occasion de gains pécuniaires ou, le masque commode d’une conduite immorale ».
Loin de se décourager Robert Owen part au Mexique pour négocier la concession d’un nouveau territoire mais le projet une fois de plus n’aboutit pas. Il continue alors ses pérégrinations aux Etats Unis puis revient en Angleterre tout aussi déterminé à changer la société.
Pendant son absence la société anglaise a beaucoup évolué et ces disciples ont largement diffusé ses idées en les enrichissant. Parmi ceux – ci, Williams Thomson publie notamment un livre qui marque l’opinion des salariés comme des patrons progressistes : « Enquête sur les principes de la distribution de la richesse ».
Des sociétés coopératives se sont créées réunissant des groupes d’artisans qualifiés. Elles commencent à se regrouper en fédération pour apporter du soutien et de l’aide à ses membres. C’est la naissance du mutualisme coopératif.
Pendant cette période, le mouvement coopératif envisageait de créer « une place de marché fondé sur l’échange des fruits du travail. Le principe de fonctionnement est simple : Chaque ouvrier, quel que soit son secteur, apporterait les fruits de son travail à la coopérative en échange de bons du travail basés sur l’estimation des coûts des matières premières et du temps nécessaire à leur fabrication. C’est l’invention, avant l’heure des systèmes d’échanges locaux mais imaginé comme toujours avec Owen à grande échelle. Hélas la crise de 1834 ne permit pas le développement du modèle.
L’idée d’un syndicat national rassemblant tous les ouvriers d’un même métier ou d’une même industrie fait aussi son chemin. Owen va mettre toute son énergie à sa fondation mais une fois de plus ses idées démesurément généreuses entraineront son éviction. Il voulait intituler ce nouveau syndicat Association unifiée britannique et étrangère du travail, de l’humanité et du savoir dans le but de réconcilier toutes les classes sociales dans tout le pays.
De 1835 à 1844, Owen publie deux ouvrages qui ont une audience limitée à ses disciples : « Le livre du nouveau monde moral » et « Les mariages célébrés par les prêtres du vieux monde immoral ». En 1843, son vieux rêve de communauté socialiste le reprend. Il récolte des fonds et loue à Queenwood 500 arpents de terre sur lesquels il construit de magnifiques habitations. Mais sa politique trop dispendieuse entraina la dissolution de ce nouveau mouvement. En 1845, Owen alla rejoindre ses fils aux Etats Unis où il continua avec la même ardeur à défendre sa position sur un mode de plus en plus messianique. Il meurt le 17 décembre 1858.
En dehors du développement économique de son entreprise, toutes les tentatives communautaires échouèrent. Owen a cependant un rôle déterminant en Angleterre dans la construction du mouvement ouvrier.
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Les similitudes entre les utopistes français et Owen sont nombreuses. Tous, en effet, considèrent que :
- L’homme est une fin et non un moyen ;
- Le travail est une source de bonheur ;
- La richesse doit être redistribuée de façon plus équitable ;
- La dimension communautaire doit l’emporter sur l’intérêt individuel ;
- L’ordre social doit être changé en instaurant des relations plus démocratiques dans l’entreprise.
1.4 Adriano Olivetti (1901 – 1960) : « En moi, il n’y a que le futur »
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C’est en 1926 qu’Adriano entre dans l’entreprise de son père qui a créé la première société de fabrication de machine à écrire en Italie en 1908. Auparavant, il a suivi une formation en génie chimique et à l’école Polytechnique de Turin et réalisé un long voyage d’étude aux USA où il a visité plus d’une centaine d’entreprises pour comprendre et acquérir les méthodes de l’Organisation du Travail. A la demande de son père, il commence au poste d’’ouvrier et va gravir un à un les échelons pour devenir en 1933 directeur général puis Président en 1938.
Dès qu’il a eu les rênes du pouvoir sa première décision a été d’embaucher des ingénieurs, des architectes, des poètes, les premiers designers, des jeunes diplômés à l'esprit créatif qui partagent avec lui l'ambition de construire une entreprise grande, novatrice et moderne.
Adriano est convaincu que la performance économique ne dépend pas seulement d’une stratégie pertinente mais aussi du bien – être des collaborateurs : « Le bien être du travailleur n’est pas une abstraction : on peut le bâtir en premier lieu en écoutant le travailleur même, en favorisant sa formation, en soutenant ses projets de vie et de sa famille. Mon espoir est que les valeurs soient contagieuses et que l’on puisse générer de bonnes pratiques, fondées sur la responsabilité de l’individu, sur les idéalités, et aussi sur la confiance dans la perspective de réaliser une entreprise utile socialement et culturellement stimulante » (Paracone, 2010).
Outre la création des machines à écrire au design épuré, il agrandit les locaux et fait notamment appel à Le Corbusier, pour réaménager les ateliers de façon à ce que les ouvriers puissent voir leurs terres et bénéficier de la lumière du soleil à travers de grandes baies vitrées.
Il remplace les lignes de montage à la chaîne par des « ilots » de production, dans lesquels un groupe d’ouvriers spécialisés est en mesure de monter et contrôler des produits finis. Il fait appel à des ergonomes pour améliorer les conditions de travail et met en place la participation à tous les niveaux de l’entreprise. Les employés bénéficient d’une rémunération supérieure de 20% aux salaires du moment. Les femmes enceintes ont neuf mois de prise en charge, le samedi est libre et les horaires hebdomadaires de travail sont réduits de 48h à 45 heures. Des conseils paritaires de gestion sont créés avec un pouvoir consultatif sur les fonds destinés aux services sociaux et à l’assistance : les comités d’entreprise, en quelque sorte, avant l’heure...(en Italie).
Le succès est au rendez-vous puisque la productivité en 10 ans a augmenté de 500% et les ventes de 1300%. Les machines Olivetti deviennent une référence et connaissent une renommée internationale. La machine intitulée « Lettre 22 » dessinée par le designer Marcello Nizzoli est définie par un jury international comme « le premier des cents meilleurs produits des derniers cent ans ».
Adriano ne s’est pas contenté de concevoir et fabriquer des machines à écrire. En 1955, pressentant le développement de l’informatique, il a également été un des premiers industriels à faire de la recherche développement sur les ordinateurs. Il a notamment créé, avec l’appui d’un chercheur chinois en électronique, Mario Tchou, le premier ordinateur « transistorisé » vendu sous la marque « Elea ». Mais cet ordinateur, quoique très performant pour réaliser des calculs complexes est encore trop volumineux et couteux ; ce qui fait que le volume de commandes n’est pas au rendez-vous. Il lance ensuite ce que les spécialistes considèrent comme le premier ordinateur personnel avec un design élégant. Sa fin précoce ne permit pas le développement espéré…mais le lancement de ce nouveau produit s’avérait très prometteur…
Sur le plan de la formation personnelle, Adriano est éclectique. Il lit aussi bien des ouvrages de philosophes personnalistes, que des théologiens catholiques, protestants, judaïques sans exclure les approches mystiques de l’anthroposophie qu’il n’hésite pas à croiser avec des textes sur l’urbanisme, l’organisation scientifique du travail, le new deal de Roosevelt, etc…
C’est à travers toutes ces lectures dispersées qu’il va construire sa vision du monde qui ne se réduit pas au management d’une entreprise mais au gouvernement d’un état tout entier. On peut la résumer en mettant en évidence les points suivants :
- La finalité d’une entreprise ne peut se limiter au seul profit financier. Celle – ci a une vocation : « permettre l’élévation matérielle, culturelle et sociale du lieu où elle opère » ;
- Il faut empêcher la concentration des pouvoirs politiques ou économiques en créant des communautés locales fédérées entre elles ; ce qui permettrait un contrôle direct des citoyens sur les institutions politiques et économiques tout en favorisant les rencontres entre des personnes ayant les mêmes conceptions ;
- Il est nécessaire de responsabiliser les travailleurs en leur donnant un pouvoir de décision dans les ateliers mais aussi dans le gouvernement de l’entreprise. Cela passe par l’instauration d’espace de délibération dans les organisations comme dans les territoires ;
- La communauté est une dimension dont les individus ont besoin pour actualiser leur potentialité. C’est par la vie communautaire que l’individu se révèle ;
- Il faut diffuser massivement la culture scientifique et humaniste sans différenciation de classe et encourager la collaboration interdisciplinaire entre les experts ;
- Le travailleur doit être productif pour que l’entreprise soit compétitive mais la contrepartie est de réinvestir les profits dans l’innovation et le progrès social de l’entreprise.
L’entreprise Olivetti devait incarner ce modèle démocratique pour contaminer la société toute entière. Pour propager ses idées, il créera également une revue, la « Communita » qui présentait des synthèses sur des nouvelles publications économiques et en sciences politiques avec des extraits de textes de philosophes comme Emanuel Mounier, Berdiaev, Kierkegaard, Maritain, etc…En 1948, il fonda le mouvement « Communita » et une maison d’éditions pour diffuser ses idées auprès d’un maximum de personnes et d’institutions.
En 1956, il se présente avec succès à la Mairie d’Ivréa, sa ville natale, pour devenir deux ans plus tard député parlementaire, fonction dont il démissionna rapidement jugeant cette dernière activité trop ambigüe par rapport aux théories prônées par la « Communita ».
Adriano Olivetti meurt brusquement à 59 ans en 1960 lors d’un voyage en train entre Milan et Lausanne, laissant derrière lui une entreprise de 45 000 salariés répartis dans 41 pays dans le monde. Il a été porteur d’un idéal profondément humaniste qui l’a animé jusqu’à la fin : « J’ai foi dans la valeur de la spiritualité, de l’art, de la culture, c’est la foi dans l’homme et la flamme divine qui est cachée en lui et qui anime sa capacité d’élévation et de renouvellement ».
Dès qu’il a eu les rênes du pouvoir sa première décision a été d’embaucher des ingénieurs, des architectes, des poètes, les premiers designers, des jeunes diplômés à l'esprit créatif qui partagent avec lui l'ambition de construire une entreprise grande, novatrice et moderne.
Adriano est convaincu que la performance économique ne dépend pas seulement d’une stratégie pertinente mais aussi du bien – être des collaborateurs : « Le bien être du travailleur n’est pas une abstraction : on peut le bâtir en premier lieu en écoutant le travailleur même, en favorisant sa formation, en soutenant ses projets de vie et de sa famille. Mon espoir est que les valeurs soient contagieuses et que l’on puisse générer de bonnes pratiques, fondées sur la responsabilité de l’individu, sur les idéalités, et aussi sur la confiance dans la perspective de réaliser une entreprise utile socialement et culturellement stimulante » (Paracone, 2010).
Outre la création des machines à écrire au design épuré, il agrandit les locaux et fait notamment appel à Le Corbusier, pour réaménager les ateliers de façon à ce que les ouvriers puissent voir leurs terres et bénéficier de la lumière du soleil à travers de grandes baies vitrées.
Il remplace les lignes de montage à la chaîne par des « ilots » de production, dans lesquels un groupe d’ouvriers spécialisés est en mesure de monter et contrôler des produits finis. Il fait appel à des ergonomes pour améliorer les conditions de travail et met en place la participation à tous les niveaux de l’entreprise. Les employés bénéficient d’une rémunération supérieure de 20% aux salaires du moment. Les femmes enceintes ont neuf mois de prise en charge, le samedi est libre et les horaires hebdomadaires de travail sont réduits de 48h à 45 heures. Des conseils paritaires de gestion sont créés avec un pouvoir consultatif sur les fonds destinés aux services sociaux et à l’assistance : les comités d’entreprise, en quelque sorte, avant l’heure...(en Italie).
