Par la rapidité de sa diffusion et les espérances qu'il peut susciter dans l'esprit des managers et des salariés, le mouvement des entreprises libérées apparaît, à l'évidence, comme un phénomène chargé d'imaginaire social.
Roland Barthes (2010) pourrait certainement le considérer comme une mythologie tandis que Gilbert Durand (1996) le percevrait comme la résurgence d' un mythe. La distinction entre mythologie et mythe n'est pas si évidente. Nous utiliserons tour à tour les deux termes pour faciliter la réflexion. Mircea Eliade lui - même est d'accord pour dire "qu'il est difficile de trouver une définition qui soit acceptée par tous les savants et soit en même temps accessible aux non-spécialistes" (1963:16).
Dans cet article nous nous appuierons sur les concepts et méthodes proposés par ces deux auteurs pour tenter de les déchiffrer. Cette entreprise est salutaire, car il est facile de tomber devant une apparition aussi soudaine que provocante dans le jugement de valeur.
Notre propos ne sera donc pas de rentrer dans la controverse "pour ou contre" "réalité ou fantasme" mais de tenter de comprendre les signifiants qui peuvent y être associés.
Roland Barthes (2010) pourrait certainement le considérer comme une mythologie tandis que Gilbert Durand (1996) le percevrait comme la résurgence d' un mythe. La distinction entre mythologie et mythe n'est pas si évidente. Nous utiliserons tour à tour les deux termes pour faciliter la réflexion. Mircea Eliade lui - même est d'accord pour dire "qu'il est difficile de trouver une définition qui soit acceptée par tous les savants et soit en même temps accessible aux non-spécialistes" (1963:16).
Dans cet article nous nous appuierons sur les concepts et méthodes proposés par ces deux auteurs pour tenter de les déchiffrer. Cette entreprise est salutaire, car il est facile de tomber devant une apparition aussi soudaine que provocante dans le jugement de valeur.
Notre propos ne sera donc pas de rentrer dans la controverse "pour ou contre" "réalité ou fantasme" mais de tenter de comprendre les signifiants qui peuvent y être associés.
1. Les entreprises libérées comme mythologie
Comment peut- on poser l'hypothèse que le phénomène des entreprises libérées relève d'une mythologie ?
Pour Roland Barthes, il faut commencer par en étudier la forme. Comme tout mythe, celui des entreprises libérées a un contour flou. Le concept est en construction et n'est pas tout à fait stabilisé. On ne peut encore le considérer comme un modèle reproductible.La libération des entreprises passe par des formes très diversifiées. Même s'il est possible de repérer des principes fondateurs communs, entre les expériences développées par Favi, Zappos, Semco ou Harley Davidson, les formes de libération sont encore très hétérogènes. Il y a des différences significatives qui ne sont pas transférables les unes aux autres.
Le phénomène des entreprises libérées relève d'un récit "fabuleux" qui prend souvent une apparence de légende: "L'entreprise était au bord du dépôt de bilan. Alors, le dirigeant a décidé de libérer le personnel en leur expliquant la situation. Les salariés ont trouvé des solutions et malgré la crise, aujourd'hui ça repart..." (Une consultante devenue ....militante).
L'objet mythologique, pris dans des processus imaginaires devient merveilleux. Il met en scène des transformations presque miraculeuses qui semblent relèver de la magie. Ce sont donc à la fois cette dimension narrative romancée et cette exaltation de l'imaginaire qui font penser qu'il s'agit d'une mythologie.
Mais attention au sens de Barthes, une mythologie ne veut pas dire "fiction". Elle s'appuie toujours sur du réel mais un réel qui est réenchanté. En ce sens "un mythologie est une parole" qui permet de refaire l'histoire.
Pour Roland Barthes, il faut commencer par en étudier la forme. Comme tout mythe, celui des entreprises libérées a un contour flou. Le concept est en construction et n'est pas tout à fait stabilisé. On ne peut encore le considérer comme un modèle reproductible.La libération des entreprises passe par des formes très diversifiées. Même s'il est possible de repérer des principes fondateurs communs, entre les expériences développées par Favi, Zappos, Semco ou Harley Davidson, les formes de libération sont encore très hétérogènes. Il y a des différences significatives qui ne sont pas transférables les unes aux autres.
Le phénomène des entreprises libérées relève d'un récit "fabuleux" qui prend souvent une apparence de légende: "L'entreprise était au bord du dépôt de bilan. Alors, le dirigeant a décidé de libérer le personnel en leur expliquant la situation. Les salariés ont trouvé des solutions et malgré la crise, aujourd'hui ça repart..." (Une consultante devenue ....militante).
L'objet mythologique, pris dans des processus imaginaires devient merveilleux. Il met en scène des transformations presque miraculeuses qui semblent relèver de la magie. Ce sont donc à la fois cette dimension narrative romancée et cette exaltation de l'imaginaire qui font penser qu'il s'agit d'une mythologie.
Mais attention au sens de Barthes, une mythologie ne veut pas dire "fiction". Elle s'appuie toujours sur du réel mais un réel qui est réenchanté. En ce sens "un mythologie est une parole" qui permet de refaire l'histoire.
Un mythe n'est pas seulement une suite de faits (le signifié), il est chargé de significations (Le signifiant) qui demandent à être déchiffrées.
Pour Gilbert Durand (1996:163), un mythe reste longtemps dans la clandestinité avant de se manifester". C'est la "dénomination" qui lui permet de s'actualiser. Jusque là, il n'était que potentialisé c'est à dire caché car ce qu'il avait à dire ne pouvait être accepté par la société "bourgeoise" fondée sur la convention (Barthes, 1957). Qui, en effet aurait tolérer cette idée absurde de donner un pouvoir d'expression et un droit de penser à des salariés dans une conception scientifique du travail ?
Aujourd'hui le mythe des "Entreprises libérées" est à l'état d'explosion (Durand, 1996:161) Il fait irruption brusquement dans l'espace social, du moins celui des managers. Son intensité peut se comprendre comme l'expression cathartique d'un imaginaire resté trop longtemps séquestré dans les filets étroits des conventions normatives imposées par les pratiques gestionnaires exclusivement positivistes et le dressage pragmatique associé.
Pour se frayer un chemin , "le trajet anthropologique" (Durand, 1996) de l'entreprise libérée a été long et difficile. Il est passé par plusieurs phases et s'est inspiré de divers courants qui se sont entrelacés et enrichis au fil du temps:
- d'abord, avec celui des entreprises "dites utopiques" avec Charles Fourier, Jean - Baptiste Godin, Robert Owen, Adriano Olivetti, Tomas Bata, Jacques Benoit
- avec celui de l'Ecole des Relations Humaines (Elton Mayo, Mac Grégor), enrichie des travaux de psycho-sociologues sur la vie des groupes (Likert, Lewin)
- avec celui de la doctrine sociale de l'Eglise et de la philosophie personnaliste d'Emmanuel Mounier
- avec celui des théories managériales des années 90 (Tom Peters, Hervé Serieyx, Jan Carlzon) sans oublier quelques auteurs américains (Drücker, Blake, Mutton, Hersay, Blanchard, Hamel)
- avec celui des expérimentations alternatives comme Gerard Endenbourg (Sociocratie) ou Brian Robertson (Holacratie),
- Enfin, avec celui des pionniers comme Jean-François Zobrist, Michel Hervé, Stanislas Desjonquères , Alexandre Gerard, etc..;
Toutes ces approches et toutes celles qui sont dans la proximité constituent "un bassin sémantique" (Durand, 1996) qui ont façonné la nouvelle "topique" des Entreprises libérées. Il apparait clairement que celle - ci n'est pas née de façon spontanée, comme ses promoteurs peuvent parfois le laisser penser. Il s'agit bien "d'un précipité de l'histoire", c'est à dire d'une rencontre entre des idées et des besoins sociaux qui font que celui - ci est autorisé à exister.
L'émergence d'un nouveau modèle ne relève pas, en effet, d'une logique strictement chronologique mais d'un métissage désordonné d'un ensemble de théories. Il apparait quand il rencontre le désir qui traverse l'inconscient collectif à un moment donné. Cet instant, appelé "Kaïros" est le résultat d'une interaction entre des idéaux souterrains, généralement marginalisés, et un imaginaire social désenchanté durablement, c'est à dire en souffrance. Ce processus, nous dit Braudel, s'opère sur des périodes longues de 150 à 180 ans. Ce qui est tout à fait le cas de celui des Entreprises libérées.
"En gros l'imaginaire mythique fonctionne comme une lente noria qui, plein des énergies fondatrices se vide progressivement et se refoule automatiquement par les codifications et les conceptualisations puis replonge lentement - à travers les rôles marginalisés, contraints souvent à la dissidence - dans les rêveries remythifiantes portés par les désirs, les ressentiments, les frustrations et se replit à nouveau de l'eau vive du ruissellement d'images" (Durand, 1996:143)
Ce mythe a "une grandeur relative" car il est en train de bouleverser les équilibres établis dans le domaine du management. En prônant l'autonomie et la responsabilité des acteurs, il est porteur d'une intention: celle de bousculer les images représentant l'autorité.
Aujourd'hui le mythe des "Entreprises libérées" est à l'état d'explosion (Durand, 1996:161) Il fait irruption brusquement dans l'espace social, du moins celui des managers. Son intensité peut se comprendre comme l'expression cathartique d'un imaginaire resté trop longtemps séquestré dans les filets étroits des conventions normatives imposées par les pratiques gestionnaires exclusivement positivistes et le dressage pragmatique associé.
