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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Valeurs

4.41 Les entreprises libérées ont elles une histoire : Est ce la fin de la féodalité managériale ? (1)


1.4 Adriano Olivetti (1901 – 1960) : « En moi, il n’y a que le futur »

C’est en 1926 qu’Adriano entre dans l’entreprise de son père qui a créé la première société de fabrication de machine à écrire en Italie en 1908. Auparavant, il a suivi une formation en génie chimique et à l’école Polytechnique de Turin et réalisé un long voyage d’étude aux USA où il a visité plus d’une centaine d’entreprises pour comprendre et acquérir les méthodes de l’Organisation du Travail. A la demande de son père, il commence au poste d’’ouvrier et va gravir un à un les échelons pour devenir en 1933 directeur général puis Président en 1938.

Dès qu’il a eu les rênes du pouvoir sa première décision a été d’embaucher des ingénieurs, des architectes, des poètes, les premiers designers, des jeunes diplômés à l'esprit créatif qui partagent avec lui l'ambition de construire une entreprise grande, novatrice et moderne.

Adriano est convaincu que la performance économique ne dépend pas seulement d’une stratégie pertinente mais aussi du bien – être des collaborateurs : « Le bien être du travailleur n’est pas une abstraction : on peut le bâtir en premier lieu en écoutant le travailleur même, en favorisant sa formation, en soutenant ses projets de vie et de sa famille. Mon espoir est que les valeurs soient contagieuses et que l’on puisse générer de bonnes pratiques, fondées sur la responsabilité de l’individu, sur les idéalités, et aussi sur la confiance dans la perspective de réaliser une entreprise utile socialement et culturellement stimulante » (Paracone, 2010).

Outre la création des machines à écrire au design épuré, il agrandit les locaux et fait notamment appel à Le Corbusier, pour réaménager les ateliers de façon à ce que les ouvriers puissent voir leurs terres et bénéficier de la lumière du soleil à travers de grandes baies vitrées.
Il remplace les lignes de montage à la chaîne par des « ilots » de production, dans lesquels un groupe d’ouvriers spécialisés est en mesure de monter et contrôler des produits finis. Il fait appel à des ergonomes pour améliorer les conditions de travail et met en place la participation à tous les niveaux de l’entreprise. Les employés bénéficient d’une rémunération supérieure de 20% aux salaires du moment. Les femmes enceintes ont neuf mois de prise en charge, le samedi est libre et les horaires hebdomadaires de travail sont réduits de 48h à 45 heures. Des conseils paritaires de gestion sont créés avec un pouvoir consultatif sur les fonds destinés aux services sociaux et à l’assistance : les comités d’entreprise, en quelque sorte, avant l’heure...(en Italie).

Le succès est au rendez-vous puisque la productivité en 10 ans a augmenté de 500% et les ventes de 1300%. Les machines Olivetti deviennent une référence et connaissent une renommée internationale. La machine intitulée « Lettre 22 » dessinée par le designer Marcello Nizzoli est définie par un jury international comme « le premier des cents meilleurs produits des derniers cent ans ».

Adriano ne s’est pas contenté de concevoir et fabriquer des machines à écrire. En 1955, pressentant le développement de l’informatique, il a également été un des premiers industriels à faire de la recherche développement sur les ordinateurs. Il a notamment créé, avec l’appui d’un chercheur chinois en électronique, Mario Tchou, le premier ordinateur « transistorisé » vendu sous la marque « Elea ». Mais cet ordinateur, quoique très performant pour réaliser des calculs complexes est encore trop volumineux et couteux ; ce qui fait que le volume de commandes n’est pas au rendez-vous. Il lance ensuite ce que les spécialistes considèrent comme le premier ordinateur personnel avec un design élégant. Sa fin précoce ne permit pas le développement espéré…mais le lancement de ce nouveau produit s’avérait très prometteur…

Sur le plan de la formation personnelle, Adriano est éclectique. Il lit aussi bien des ouvrages de philosophes personnalistes, que des théologiens catholiques, protestants, judaïques sans exclure les approches mystiques de l’anthroposophie qu’il n’hésite pas à croiser avec des textes sur l’urbanisme, l’organisation scientifique du travail, le new deal de Roosevelt, etc…

C’est à travers toutes ces lectures dispersées qu’il va construire sa vision du monde qui ne se réduit pas au management d’une entreprise mais au gouvernement d’un état tout entier. On peut la résumer en mettant en évidence les points suivants :
- La finalité d’une entreprise ne peut se limiter au seul profit financier. Celle – ci a une vocation : « permettre l’élévation matérielle, culturelle et sociale du lieu où elle opère » ;
- Il faut empêcher la concentration des pouvoirs politiques ou économiques en créant des communautés locales fédérées entre elles ; ce qui permettrait un contrôle direct des citoyens sur les institutions politiques et économiques tout en favorisant les rencontres entre des personnes ayant les mêmes conceptions ;
- Il est nécessaire de responsabiliser les travailleurs en leur donnant un pouvoir de décision dans les ateliers mais aussi dans le gouvernement de l’entreprise. Cela passe par l’instauration d’espace de délibération dans les organisations comme dans les territoires ;
- La communauté est une dimension dont les individus ont besoin pour actualiser leur potentialité. C’est par la vie communautaire que l’individu se révèle ;
- Il faut diffuser massivement la culture scientifique et humaniste sans différenciation de classe et encourager la collaboration interdisciplinaire entre les experts ;
- Le travailleur doit être productif pour que l’entreprise soit compétitive mais la contrepartie est de réinvestir les profits dans l’innovation et le progrès social de l’entreprise.

L’entreprise Olivetti devait incarner ce modèle démocratique pour contaminer la société toute entière. Pour propager ses idées, il créera également une revue, la « Communita » qui présentait des synthèses sur des nouvelles publications économiques et en sciences politiques avec des extraits de textes de philosophes comme Emanuel Mounier, Berdiaev, Kierkegaard, Maritain, etc…En 1948, il fonda le mouvement « Communita » et une maison d’éditions pour diffuser ses idées auprès d’un maximum de personnes et d’institutions.

En 1956, il se présente avec succès à la Mairie d’Ivréa, sa ville natale, pour devenir deux ans plus tard député parlementaire, fonction dont il démissionna rapidement jugeant cette dernière activité trop ambigüe par rapport aux théories prônées par la « Communita ».

Adriano Olivetti meurt brusquement à 59 ans en 1960 lors d’un voyage en train entre Milan et Lausanne, laissant derrière lui une entreprise de 45 000 salariés répartis dans 41 pays dans le monde. Il a été porteur d’un idéal profondément humaniste qui l’a animé jusqu’à la fin : « J’ai foi dans la valeur de la spiritualité, de l’art, de la culture, c’est la foi dans l’homme et la flamme divine qui est cachée en lui et qui anime sa capacité d’élévation et de renouvellement ».

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