Le succès est au rendez-vous puisque la productivité en 10 ans a augmenté de 500% et les ventes de 1300%. Les machines Olivetti deviennent une référence et connaissent une renommée internationale. La machine intitulée « Lettre 22 » dessinée par le designer Marcello Nizzoli est définie par un jury international comme « le premier des cents meilleurs produits des derniers cent ans ».
Adriano ne s’est pas contenté de concevoir et fabriquer des machines à écrire. En 1955, pressentant le développement de l’informatique, il a également été un des premiers industriels à faire de la recherche développement sur les ordinateurs. Il a notamment créé, avec l’appui d’un chercheur chinois en électronique, Mario Tchou, le premier ordinateur « transistorisé » vendu sous la marque « Elea ». Mais cet ordinateur, quoique très performant pour réaliser des calculs complexes est encore trop volumineux et couteux ; ce qui fait que le volume de commandes n’est pas au rendez-vous. Il lance ensuite ce que les spécialistes considèrent comme le premier ordinateur personnel avec un design élégant. Sa fin précoce ne permit pas le développement espéré…mais le lancement de ce nouveau produit s’avérait très prometteur…
Sur le plan de la formation personnelle, Adriano est éclectique. Il lit aussi bien des ouvrages de philosophes personnalistes, que des théologiens catholiques, protestants, judaïques sans exclure les approches mystiques de l’anthroposophie qu’il n’hésite pas à croiser avec des textes sur l’urbanisme, l’organisation scientifique du travail, le new deal de Roosevelt, etc…
C’est à travers toutes ces lectures dispersées qu’il va construire sa vision du monde qui ne se réduit pas au management d’une entreprise mais au gouvernement d’un état tout entier. On peut la résumer en mettant en évidence les points suivants :
- La finalité d’une entreprise ne peut se limiter au seul profit financier. Celle – ci a une vocation : « permettre l’élévation matérielle, culturelle et sociale du lieu où elle opère » ;
- Il faut empêcher la concentration des pouvoirs politiques ou économiques en créant des communautés locales fédérées entre elles ; ce qui permettrait un contrôle direct des citoyens sur les institutions politiques et économiques tout en favorisant les rencontres entre des personnes ayant les mêmes conceptions ;
- Il est nécessaire de responsabiliser les travailleurs en leur donnant un pouvoir de décision dans les ateliers mais aussi dans le gouvernement de l’entreprise. Cela passe par l’instauration d’espace de délibération dans les organisations comme dans les territoires ;
- La communauté est une dimension dont les individus ont besoin pour actualiser leur potentialité. C’est par la vie communautaire que l’individu se révèle ;
- Il faut diffuser massivement la culture scientifique et humaniste sans différenciation de classe et encourager la collaboration interdisciplinaire entre les experts ;
- Le travailleur doit être productif pour que l’entreprise soit compétitive mais la contrepartie est de réinvestir les profits dans l’innovation et le progrès social de l’entreprise.
L’entreprise Olivetti devait incarner ce modèle démocratique pour contaminer la société toute entière. Pour propager ses idées, il créera également une revue, la « Communita » qui présentait des synthèses sur des nouvelles publications économiques et en sciences politiques avec des extraits de textes de philosophes comme Emanuel Mounier, Berdiaev, Kierkegaard, Maritain, etc…En 1948, il fonda le mouvement « Communita » et une maison d’éditions pour diffuser ses idées auprès d’un maximum de personnes et d’institutions.
En 1956, il se présente avec succès à la Mairie d’Ivréa, sa ville natale, pour devenir deux ans plus tard député parlementaire, fonction dont il démissionna rapidement jugeant cette dernière activité trop ambigüe par rapport aux théories prônées par la « Communita ».
Adriano Olivetti meurt brusquement à 59 ans en 1960 lors d’un voyage en train entre Milan et Lausanne, laissant derrière lui une entreprise de 45 000 salariés répartis dans 41 pays dans le monde. Il a été porteur d’un idéal profondément humaniste qui l’a animé jusqu’à la fin : « J’ai foi dans la valeur de la spiritualité, de l’art, de la culture, c’est la foi dans l’homme et la flamme divine qui est cachée en lui et qui anime sa capacité d’élévation et de renouvellement ».
1.5 Gérard Endenburg (1933- ): La démocratie d’entreprise, une question de méthode
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Gérard Endenburg est un ingénieur néerlandais en électrotechnique. Après la mort de son père en 1968, il reprend la direction de l'entreprise familiale Endenburg Elektrotechniek implantée dans le secteur des chantiers navals. En 1970, il est confronté à une communauté de salariés en conflit permanent. Il décide, alors, de se consacrer à l’amélioration du climat social. Il s’appuie sur ses connaissances en cybernétique et en théories de l’information pour repenser l’organisation. Sa démarche aboutit à une amélioration significative de la performance et du climat social. Il dégage de cette expérience des principes universels qui peuvent s’appliquer à d’autres entreprises mais aussi à des communautés aussi diverses que les écoles ou les conseils de villages en Inde. La méthode qui sera développée à partir de cette expérience s’appellera « la sociocratie ».
4 règles fondamentales vont structurer ce modèle. La première règle est la prise de décision par consentement mutuel. On distingue les décisions opérationnelles et les décisions stratégiques. Les décisions opérationnelles doivent être prises par les acteurs de première ligne. Les décisions stratégiques et politiques doivent être prises par consentement et non pas être imposées de façon verticale. Toutes les personnes sont concernées. Elles sont invitées à donner leur avis et éventuellement à émettre des objections à la condition de les justifier. Les groupes de travail vont chercher à les résoudre ensemble.
Les avantages de la règle du consentement sont doubles : Elle garantit l’écoute de tous et la transparence de la prise de décision ce qui favorise la confiance réciproque. Par ailleurs, ce dispositif permet de réduire les jeux politiques, ce qui rend l’action collective beaucoup plus efficace.
La deuxième règle est celle de l’organisation en cercles. Un cercle réunit tous les acteurs d’un service opérationnel. Chaque cercle doit commencer par définir une vision et une mission. La vision c’est définir comme on souhaite le monde en résultat de l’action du cercle. La vision concerne l’extérieur de l’organisation. La mission se traduit en objectifs à atteindre et en tâches à réaliser pour concrétiser cette vision. Le cercle sociocratique génère une réelle responsabilité puisque les membres du cercle prennent les décisions, réalisent les actions et mesurent le résultat.
La troisième règle est le double lien entre les cercles. Dans un système hiérarchique, le responsable gère à la fois la communication descendante et ascendante. Dans le système sociocratique, le responsable opérationnel est désigné par le cercle supérieur. S’il s’occupe toujours de l’information descendante, c’est une autre personne élue, avec son consentement, par le cercle lui-même qui s’occupera de l’information ascendante. On l’appelle le représentant du cercle.
La quatrième règle est l’élection sans candidat. Habituellement une personne est nommée par son supérieur hiérarchique ou élue. Dans ce modèle, chaque membre du cercle désigne un candidat sans que celui ne se présente. Puis, un facilitateur organise un tour de table pendant lequel chacun explique pourquoi il a choisi tel ou tel candidat. Ceux qui ne veulent pas prendre la responsabilité peuvent se retirer en expliquant pourquoi. Le candidat sortant ne sera pas forcément celui qui aura le plus de voix mais celui qui fera le résultat d’un consentement collectif.
Il y a 3 conditions pour que fonctionnent bien la sociocratie. Il est nécessaire au départ qu’il y ait une implication forte de la part de la direction en promouvant la règle du consentement. La deuxième condition passe par un apprentissage des méthodes de base des facilitateurs. Cet apprentissage est rapide. Enfin la dernière condition est d’accepter que les anciennes habitudes puissent resurgir. Il est donc important de faire le point de temps en temps sur les problèmes rencontrés dans la mise en pratique.
Le modèle sociocratique ne néglige pas non plus la dimension de la rémunération du travail. Elle est composée d’une part fixe et une part variable, dont le montant dans les deux cas est bien entendu défini par consentement mutuel.
Gérard Endenburg a été fortement inspiré par un éducateur néerlandais Kees Boeke, (1884 – 1966) qui a été son professeur de 1943 à 1948. Ce pédagogue, militant pacifiste et membre du mouvement religieux quaker a lui aussi un parcours atypique. En 1911, il épouse mademoiselle Béatrice Cadbury, fille d’un entrepreneur du même nom. De 1912 à 1927, ils auront 8 enfants. Il crée en 1918, l’association « Fraternité en Christ » qui hébergera pendant de nombreuses années le Service Civil International (SCI), organisation non gouvernementale, qui organise des projets de volontariat contribuant à la construction de la paix dans le monde.
A la même période, les Boeke font un héritage bien embarrassant celui de l’entreprise Cadbury qu’ils revendent pour placer les fonds dans l’association SCI. En 1926, Kees fonde à Bilthoven une école alternative où il met en œuvre des pratiques pédagogiques innovantes, inspirées des théories de Maria Montessori. Les règles de l'école sont fondées sur la prise de décision par consensus.
Le modèle prôné par Gérard Endenburg est bien vivant. Comme la plupart des entrepreneurs « utopistes », il a écrit un livre pour diffuser ses idées, traduit en français sous le titre de « Sociocratie, les forces créatives de l’auto-organisation » (date ?). Un véritable mouvement autour de ces idées est en train de s’institutionnaliser à travers la création d’un Centre Mondial de la Sociocratie. L’engouement qu’il suscite permet de penser que nombreux sont les personnes qui aspirent à une expérience plus démocratique du pouvoir.
4 règles fondamentales vont structurer ce modèle. La première règle est la prise de décision par consentement mutuel. On distingue les décisions opérationnelles et les décisions stratégiques. Les décisions opérationnelles doivent être prises par les acteurs de première ligne. Les décisions stratégiques et politiques doivent être prises par consentement et non pas être imposées de façon verticale. Toutes les personnes sont concernées. Elles sont invitées à donner leur avis et éventuellement à émettre des objections à la condition de les justifier. Les groupes de travail vont chercher à les résoudre ensemble.
Les avantages de la règle du consentement sont doubles : Elle garantit l’écoute de tous et la transparence de la prise de décision ce qui favorise la confiance réciproque. Par ailleurs, ce dispositif permet de réduire les jeux politiques, ce qui rend l’action collective beaucoup plus efficace.
La deuxième règle est celle de l’organisation en cercles. Un cercle réunit tous les acteurs d’un service opérationnel. Chaque cercle doit commencer par définir une vision et une mission. La vision c’est définir comme on souhaite le monde en résultat de l’action du cercle. La vision concerne l’extérieur de l’organisation. La mission se traduit en objectifs à atteindre et en tâches à réaliser pour concrétiser cette vision. Le cercle sociocratique génère une réelle responsabilité puisque les membres du cercle prennent les décisions, réalisent les actions et mesurent le résultat.
La troisième règle est le double lien entre les cercles. Dans un système hiérarchique, le responsable gère à la fois la communication descendante et ascendante. Dans le système sociocratique, le responsable opérationnel est désigné par le cercle supérieur. S’il s’occupe toujours de l’information descendante, c’est une autre personne élue, avec son consentement, par le cercle lui-même qui s’occupera de l’information ascendante. On l’appelle le représentant du cercle.
La quatrième règle est l’élection sans candidat. Habituellement une personne est nommée par son supérieur hiérarchique ou élue. Dans ce modèle, chaque membre du cercle désigne un candidat sans que celui ne se présente. Puis, un facilitateur organise un tour de table pendant lequel chacun explique pourquoi il a choisi tel ou tel candidat. Ceux qui ne veulent pas prendre la responsabilité peuvent se retirer en expliquant pourquoi. Le candidat sortant ne sera pas forcément celui qui aura le plus de voix mais celui qui fera le résultat d’un consentement collectif.