Pour se frayer un chemin , "le trajet anthropologique" (Durand, 1996) de l'entreprise libérée a été long et difficile. Il est passé par plusieurs phases et s'est inspiré de divers courants qui se sont entrelacés et enrichis au fil du temps:
- d'abord, avec celui des entreprises "dites utopiques" avec Charles Fourier, Jean - Baptiste Godin, Robert Owen, Adriano Olivetti, Tomas Bata, Jacques Benoit
- avec celui de l'Ecole des Relations Humaines (Elton Mayo, Mac Grégor), enrichie des travaux de psycho-sociologues sur la vie des groupes (Likert, Lewin)
- avec celui de la doctrine sociale de l'Eglise et de la philosophie personnaliste d'Emmanuel Mounier
- avec celui des théories managériales des années 90 (Tom Peters, Hervé Serieyx, Jan Carlzon) sans oublier quelques auteurs américains (Drücker, Blake, Mutton, Hersay, Blanchard, Hamel)
- avec celui des expérimentations alternatives comme Gerard Endenbourg (Sociocratie) ou Brian Robertson (Holacratie),
- Enfin, avec celui des pionniers comme Jean-François Zobrist, Michel Hervé, Stanislas Desjonquères , Alexandre Gerard, etc..;
Toutes ces approches et toutes celles qui sont dans la proximité constituent "un bassin sémantique" (Durand, 1996) qui ont façonné la nouvelle "topique" des Entreprises libérées. Il apparait clairement que celle - ci n'est pas née de façon spontanée, comme ses promoteurs peuvent parfois le laisser penser. Il s'agit bien "d'un précipité de l'histoire", c'est à dire d'une rencontre entre des idées et des besoins sociaux qui font que celui - ci est autorisé à exister.
L'émergence d'un nouveau modèle ne relève pas, en effet, d'une logique strictement chronologique mais d'un métissage désordonné d'un ensemble de théories. Il apparait quand il rencontre le désir qui traverse l'inconscient collectif à un moment donné. Cet instant, appelé "Kaïros" est le résultat d'une interaction entre des idéaux souterrains, généralement marginalisés, et un imaginaire social désenchanté durablement, c'est à dire en souffrance. Ce processus, nous dit Braudel, s'opère sur des périodes longues de 150 à 180 ans. Ce qui est tout à fait le cas de celui des Entreprises libérées.
"En gros l'imaginaire mythique fonctionne comme une lente noria qui, plein des énergies fondatrices se vide progressivement et se refoule automatiquement par les codifications et les conceptualisations puis replonge lentement - à travers les rôles marginalisés, contraints souvent à la dissidence - dans les rêveries remythifiantes portés par les désirs, les ressentiments, les frustrations et se replit à nouveau de l'eau vive du ruissellement d'images" (Durand, 1996:143)
Ce mythe a "une grandeur relative" car il est en train de bouleverser les équilibres établis dans le domaine du management. En prônant l'autonomie et la responsabilité des acteurs, il est porteur d'une intention: celle de bousculer les images représentant l'autorité.
2. La transformation en profondeur des figures d'autorité
La conception de l'autorité a considérablement évolué au cours du XX siècle et en ce début de XXI° siècle. Nous nous proposons ici d'explorer ce qui nous semble être les 4 idéaux types qui ont traversé et continuent de traverser cette époque: La figure hiérarchique, la figure managériale, la figure postmoderne et enfin la figure "libérée".
Cet effort de clarification peut être est utile autant pour ceux qui occupent une position d'autorité que pour ceux qui la subissent. Des différences significatives trop importantes entre les deux types d'acteurs peuvent parfois expliquent leur interaction malheureuse.
Ces 4 figures sont apparues de façon chronologique sans cesser cependant d'exister quand une nouvelle émerge. Si elles sont très typées au moment de leur apparition, elles se mélangent ensuite au fil de leur devenir. Les dates proposées ne sont évidemment qu'indicatives et ne sont en aucun cas lié à un événement précis.
Cet effort de clarification peut être est utile autant pour ceux qui occupent une position d'autorité que pour ceux qui la subissent. Des différences significatives trop importantes entre les deux types d'acteurs peuvent parfois expliquent leur interaction malheureuse.
Ces 4 figures sont apparues de façon chronologique sans cesser cependant d'exister quand une nouvelle émerge. Si elles sont très typées au moment de leur apparition, elles se mélangent ensuite au fil de leur devenir. Les dates proposées ne sont évidemment qu'indicatives et ne sont en aucun cas lié à un événement précis.
La figure hiérarchique (1900 - 1970 et suivantes...)
En ce début de siècle, grâce aux progrès techniques, les industries sont en pleine expansion pour répondre aux besoins de la consommation de masse. Les entreprises mettent en place des systèmes d'organisation standardisés et font appel à une main d'œuvre qu’elles espèrent docile.
Sur les conseils de Taylor, elles conçoivent des organisations hiérarchiques pyramidales où chacun a un un poste bien précis. D’un coté, il y a les chefs qui commandent et qui pensent et d’un autre ceux qui obéissent et exécutent. La compétence se définit pour les salariés comme la capacité à respecter des consignes qui ont été élaborées par des personnes plus intelligentes qu’elles : les ingénieurs et les chefs. La relation établie entre eux est verticale descendante et asymétrique. Pour Marx, elle relève de la domination car il s'agit d'obtenir la soumission des collaborateurs qui sont dépossédés d’une grande partie de la valeur ajoutée que leur travail contribue à produire.
Cette soumission ci est obtenue par la peur des sanctions. C’est même la condition de la reconnaissance. Si je me soumets aux chefs, alors je serais reconnu par eux.
Cette capacité à supporter un tel système est préparée par une éducation dite « disciplinaire » (Foucault) fondée essentiellement avant tout sur le respect de l’autorité et des règles.
C'est dans le système familial patriarcal autoritaire que le sujet fera ses premiers apprentissages de l'ordre hiérarchique. A cette époque, en Europe du Sud en particulier, les structures familiales, selon Emmanuel Todd, se caractérisent pas l’importance accordée à la place du Père et la dimension inégalitaire des relations entre les membres de la famille.
La psychanalyse explore cette conception en mettant en évidence le rôle essentiel de celui-ci dans la construction de l’individu. C'est lui qui représente la "Loi" et permet en tant que tiers à l'enfant de se différencier de la mère. Il a donc un rôle positif puisqu'il facilite l'intégration de l'enfant à l'ordre symbolique qui rend possible la vie sociale. Intégrant ainsi peu à peu qu'il ne peut satisfaire tous ses désirs, il accède au stade de la "castration symbolique" qui marque l'accès à la maturité. Il ne sera pas tout puissant mais "un parmi d'autres" (Vasse, ?).
Sur les conseils de Taylor, elles conçoivent des organisations hiérarchiques pyramidales où chacun a un un poste bien précis. D’un coté, il y a les chefs qui commandent et qui pensent et d’un autre ceux qui obéissent et exécutent. La compétence se définit pour les salariés comme la capacité à respecter des consignes qui ont été élaborées par des personnes plus intelligentes qu’elles : les ingénieurs et les chefs. La relation établie entre eux est verticale descendante et asymétrique. Pour Marx, elle relève de la domination car il s'agit d'obtenir la soumission des collaborateurs qui sont dépossédés d’une grande partie de la valeur ajoutée que leur travail contribue à produire.
Cette soumission ci est obtenue par la peur des sanctions. C’est même la condition de la reconnaissance. Si je me soumets aux chefs, alors je serais reconnu par eux.
Cette capacité à supporter un tel système est préparée par une éducation dite « disciplinaire » (Foucault) fondée essentiellement avant tout sur le respect de l’autorité et des règles.
C'est dans le système familial patriarcal autoritaire que le sujet fera ses premiers apprentissages de l'ordre hiérarchique. A cette époque, en Europe du Sud en particulier, les structures familiales, selon Emmanuel Todd, se caractérisent pas l’importance accordée à la place du Père et la dimension inégalitaire des relations entre les membres de la famille.
La psychanalyse explore cette conception en mettant en évidence le rôle essentiel de celui-ci dans la construction de l’individu. C'est lui qui représente la "Loi" et permet en tant que tiers à l'enfant de se différencier de la mère. Il a donc un rôle positif puisqu'il facilite l'intégration de l'enfant à l'ordre symbolique qui rend possible la vie sociale. Intégrant ainsi peu à peu qu'il ne peut satisfaire tous ses désirs, il accède au stade de la "castration symbolique" qui marque l'accès à la maturité. Il ne sera pas tout puissant mais "un parmi d'autres" (Vasse, ?).
"La Lettre au Père écrite" par Kafka à son père en 1919 traduit bien les modalités de cette relation au père autoritaire:
"Comme tu avais un puissant appétit et une propension particulière à manger tout très chaud, rapidement et à grandes bouchées, il fallait que l'enfant se dépêchât; il régnait à table un silence lugubre entrecoupé de remontrances: "Mange d'abord, tu parleras après", ou bien: "Plus vite, plus vite, plus vite", ou bien: "Tu vois, j'ai fini depuis longtemps." On n'avait pas le droit de ronger les os, toi, tu l'avais. On n'avait pas le droit de laper le vinaigre, toi, tu l'avais. L'essentiel était de couper le pain droit, mais il était indifférent que tu le fisses avec un couteau dégouttant de sauce. Il fallait veiller à ce qu'aucune miette ne tombât à terre, c'était finalement sous ta place qu'il y en avait le plus. A table, on ne devait s'occuper que de manger, mais toi, tu te curais les ongles, tu te les coupais, tu taillais des crayons, tu te nettoyais les oreilles avec un cure-dent."
Les institutions comme les familles s'associent pour fabriquer ce que Vincent de Gaulejac appelle l"Homo hierarchicus", c'est à dire un individu docile dont le capitalisme a besoin pour soutenir la forte croissance de ses économies.
Les institutions comme les familles s'associent pour fabriquer ce que Vincent de Gaulejac appelle l"Homo hierarchicus", c'est à dire un individu docile dont le capitalisme a besoin pour soutenir la forte croissance de ses économies.
L'Homme managérial : (1970 - 2000 et suivantes)
Les économies ont changé. Les efforts ne doivent plus seulement être portés sur la production mais sur les attentes des clients. On entre dans l’ère de la séduction... Le comportement d’achat ne dépend plus des besoins primaires....il faut réveiller le désir ....pour se faire plaisir...
Les valeurs sont en train de se transformer en profondeur dans la société. Le consommateur achète maintenant pour exister et paraître. C’est l’ère de l’égo .... Le slogan de l’Oréal en témoigne « Je le vaux bien.. ; »
La structure familiale elle aussi connait des mutations. Les rôles de la femme et de l’homme sont redistribués de façon plus égalitaire, l’enfant devient peu à peu roi et prend une place centrale, les individus gagnent en liberté et en autonomie d’action, ils ont le droit d’exister en tant qu’individu différencié...
Mais l’institution familiale perd de sa solidité pour devenir souvent monoparentale et connait parfois plusieurs reconfigurations. Dans cette histoire tourmentée, la figure du père s'affaiblit "et ne remplit plus sa fonction normative » (Ehrenberg, 2010 :228)
Le libéralisme produit certes de la liberté, en faisant sauter certains interdits, mais « le sujet est laissé en panne de référence ». Pour exister, il lui faut désormais trouver d'autres sources d'inspiration. Il ne lui est plus demandé d’obéir, de se soumettre mais de « se réaliser ». Tout le monde est invité à monter en haut de la pyramide de Maslow.
Les priorités du sujet vont donc changer : ce ne sera plus le respect des règles qui vont structurer sa destinée mais la nécessité impérieuse de s’accomplir en tant qu’individu. « Au lieu que la personne soit agie par un ordre extérieur (ou une conformité à la loi), il lui faut prendre appui sur ses ressorts internes, recourir à ses compétences mentales. Les notions de projet, de motivation, de communication sont aujourd’hui des normes. » (Ehrenberg, 2000 :16)
Ce qui devient la nouvelle norme c’est la capacité à "devenir créateur de sa propre histoire" (Sarte, ?), c’est à dire à affronter les circonstances, à prendre des initiatives, à poser des actes et à mettre en scène des comportements qui permettent la reconnaissance de sa valeur par soi – même et par autrui.
En se libérant du Surmoi, l'individu a retrouvé une certaine liberté, mais il serait illusoire de penser qu'il échappe à toutes influences. Pour faire l'expérience de sa propre valeur, il a besoin d'un Autre qui n'est pas lui. « La conscience de soi ... n'existe que dans la mesure et par le fait qu' elle existe pour une autre conscience de soi; c’est à dire qu’elle n’existe qu’en tant qu’entité reconnue » (Hegel)
Cet Autre qui va servir de référence est intériorisé sous la forme d’une instance imaginaire désignée par la psychanalyse comme l’Idéal du Moi. Cet Autre, désencombré partiellement des interdits surmoïques est maintenant habité par une autre instance qui s'est fabriquée dans les attentes idéalisées des parents et de tous les représentants de l'autorité . C'est désormais par rapport à elles qu'il devra se mesurer.
L'idéal du Moi s'est constitué dans le psychisme humain en même temps que le Surmoi. C'est simplement le versant positif du négatif. Quand le Surmoi dit "tu ne dois pas"... l'Idéal du Moi dit "je désire que tu sois" ou encore "tu dois" être ceci ou cela pour que je t'accorde mon amour, c'est à dire ma reconnaissance. Si tu fais l' effort de te rapprocher de moi par tes actes, alors tu connaîtras le bonheur du Moi Idéal car pour un bref moment tu combleras nos manques et nous serons toi et moi dans la jouissance de la toute puissance.
Dans ce nouveau système psychique, le pouvoir des règles s'est considérablement affaibli et a été remplacé par celui des idéaux mais la question de la reconnaissance est toujours aussi présente. Elle place le sujet dans une tension sérieuse car il est condamné, s'il n'y prend garde, à la quête permanente d'une image positive de lui même dans le regard de cet Autre qui est "soi et tous les autres" (Liaudet, 2007).
Cette nouvelle aliénation sera constitutive de sa personnalité; les cliniciens la qualifient de narcissique. Cela peut le conduire, certes au dépassement de lui - même mais aussi à l’épuisement ou la dépression car dans cette aventure son Moi risque de se brûler au contact du feu des idéaux, comme le mythe d’Icare le rappelle bien.
Les valeurs sont en train de se transformer en profondeur dans la société. Le consommateur achète maintenant pour exister et paraître. C’est l’ère de l’égo .... Le slogan de l’Oréal en témoigne « Je le vaux bien.. ; »
La structure familiale elle aussi connait des mutations. Les rôles de la femme et de l’homme sont redistribués de façon plus égalitaire, l’enfant devient peu à peu roi et prend une place centrale, les individus gagnent en liberté et en autonomie d’action, ils ont le droit d’exister en tant qu’individu différencié...
Mais l’institution familiale perd de sa solidité pour devenir souvent monoparentale et connait parfois plusieurs reconfigurations. Dans cette histoire tourmentée, la figure du père s'affaiblit "et ne remplit plus sa fonction normative » (Ehrenberg, 2010 :228)
Le libéralisme produit certes de la liberté, en faisant sauter certains interdits, mais « le sujet est laissé en panne de référence ». Pour exister, il lui faut désormais trouver d'autres sources d'inspiration. Il ne lui est plus demandé d’obéir, de se soumettre mais de « se réaliser ». Tout le monde est invité à monter en haut de la pyramide de Maslow.
Les priorités du sujet vont donc changer : ce ne sera plus le respect des règles qui vont structurer sa destinée mais la nécessité impérieuse de s’accomplir en tant qu’individu. « Au lieu que la personne soit agie par un ordre extérieur (ou une conformité à la loi), il lui faut prendre appui sur ses ressorts internes, recourir à ses compétences mentales. Les notions de projet, de motivation, de communication sont aujourd’hui des normes. » (Ehrenberg, 2000 :16)
Ce qui devient la nouvelle norme c’est la capacité à "devenir créateur de sa propre histoire" (Sarte, ?), c’est à dire à affronter les circonstances, à prendre des initiatives, à poser des actes et à mettre en scène des comportements qui permettent la reconnaissance de sa valeur par soi – même et par autrui.
En se libérant du Surmoi, l'individu a retrouvé une certaine liberté, mais il serait illusoire de penser qu'il échappe à toutes influences. Pour faire l'expérience de sa propre valeur, il a besoin d'un Autre qui n'est pas lui. « La conscience de soi ... n'existe que dans la mesure et par le fait qu' elle existe pour une autre conscience de soi; c’est à dire qu’elle n’existe qu’en tant qu’entité reconnue » (Hegel)
Cet Autre qui va servir de référence est intériorisé sous la forme d’une instance imaginaire désignée par la psychanalyse comme l’Idéal du Moi. Cet Autre, désencombré partiellement des interdits surmoïques est maintenant habité par une autre instance qui s'est fabriquée dans les attentes idéalisées des parents et de tous les représentants de l'autorité . C'est désormais par rapport à elles qu'il devra se mesurer.
L'idéal du Moi s'est constitué dans le psychisme humain en même temps que le Surmoi. C'est simplement le versant positif du négatif. Quand le Surmoi dit "tu ne dois pas"... l'Idéal du Moi dit "je désire que tu sois" ou encore "tu dois" être ceci ou cela pour que je t'accorde mon amour, c'est à dire ma reconnaissance. Si tu fais l' effort de te rapprocher de moi par tes actes, alors tu connaîtras le bonheur du Moi Idéal car pour un bref moment tu combleras nos manques et nous serons toi et moi dans la jouissance de la toute puissance.
Dans ce nouveau système psychique, le pouvoir des règles s'est considérablement affaibli et a été remplacé par celui des idéaux mais la question de la reconnaissance est toujours aussi présente. Elle place le sujet dans une tension sérieuse car il est condamné, s'il n'y prend garde, à la quête permanente d'une image positive de lui même dans le regard de cet Autre qui est "soi et tous les autres" (Liaudet, 2007).
Cette nouvelle aliénation sera constitutive de sa personnalité; les cliniciens la qualifient de narcissique. Cela peut le conduire, certes au dépassement de lui - même mais aussi à l’épuisement ou la dépression car dans cette aventure son Moi risque de se brûler au contact du feu des idéaux, comme le mythe d’Icare le rappelle bien.