Il y a 3 conditions pour que fonctionnent bien la sociocratie. Il est nécessaire au départ qu’il y ait une implication forte de la part de la direction en promouvant la règle du consentement. La deuxième condition passe par un apprentissage des méthodes de base des facilitateurs. Cet apprentissage est rapide. Enfin la dernière condition est d’accepter que les anciennes habitudes puissent resurgir. Il est donc important de faire le point de temps en temps sur les problèmes rencontrés dans la mise en pratique.
Le modèle sociocratique ne néglige pas non plus la dimension de la rémunération du travail. Elle est composée d’une part fixe et une part variable, dont le montant dans les deux cas est bien entendu défini par consentement mutuel.
Gérard Endenburg a été fortement inspiré par un éducateur néerlandais Kees Boeke, (1884 – 1966) qui a été son professeur de 1943 à 1948. Ce pédagogue, militant pacifiste et membre du mouvement religieux quaker a lui aussi un parcours atypique. En 1911, il épouse mademoiselle Béatrice Cadbury, fille d’un entrepreneur du même nom. De 1912 à 1927, ils auront 8 enfants. Il crée en 1918, l’association « Fraternité en Christ » qui hébergera pendant de nombreuses années le Service Civil International (SCI), organisation non gouvernementale, qui organise des projets de volontariat contribuant à la construction de la paix dans le monde.
A la même période, les Boeke font un héritage bien embarrassant celui de l’entreprise Cadbury qu’ils revendent pour placer les fonds dans l’association SCI. En 1926, Kees fonde à Bilthoven une école alternative où il met en œuvre des pratiques pédagogiques innovantes, inspirées des théories de Maria Montessori. Les règles de l'école sont fondées sur la prise de décision par consensus.
Le modèle prôné par Gérard Endenburg est bien vivant. Comme la plupart des entrepreneurs « utopistes », il a écrit un livre pour diffuser ses idées, traduit en français sous le titre de « Sociocratie, les forces créatives de l’auto-organisation » (date ?). Un véritable mouvement autour de ces idées est en train de s’institutionnaliser à travers la création d’un Centre Mondial de la Sociocratie. L’engouement qu’il suscite permet de penser que nombreux sont les personnes qui aspirent à une expérience plus démocratique du pouvoir.
1.6 Tomas Bata (1876 – 1932): « Chausser la planète »
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En 1894, Tomas Bata, issu d’une famille de cordonniers depuis 8 générations, crée un petit atelier de fabrication de chaussures avec son frère et sa sœur à Zlin en Tchécoslovaquie. Au départ, il s’agit d’une organisation familiale artisanale. Outre les fondateurs, l’entreprise fait travailler une équipe de 10 ouvriers qui travaillent à domicile. Très vite, l’entreprise familiale grandit pour atteindre en 1895 près de 10 salariés permanents et 40 ouvriers à domicile. Elle va connaître un développement rapide d’abord en fournissant l’armée austro-hongroise lors de la première guerre mondiale puis en répondant en masse au besoin des populations dans le domaine de la chaussure. Ce succès est lié à plusieurs facteurs conjugués :
- Une forte demande de la part des marchés en équipements domestiques et personnels ;
- Une automatisation de plus en plus grande d’une partie de la production avec l’utilisation de machines permettant le montage, l’assemblage des cuirs, les piqûres et coutures de finition et des tapis roulants avec avance commandée. Entre 1904 et 1911, Tomas Bata avait effectué deux séjours aux USA. Il y avait même travaillé comme ouvrier pendant quelques semaines et les principes du fordisme l’avait fort intéressé. Mais deux autres stages en Allemagne et en Angleterre lui avait permis d’en comprendre les limites, en particulier sur le plan de la motivation du personnel ;
- Une organisation de la production s’appuyant sur une planification des volumes de production définis par trimestre, par mois puis par semaine mais avec un système de gestion laissant aux ateliers et aux équipes une grande autonomie d’action ;
- Une stratégie prix très agressive : En 1922, devant la crise du pouvoir d’achat des populations des milieux populaires, il propose de baisser le prix de vente des chaussures de 50%. Cette décision n’est pas sans conséquences pour son personnel qui soutient cette stratégie en acceptant une baisse de salaires de 40%....en échange de primes sur les résultats ;
- Une politique sociale sécurisante : l’entreprise développe des pratiques avancées d’amélioration des conditions de travail et offre des conditions de vie plus dignes : des pavillons de deux à quatre logements pour les familles, des chambres pour les célibataires, des magasins, une école, des crèches, , des terrains de sport, une chapelle, un internat abritant des apprentis, un hôpital et même un aéroport privé ;
- La création d’un système de commercialisation au plus près des clients à travers l’embauche de plus centaines de colporteurs qui donneront lieu plus tard à la création de 4300 magasins dont 250 succursales répartis sur plusieurs continents (Europe, Amérique du Nord, Asie, Afrique) ;
- L’innovation, le design et la qualité des produits : Dès 1897, Bata va innover en lançant la première paire de chaussures en textile pour femme, la «Batovsly ». Ce modèle est particulièrement bien apprécié par celles –ci car jusqu’à présent elles devaient mettre des bottines à lacet assez compliqué à chausser. T. Bata ne veut pas seulement fabriquer des chaussures robustes mais aussi marier « le style avec le confort » en innovant en permanence sur les matériaux et le design. Chaque année, l’entreprise propose des nouveaux modèles qui séduisent la clientèle. Il met également en place un système d’amélioration continue de la qualité, directement pris en charge par les ouvriers eux-mêmes ;
- Un système de management innovant et responsabilisant : Tomas Bata mise sur l’initiative, les savoir – faire et la responsabilité des individus. Il éprouve d’ailleurs le besoin de le formaliser en écrivant un livre « Le savoir en action » où il présente en détail les méthodes qu’il préconise. Chaque atelier a une tâche complète bien déterminée dans le processus de fabrication. Il est assimilé à un service autonome, une entreprise dans l’entreprise défendant ses propres intérêts économiques. Il doit mettre en place une comptabilité spécifique créditant ou débitant les services voisins tour à tour fournisseurs et / ou clients. Le montant des factures doit tenir compte de la quantité mais aussi de la qualité des produits fabriqués. C’est delà que dépendent les bénéfices. Ceux –en ci sont le résultat des achats et des ventes internes réalisés. En jouant sur les procédés, les équipes peuvent réduire le prix de revient et en améliorant la qualité elles peuvent espérer mieux négocier le prix de vente interne. Le bénéfice résulte de cette différence. Quand il est positif, l’entreprise distribue des primes aux chefs d’équipe et aux ouvriers. Si le chef d’équipe reçoit deux fois plus que les ouvriers, c’est lui qui doit supporter la perte en cas de résultats négatifs en restituant une partie des primes de l’année antérieure. Un tel système incite les collaborateurs simultanément à l’autodiscipline et au contrôle collectif sur chacun des membres. « L’employé dont le rendement est insuffisant par sa faute ressent aussitôt dans son salaire, les effets de sa médiocrité. Le tableau de production et le travail en équipes constituent le meilleur des contrôles. Ceux dont dont la négligence et la mauvaise volonté réduisent le rendement de l’unité de travail sont réprimandés et, au besoin, éliminés par leurs propres camarades » (Devinar, 1930).
Dans cet univers, les « chefs » ont un rôle particulier. Ils ne sont pas là pour imposer de façon autoritaire leur point de vue. Ils sont formés pour faire participer les salariés à la résolution des problèmes. Il a donc essentiellement un rôle de tuteur. Il est là pour encourager l’initiative et pas pour exercer une domination sur ses collaborateurs. Sur ce point T. Bata a des convictions bien arrêtées : « C’est en nous-mêmes et dans nos responsables qu’il faut voir le principal obstacle à notre système. Ces derniers sont d’autant plus gênants qu’ils occupent une position moins importante et craignent de la perdre. Le désir de se rendre irremplaçable est un levier du progrès, mais l’envie de le demeurer est un frein. «Un directeur ou un responsable incompétent jette toujours des regards jaloux à ceux qui l’entourent et s’arrange pour écarter celui qui serait susceptible de s’élever pour le remplacer. Un directeur ou un responsable compétent s’essouffle au contraire à chercher et à former ceux qui pourraient lui succéder, sachant qu’on aura besoin de lui à un niveau plus élevé, dès qu’il aura un remplaçant valable pour son poste actuel ». T. Bata va même plus loin en encourageant les salariés de premier ligne à ne pas se soumettre en cas de transgression : « Un homme compétent qui prend son travail à cœur ne s’arrête pas devant l’écriteau « Entrée interdite » sur la porte de son supérieur. Il entre en saluant poliment son directeur et lui fait comprendre que ce qui l’intéresse ce n’est pas qu’il reste assis à un bureau mais de l’aider dans son travail » (Ribeilles, ?).
En 1922, T. Bata devient Maire de Zlin. C’est l’occasion, pour lui, de s’engager pour le territoire qu’il s’efforcera de façonner pour accueillir le nombre croissant de salariés et de leurs familles. Entre 1923 et 1932, la ville passera de 5000 habitants à 37000.
Bata fait appel aux meilleurs architectes (dont Le Corbusier) pour aménager la ville en cohérence avec les valeurs qu’il souhaite promouvoir dans sa firme. Il veut récompenser « le travail acharné » de ses collaborateurs en les plaçant dans le meilleur environnement possible. Comme tous les entrepreneurs utopistes, il ne veut pas d’une réussite égocentrique mais « protéger la population de la misère et apporter le bonheur dans la vie des ouvriers (Bata, 2005).
Sans doute grisé par son succès, il se découvre une mission thaumaturgique : faire en sorte que chaque habitant de la planète ne marche pas pieds nus mais puisse accéder à la chaussure : « N’ayons pas peur de l’avenir. La moitié de la planète du globe va pieds nus et à peine 5% des hommes sont convenablement chaussés. Ceci nous montre que le peu que nous avons fait jusqu’à présent et la tâche immense qui attend tous les chausseurs du monde ». Sur ce point, T. Bata appliquera les théories de Ford. Si l’on veut que les pauvres puissent acheter les produits, il faut leur donner un travail rémunéré qui leur permette de le faire : « Les plus déshérités ont besoin de chaussures. Mais comment pourraient-ils en acheter avec si peu d’argent. Ces peuples ont besoin de travail. Avec l’argent gagné, ils pourront acheter ce qu’ils produisent. Nous devons les aider à travailler ». C’est cette conviction qui l’emmènera à créer des usines partout dans le monde jusqu'en en Asie, Indes et Afrique.
En 1930, l’entreprise se constitue en société anonyme et rachète un domaine de 580 hectares en Moselle pour y fonder son siège social qui deviendra pendant quelques temps, un véritable laboratoire d’innovations technologiques et sociales avec un nom qui résume l’enthousiasme et l’ambition des décideurs : Bataville.
Hélas Tomas meurt dans un accident d’avion en 1932. A cette date il laisse un groupe de 43 000 salariés qui fabriquent des millions de chaussures partout dans le monde. Fondamentalement entrepreneur, il aura œuvré toute sa vie avec passion et conviction. Pour lui, il y a trois valeurs essentielles à cultiver dans l’entreprise : Celle du travail, c’est par le travail qu’on peut transformer le monde ; celle de l’initiative car chacun a envie d’être dans l’action et enfin celle de la solidarité car une entreprise est avant tout une communauté humaine. A bien des égards, il a été en avance sur son temps …
Mais l’histoire de l’entreprise ne s’arrête pas là. T. Bata a su communiquer à sa famille les valeurs fondamentales qui l’animaient. Son fils Tomas Bata Junior, aidé par son oncle Jan, alors, lui succède. Ils continueront en l’amplifiant l’œuvre du père, non sans rencontrer eux aussi de nombreuses épreuves à dépasser.