De son coté, l'entreprise est confrontée à une concurrence qui s'est intensifiée et ne connait plus de frontières. Pour réussir ses défis, elle n'a plus besoin de l'obéissance des salariés mais de leur implication, de leur engagement si possible total. Elle sait inconsciemment qu'elle ne l'obtiendra pas par la soumission, alors elle va mettre en place une nouvelle manière de mobiliser les énergies humaines : Le management par la motivation appelé encore management motivationnel.
Dans les années 1990, cette approche a été particulièrement bien modélisée par un consultant Christian Lemoine. Elle s'est diffusée (et continue de se diffuser) dans de nombreuses entreprises et à contribuer à former de nombreux consultants qui se réfèrent encore à lui.
On peut la résumer en 5 point clés. Pour motiver, il faut :
- Proposer au salarié un espace d'aventure et de conquête: Les collaborateurs ont besoin de participer à un projet ambitieux, fédérateur, réaliste, harmonieux et à long terme. Ce projet soit susciter de l'enthousiasme
- Un espace de plaisir et de partage : Le plaisir prime sur la volonté ;
- Prendre en compte la dimension affective de la relation managériale
- Un univers cohérent et exigeant : On sécurise les collaborateurs en définissant des règles (Charte) et des missions (lettre de mission)
- La possibilité de progresser: Cela passe par la mise en exergue des progrès réalisés
- Une éthique pratiquée : Tout "hors jeu" ou irrespect des règles devra être sanctionné
- Des plans séquencés dans le temps : avec la mise en place d'objectifs et de bilans périodiques
Il faut bien admettre que cette approche a constitué une véritable rupture avec le management rationnel traditionnel. Elle a permis de :
- Mettre en évidence l'importance du respect et de la reconnaissance dans la relation managériale
- Clarifier rôle et la responsabilité que le manager a vis à vis de ses collaborateurs
- Montrer que les compétences managériales pouvaient s'apprendre et ne relevaient pas du seul charisme
Cette approche a suscité une réelle adhésion de la part des cadres et dirigeants de l'époque. Quelques années plus tard elle a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des sociologues s'inscrivant dans une position critique comme Max Pages, Eugène Enriquez, Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac qui l'ont qualifiée de "management managinaire" (Aubert, De Gaulejac, 1991).
S'inspirant de la psychanalyse, ils démontrent avec perspicacité que l'entreprise est un espace symbolique où se joue une dynamique imaginaire perverse. En effet, le manager pour mobiliser les motivations des individus devra non plus les soumettre par la peur de la sanction mais les séduire pour capter ce qu'il y a de plus profond en terme de motivation: le désir (libido). C'est à cette condition seulement que les salariés pourront se consacrer corps et âme aux enjeux de l'organisation.
Pour réaliser cette captation, les acteurs du "management managinaire" mettent en place des dispositifs de manipulation inconsciente. Ils demandent aux salariés de s'identifier sans réserve au culte de l'excellence. Ils les incitent à faire le "don d'eux mêmes" à l'organisation en remplaçant leurs propres idéaux par ceux de l'organisation (De Gaulejac, 1991:168).
Un dispositif de stimulation basé à la fois sur un système de primes et un système de reconnaissance symbolique sera mis en place. Les individus les plus méritants auront accès à des promotions plus rapides, à des stocks options, ....à une place de parking réservé s'ils ont été le ou la meilleur(e) vendeur(se) du mois, etc....
Pour comprendre pourquoi, les individus accepte cette transaction (inconsciente), il faut revenir à l'analyse du départ : Cela leur permet de satisfaire cette quête narcissique souterraine que leur éducation a favorisé en survalorisant l'Idéal du Moi. L'aliénation sera d'ailleurs joyeuse (Lordon, 2010) tant que le système leur procurera un sentiment de réussite, parce qu'elle contribuera à augmenter l'estime de soi. Elle pourra à l'inverse de venir dramatique en cas de rupture brutale de cette relation idéalisée qui est finalement d'ordre amoureuse...
Dans cette dynamique, les managers vont jouer un rôle essentiel, car ce sont eux qui seront chargés de réaliser cette opération de séduction idéalisation. Il leur faudra pour cela faire preuve de leadership. Des séminaires de formation intensive centrés sur l'apprentissage de nouveaux comportements managériaux leurs sont proposés. Le chef devient ici un animateur qui doit "savoir communiquer sa passion et galvaniser ses troupes pour les mener à la victoire"(De Gaulejac, 1991:92) . On lui demande d'être "un producteur de motivation" (Lemoine, 1994).
Le modèle du management motivationnel, on le voit n'est pas dénué d'ambiguïté. Le film de Cédric Klapisch "Riens du tout" le met particulièrement bien en scène.
Dans ce modèle, Le manager est encore le personnage central. C'est de lui que tout dépend. Plus que les autres il doit montrer l'exemple et se sacrifier de façon inconditionnelle à l'organisation. C'est lui qui est chargé "d'importer en permanence de la motivation (énergie) et d'exporter l'angoisse du groupe" (Lemoine, 1994). On lui demande d'être le héros de l'histoire ou tel Harry Potter, un magicien. Ce qui est épuisant....
Le problème de la posture charismatique avait déjà bien identifiée par Weber. Elle ne libère ni les managers ni les collaborateurs. Elle enferme le représentant de l'autorité dans un personnage constamment héroïque et condamne les seconds régresser comme des petits enfants. Cela n'est pas non plus sans danger pour l'équilibre psychique des protagonistes. Les dirigeants placés dans cet imaginaire comme Bernard Tapie ou Jean-Marie Messier en ont fait la preuve ainsi que les nombreux cas d'épuisement professionnel qui se sont développés ces dernières années. Les deux types d'acteurs avaient tenté l'impossible et avaient dépassé leurs limites...
Dans les années 1990, cette approche a été particulièrement bien modélisée par un consultant Christian Lemoine. Elle s'est diffusée (et continue de se diffuser) dans de nombreuses entreprises et à contribuer à former de nombreux consultants qui se réfèrent encore à lui.
On peut la résumer en 5 point clés. Pour motiver, il faut :
- Proposer au salarié un espace d'aventure et de conquête: Les collaborateurs ont besoin de participer à un projet ambitieux, fédérateur, réaliste, harmonieux et à long terme. Ce projet soit susciter de l'enthousiasme
- Un espace de plaisir et de partage : Le plaisir prime sur la volonté ;
- Prendre en compte la dimension affective de la relation managériale
- Un univers cohérent et exigeant : On sécurise les collaborateurs en définissant des règles (Charte) et des missions (lettre de mission)
- La possibilité de progresser: Cela passe par la mise en exergue des progrès réalisés
- Une éthique pratiquée : Tout "hors jeu" ou irrespect des règles devra être sanctionné
- Des plans séquencés dans le temps : avec la mise en place d'objectifs et de bilans périodiques
Il faut bien admettre que cette approche a constitué une véritable rupture avec le management rationnel traditionnel. Elle a permis de :
- Mettre en évidence l'importance du respect et de la reconnaissance dans la relation managériale
- Clarifier rôle et la responsabilité que le manager a vis à vis de ses collaborateurs
- Montrer que les compétences managériales pouvaient s'apprendre et ne relevaient pas du seul charisme
Cette approche a suscité une réelle adhésion de la part des cadres et dirigeants de l'époque. Quelques années plus tard elle a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des sociologues s'inscrivant dans une position critique comme Max Pages, Eugène Enriquez, Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac qui l'ont qualifiée de "management managinaire" (Aubert, De Gaulejac, 1991).
S'inspirant de la psychanalyse, ils démontrent avec perspicacité que l'entreprise est un espace symbolique où se joue une dynamique imaginaire perverse. En effet, le manager pour mobiliser les motivations des individus devra non plus les soumettre par la peur de la sanction mais les séduire pour capter ce qu'il y a de plus profond en terme de motivation: le désir (libido). C'est à cette condition seulement que les salariés pourront se consacrer corps et âme aux enjeux de l'organisation.
Pour réaliser cette captation, les acteurs du "management managinaire" mettent en place des dispositifs de manipulation inconsciente. Ils demandent aux salariés de s'identifier sans réserve au culte de l'excellence. Ils les incitent à faire le "don d'eux mêmes" à l'organisation en remplaçant leurs propres idéaux par ceux de l'organisation (De Gaulejac, 1991:168).
Un dispositif de stimulation basé à la fois sur un système de primes et un système de reconnaissance symbolique sera mis en place. Les individus les plus méritants auront accès à des promotions plus rapides, à des stocks options, ....à une place de parking réservé s'ils ont été le ou la meilleur(e) vendeur(se) du mois, etc....
Pour comprendre pourquoi, les individus accepte cette transaction (inconsciente), il faut revenir à l'analyse du départ : Cela leur permet de satisfaire cette quête narcissique souterraine que leur éducation a favorisé en survalorisant l'Idéal du Moi. L'aliénation sera d'ailleurs joyeuse (Lordon, 2010) tant que le système leur procurera un sentiment de réussite, parce qu'elle contribuera à augmenter l'estime de soi. Elle pourra à l'inverse de venir dramatique en cas de rupture brutale de cette relation idéalisée qui est finalement d'ordre amoureuse...
Dans cette dynamique, les managers vont jouer un rôle essentiel, car ce sont eux qui seront chargés de réaliser cette opération de séduction idéalisation. Il leur faudra pour cela faire preuve de leadership. Des séminaires de formation intensive centrés sur l'apprentissage de nouveaux comportements managériaux leurs sont proposés. Le chef devient ici un animateur qui doit "savoir communiquer sa passion et galvaniser ses troupes pour les mener à la victoire"(De Gaulejac, 1991:92) . On lui demande d'être "un producteur de motivation" (Lemoine, 1994).
Le modèle du management motivationnel, on le voit n'est pas dénué d'ambiguïté. Le film de Cédric Klapisch "Riens du tout" le met particulièrement bien en scène.
Dans ce modèle, Le manager est encore le personnage central. C'est de lui que tout dépend. Plus que les autres il doit montrer l'exemple et se sacrifier de façon inconditionnelle à l'organisation. C'est lui qui est chargé "d'importer en permanence de la motivation (énergie) et d'exporter l'angoisse du groupe" (Lemoine, 1994). On lui demande d'être le héros de l'histoire ou tel Harry Potter, un magicien. Ce qui est épuisant....
Le problème de la posture charismatique avait déjà bien identifiée par Weber. Elle ne libère ni les managers ni les collaborateurs. Elle enferme le représentant de l'autorité dans un personnage constamment héroïque et condamne les seconds régresser comme des petits enfants. Cela n'est pas non plus sans danger pour l'équilibre psychique des protagonistes. Les dirigeants placés dans cet imaginaire comme Bernard Tapie ou Jean-Marie Messier en ont fait la preuve ainsi que les nombreux cas d'épuisement professionnel qui se sont développés ces dernières années. Les deux types d'acteurs avaient tenté l'impossible et avaient dépassé leurs limites...
Le burn Out ou la brûlure de l'idéalité
Marie, ex cadre dans une société immobilière à vocation sociale a été victime du fameux syndrome d'épuisement professionnel en 2013. Son cas illustre assez bien la problématique du management "managinaire". Sa pathologie a été reconnue récemment comme maladie professionnelle.
" Je suis rentrée dans cette boite comme simple secrétaire, il y a 28 ans, je me suis formée sur le tas et j'ai peu à peu gravi les échelons. Jusqu'à prendre des prendre des responsabilités importantes (Reconnaissance interne), dirigeant une équipe de plusieurs personnes. j'aimais (passionnément) mon travail , je voulais faire avancer cette entreprise (forte identification à l'organisation),. J'étais forte (Moi Idéal activée grâce à la reconnaissance accordée par l'entreprise). Mais avec le départ de mon directeur (Transfert sur une figure d'autorité support de la reconnaissance) ; il y a trois ans, je me suis retrouvée sans interlocuteur avec une fonction de direction à assumer et cela sans aucun pouvoir (Situation paradoxale et rupture des appuis. Moi qui avait l'habitude de travailler douze à quatorze heures par jour, j'ai craqué ! (Don de soi jusqu'à la brûlure de l'idéalité, liée à la mission impossible). On m'a dit que ce je faisais ne représentait rien (Effondrement narcissique, perte d'estime de soi). Pourtant dans ma vie, j'ai vécu des événements graves et je n'avais jamais vraiment baissé les bras. Avec le recul, je pense avoir très mal vécu un certain manque de reconnaissance. A la limite du harcèlement moral.
"Quand on est en burn out, c'est une horreur, on ne croit plus en rien (Rupture de l'Idéalisation). Alors quand une institution comme la sécurité sociale classe votre pathologie en maladie professionnelle. Ca m'a fait du bien (Résilience partielle). Moi, ca m'a permis de redresser la tête. Pendant un an, je ne suis plus sortir de chez moi, je ne me maquillais plus, moi qui avait toujours été très coquette (Perte d'estime de soi, effondrement du Moi). Je suis passé devant plusieurs experts d'une commission, des personnes très compétentes (Idéalisation). Devant elles, j'ai fondu en larmes et je leur ai dit : " Excusez moi, je ne peux pas me contrôler"(Fragilité du Moi - Transfert sur des figures d'autorité). Ils m'ont répondu : Ne vous en faites pas. On a reçu des hommes, cadres supérieurs, dans le même état que vous ". Je prends toujours un traitement médicamenteux et je vois régulièrement un psy. ... Le bénéfice de ce jugement est surtout mental : ça permet de dire que non, on n'a pas fabulé (Reconnaissance de sa propre pertinence - Réassurance). Aujourd'hui je suis toujours incapable de reprendre un travail. La médecine du travail a reconnu que je n'étais pas apte."
Marie, ex cadre dans une société immobilière à vocation sociale a été victime du fameux syndrome d'épuisement professionnel en 2013. Son cas illustre assez bien la problématique du management "managinaire". Sa pathologie a été reconnue récemment comme maladie professionnelle.
" Je suis rentrée dans cette boite comme simple secrétaire, il y a 28 ans, je me suis formée sur le tas et j'ai peu à peu gravi les échelons. Jusqu'à prendre des prendre des responsabilités importantes (Reconnaissance interne), dirigeant une équipe de plusieurs personnes. j'aimais (passionnément) mon travail , je voulais faire avancer cette entreprise (forte identification à l'organisation),. J'étais forte (Moi Idéal activée grâce à la reconnaissance accordée par l'entreprise). Mais avec le départ de mon directeur (Transfert sur une figure d'autorité support de la reconnaissance) ; il y a trois ans, je me suis retrouvée sans interlocuteur avec une fonction de direction à assumer et cela sans aucun pouvoir (Situation paradoxale et rupture des appuis. Moi qui avait l'habitude de travailler douze à quatorze heures par jour, j'ai craqué ! (Don de soi jusqu'à la brûlure de l'idéalité, liée à la mission impossible). On m'a dit que ce je faisais ne représentait rien (Effondrement narcissique, perte d'estime de soi). Pourtant dans ma vie, j'ai vécu des événements graves et je n'avais jamais vraiment baissé les bras. Avec le recul, je pense avoir très mal vécu un certain manque de reconnaissance. A la limite du harcèlement moral.
"Quand on est en burn out, c'est une horreur, on ne croit plus en rien (Rupture de l'Idéalisation). Alors quand une institution comme la sécurité sociale classe votre pathologie en maladie professionnelle. Ca m'a fait du bien (Résilience partielle). Moi, ca m'a permis de redresser la tête. Pendant un an, je ne suis plus sortir de chez moi, je ne me maquillais plus, moi qui avait toujours été très coquette (Perte d'estime de soi, effondrement du Moi). Je suis passé devant plusieurs experts d'une commission, des personnes très compétentes (Idéalisation). Devant elles, j'ai fondu en larmes et je leur ai dit : " Excusez moi, je ne peux pas me contrôler"(Fragilité du Moi - Transfert sur des figures d'autorité). Ils m'ont répondu : Ne vous en faites pas. On a reçu des hommes, cadres supérieurs, dans le même état que vous ". Je prends toujours un traitement médicamenteux et je vois régulièrement un psy. ... Le bénéfice de ce jugement est surtout mental : ça permet de dire que non, on n'a pas fabulé (Reconnaissance de sa propre pertinence - Réassurance). Aujourd'hui je suis toujours incapable de reprendre un travail. La médecine du travail a reconnu que je n'étais pas apte."
La figure postmoderne (2000 - vers 2020)
Nous empruntons ce terme à Pierre Olivier Gros, fondateur du site "Management Post Moderne". La notion de post modernité a été utilisée pour souligner la mutation profonde qui désormais caractérise les nouvelles attentes et comportements des individus au travail. Ceux - ci en effet, par l'intermédiaire des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication voient leur rapport au temps caractérisé "par le culte du présent, la valorisation des valeurs hédonistes du Bien-être et de l'accomplissement de soi, le goût des loisirs, l’attrait pour les nouveautés, la promotion des plaisirs de l’existence, éléments qui contribuent à faire de l’individualisme hédoniste une des valeurs phares des sociétés démocratiques" (Charles, 2006).
Prendre en compte ce qu'il faut bien appeler les nouvelles motivations des collaborateurs, demandent aux managers post modernes d'être capables de:
1°) Faire en sorte qu'ils puissent vivre une passion dans leur travail
2°) Proposer des expériences intenses plutôt qu'une relation sécurisante sur la durée
3°) Faire en sorte que la communauté de travail soit un lieu de convivialité
4°) Faire du travail un espace de jeux et de plaisir
5°) Prendre en compte et reconnaître les contributions de chacun
6°) Donner du sens (Le pourquoi)
7°) Laisser les salariés réaliser librement l'action comme ils l'entendent
Ils disposent pour cela de 6 nouveaux leviers:
1°) La magification : Cela repose par la capacité du manager à transmettre une vision sublimée de la vocation de l'entreprise
2°) La ludification : ou l'art de transformer le travail en jeu
3°) L'initiation: qui peut se traduire comme la capacité à favoriser un développement professionnel permanent
4°) la concentration sur l'utile : C'est plus l'intelligence de l'action qui importe plutôt que la quantité de travail
5°) La singularisation: Le salarié est une personne invité à développer sa singularité en proposant des idées nouvelles
6°) La sacralisation: Protéger ce qui est essentiel et vital pour sa tribu
Cette conception qu'on retrouve très bien décrite sur le site MPM est assez proche de celle de Gary Hamel, qui avait prédit dans un récent ouvrage "La fin du Management" ou en tout cas de ses formes autoritaires estimant que celles -ci devenaient "un véritable problème" face à la nécessité de développer l'innovation dans les organisations.