En 1939, les troupes allemandes occupent la Tchécoslovaquie et réquisitionnent les usines du pays pour la fabrication d’armes. Les Bata fuient aux Etats Unis pour échapper à cette contrainte. En 1948, les communistes prennent le pouvoir et décident de bannir le nom de Bata pour le remplacer par la marque « Svit ». Tomas Bata Junior, bien résolu à perpétuer l’œuvre familiale décide de s’exiler au Canada pour fonder une nouvelle compagnie : La Bata Shoe Organisation. Il parvient à relancer l’entreprise tout en respectant les grands principes qui avaient fait la réussite de son père. Sous sa direction et celle de sa femme qui s’est associée à son aventure, l’entreprise vend plus de 300 millions de paires de chaussures chaque année et emploie plus de 80 000 salarié(e)s.
- Une forte demande de la part des marchés en équipements domestiques et personnels ;
- Une automatisation de plus en plus grande d’une partie de la production avec l’utilisation de machines permettant le montage, l’assemblage des cuirs, les piqûres et coutures de finition et des tapis roulants avec avance commandée. Entre 1904 et 1911, Tomas Bata avait effectué deux séjours aux USA. Il y avait même travaillé comme ouvrier pendant quelques semaines et les principes du fordisme l’avait fort intéressé. Mais deux autres stages en Allemagne et en Angleterre lui avait permis d’en comprendre les limites, en particulier sur le plan de la motivation du personnel ;
- Une organisation de la production s’appuyant sur une planification des volumes de production définis par trimestre, par mois puis par semaine mais avec un système de gestion laissant aux ateliers et aux équipes une grande autonomie d’action ;
- Une stratégie prix très agressive : En 1922, devant la crise du pouvoir d’achat des populations des milieux populaires, il propose de baisser le prix de vente des chaussures de 50%. Cette décision n’est pas sans conséquences pour son personnel qui soutient cette stratégie en acceptant une baisse de salaires de 40%....en échange de primes sur les résultats ;
- Une politique sociale sécurisante : l’entreprise développe des pratiques avancées d’amélioration des conditions de travail et offre des conditions de vie plus dignes : des pavillons de deux à quatre logements pour les familles, des chambres pour les célibataires, des magasins, une école, des crèches, , des terrains de sport, une chapelle, un internat abritant des apprentis, un hôpital et même un aéroport privé ;
- La création d’un système de commercialisation au plus près des clients à travers l’embauche de plus centaines de colporteurs qui donneront lieu plus tard à la création de 4300 magasins dont 250 succursales répartis sur plusieurs continents (Europe, Amérique du Nord, Asie, Afrique) ;
- L’innovation, le design et la qualité des produits : Dès 1897, Bata va innover en lançant la première paire de chaussures en textile pour femme, la «Batovsly ». Ce modèle est particulièrement bien apprécié par celles –ci car jusqu’à présent elles devaient mettre des bottines à lacet assez compliqué à chausser. T. Bata ne veut pas seulement fabriquer des chaussures robustes mais aussi marier « le style avec le confort » en innovant en permanence sur les matériaux et le design. Chaque année, l’entreprise propose des nouveaux modèles qui séduisent la clientèle. Il met également en place un système d’amélioration continue de la qualité, directement pris en charge par les ouvriers eux-mêmes ;
- Un système de management innovant et responsabilisant : Tomas Bata mise sur l’initiative, les savoir – faire et la responsabilité des individus. Il éprouve d’ailleurs le besoin de le formaliser en écrivant un livre « Le savoir en action » où il présente en détail les méthodes qu’il préconise. Chaque atelier a une tâche complète bien déterminée dans le processus de fabrication. Il est assimilé à un service autonome, une entreprise dans l’entreprise défendant ses propres intérêts économiques. Il doit mettre en place une comptabilité spécifique créditant ou débitant les services voisins tour à tour fournisseurs et / ou clients. Le montant des factures doit tenir compte de la quantité mais aussi de la qualité des produits fabriqués. C’est delà que dépendent les bénéfices. Ceux –en ci sont le résultat des achats et des ventes internes réalisés. En jouant sur les procédés, les équipes peuvent réduire le prix de revient et en améliorant la qualité elles peuvent espérer mieux négocier le prix de vente interne. Le bénéfice résulte de cette différence. Quand il est positif, l’entreprise distribue des primes aux chefs d’équipe et aux ouvriers. Si le chef d’équipe reçoit deux fois plus que les ouvriers, c’est lui qui doit supporter la perte en cas de résultats négatifs en restituant une partie des primes de l’année antérieure. Un tel système incite les collaborateurs simultanément à l’autodiscipline et au contrôle collectif sur chacun des membres. « L’employé dont le rendement est insuffisant par sa faute ressent aussitôt dans son salaire, les effets de sa médiocrité. Le tableau de production et le travail en équipes constituent le meilleur des contrôles. Ceux dont dont la négligence et la mauvaise volonté réduisent le rendement de l’unité de travail sont réprimandés et, au besoin, éliminés par leurs propres camarades » (Devinar, 1930).
Dans cet univers, les « chefs » ont un rôle particulier. Ils ne sont pas là pour imposer de façon autoritaire leur point de vue. Ils sont formés pour faire participer les salariés à la résolution des problèmes. Il a donc essentiellement un rôle de tuteur. Il est là pour encourager l’initiative et pas pour exercer une domination sur ses collaborateurs. Sur ce point T. Bata a des convictions bien arrêtées : « C’est en nous-mêmes et dans nos responsables qu’il faut voir le principal obstacle à notre système. Ces derniers sont d’autant plus gênants qu’ils occupent une position moins importante et craignent de la perdre. Le désir de se rendre irremplaçable est un levier du progrès, mais l’envie de le demeurer est un frein. «Un directeur ou un responsable incompétent jette toujours des regards jaloux à ceux qui l’entourent et s’arrange pour écarter celui qui serait susceptible de s’élever pour le remplacer. Un directeur ou un responsable compétent s’essouffle au contraire à chercher et à former ceux qui pourraient lui succéder, sachant qu’on aura besoin de lui à un niveau plus élevé, dès qu’il aura un remplaçant valable pour son poste actuel ». T. Bata va même plus loin en encourageant les salariés de premier ligne à ne pas se soumettre en cas de transgression : « Un homme compétent qui prend son travail à cœur ne s’arrête pas devant l’écriteau « Entrée interdite » sur la porte de son supérieur. Il entre en saluant poliment son directeur et lui fait comprendre que ce qui l’intéresse ce n’est pas qu’il reste assis à un bureau mais de l’aider dans son travail » (Ribeilles, ?).
En 1922, T. Bata devient Maire de Zlin. C’est l’occasion, pour lui, de s’engager pour le territoire qu’il s’efforcera de façonner pour accueillir le nombre croissant de salariés et de leurs familles. Entre 1923 et 1932, la ville passera de 5000 habitants à 37000.
Bata fait appel aux meilleurs architectes (dont Le Corbusier) pour aménager la ville en cohérence avec les valeurs qu’il souhaite promouvoir dans sa firme. Il veut récompenser « le travail acharné » de ses collaborateurs en les plaçant dans le meilleur environnement possible. Comme tous les entrepreneurs utopistes, il ne veut pas d’une réussite égocentrique mais « protéger la population de la misère et apporter le bonheur dans la vie des ouvriers (Bata, 2005).
Sans doute grisé par son succès, il se découvre une mission thaumaturgique : faire en sorte que chaque habitant de la planète ne marche pas pieds nus mais puisse accéder à la chaussure : « N’ayons pas peur de l’avenir. La moitié de la planète du globe va pieds nus et à peine 5% des hommes sont convenablement chaussés. Ceci nous montre que le peu que nous avons fait jusqu’à présent et la tâche immense qui attend tous les chausseurs du monde ». Sur ce point, T. Bata appliquera les théories de Ford. Si l’on veut que les pauvres puissent acheter les produits, il faut leur donner un travail rémunéré qui leur permette de le faire : « Les plus déshérités ont besoin de chaussures. Mais comment pourraient-ils en acheter avec si peu d’argent. Ces peuples ont besoin de travail. Avec l’argent gagné, ils pourront acheter ce qu’ils produisent. Nous devons les aider à travailler ». C’est cette conviction qui l’emmènera à créer des usines partout dans le monde jusqu'en en Asie, Indes et Afrique.
En 1930, l’entreprise se constitue en société anonyme et rachète un domaine de 580 hectares en Moselle pour y fonder son siège social qui deviendra pendant quelques temps, un véritable laboratoire d’innovations technologiques et sociales avec un nom qui résume l’enthousiasme et l’ambition des décideurs : Bataville.
Hélas Tomas meurt dans un accident d’avion en 1932. A cette date il laisse un groupe de 43 000 salariés qui fabriquent des millions de chaussures partout dans le monde. Fondamentalement entrepreneur, il aura œuvré toute sa vie avec passion et conviction. Pour lui, il y a trois valeurs essentielles à cultiver dans l’entreprise : Celle du travail, c’est par le travail qu’on peut transformer le monde ; celle de l’initiative car chacun a envie d’être dans l’action et enfin celle de la solidarité car une entreprise est avant tout une communauté humaine. A bien des égards, il a été en avance sur son temps …
Mais l’histoire de l’entreprise ne s’arrête pas là. T. Bata a su communiquer à sa famille les valeurs fondamentales qui l’animaient. Son fils Tomas Bata Junior, aidé par son oncle Jan, alors, lui succède. Ils continueront en l’amplifiant l’œuvre du père, non sans rencontrer eux aussi de nombreuses épreuves à dépasser.
En 1939, les troupes allemandes occupent la Tchécoslovaquie et réquisitionnent les usines du pays pour la fabrication d’armes. Les Bata fuient aux Etats Unis pour échapper à cette contrainte. En 1948, les communistes prennent le pouvoir et décident de bannir le nom de Bata pour le remplacer par la marque « Svit ». Tomas Bata Junior, bien résolu à perpétuer l’œuvre familiale décide de s’exiler au Canada pour fonder une nouvelle compagnie : La Bata Shoe Organisation. Il parvient à relancer l’entreprise tout en respectant les grands principes qui avaient fait la réussite de son père. Sous sa direction et celle de sa femme qui s’est associée à son aventure, l’entreprise vend plus de 300 millions de paires de chaussures chaque année et emploie plus de 80 000 salarié(e)s.
1.7 Jacques Benoit : Le patron élu (1943 - )
Jacques Benoît est né en 1943 est un entrepreneur autodidacte qui a créé en 1970 une entreprise spécialisée dans l’importation, le traitement et le conditionnement et la commercialisation de fruits secs et graines séchées salées. Positionnée sur le secteur de la grande distribution, son entreprise employait près de 160 salariés et réalisait un chiffre d’affaires de 40 millions d’Euros. L’entreprise a déposé son bilan en 1998.
Mais si l’entreprise a défrayé souvent la chronique, ce n’est pas seulement à cause de ses succès économiques mais parce que le dirigeant voulait transformer son entreprise en véritable laboratoire social en organisant son entreprise autour de 5 principes démocratiques
- 1°) Le dirigeant doit être élu par les actionnaires et les salariés : Chaque année, pendant près de 28 ans Jacques Benoit appelait ses salariés à l’évaluer et à l’élire à bulletin secret comme directeur général. En cas de mauvais score, il s’engageait à ce qu’un nouveau dirigeant, issu de la communauté de travail puisse se présenter à un nouveau suffrage. Il estimait que le dirigeant devait être élu à la majorité des ¾ des voix exprimées.
- 2°) Adhésion obligatoire pour tous les salariés à un syndicat : cette adhésion permet aux salariés d’être une véritable partie prenante.
- 3°) L’entreprise n’a pas qu’une finalité financière ; elle a une responsabilité sociale envers son environnement, ses salariés, ses clients, ses actionnaires. Cette dimension doit être définie dans sa mission.
- 4°) Consultation des salariés sur les décisions stratégiques de l’entreprise avec un droit de véto. Chaque année, Jacques Benoit organisait 3 réunions par an avec tous les salariés de son entreprise pour valider la stratégie, la politique d’investissement et débattre des salaires et des augmentations. Les salaires étant connus de tous. Les salariés peuvent s’opposer par exemple à une délocalisation ou à l’entrée d’un nouveau partenaire.
- 5°) Les collaborateurs sont invités à noter leurs managers. C’est d’ailleurs la seule évaluation qui est mise en place dans l’entreprise. Les collaborateurs n’étant pas évalués par leurs managers.
Plusieurs critiques lui ont été adressées, notamment le fait qu’il possédait 70% du capital de l’entreprise. Ce à quoi, Jacques Benoit répondait que si il était prêt à abandonner sa fonction de dirigeant si son personnel estimait qu’il n’était plus compétent, il ne s’agissait en aucun cas d’une expérience d’autogestion. Ainsi en cas de non élection, il pouvait rester actionnaire majoritaire. Ce qui est intéressant à observer par contre c’est que son modèle qui a tenu plus de 28 ans s’est effondré lorsque l’entreprise a eu des difficultés économiques sérieuses.
Aujourd’hui Jacques Benoit est devenu consultant après avoir écrit plusieurs ouvrages sur son expérience. Il intervient dans de nombreuses entreprises ou grandes écoles pour diffuser ses convictions démocratiques.
Mais si l’entreprise a défrayé souvent la chronique, ce n’est pas seulement à cause de ses succès économiques mais parce que le dirigeant voulait transformer son entreprise en véritable laboratoire social en organisant son entreprise autour de 5 principes démocratiques
- 1°) Le dirigeant doit être élu par les actionnaires et les salariés : Chaque année, pendant près de 28 ans Jacques Benoit appelait ses salariés à l’évaluer et à l’élire à bulletin secret comme directeur général. En cas de mauvais score, il s’engageait à ce qu’un nouveau dirigeant, issu de la communauté de travail puisse se présenter à un nouveau suffrage. Il estimait que le dirigeant devait être élu à la majorité des ¾ des voix exprimées.
- 2°) Adhésion obligatoire pour tous les salariés à un syndicat : cette adhésion permet aux salariés d’être une véritable partie prenante.
- 3°) L’entreprise n’a pas qu’une finalité financière ; elle a une responsabilité sociale envers son environnement, ses salariés, ses clients, ses actionnaires. Cette dimension doit être définie dans sa mission.
- 4°) Consultation des salariés sur les décisions stratégiques de l’entreprise avec un droit de véto. Chaque année, Jacques Benoit organisait 3 réunions par an avec tous les salariés de son entreprise pour valider la stratégie, la politique d’investissement et débattre des salaires et des augmentations. Les salaires étant connus de tous. Les salariés peuvent s’opposer par exemple à une délocalisation ou à l’entrée d’un nouveau partenaire.
- 5°) Les collaborateurs sont invités à noter leurs managers. C’est d’ailleurs la seule évaluation qui est mise en place dans l’entreprise. Les collaborateurs n’étant pas évalués par leurs managers.
Plusieurs critiques lui ont été adressées, notamment le fait qu’il possédait 70% du capital de l’entreprise. Ce à quoi, Jacques Benoit répondait que si il était prêt à abandonner sa fonction de dirigeant si son personnel estimait qu’il n’était plus compétent, il ne s’agissait en aucun cas d’une expérience d’autogestion. Ainsi en cas de non élection, il pouvait rester actionnaire majoritaire. Ce qui est intéressant à observer par contre c’est que son modèle qui a tenu plus de 28 ans s’est effondré lorsque l’entreprise a eu des difficultés économiques sérieuses.
Aujourd’hui Jacques Benoit est devenu consultant après avoir écrit plusieurs ouvrages sur son expérience. Il intervient dans de nombreuses entreprises ou grandes écoles pour diffuser ses convictions démocratiques.
1.8 Herve (1945 - ) : Faire émerger les intrapreneurs dans une entreprise démocratique
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Le Groupe Hervé a été créé en 1972 par Michel Hervé. Il intervient dans 3 domaines (Energies, Génie climatique, énergies renouvelables) Industries (Chaudronnerie, métallerie, serrurerie), numérique (E-Commerce et formation) et rassemble aujourd’hui plus d’une vingtaine de sociétés filiales et près de 2500 salariés.
Michel Hervé est un entrepreneur atypique. Il est né le 29 Septembre 1945 à Partenay. Tout en menant une activité professionnelle d’entrepreneur, il s’implique dans son environnement régional d’abord en tant que maire de 1979 à 2001, puis de conseiller régional de Poitou Charente de 1986 à 1998 et comme député européen de 1989 à 1994. Passionné d’anthropologie et d’histoire il transfère certains principes de la vie des communautés primitives à la vie des groupes en entreprise. Son expérience s’exerce sans conteste dans le champ de ce que certains sociologues ont appelé « la démocratie industrielle ».
Autonomie et responsabilisation :
Chaque homme a besoin d’une large d’autonomie d’action dans des communautés où se pratique le respect. Cette responsabilisation passe par le fait que les objectifs ne doivent pas être imposés par une hiérarchie supérieure mais proposés par les acteurs eux-mêmes. La stratégie dans ce modèle est le résultat de l’ensemble des visions des membres de l’entreprise. Elle se construit de façon collective à travers des réunions mensuelles obligatoires qui permettent également de faire le point sur l’avancée des projets. Les relations de travail binaires entre un salarié et un responsable sont réduites au maximum.
Les salariés ne doivent pas agir sur ordre de leur supérieur, c’est l’environnement concret qui doit guider l’action des collaborateurs à travers leur analyse des demandes des clients, des comportements des concurrents ou encore les échanges avec leurs collègues. Les collaborateurs sont donc vivement encouragés à adopter un comportement entrepreneurial en proposant des solutions susceptibles d’améliorer l’adaptation de l’entreprise à ses différents marchés et à ceux qui émergent. Ces propositions doivent être solidairement partagées par leurs pairs avant d’être présentées au responsable. Elles peuvent donner lieu à la création de filiales spécifiques. C’est ainsi depuis quelques années, que le groupe se diversifie dans des métiers nouveaux (numériques) plus éloignés des métiers de départ (métallerie, climatisation).
A travers ce dispositif inversé, Michel Hervé a souhaité valoriser le « pouvoir de création » des individus plutôt que le pouvoir de domination qui l’emporte habituellement dans la plupart des organisations.
Une organisation en groupe :
Pour faciliter ces échanges communautaires, l’entreprise est constituée de groupes rassemblant entre 15 à 20 salariés. L’entreprise en compte environs 160. Chaque groupe est animé par un responsable clients qui n’a pas de rôle hiérarchique direct sur les collaborateurs immédiats. Il intervient seulement dans la sélection, le coaching et l’animation des responsables de projets qui ont en charge la gestion administrative et commerciale de leurs projets. Les responsables de projets sont eux-mêmes des techniciens à la base désirant prendre des initiatives sur tel ou tel chantiers. Les responsables clients sont eux-mêmes coordonnées par 18 responsables de territoires, directement rattachés à la direction générale, qui viennent compléter cette structure hiérarchique allégée qui se limite à 4 niveaux.
Il y a dans le Groupe Hervé la volonté délibérée de ne pas donner trop de pouvoir aux hiérarchiques. C’est pourquoi, les décisions sont toujours prises collectivement. C’est un principe clé du système Hervé comme en témoigne cette phrase tirée de la rubrique « Organisation participative » du site du groupe :
« Pour que l’intelligence collective puisse se déployer, il faut que la voix du manager ne prévale pas sur celle des autres membres de l’équipe, de manière à garantir que ce soit bien les décisions les plus pertinentes qui soient prises, et non celles qui plaisent à un seul. Cette prise de décision collective spécifie le Groupe Hervé. Elle garantit que les solutions proposées sont adaptées aux réalités du terrain plutôt qu’aux convictions d’un seul homme ».
L’auto-évaluation :
Pour soutenir les acteurs dans la dynamique de leurs objectifs ou de leurs projets, des outils de gestion très formalisés sont mis à leur disposition. Par ailleurs, des audits mutuels réalisés par les pairs permettent une plus grande maitrise de l’action.
A la fin d’un projet ou d’une période, ils sont invités à pratiquer une double évaluation. Les chargés de clients et les directeurs d’agence s’évaluent eux-mêmes tandis que leurs collaborateurs évaluent également leur action. Cette double évaluation permet une confrontation qui peut donner lieu à l’intervention d’un tiers en cas de contestation. Dans le cas des collaborateurs eux-mêmes cette évaluation se fait en général par les pairs eux-mêmes.
L’importance accordée au processus d’évaluation met clairement en évidence l’importance de la responsabilisation comme facteur clé de succès de l’autonomisation.
Création participative des règles démocratiques
Les salariés disposent d’un pouvoir de décision et d’action important, c’est pourquoi Michel Hervé a estimé qu’il était nécessaire de mettre en place des règles collective de fonctionnement très précises. S’inspirant de son expérience parlementaire, il a créé des « groupes réseaux métiers » qui regroupent de façon transversale les principales fonctions inscrites dans chaque filiale.
Ces groupes fonctionnent comme des commissions. Leurs rôles est d’assurer une veille interne et externe, de coordonner les procédures et les outils afin de trouver des effets des synergies et de la cohérence entre les fonctions. Ces groupes réseaux métiers n’ont aucun pouvoir de décision mais de proposition au comité de direction.
Les NTIC au service d’une démocratie participative
L’organisation hiérarchique des pouvoirs génèrent souvent des cloisonnements ; chacun défendant son pré- carré. Les nouvelles technologies constituent un pilier du système de Management du groupe Hervé. Cela passe par une bonne circulation des informations. Un intranet très développé et accessible par tous les salariés a été mise en place. Comprenant une messagerie, des réunions virtuelles, des forums de discussions, des comptes rendus de réunions, etc… le système de communication vise à faire de l’entreprise une véritable « cité intelligente » ( ?).
Convaincu qu’il est de l’utilité de son modèle pour les entreprises, Michel Hervé ressent le besoin de partager ses convictions en s’impliquant dans de nombreuses manifestations ou colloques académiques. Il a publié un ouvrage avec l’appui d’un philosophe, Thibaud Brière, qui décrit dans le détail ses conceptions et les méthodes qu’il a expérimenté depuis 40 ans dans son entreprise (« Le pouvoir au-delà du pouvoir ; l'exigence de démocratie dans toute organisation », 2012). Plus récemment, il a même crée une filiale « Hervé Management » qui intervient dans toutes les organisations désirant évoluer vers plus de démocratie.