C'est selon lui, au manager d'inventer les conditions qui permettront aux collaborateurs de s'impliquer avec confiance et d'exprimer avec passion leur créativité, qualités qu'il place bien au dessus de l'expertise et de l'obéissance. "Si l’entreprise veut de l’innovation et de l’inattendu, elle doit laisser la possibilité aux salariés de le provoquer". Les entreprises accordent trop peu d'importance aux conséquences invisibles de ces conceptions névrotiques. En réalité, un modèle inadapté de management constitue "un désavantage concurrentiel".
Le management postmoderne pouvait laisser espérer une rupture significative avec le management moderne des années 90. Il est certes l'expression d'une prise de conscience des formes mortifères du management traditionnel et est porteur d'une réelle volonté de libérer les énergies. Mais les principes comme les méthodes qu'il propose semblent quand même très proches du management motivationnel des années 1990. On y retrouve la même importance du manager présenté à nouveau comme un "ré enchanteur", "magicien", "ludifificateur" ..., de la motivation intrinsèque et la reconnaissance.
Pour la sociologue Danièle Linhart , ces théories euphorisantes ne sont pas sans ambiguïté. En glorifiant à ce point la passion et l'implication, elles rendent difficile la nécessaire mise à distance du sujet avec l'organisation. On y retrouverait donc tous les aspects iatrogènes du management motivationnel déjà évoqués précédemment. Pour elle, tout cela relèverait d'une véritable "comédie humaine" (2015), titre de son dernier ouvrage.
Il est vrai qu'on peut s'interroger sur la dimension véritablement humaniste du modèle quand on entend Gary Hamel déclarer : "que Le nouveau modèle devra être davantage comme le marché, et moins comme les sociétés du passé. Il devra être flexible, agile, capable de s’adapter rapidement aux évolutions du marché, et impitoyable à réaffecter des ressources à de nouvelles opportunités."
On peut se demander si, en cherchant à "libérer" les salariés des formes prescriptives de l'ancien pouvoir, il ne contribuerait pas à "libéraliser" leurs relations quotidiennes et du coup les mettre en compétition permanente les uns par rapport aux autres ?
Prendre en compte ce qu'il faut bien appeler les nouvelles motivations des collaborateurs, demandent aux managers post modernes d'être capables de:
1°) Faire en sorte qu'ils puissent vivre une passion dans leur travail
2°) Proposer des expériences intenses plutôt qu'une relation sécurisante sur la durée
3°) Faire en sorte que la communauté de travail soit un lieu de convivialité
4°) Faire du travail un espace de jeux et de plaisir
5°) Prendre en compte et reconnaître les contributions de chacun
6°) Donner du sens (Le pourquoi)
7°) Laisser les salariés réaliser librement l'action comme ils l'entendent
Ils disposent pour cela de 6 nouveaux leviers:
1°) La magification : Cela repose par la capacité du manager à transmettre une vision sublimée de la vocation de l'entreprise
2°) La ludification : ou l'art de transformer le travail en jeu
3°) L'initiation: qui peut se traduire comme la capacité à favoriser un développement professionnel permanent
4°) la concentration sur l'utile : C'est plus l'intelligence de l'action qui importe plutôt que la quantité de travail
5°) La singularisation: Le salarié est une personne invité à développer sa singularité en proposant des idées nouvelles
6°) La sacralisation: Protéger ce qui est essentiel et vital pour sa tribu
Cette conception qu'on retrouve très bien décrite sur le site MPM est assez proche de celle de Gary Hamel, qui avait prédit dans un récent ouvrage "La fin du Management" ou en tout cas de ses formes autoritaires estimant que celles -ci devenaient "un véritable problème" face à la nécessité de développer l'innovation dans les organisations.
C'est selon lui, au manager d'inventer les conditions qui permettront aux collaborateurs de s'impliquer avec confiance et d'exprimer avec passion leur créativité, qualités qu'il place bien au dessus de l'expertise et de l'obéissance. "Si l’entreprise veut de l’innovation et de l’inattendu, elle doit laisser la possibilité aux salariés de le provoquer". Les entreprises accordent trop peu d'importance aux conséquences invisibles de ces conceptions névrotiques. En réalité, un modèle inadapté de management constitue "un désavantage concurrentiel".
Le management postmoderne pouvait laisser espérer une rupture significative avec le management moderne des années 90. Il est certes l'expression d'une prise de conscience des formes mortifères du management traditionnel et est porteur d'une réelle volonté de libérer les énergies. Mais les principes comme les méthodes qu'il propose semblent quand même très proches du management motivationnel des années 1990. On y retrouve la même importance du manager présenté à nouveau comme un "ré enchanteur", "magicien", "ludifificateur" ..., de la motivation intrinsèque et la reconnaissance.
Pour la sociologue Danièle Linhart , ces théories euphorisantes ne sont pas sans ambiguïté. En glorifiant à ce point la passion et l'implication, elles rendent difficile la nécessaire mise à distance du sujet avec l'organisation. On y retrouverait donc tous les aspects iatrogènes du management motivationnel déjà évoqués précédemment. Pour elle, tout cela relèverait d'une véritable "comédie humaine" (2015), titre de son dernier ouvrage.
Il est vrai qu'on peut s'interroger sur la dimension véritablement humaniste du modèle quand on entend Gary Hamel déclarer : "que Le nouveau modèle devra être davantage comme le marché, et moins comme les sociétés du passé. Il devra être flexible, agile, capable de s’adapter rapidement aux évolutions du marché, et impitoyable à réaffecter des ressources à de nouvelles opportunités."
On peut se demander si, en cherchant à "libérer" les salariés des formes prescriptives de l'ancien pouvoir, il ne contribuerait pas à "libéraliser" leurs relations quotidiennes et du coup les mettre en compétition permanente les uns par rapport aux autres ?
La figure du Management libéré (ou hypermoderne ?) (1990 et suivante ...)
Le mouvement pour l 'Organisation et le Management du XXI° siècle a déjà fait un gros travail de recherche sur les invariants qui caractérisent ce nouveau modèle qui émerge depuis quelques années, d'abord de façon confidentielle pour se répandre aujourd'hui dans de nombreuses entreprises, les petites comme les grandes dans le Monde.
La première étude réalisée en France a porté sur 26 entreprises et à permis d'identifier 21 caractéristiques toujours présentes à des degrés divers dans les entreprises dites en voie de libération.
Malgré la diversité des expériences, 7 points significatifs émergent de cette analyse, introduisant clairement une rupture par rapport à tous les modèles précédents:
1°) Etablir des relations de confiance a priori avec les collaborateurs
2°) Abandonner la posture paranoïaque de contrôle permanent des salariés
3°) Alléger au maximum la structure hiérarchique
4°) Concevoir l'entreprise comme une communauté
5°) Responsabiliser les collaborateurs en leur laissant prendre l'initiative de l'action
6°) Manager par le sens plutôt que par les procédures
7°) Favoriser le bien être au travail
La perspective peut paraître utopique et naïve mais elle a été mise en place avec succès dans de nombreuses entreprises animées par des dirigeants devenus souvent des militants de cette façon plus démocratique de distribuer le pouvoir dans l'entreprise.
Le modèle de la sociocratie développée par Gerard Endenbourg est particulièrement intéressant à étudier car il a probablement inspirés beaucoup d'entrepreneurs libérateurs même si cette source est rarement citée par eux. L'approfondissement de ce modèle, déjà rapidement évoqué dans la partie historique de cet article permettra de mieux comprendre l'originalité (et non pas la radicalité!) de la rupture.
John Buck et Gilles Charest, dans leur ouvrage sur la sociocratie explique clairement les spécificités de la sociocratie. Il est important de comprendre que celle - ci ne prône pas la disparition de l'ancienne structure hiérarchique, contrairement à d'autres modèles qui se prétendent plus radicaux. Elle propose simplement une méthodologie de distribution du pouvoir qui vise à favoriser en priorité l'intelligence collective plutôt qu'à renforcer le pouvoir des managers.
Pour y parvenir, elle propose de superposer à la structure traditionnelle (sa forme est un autre problème!) une structure en cercles de concertation. Ces cercles, dits semi-autonomes, "sont les compléments naturels de la structure hiérarchique de l'organisation" (Charest, 2007). La structure hiérarchique garde la fonction de coordination de l'action mais est considérée comme inappropriée pour prendre les décisions qui vont déterminer la direction à prendre et encore plus la manière d'y parvenir (Le comment!). Ils constituent des "espaces de délibération" , de discussion et d'échange où le pouvoir sera équitablement partagé entre tous les acteurs. L'image du cercle n'est pas choisie par hasard. Elle renvoie au partage et à l'intimité. Dans un cercle, les membres sont au même niveau.
Chaque cercle est composé du manager du département, des membres de l'équipe de travail,d'un animateur sociocratique, un secrétaire et d'un représentant d'un cercle dit de supervision. Ces 4 personnages sont également appelés "les officiers du cercle de concertation".
Chaque cercle devra fonctionner sur des modalités qui visent à favoriser la réflexion collective et des prises de décisions démocratiques:
- L'animateur, le secrétaire comme les représentants de supervision sont élus par un système d'élection dit par consentement. Le consentement signifie qu'aucune décision ne sera prise tant qu'il subsistera dans le groupe des objections reposant sur des arguments valables.
- Les décisions sont prises par le biais d'un processus appelé le consentement. Le consentement ne signifie pas consensus. La décision sera prise non pas si tout le monde est d'accord mais quand il n'y aura plus d'émissions d'objections jugées rationnellement acceptables par les membres du cercle.
- Le facilitateur est désigné lors d'une élection dite sans candidat. Les membres du groupe désigne sur un bulletin la personne en laquelle ils ont le plus confiance pour assurer cette mission. Puis l'animateur de l'élection fait un tour de table où chacun va motiver son choix. Si la personne désignée refuse l'élection, un nouveau tour de table sera effectué.
La durée d'un cercle est habituellement d'un an. Ses missions sont définies par le cercle supérieur mais fera évidemment l'objet d'un "consentement" collectif avant sa mise en oeuvre.
- Chaque cercle est articulé à au cercle supérieur dit cercle de supervision: c'est le système dit du "double lien". Ce dernier est représenté dans chaque cercle par un membre du cercle de supervision. Il peut émettre des opinions mais n'a aucunement de rôle hiérarchique. Ce membre du cercle de supervision a fait lui aussi l'objet d'une élection par l'ensemble des salariés. Ce sont donc des personnes reconnues et appréciées en qui le personnel a confiance.
On distingue deux niveaux dans la structure des cercles. Des cercles constitués des superviseurs qui, rappelons le, sont élus, et des cercles rassemblant les employés par département. Les premiers interviennent essentiellement sur le plan stratégique tandis que les seconds se concentrent sur la dimension opérationnelle. Mais le système en double lien fonctionne aussi sur un monde ascendant puisque les animateurs des cercles opérationnels sont associés à la vie des cercles des superviseurs. Outre les aspects liés aux problèmes ou projets en cours, les cercles peuvent avoir des rôles très divers comme celui du recrutement, de la formation, des sanctions disciplinaires, voire de licenciements...
Pour conclure, on peut dire que la sociocratie relève d'une véritable ingénierie sociale qui repose sur 4 points :
- Le consentement
- L'élection des personnes
- Le cercle
- Le double lien
Ce qui intéressant dans ce modèle c'est sa cohérence. L'autorité des managers est toujours présente mais elle est équilibrée par le contre pouvoir du groupe. C'est dans cet antagonisme que résulte sa maturité. Dans ce modèle les deux figures d'autorité sont associées celle de la figure paternelle qui permet la différenciation et celle de la mère soucieuse du vivre ensemble dans la paix et l'harmonie. Peut - on séparer les deux ?
La première étude réalisée en France a porté sur 26 entreprises et à permis d'identifier 21 caractéristiques toujours présentes à des degrés divers dans les entreprises dites en voie de libération.
Malgré la diversité des expériences, 7 points significatifs émergent de cette analyse, introduisant clairement une rupture par rapport à tous les modèles précédents:
1°) Etablir des relations de confiance a priori avec les collaborateurs
2°) Abandonner la posture paranoïaque de contrôle permanent des salariés
3°) Alléger au maximum la structure hiérarchique
4°) Concevoir l'entreprise comme une communauté
5°) Responsabiliser les collaborateurs en leur laissant prendre l'initiative de l'action
6°) Manager par le sens plutôt que par les procédures
7°) Favoriser le bien être au travail
La perspective peut paraître utopique et naïve mais elle a été mise en place avec succès dans de nombreuses entreprises animées par des dirigeants devenus souvent des militants de cette façon plus démocratique de distribuer le pouvoir dans l'entreprise.
Le modèle de la sociocratie développée par Gerard Endenbourg est particulièrement intéressant à étudier car il a probablement inspirés beaucoup d'entrepreneurs libérateurs même si cette source est rarement citée par eux. L'approfondissement de ce modèle, déjà rapidement évoqué dans la partie historique de cet article permettra de mieux comprendre l'originalité (et non pas la radicalité!) de la rupture.
John Buck et Gilles Charest, dans leur ouvrage sur la sociocratie explique clairement les spécificités de la sociocratie. Il est important de comprendre que celle - ci ne prône pas la disparition de l'ancienne structure hiérarchique, contrairement à d'autres modèles qui se prétendent plus radicaux. Elle propose simplement une méthodologie de distribution du pouvoir qui vise à favoriser en priorité l'intelligence collective plutôt qu'à renforcer le pouvoir des managers.
Pour y parvenir, elle propose de superposer à la structure traditionnelle (sa forme est un autre problème!) une structure en cercles de concertation. Ces cercles, dits semi-autonomes, "sont les compléments naturels de la structure hiérarchique de l'organisation" (Charest, 2007). La structure hiérarchique garde la fonction de coordination de l'action mais est considérée comme inappropriée pour prendre les décisions qui vont déterminer la direction à prendre et encore plus la manière d'y parvenir (Le comment!). Ils constituent des "espaces de délibération" , de discussion et d'échange où le pouvoir sera équitablement partagé entre tous les acteurs. L'image du cercle n'est pas choisie par hasard. Elle renvoie au partage et à l'intimité. Dans un cercle, les membres sont au même niveau.
Chaque cercle est composé du manager du département, des membres de l'équipe de travail,d'un animateur sociocratique, un secrétaire et d'un représentant d'un cercle dit de supervision. Ces 4 personnages sont également appelés "les officiers du cercle de concertation".
Chaque cercle devra fonctionner sur des modalités qui visent à favoriser la réflexion collective et des prises de décisions démocratiques:
- L'animateur, le secrétaire comme les représentants de supervision sont élus par un système d'élection dit par consentement. Le consentement signifie qu'aucune décision ne sera prise tant qu'il subsistera dans le groupe des objections reposant sur des arguments valables.
- Les décisions sont prises par le biais d'un processus appelé le consentement. Le consentement ne signifie pas consensus. La décision sera prise non pas si tout le monde est d'accord mais quand il n'y aura plus d'émissions d'objections jugées rationnellement acceptables par les membres du cercle.
- Le facilitateur est désigné lors d'une élection dite sans candidat. Les membres du groupe désigne sur un bulletin la personne en laquelle ils ont le plus confiance pour assurer cette mission. Puis l'animateur de l'élection fait un tour de table où chacun va motiver son choix. Si la personne désignée refuse l'élection, un nouveau tour de table sera effectué.
La durée d'un cercle est habituellement d'un an. Ses missions sont définies par le cercle supérieur mais fera évidemment l'objet d'un "consentement" collectif avant sa mise en oeuvre.
- Chaque cercle est articulé à au cercle supérieur dit cercle de supervision: c'est le système dit du "double lien". Ce dernier est représenté dans chaque cercle par un membre du cercle de supervision. Il peut émettre des opinions mais n'a aucunement de rôle hiérarchique. Ce membre du cercle de supervision a fait lui aussi l'objet d'une élection par l'ensemble des salariés. Ce sont donc des personnes reconnues et appréciées en qui le personnel a confiance.
On distingue deux niveaux dans la structure des cercles. Des cercles constitués des superviseurs qui, rappelons le, sont élus, et des cercles rassemblant les employés par département. Les premiers interviennent essentiellement sur le plan stratégique tandis que les seconds se concentrent sur la dimension opérationnelle. Mais le système en double lien fonctionne aussi sur un monde ascendant puisque les animateurs des cercles opérationnels sont associés à la vie des cercles des superviseurs. Outre les aspects liés aux problèmes ou projets en cours, les cercles peuvent avoir des rôles très divers comme celui du recrutement, de la formation, des sanctions disciplinaires, voire de licenciements...
Pour conclure, on peut dire que la sociocratie relève d'une véritable ingénierie sociale qui repose sur 4 points :
- Le consentement
- L'élection des personnes
- Le cercle
- Le double lien
Ce qui intéressant dans ce modèle c'est sa cohérence. L'autorité des managers est toujours présente mais elle est équilibrée par le contre pouvoir du groupe. C'est dans cet antagonisme que résulte sa maturité. Dans ce modèle les deux figures d'autorité sont associées celle de la figure paternelle qui permet la différenciation et celle de la mère soucieuse du vivre ensemble dans la paix et l'harmonie. Peut - on séparer les deux ?
Une fonction de contestatation et de rebellion
Les entreprises libérées sont porteuses d'une mythologie : celle de la libération. De quoi finalement essayent elles de se libérer ? Des formes du management qui, dans le passé, ont contribué au succès des économies occidentales et qui à l'évidence ne fonctionnent plus aujourd'hui. Le problème c'est que celles - ci sont encore très présentes dans les esprits de nombreux dirigeants et peut - être ce qui est pire, chez ceux qui sont chargés de les former...
Les entreprises doivent aujourd'hui intégrer les nouvelles représentations sociales de l'autorité, conséquences de l'évolution des structures familiales et évoluer vers la compétitivité hors prix qui repose sur la logique de don. Ce sont les deux raisons principales qui peuvent expliquer l'impérieuse nécessité e concevoir de nouveaux modèles de management tant sur les plans stratégiques qu'opérationnels.
Mais l'excentricité et l'exubérance des formes manifestées restent des signes à déchiffrer. D'un point de vue anthropologique, elles présentent des allures messianiques et sont diffusés par des partisans qui prennent parfois des postures de prophètes.