Michel Hervé est un entrepreneur atypique. Il est né le 29 Septembre 1945 à Partenay. Tout en menant une activité professionnelle d’entrepreneur, il s’implique dans son environnement régional d’abord en tant que maire de 1979 à 2001, puis de conseiller régional de Poitou Charente de 1986 à 1998 et comme député européen de 1989 à 1994. Passionné d’anthropologie et d’histoire il transfère certains principes de la vie des communautés primitives à la vie des groupes en entreprise. Son expérience s’exerce sans conteste dans le champ de ce que certains sociologues ont appelé « la démocratie industrielle ».
Autonomie et responsabilisation :
Chaque homme a besoin d’une large d’autonomie d’action dans des communautés où se pratique le respect. Cette responsabilisation passe par le fait que les objectifs ne doivent pas être imposés par une hiérarchie supérieure mais proposés par les acteurs eux-mêmes. La stratégie dans ce modèle est le résultat de l’ensemble des visions des membres de l’entreprise. Elle se construit de façon collective à travers des réunions mensuelles obligatoires qui permettent également de faire le point sur l’avancée des projets. Les relations de travail binaires entre un salarié et un responsable sont réduites au maximum.
Les salariés ne doivent pas agir sur ordre de leur supérieur, c’est l’environnement concret qui doit guider l’action des collaborateurs à travers leur analyse des demandes des clients, des comportements des concurrents ou encore les échanges avec leurs collègues. Les collaborateurs sont donc vivement encouragés à adopter un comportement entrepreneurial en proposant des solutions susceptibles d’améliorer l’adaptation de l’entreprise à ses différents marchés et à ceux qui émergent. Ces propositions doivent être solidairement partagées par leurs pairs avant d’être présentées au responsable. Elles peuvent donner lieu à la création de filiales spécifiques. C’est ainsi depuis quelques années, que le groupe se diversifie dans des métiers nouveaux (numériques) plus éloignés des métiers de départ (métallerie, climatisation).
A travers ce dispositif inversé, Michel Hervé a souhaité valoriser le « pouvoir de création » des individus plutôt que le pouvoir de domination qui l’emporte habituellement dans la plupart des organisations.
Une organisation en groupe :
Pour faciliter ces échanges communautaires, l’entreprise est constituée de groupes rassemblant entre 15 à 20 salariés. L’entreprise en compte environs 160. Chaque groupe est animé par un responsable clients qui n’a pas de rôle hiérarchique direct sur les collaborateurs immédiats. Il intervient seulement dans la sélection, le coaching et l’animation des responsables de projets qui ont en charge la gestion administrative et commerciale de leurs projets. Les responsables de projets sont eux-mêmes des techniciens à la base désirant prendre des initiatives sur tel ou tel chantiers. Les responsables clients sont eux-mêmes coordonnées par 18 responsables de territoires, directement rattachés à la direction générale, qui viennent compléter cette structure hiérarchique allégée qui se limite à 4 niveaux.
Il y a dans le Groupe Hervé la volonté délibérée de ne pas donner trop de pouvoir aux hiérarchiques. C’est pourquoi, les décisions sont toujours prises collectivement. C’est un principe clé du système Hervé comme en témoigne cette phrase tirée de la rubrique « Organisation participative » du site du groupe :
« Pour que l’intelligence collective puisse se déployer, il faut que la voix du manager ne prévale pas sur celle des autres membres de l’équipe, de manière à garantir que ce soit bien les décisions les plus pertinentes qui soient prises, et non celles qui plaisent à un seul. Cette prise de décision collective spécifie le Groupe Hervé. Elle garantit que les solutions proposées sont adaptées aux réalités du terrain plutôt qu’aux convictions d’un seul homme ».
L’auto-évaluation :
Pour soutenir les acteurs dans la dynamique de leurs objectifs ou de leurs projets, des outils de gestion très formalisés sont mis à leur disposition. Par ailleurs, des audits mutuels réalisés par les pairs permettent une plus grande maitrise de l’action.
A la fin d’un projet ou d’une période, ils sont invités à pratiquer une double évaluation. Les chargés de clients et les directeurs d’agence s’évaluent eux-mêmes tandis que leurs collaborateurs évaluent également leur action. Cette double évaluation permet une confrontation qui peut donner lieu à l’intervention d’un tiers en cas de contestation. Dans le cas des collaborateurs eux-mêmes cette évaluation se fait en général par les pairs eux-mêmes.
L’importance accordée au processus d’évaluation met clairement en évidence l’importance de la responsabilisation comme facteur clé de succès de l’autonomisation.
Création participative des règles démocratiques
Les salariés disposent d’un pouvoir de décision et d’action important, c’est pourquoi Michel Hervé a estimé qu’il était nécessaire de mettre en place des règles collective de fonctionnement très précises. S’inspirant de son expérience parlementaire, il a créé des « groupes réseaux métiers » qui regroupent de façon transversale les principales fonctions inscrites dans chaque filiale.
Ces groupes fonctionnent comme des commissions. Leurs rôles est d’assurer une veille interne et externe, de coordonner les procédures et les outils afin de trouver des effets des synergies et de la cohérence entre les fonctions. Ces groupes réseaux métiers n’ont aucun pouvoir de décision mais de proposition au comité de direction.
Les NTIC au service d’une démocratie participative
L’organisation hiérarchique des pouvoirs génèrent souvent des cloisonnements ; chacun défendant son pré- carré. Les nouvelles technologies constituent un pilier du système de Management du groupe Hervé. Cela passe par une bonne circulation des informations. Un intranet très développé et accessible par tous les salariés a été mise en place. Comprenant une messagerie, des réunions virtuelles, des forums de discussions, des comptes rendus de réunions, etc… le système de communication vise à faire de l’entreprise une véritable « cité intelligente » ( ?).
Convaincu qu’il est de l’utilité de son modèle pour les entreprises, Michel Hervé ressent le besoin de partager ses convictions en s’impliquant dans de nombreuses manifestations ou colloques académiques. Il a publié un ouvrage avec l’appui d’un philosophe, Thibaud Brière, qui décrit dans le détail ses conceptions et les méthodes qu’il a expérimenté depuis 40 ans dans son entreprise (« Le pouvoir au-delà du pouvoir ; l'exigence de démocratie dans toute organisation », 2012). Plus récemment, il a même crée une filiale « Hervé Management » qui intervient dans toutes les organisations désirant évoluer vers plus de démocratie.
1.9 Jean-François Zobrist (1950 - ) : La confiance exclut le contrôle !
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Pour comprendre comment s’est élaboré le modèle d’entreprise libérée de Jean François Zobrist, dirigeant de l’entreprise FAVI, il faut lire son premier livre « Un petit patron naïf et paresseux ». On y découvre un homme qui, dès le jeune âge, semble peu enclin à se soumettre à un système. Son vécu d’écolier semble en témoigner.
Passionné d’aviation, il s’inscrit à une préparation militaire pour apprendre à sauter en parachute; ce qui lui permettra de tisser de nouvelles relations et s’engager dans l’armée française pour accéder à la fonction de sous - lieutenant instructeur à l’école d’artillerie de Châlons sur Marne.
Après cette période, il rencontre son mentor « un grand patron d’industrie », un personnage visiblement haut en couleur privilégiant l’intuition et la confiance qui le nomme directeur d’une fonderie nommée FAVI située en Picardie.
Jean – François Zobrist passe 4 mois à observer et à tisser des liens avec les salariés jusqu’à ce que l’ancien directeur quitte le poste. Il constate de nombreuses lourdeurs de fonctionnement liées à des procédures de contrôle propres aux organisations hiérarchiques : Un exemple illustre les conséquences de cette conception : Pour changer de gants, l’ouvrier devait d’abord rencontrer son chef direct, remplir un bordereau, solliciter le responsable du magasin puis revenir sur son poste de travail qui était en arrêt durant le temps de ce renouvellement. En calculant le temps consacré, il en arrive à la conclusion qu’il est plus simple de laisser les salariés renouveler leurs outils comme ils l’entendent, bref de leur faire confiance.
On apprend également que Jean-François Zobrist à la même époque suit à Paris les cours du CNAM et de l’AFPIMM. Très régulièrement, il rédige des fiches de synthèse sur des méthodes d’organisation industrielle au fur et à mesure des problèmes qu’il rencontre. Fiches que d’ailleurs il publiera dans un livre en auto édition pour partager ses connaissances, fruits d’une confrontation permanente entre la théorie et l’expérience empirique quotidienne. Il rédige plus de 65 fiches qui portent sur des sujets aussi variés que la théorie X et Y de Mac Grégor, la socio-dynamique de JC Fauvet, la démarche Kaizen, les 5 S, le Pert, etc...
Dans un souci d’établir des relations égalitaires entre les salariés, il supprime du vocabulaire de l’entreprise le langage de classe comme les termes d’ouvrières et d’ouvriers qu’il remplace par ceux d’opérateurs et d’opératrices. Ce qui guide son action c’est la recherche permanente d’une certaine simplicité de façon à ce que tout le monde comprenne et intègre sans peine ces nouveaux outils dans l’action quotidienne.
Il s’adresse de façon très directe à ses troupes en les associant à l’élaboration de nouvelles méthodes de travail et à d’autres façons de concevoir les relations d’autorité. C’est ainsi qu’il s’exprima un jour au cours d’une réunion :
"Les pointeuses sont démontées, la porte du magasin dessoudée, les distributeurs de boissons rendus, les sonneries débranchées, ce qui est fait est fait, ce qui est dit est dit ! Nous ne pouvons plus faire marche arrière !
J’ai l’intime conviction qu’on ne pouvait pas continuer à travailler de façon si archaïque !
Que faire ? je n’en sais trop rien, les seules véritables expériences du maniement des hommes que j’ai pu connaître sont un peu pendant mon service militaire, comme sous-lieutenant, où il a fallu que je trouve des combines pour donner des ordres idiots à des gens intelligents, et davantage comme moniteur de colo quand à 17 ans j’ai eu la chance d’avoir à occuper des gamins de mineurs du Nord qui avaient 15 ans, des monstres qui me dépassaient pour la plupart d’une tête !
Voilà ce que je vous propose transformons-nous en moniteurs de colo !
Nous ne devons plus ordonner, nous devons animer !
Nous ne devons plus récompenser ou sanctionner, mais montrer le bon chemin !
Nous ne devons plus contrôler l’activité mais aider chacun à mesurer son propre résultat !
Comment ?
Je ne sais pas !
Ce que je sais c’est que nous avons une chance extraordinaire !
Nous avons un grand Patron qui nous laissera libres, totalement libres d’œuvrer comme nous l’entendons, du moment que l’on respecte les lois !
C’est une chance extraordinaire, rarissime, la plupart des entreprises sont coincées entre un siège social et des actionnaires qui veulent se mêler de tout, ou sont à la merci de leur banquier, ou d’une famille complète qui noyaute l’entreprise;
Nous, la seule chose que nous ayons à faire est de nous mettre d’accord, ensemble, sur ce que nous voulons faire ! Ce n’est quand même pas bien compliqué ! » (Chapitre 6 – Histoires d’un petit patron naïf et paresseux)
A l’issu de cette réunion, les cadres acceptèrent non sans scepticisme de supprimer les pointages et les primes. Contre toute attente, les cadences se mirent à augmenter de façon significative.
Le changement suivant porta sur les commerciaux qui devinrent en quelque sorte des managers de projet ayant le pouvoir de prendre toute décision visant à répondre à la demande des clients alors qu’avant ils devaient systématiquement soumettre les demandes des clients au Bureau d’étude pour faire les devis.