Ces excès ont un sens. On peut les entendre comme des réponses "à une société menacée du dedans ou dehors dans ses fondements: des foules exploitées, assoiffées d'absolu et de justice sociale se rassemblant autour de grands prophètes ou de petits illuminés en transformant leur désespoir en espérances". (Laplantine, 1974)
Les salariés comme certains de leurs managers, un peu éclairés, constatent chaque jour qu'ils sont dans une impasse définitive. Le thème lancinant de la souffrance au travail en est une preuve. Les acteurs sont confrontés à la fin d'un monde (paradigme) tandis qu'un autre émerge du chaos. C'est un temps où les Hommes ont besoin de transformer leur désespoir en espérance. L'imagination collective produit alors des "utopies" qui préfigurent ce nouveau monde.
La mythologie des entreprises libérées a plusieurs fonctions mais la plus intéressante est celle de la contestation. Elle exprime une révolte contre un ordre devenu désuet dont les entreprises doivent se libérer pour survivre et continuer à se développer. Elle leur suggère de sortir d'une conception archaïque et féodale du pouvoir en établissant des relations sociales plus équilibrées entre les acteurs. En ce sens, cette mythologie est aussi politique si on entend par ce terme l'ensemble des rapports de force qui sont à l'oeuvre dans une société.
L'empressement de ses partisans, voire ses fanatiques, à transformer l'entreprise en cité idéale nous font penser que plus encore que le messianisme, elle relève de la "possession" car ils ne supportent pas l'attente. Ses nouveaux représentants sont tellement impatients de transformer les organisations qu'ils donnent l'impression de "court - circuiter le temps".
Ce surinvestissement passionnel est la preuve que ce mouvement est animé de puissants idéaux. Il permettra certainement de démanteler les routines conservatrices du passé pour faire naître des alternatives nouvelles. Il est très tentant de rentrer dans cette fête mais ils serait très dommage de n'en retenir que les fantasmes...
Les entreprises doivent aujourd'hui intégrer les nouvelles représentations sociales de l'autorité, conséquences de l'évolution des structures familiales et évoluer vers la compétitivité hors prix qui repose sur la logique de don. Ce sont les deux raisons principales qui peuvent expliquer l'impérieuse nécessité e concevoir de nouveaux modèles de management tant sur les plans stratégiques qu'opérationnels.
Mais l'excentricité et l'exubérance des formes manifestées restent des signes à déchiffrer. D'un point de vue anthropologique, elles présentent des allures messianiques et sont diffusés par des partisans qui prennent parfois des postures de prophètes.
Ces excès ont un sens. On peut les entendre comme des réponses "à une société menacée du dedans ou dehors dans ses fondements: des foules exploitées, assoiffées d'absolu et de justice sociale se rassemblant autour de grands prophètes ou de petits illuminés en transformant leur désespoir en espérances". (Laplantine, 1974)
Les salariés comme certains de leurs managers, un peu éclairés, constatent chaque jour qu'ils sont dans une impasse définitive. Le thème lancinant de la souffrance au travail en est une preuve. Les acteurs sont confrontés à la fin d'un monde (paradigme) tandis qu'un autre émerge du chaos. C'est un temps où les Hommes ont besoin de transformer leur désespoir en espérance. L'imagination collective produit alors des "utopies" qui préfigurent ce nouveau monde.
La mythologie des entreprises libérées a plusieurs fonctions mais la plus intéressante est celle de la contestation. Elle exprime une révolte contre un ordre devenu désuet dont les entreprises doivent se libérer pour survivre et continuer à se développer. Elle leur suggère de sortir d'une conception archaïque et féodale du pouvoir en établissant des relations sociales plus équilibrées entre les acteurs. En ce sens, cette mythologie est aussi politique si on entend par ce terme l'ensemble des rapports de force qui sont à l'oeuvre dans une société.
L'empressement de ses partisans, voire ses fanatiques, à transformer l'entreprise en cité idéale nous font penser que plus encore que le messianisme, elle relève de la "possession" car ils ne supportent pas l'attente. Ses nouveaux représentants sont tellement impatients de transformer les organisations qu'ils donnent l'impression de "court - circuiter le temps".
Ce surinvestissement passionnel est la preuve que ce mouvement est animé de puissants idéaux. Il permettra certainement de démanteler les routines conservatrices du passé pour faire naître des alternatives nouvelles. Il est très tentant de rentrer dans cette fête mais ils serait très dommage de n'en retenir que les fantasmes...
"Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière !"
Bibliographie et Sitographie
Bibliographie
Aubert N., De Gaulejac (1991), Le coût de l'excellence, Editions du Seuil
Barthes R (2010), Mythologies, Editions du Seuil
Braudel F. (2014), La dynamique du capitalisme, Flammarion
Durand G (1996), Introduction à la mythodologie, Albin Michel
Ehrenberg A. (2010), La société du malaise, Editions Odile Jacob
Ehrenberg A. (2000), La fatigue d'être soi, Editions Odile Jacob
Enriquez E. (1997), Les jeux du pouvoir et du désir dans l'entreprise, Editions Desclée de Brouwer
Enriquez E. (2007), Clinique du pouvoir, les figures du maître, Editions Eres
Fournière Eugène (1910), La sociocratie (Un document exceptionnel !)
Laplantine F (1974), Les trois voix de l'imaginaire, Editions Universitaires
Liaudet JC (2007), L'impasse narcissique du libéralisme, Editions Climats
Linhart D. (2015), La comédie humaine, Editions Eres
Lordon F. (2010), Capitalisme, désir et servitude, Editions La fabrique
Mendel G. (2002): Une histoire de l'Autorité, La découverte
Mircea Eliade (1963), Aspects du mythe, Gallimard,
Pages, Bonetti, De Gaulejac, Descendre (1979), L'emprise de l'organisation, Puf
Sartre JP (1996), l'existentialisme est un humanisme, Editions Poche
Todd E. (1984), La diversité du monde, Editions du Seuil
Vasse D. (1978), Un parmi d'autres, Editions du Seuil
Sitographie Programme de recherche - Action du groupe ESC Clermont
Sur ce lien Les promoteurs du concept Liberté et Cie ( Le site du livre écrit par Isaac Getz et Brian M. Carney)
Le site de Nicolas Cordier
Le blog de l'entreprise collaborative d'Aurélie Duthoit
#entrepriseliberee
Le site de Jean-François Zobrist
Le site des "colibris"
Le centre français de Sociocratie
Une bande dessinée très pédagogique sur l'halocratie réalisée par IGI Parners Les critiques L'entreprise libérée : Entre communication et imposture par François Gueuze, expert RH
La part d'ombre des entreprises libérées par Olivier Clement
Quelques sites d'entreprises libérées Sur le chemin de la libération une expérience du groupe Innv On (Chronoflex)
L'association Eco-Attitudes
Divers Le classement des entreprises où il fait bon vivre
Ce qu'attend la génération Y de l'entreprise
Aubert N., De Gaulejac (1991), Le coût de l'excellence, Editions du Seuil
Barthes R (2010), Mythologies, Editions du Seuil
Braudel F. (2014), La dynamique du capitalisme, Flammarion
Durand G (1996), Introduction à la mythodologie, Albin Michel
Ehrenberg A. (2010), La société du malaise, Editions Odile Jacob
Ehrenberg A. (2000), La fatigue d'être soi, Editions Odile Jacob
Enriquez E. (1997), Les jeux du pouvoir et du désir dans l'entreprise, Editions Desclée de Brouwer
Enriquez E. (2007), Clinique du pouvoir, les figures du maître, Editions Eres
Fournière Eugène (1910), La sociocratie (Un document exceptionnel !)
Laplantine F (1974), Les trois voix de l'imaginaire, Editions Universitaires
Liaudet JC (2007), L'impasse narcissique du libéralisme, Editions Climats
Linhart D. (2015), La comédie humaine, Editions Eres
Lordon F. (2010), Capitalisme, désir et servitude, Editions La fabrique
Mendel G. (2002): Une histoire de l'Autorité, La découverte
Mircea Eliade (1963), Aspects du mythe, Gallimard,
Pages, Bonetti, De Gaulejac, Descendre (1979), L'emprise de l'organisation, Puf
Sartre JP (1996), l'existentialisme est un humanisme, Editions Poche
Todd E. (1984), La diversité du monde, Editions du Seuil
Vasse D. (1978), Un parmi d'autres, Editions du Seuil
Sitographie Programme de recherche - Action du groupe ESC Clermont
Sur ce lien Les promoteurs du concept Liberté et Cie ( Le site du livre écrit par Isaac Getz et Brian M. Carney)
Le site de Nicolas Cordier
Le blog de l'entreprise collaborative d'Aurélie Duthoit
#entrepriseliberee
Le site de Jean-François Zobrist
Le site des "colibris"
Le centre français de Sociocratie
Une bande dessinée très pédagogique sur l'halocratie réalisée par IGI Parners Les critiques L'entreprise libérée : Entre communication et imposture par François Gueuze, expert RH
La part d'ombre des entreprises libérées par Olivier Clement
Quelques sites d'entreprises libérées Sur le chemin de la libération une expérience du groupe Innv On (Chronoflex)
L'association Eco-Attitudes
Divers Le classement des entreprises où il fait bon vivre
Ce qu'attend la génération Y de l'entreprise