L’étape suivante consista à créer 21 groupes de 10 personnes environs qui devinrent des mini – usines au service les unes des autres. Ces mini-usines ne comportant que 2 niveaux hiérarchiques : le leader et les opérateurs. Il procéda par ailleurs à la suppression de certains services supports : Planning ; lancement, ordonnancement, méthodes, GPAO, Achat. et de certains niveaux hiérarchiques (Chef d'équipe, chef d'atelier, chef de service, chef de fabrication, directeur technique).
Petit à petit, d’autres zones de l’entreprise furent libérées comme la gestion des frais de déplacements directement assumée par les salariés eux - mêmes, les bons d’achat de 150 euros permettant à chacun d’acheter ce qu’il veut du moment que l’objet reste dans l’entreprise.
6 principes fondamentaux inspirent le système FAVI :
1°) "Chacun doit rechercher en permanence "L'amour" de son client"
Le dessinateur concepteur recherchera "l'amour" de l'outilleur qui fera le moule, l'outilleur "l'amour" du fondeur qui utilisera ce moule, le fondeur "l'amour" de son compagnon qui usinera et assemblera la pièce brute de fonderie et enfin tous ensemble "l'amour" d'abord de l'opérateur du client qui recevra et utilisera la pièce, et à travers lui l'amour du client final, qui, quelque part dans le monde utilisera des années durant le produit final.
2°) "L'autre est systématiquement considéré comme bon ! "L'homme "bon" ne fait pas exprès d'arriver en retard, donc les pointeuses sont superflues, l'homme n'est pas voleur donc les magasins sont en libre-service, l'homme est intelligent donc toute structure d'accompagnement est vexatoire…etc.
3°) "La performance vient des opératrices et opérateurs et d'eux seuls !"
4°) "Il n'y pas de performance sans bonheur !"
Forts de, et croyant en ces quatre principes ils ont collectivement développé un système de fonctionnement extrêmement simple :
5°) "Toujours plus et mieux pour moins cher pour chacun de nos clients, dans le respect de la terre de nos enfants"
6°) "Vivre et s’épanouir en Picardie dans notre village"
L’approche de Jean-François Zobrist semble naïve et parfois simpliste. Il faut entendre cette préoccupation comme l’expression d’une volonté réelle de mettre en œuvre un fonctionnement d’entreprise idéale sans se perdre dans les grandes idées. Cependant, il ne faut pas se laisser prendre par cette attitude de façade relativement provocatrice. En effet ce patron atypique a continuellement pratiqué tout au long de sa vie professionnelle une autodidaxie permanente au point de développer, auprès des institutions académiques les plus reconnues, des activités de formateur consultant en management alternatif. Comme d’autres entrepreneurs utopistes, il a l’ardent désir de diffuser son expérience auprès du plus grand nombre pour les convaincre d’adopter son modèle.
Passionné d’aviation, il s’inscrit à une préparation militaire pour apprendre à sauter en parachute; ce qui lui permettra de tisser de nouvelles relations et s’engager dans l’armée française pour accéder à la fonction de sous - lieutenant instructeur à l’école d’artillerie de Châlons sur Marne.
Après cette période, il rencontre son mentor « un grand patron d’industrie », un personnage visiblement haut en couleur privilégiant l’intuition et la confiance qui le nomme directeur d’une fonderie nommée FAVI située en Picardie.
Jean – François Zobrist passe 4 mois à observer et à tisser des liens avec les salariés jusqu’à ce que l’ancien directeur quitte le poste. Il constate de nombreuses lourdeurs de fonctionnement liées à des procédures de contrôle propres aux organisations hiérarchiques : Un exemple illustre les conséquences de cette conception : Pour changer de gants, l’ouvrier devait d’abord rencontrer son chef direct, remplir un bordereau, solliciter le responsable du magasin puis revenir sur son poste de travail qui était en arrêt durant le temps de ce renouvellement. En calculant le temps consacré, il en arrive à la conclusion qu’il est plus simple de laisser les salariés renouveler leurs outils comme ils l’entendent, bref de leur faire confiance.
On apprend également que Jean-François Zobrist à la même époque suit à Paris les cours du CNAM et de l’AFPIMM. Très régulièrement, il rédige des fiches de synthèse sur des méthodes d’organisation industrielle au fur et à mesure des problèmes qu’il rencontre. Fiches que d’ailleurs il publiera dans un livre en auto édition pour partager ses connaissances, fruits d’une confrontation permanente entre la théorie et l’expérience empirique quotidienne. Il rédige plus de 65 fiches qui portent sur des sujets aussi variés que la théorie X et Y de Mac Grégor, la socio-dynamique de JC Fauvet, la démarche Kaizen, les 5 S, le Pert, etc...
Dans un souci d’établir des relations égalitaires entre les salariés, il supprime du vocabulaire de l’entreprise le langage de classe comme les termes d’ouvrières et d’ouvriers qu’il remplace par ceux d’opérateurs et d’opératrices. Ce qui guide son action c’est la recherche permanente d’une certaine simplicité de façon à ce que tout le monde comprenne et intègre sans peine ces nouveaux outils dans l’action quotidienne.
Il s’adresse de façon très directe à ses troupes en les associant à l’élaboration de nouvelles méthodes de travail et à d’autres façons de concevoir les relations d’autorité. C’est ainsi qu’il s’exprima un jour au cours d’une réunion :
"Les pointeuses sont démontées, la porte du magasin dessoudée, les distributeurs de boissons rendus, les sonneries débranchées, ce qui est fait est fait, ce qui est dit est dit ! Nous ne pouvons plus faire marche arrière !
J’ai l’intime conviction qu’on ne pouvait pas continuer à travailler de façon si archaïque !
Que faire ? je n’en sais trop rien, les seules véritables expériences du maniement des hommes que j’ai pu connaître sont un peu pendant mon service militaire, comme sous-lieutenant, où il a fallu que je trouve des combines pour donner des ordres idiots à des gens intelligents, et davantage comme moniteur de colo quand à 17 ans j’ai eu la chance d’avoir à occuper des gamins de mineurs du Nord qui avaient 15 ans, des monstres qui me dépassaient pour la plupart d’une tête !
Voilà ce que je vous propose transformons-nous en moniteurs de colo !
Nous ne devons plus ordonner, nous devons animer !
Nous ne devons plus récompenser ou sanctionner, mais montrer le bon chemin !
Nous ne devons plus contrôler l’activité mais aider chacun à mesurer son propre résultat !
Comment ?
Je ne sais pas !
Ce que je sais c’est que nous avons une chance extraordinaire !
Nous avons un grand Patron qui nous laissera libres, totalement libres d’œuvrer comme nous l’entendons, du moment que l’on respecte les lois !
C’est une chance extraordinaire, rarissime, la plupart des entreprises sont coincées entre un siège social et des actionnaires qui veulent se mêler de tout, ou sont à la merci de leur banquier, ou d’une famille complète qui noyaute l’entreprise;
Nous, la seule chose que nous ayons à faire est de nous mettre d’accord, ensemble, sur ce que nous voulons faire ! Ce n’est quand même pas bien compliqué ! » (Chapitre 6 – Histoires d’un petit patron naïf et paresseux)
A l’issu de cette réunion, les cadres acceptèrent non sans scepticisme de supprimer les pointages et les primes. Contre toute attente, les cadences se mirent à augmenter de façon significative.
Le changement suivant porta sur les commerciaux qui devinrent en quelque sorte des managers de projet ayant le pouvoir de prendre toute décision visant à répondre à la demande des clients alors qu’avant ils devaient systématiquement soumettre les demandes des clients au Bureau d’étude pour faire les devis.
L’étape suivante consista à créer 21 groupes de 10 personnes environs qui devinrent des mini – usines au service les unes des autres. Ces mini-usines ne comportant que 2 niveaux hiérarchiques : le leader et les opérateurs. Il procéda par ailleurs à la suppression de certains services supports : Planning ; lancement, ordonnancement, méthodes, GPAO, Achat. et de certains niveaux hiérarchiques (Chef d'équipe, chef d'atelier, chef de service, chef de fabrication, directeur technique).
Petit à petit, d’autres zones de l’entreprise furent libérées comme la gestion des frais de déplacements directement assumée par les salariés eux - mêmes, les bons d’achat de 150 euros permettant à chacun d’acheter ce qu’il veut du moment que l’objet reste dans l’entreprise.
6 principes fondamentaux inspirent le système FAVI :
1°) "Chacun doit rechercher en permanence "L'amour" de son client"
Le dessinateur concepteur recherchera "l'amour" de l'outilleur qui fera le moule, l'outilleur "l'amour" du fondeur qui utilisera ce moule, le fondeur "l'amour" de son compagnon qui usinera et assemblera la pièce brute de fonderie et enfin tous ensemble "l'amour" d'abord de l'opérateur du client qui recevra et utilisera la pièce, et à travers lui l'amour du client final, qui, quelque part dans le monde utilisera des années durant le produit final.
2°) "L'autre est systématiquement considéré comme bon ! "L'homme "bon" ne fait pas exprès d'arriver en retard, donc les pointeuses sont superflues, l'homme n'est pas voleur donc les magasins sont en libre-service, l'homme est intelligent donc toute structure d'accompagnement est vexatoire…etc.
3°) "La performance vient des opératrices et opérateurs et d'eux seuls !"
4°) "Il n'y pas de performance sans bonheur !"
Forts de, et croyant en ces quatre principes ils ont collectivement développé un système de fonctionnement extrêmement simple :
5°) "Toujours plus et mieux pour moins cher pour chacun de nos clients, dans le respect de la terre de nos enfants"
6°) "Vivre et s’épanouir en Picardie dans notre village"
L’approche de Jean-François Zobrist semble naïve et parfois simpliste. Il faut entendre cette préoccupation comme l’expression d’une volonté réelle de mettre en œuvre un fonctionnement d’entreprise idéale sans se perdre dans les grandes idées. Cependant, il ne faut pas se laisser prendre par cette attitude de façade relativement provocatrice. En effet ce patron atypique a continuellement pratiqué tout au long de sa vie professionnelle une autodidaxie permanente au point de développer, auprès des institutions académiques les plus reconnues, des activités de formateur consultant en management alternatif. Comme d’autres entrepreneurs utopistes, il a l’ardent désir de diffuser son expérience auprès du plus grand nombre pour les convaincre d’adopter son modèle.
1.10 Dan Price, Nick Hanauer, Mark Bertolini : Réduire l’écart salarial entre les salariés et leurs dirigeants
Les théories controversées de l’économiste Thomas Piketty entrainent des émules chez les entrepreneurs américains qui ont fait fortune. Chiffres et statistiques à l’appui, l’économiste démontre que les inégalités de revenu et de patrimoine ont largement progressé au XXIe siècle dans les pays riches et en particulier dans les pays anglo-saxons. Celles – ci sont pour l’essentiel la conséquence de la concentration du capital dans quelques mains. Or, une trop forte concentration des richesses par un petit nombre pourrait, selon lui, compromettre la croissance économique dans sa globalité.
Les impôts et taxes devraient avoir pour fonction de réduire celles –ci. Or ce n’est pas ce qui se passe car le système fiscal est progressif pour les classes les plus pauvres et les classes moyennes pour devenir régressif pour les citoyens les plus riches. En d’autres termes, les plus pauvres paient en proportion plus d’impôts que les plus riches. Il plaide pour « une révolution fiscale » avec prélèvement de l’impôt à la source, des taux progressifs jusqu’à 60% pour les revenus supérieurs à 100 000 Euros, le maintien de l’impôt sur la fortune, des taux d’imposition équivalents entre les revenus du travail et les revenus du capital, une refonte du système de la protection sociale et du financement des retraites. Ces travaux ont eu un succès retentissant aux Etats – Unis où les inégalités ont encore beaucoup plus augmenté qu’en Europe au cours des trente dernières années et où la sensibilité à cette question est encore plus forte.
Dan Price qui a fondé aux états unis Gravity Payments, une société de service de paiement sur Internet a annoncé récemment à ses 120 salariés qu’il allait « mettre en place une politique salariale instituant un salaire minimum de 70 000 dollars » . Cette opération sera financée par une réduction de son propre salaire qui passera de 930 000 dollars à 70 000 dollars. En 2014, l’entreprise, qui n’est pas côtée en Bourse, a fait deux millions de dollars de bénéfices.
Le comportement généreux de ce jeune entrepreneur d’origine modeste fait actuellement la Une de tous les médias américains. Il a été inspiré par la lecture des travaux de Daniel Kahneman et Angus Deaton qui ont mené une enquête quotidienne sur près de 1000 salariés américains, sur le lien entre le sentiment de bonheur et le niveau des revenus annuels. L’enquête démontre clairement que jusqu’à 75000 dollars de revenu par an, le sentiment de bonheur s’accroit mais progresse plus difficilement au-delà de ce niveau. Un revenu inférieur s’accompagnait à l’inverse d’un faible sentiment de bien – être. L’étude a montré plus précisément qu’un faible niveau de revenu exacerbait la douleur émotionnelle associée à des événements comme le divorce, la maladie ou la solitude.
Les impôts et taxes devraient avoir pour fonction de réduire celles –ci. Or ce n’est pas ce qui se passe car le système fiscal est progressif pour les classes les plus pauvres et les classes moyennes pour devenir régressif pour les citoyens les plus riches. En d’autres termes, les plus pauvres paient en proportion plus d’impôts que les plus riches. Il plaide pour « une révolution fiscale » avec prélèvement de l’impôt à la source, des taux progressifs jusqu’à 60% pour les revenus supérieurs à 100 000 Euros, le maintien de l’impôt sur la fortune, des taux d’imposition équivalents entre les revenus du travail et les revenus du capital, une refonte du système de la protection sociale et du financement des retraites. Ces travaux ont eu un succès retentissant aux Etats – Unis où les inégalités ont encore beaucoup plus augmenté qu’en Europe au cours des trente dernières années et où la sensibilité à cette question est encore plus forte.
Dan Price qui a fondé aux états unis Gravity Payments, une société de service de paiement sur Internet a annoncé récemment à ses 120 salariés qu’il allait « mettre en place une politique salariale instituant un salaire minimum de 70 000 dollars » . Cette opération sera financée par une réduction de son propre salaire qui passera de 930 000 dollars à 70 000 dollars. En 2014, l’entreprise, qui n’est pas côtée en Bourse, a fait deux millions de dollars de bénéfices.
Le comportement généreux de ce jeune entrepreneur d’origine modeste fait actuellement la Une de tous les médias américains. Il a été inspiré par la lecture des travaux de Daniel Kahneman et Angus Deaton qui ont mené une enquête quotidienne sur près de 1000 salariés américains, sur le lien entre le sentiment de bonheur et le niveau des revenus annuels. L’enquête démontre clairement que jusqu’à 75000 dollars de revenu par an, le sentiment de bonheur s’accroit mais progresse plus difficilement au-delà de ce niveau. Un revenu inférieur s’accompagnait à l’inverse d’un faible sentiment de bien – être. L’étude a montré plus précisément qu’un faible niveau de revenu exacerbait la douleur émotionnelle associée à des événements comme le divorce, la maladie ou la solitude.
Quelques caractéristiques des entrepreneurs libérateurs
L’analyse de ces parcours atypiques permet de dégager des invariants communs caractérisant les entrepreneurs libérateurs :
1°) On constate que tous ces entrepreneurs sont dans une dynamique de réussite économique significative et durable. On peut se demander si ce point n’est pas une condition pour que l’utopie puisse se déployer.
2°) On constate qu’ils sont porteurs d’une vision idéalisée du fonctionnement de l’entreprise qu’ils conçoivent comme une cité démocratique dans laquelle chaque membre a un pouvoir de décision (Fourier, Owen, Endenbourg, Benoit, Herve).
3°) Ils font preuve d’une ferveur intense et durable dans leur conviction, sans jamais les remettre en cause , malgré des circonstances souvent difficiles. L’individu est comme possédé par cet idéal ; ce qui l’amène à adopter une posture parfois messianique. Généraliser leur modèle devient une urgence. « Ils deviennent les ennemis irréductibles de l’attente » et entretiennent « un dialogue pathétique avec l’histoire » (Laplantine, 1974 :50, 54).
4°) Ils sont convaincus qu’il est nécessaire de libérer le travail en allégeant les structures hiérarchiques et les procédures de contrôle pour donner le maximum d’autonomie d’actions aux collaborateurs. Cela passe par l’instauration d’une confiance inconditionnelle (Herve, Favi)
5°) Mais sans doute leur talent le plus est qu'ils sont capables de faire rêver et donc d'une certaine façon réenchanter avec honnêté et sincérité le travail
6°) Leur engagement les emmène à sortir de la sphère de leur laboratoire initial pour convertir d’autres dirigeants d’entreprise aux principes qui les ont inspirés, voire d’agir sur le territoire, et parfois sur la société toute entière. Ce qui se traduit par des formes de prédications variées : rédaction de livres, conférences auprès des pairs et du monde académique, (Owen, Olivetti, Zobrist, Herve), entrée en politique (Owen, Olivettit, Herve).
De façon générale, ils ont adopté un comportement de rupture, voire de contestation qui remet en question la conception commune de l’autorité et des relations de pouvoir dans les organisations. Mais si les nouveaux entrepreneurs sont plus enclins à partager leur rémunération, un point d’étonnement subsiste : c’est celui du partage du capital avec leurs salariés qu’ils considèrent par ailleurs comme ceux qui ont permis à l’entreprise de réussir. Un paradoxe qui reste encore une énigme…
1°) On constate que tous ces entrepreneurs sont dans une dynamique de réussite économique significative et durable. On peut se demander si ce point n’est pas une condition pour que l’utopie puisse se déployer.
2°) On constate qu’ils sont porteurs d’une vision idéalisée du fonctionnement de l’entreprise qu’ils conçoivent comme une cité démocratique dans laquelle chaque membre a un pouvoir de décision (Fourier, Owen, Endenbourg, Benoit, Herve).
3°) Ils font preuve d’une ferveur intense et durable dans leur conviction, sans jamais les remettre en cause , malgré des circonstances souvent difficiles. L’individu est comme possédé par cet idéal ; ce qui l’amène à adopter une posture parfois messianique. Généraliser leur modèle devient une urgence. « Ils deviennent les ennemis irréductibles de l’attente » et entretiennent « un dialogue pathétique avec l’histoire » (Laplantine, 1974 :50, 54).
4°) Ils sont convaincus qu’il est nécessaire de libérer le travail en allégeant les structures hiérarchiques et les procédures de contrôle pour donner le maximum d’autonomie d’actions aux collaborateurs. Cela passe par l’instauration d’une confiance inconditionnelle (Herve, Favi)
5°) Mais sans doute leur talent le plus est qu'ils sont capables de faire rêver et donc d'une certaine façon réenchanter avec honnêté et sincérité le travail
6°) Leur engagement les emmène à sortir de la sphère de leur laboratoire initial pour convertir d’autres dirigeants d’entreprise aux principes qui les ont inspirés, voire d’agir sur le territoire, et parfois sur la société toute entière. Ce qui se traduit par des formes de prédications variées : rédaction de livres, conférences auprès des pairs et du monde académique, (Owen, Olivetti, Zobrist, Herve), entrée en politique (Owen, Olivettit, Herve).
De façon générale, ils ont adopté un comportement de rupture, voire de contestation qui remet en question la conception commune de l’autorité et des relations de pouvoir dans les organisations. Mais si les nouveaux entrepreneurs sont plus enclins à partager leur rémunération, un point d’étonnement subsiste : c’est celui du partage du capital avec leurs salariés qu’ils considèrent par ailleurs comme ceux qui ont permis à l’entreprise de réussir. Un paradoxe qui reste encore une énigme…
Bibliographie et sitographie
Plan de l'article
Le management libéré a –t- il une histoire ? En finir avec la féodalité (1° partie)
1. L’apport des entrepreneurs utopistes
1.1 Charles Fourier : Les entreprises sont des lieux de passion
1.2 Jean-Baptiste Godin ou la création de la cité idéale
1.3 Robert Owen : seule la communauté socialiste peut faire grandir les individus
1.4 Adriano Olivetti (1901 – 1960) : « En moi, il n’y a que le futur »
1.5 Gérard Endenburg (1933- ): La démocratie d’entreprise, une question de méthode
1.6 Tomas Bata (1876 – 1932): « Chausser la planète »
1.7 Jacques Benoit : Le patron élu (1943 - )
1.8 Herve (1945) : L’entreprise comme démocratie
1.9 Jean-François Zobrist (1950 - ) : La confiance exclut le contrôle !
1.10 Dan Price, Nick Hanauer, Mark Bertolini : Réduire l’écart salarial entre les salariés et leurs dirigeants
Quelques invariants caractérisant les entrepreneurs utopistes
Le management libéré a –t- il une histoire ? En finir avec la féodalité (2° partie)
2. La doctrine sociale de l’église et la philosophie personnaliste
2.1 Les principes fondateur
2.2 Emmanuel Mounier : Personne, communauté, autorité
Le management libéré a –t- il une histoire ? En finir avec la féodalité (3° partie)
3. Les apports de la « doxa » managériale :
3.1 Mary Parker Follet :
3.2 Peter Drûcker : Le management par Objectif
3.3 Octave Gélinier :
3.4 Hervé Serieyx : L’entreprise comme projet
3.5 Service Management de Carlzon, etc...
Effet de mode ou métamorphose de la figure d'autorité ?
1. L’apport des entrepreneurs utopistes
1.1 Charles Fourier : Les entreprises sont des lieux de passion
1.2 Jean-Baptiste Godin ou la création de la cité idéale
1.3 Robert Owen : seule la communauté socialiste peut faire grandir les individus
1.4 Adriano Olivetti (1901 – 1960) : « En moi, il n’y a que le futur »
1.5 Gérard Endenburg (1933- ): La démocratie d’entreprise, une question de méthode
1.6 Tomas Bata (1876 – 1932): « Chausser la planète »
1.7 Jacques Benoit : Le patron élu (1943 - )
1.8 Herve (1945) : L’entreprise comme démocratie
1.9 Jean-François Zobrist (1950 - ) : La confiance exclut le contrôle !
1.10 Dan Price, Nick Hanauer, Mark Bertolini : Réduire l’écart salarial entre les salariés et leurs dirigeants
Quelques invariants caractérisant les entrepreneurs utopistes
Le management libéré a –t- il une histoire ? En finir avec la féodalité (2° partie)
2. La doctrine sociale de l’église et la philosophie personnaliste
2.1 Les principes fondateur
2.2 Emmanuel Mounier : Personne, communauté, autorité
Le management libéré a –t- il une histoire ? En finir avec la féodalité (3° partie)
3. Les apports de la « doxa » managériale :
3.1 Mary Parker Follet :
3.2 Peter Drûcker : Le management par Objectif
3.3 Octave Gélinier :
3.4 Hervé Serieyx : L’entreprise comme projet
3.5 Service Management de Carlzon, etc...
Effet de mode ou métamorphose de la figure d'autorité ?